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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Italie

05 Mars 2012

5 mars 2012

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné aujourd'hui le rapport de l'Italie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapport a été présenté par le Président du Comité interministériel des droits de l'homme de l'Italie, M. Diego Brasioli, qui a souligné que le gouvernement technique mis en place en 2011 œuvrait à la création d'une commission nationale indépendante des droits de l'homme, un projet de loi étant actuellement devant la Chambre des députés. Le Gouvernement reconnaît qu'à maints égards, des préjugés et des comportements racistes persistent aujourd'hui dans certains secteurs de la société. M. Brasioli a attiré l'attention sur les stratégies visant l'intégration sociale et l'éradication de la discrimination contre les Roms, Sintis et gens du voyage qui seraient environ 200 000 en Italie et dont la moitié sont des citoyens italiens. Le «paquet sécurité», un cadre législatif en vigueur depuis 2008 qui concerne à la fois les étrangers vivant en Italie et les actes et comportements relevant de la discrimination raciale, vise à traiter effectivement la question de la migration illégale, en particulier dans le contexte des conséquences des événements qui se produisent en Afrique du Nord depuis le mois de janvier 2011 et qui ont entraîné un flux exceptionnel de migrants mettant sous pression les côtes italiennes. Cette législation n'a rien de xénophobe ni de discriminatoire à l'encontre d'un quelconque groupe ou d'une quelconque communauté, a assuré le chef de la délégation, précisant qu'elle a pour but de remédier à un phénomène qui a un caractère urgent du fait de son impact et de sa relation avec la criminalité organisée.

La délégation italienne était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) et du Comité interministériel des droits de l'homme. Elle a fourni aux membres du Comité des compléments d'information en ce qui concerne notamment l'impact de la crise financière actuelle; l'arrêt rendu par la Cour de justice européenne concernant l'expulsion d'un groupe d'immigrés illégaux en 2009; les questions de migration et l'urgence de l'intégration; les critères d'octroi de la nationalité; ou encore la situation des Roms, Sintis et gens du voyage. À cet égard, le premier engagement pris par les autorités italiennes dans le cadre de la stratégie en faveur des communautés rom et sinti est de parvenir à l'adoption d'un projet de loi reconnaissant ces minorités en tant que minorités nationales, a indiqué la délégation. Un organe de représentation des communautés rom et sinti devrait aussi être créé. Travail, santé et logement sont les trois piliers de la stratégie envisagée en faveur des Roms, a précisé la délégation.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Italie, M. Nourredine Amir, a fait observer que la discrimination raciale et la ségrégation touchent en Italie toutes les minorités nationales, toutes les ethnies et en particulier les Roms, les Sintis, mais également les Arabes et les musulmans. «Il y a une islamophobie qui se développe dangereusement dans ce pays», a-t-il déclaré M. Amir. Il a notamment invité l'Italie à créer une commission nationale indépendante pour la promotion et la protection des droits de l'homme, sur la base des Principes de Paris; à mettre en œuvre le jugement du Conseil d'État relatif au décret sur les questions d'urgence relatives aux nomades; à mettre un terme à l'activité des groupes racistes, notamment sur l'Internet; à incorporer les circonstances aggravantes pour la motivation raciste d'un crime; et à faciliter l'obtention de la nationalité italienne pour les enfants nés ou élevés en Italie et pour les résidents de longue date. Des recommandations peuvent également être proposées aux autorités italiennes au sujet des migrants, des réfugiés et des requérants d'asile, notamment ceux provenant d'Afrique du Nord, qui ne devraient pas être expulsés mais accueillis dignement.

Le Comité rendra publiques ses observations finales sur le rapport de l'Italie à la clôture des travaux, vendredi 9 mars, date de la prochaine séance publique du Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays (CERD/C/ITA/16-18), le chef de la délégation italienne, M. DIEGO BRASIOLI, Président du Comité interministériel des droits de l'homme de l'Italie, a souligné que depuis les derniers mois de l'année 2011, l'Italie a connu un nouveau cadre politique, avec la mise en place d'un gouvernement technique, alors que la crise financière mondiale avait amené l'Union européenne et ses États membres à adopter des mesures économiques ad hoc.

M. Brasioli a rappelé que dans le cadre de l'Examen périodique universel, en 2010, il a été recommandé à l'Italie de créer une commission nationale indépendante des droits de l'homme. Le Gouvernement œuvre à la création d'une telle commission, un projet de loi en ce sens ayant été adopté par le Sénat et se trouvant à l'heure actuelle à l'examen par la Chambre des députés.

Le chef de la délégation italienne a rappelé que son pays avait joué un rôle important dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme qui s'était tenue à Durban (Afrique du Sud) en 2010; en 2009, l'Italie, avec les autres membres de l'Union européenne s'était retiré de la Conférence d'examen mais n'en est pas moins déterminé à renouveler son engagement en termes de contribution au travail continu du Groupe de travail intergouvernemental chargé du suivi de la Déclaration et du Programme d'action de Durban.

M. Brasioli a ensuite assuré que les prochaines observations finales du Comité seraient dûment traduites.

Le principe de non-discrimination est inscrit à l'article 3 de la Constitution italienne, a ensuite souligné le Président du Comité interministériel des droits de l'homme. Grâce au décret législatif n°215, du 9 juillet 2003, la directive européenne 2000/43, qui contient d'importantes dispositions réglementaires et administratives concernant la protection contre toutes les formes de discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, a été transposée en droit interne.

Le Gouvernement italien reconnaît qu'à maints égards, des préjugés et des comportements racistes persistent aujourd'hui dans certains secteurs de la société italienne, a poursuivi M. Brasioli. Ajoutant que des efforts soutenus sont requis pour les éradiquer, il a fait observer qu'à cette fin, les mesures législatives ne sauraient suffire; il est également important de travailler sur le terrain, sur les territoires, en vue d'une interaction fructueuse entre les cultures, les principes et les valeurs d'origines différentes.

Évoquant le cadre juridique italien, M. Brasioli a souligné qu'il comporte des dispositions spécifiques visant à combattre les discours racistes et xénophobes. La législation en vigueur sanctionne aussi la constitution d'organisations, d'associations, de mouvements ou de groupes dont les objectifs comportent notamment l'incitation à la discrimination ou à la violence à caractère racial, ethnique ou religieux; elle prévoit en outre des circonstances aggravantes particulières pour tous les crimes commis sur la base de la discrimination ou de la haine raciale. Ces dispositions ont été invoquées dans plusieurs jugements récents rendus par des tribunaux italiens, a fait valoir M. Brasioli.

Le Bureau national de lutte contre les discriminations raciales (UNAR) est un instrument efficace, comme cela a été reconnu par la communauté internationale, a par ailleurs souligné M. Brasioli. Ce Bureau est totalement indépendant et s'est doté progressivement de plusieurs centres territoriaux aux niveaux des régions, des provinces et des communes. Ces dernières années, le Bureau a encouragé un certain nombre d'initiatives visant à sensibiliser le public aux questions de discrimination, a-t-il insisté. Un Observatoire pour la sécurité contre les actes discriminatoires du Ministère de l'intérieur a également été mis en place, a indiqué M. Brasioli. En 2010, a-t-il également indiqué, un Observatoire ad hoc sur le racisme et les sports a été créé par l'UNAR.

M. Brasioli a ensuite attiré l'attention sur les stratégies visant l'intégration sociale et l'éradication de la discrimination contre les Roms, Sintis et gens du voyage qui seraient environ 200 000 en Italie et dont la moitié sont des citoyens italiens. L'UNAR a été désigné en 2011 comme point de convergence (focal point) de ces stratégies, dans le contexte du Cadre de l'Union européenne pour les stratégies d'intégration des Roms. Le Gouvernement italien a adopté le 24 février dernier le projet de stratégie élaboré par l'UNAR et présenté à la Commission européenne, qui marque le départ d'un processus d'intégration et d'inclusion des Roms, des Sintis et des gens du voyage en Italie.

Un nouveau cadre législatif en vigueur depuis 2008, le «paquet sécurité», concerne à la fois les étrangers vivant en Italie et les actes et comportements relevant de la discrimination raciale. Cette législation vise à traiter effectivement la question de la migration illégale, en particulier dans le contexte des conséquences des événements qui se produisent en Afrique du Nord depuis le mois de janvier 2011 et qui ont entraîné un flux exceptionnel de migrants mettant sous pression les côtes italiennes. Cette législation n'a rien de xénophobe ni de discriminatoire à l'encontre d'un quelconque groupe ou d'une quelconque communauté. Au contraire, elle a pour but de remédier à un phénomène qui a un caractère urgent du fait de son impact et de sa relation avec la criminalité organisée, laquelle exploite les migrants illégaux et les force à vivre dans des conditions de vie inacceptables par leur précarité. À cet égard, s'agissant du récent jugement rendu par la Cour européenne des droits de l'homme concernant le retour de 24 citoyens somaliens et érythréens, le Gouvernement italien s'engage à l'analyser avec soin et à prendre toutes les mesures nécessaires afin d'éviter que des violations telles que celles qui ont été dénoncées ne se reproduisent. Des mesures administratives adéquates ont été prévues afin de surveiller le processus de réception des migrants illégaux, des requérants d'asile et des réfugiés, qui doivent être informés de leurs droits et devoirs sur le territoire national italien, bénéficier d'une assistance juridique et se voir accorder un accès aux services d'éducation et de santé ainsi qu'au logement et à des possibilités d'emploi, a ajouté le chef de la délégation italienne.

En outre, a poursuivi M. Brasioli, plusieurs cas d'antisémitisme visant des représentants de la communauté juive en Italie méritent que l'on accorde une attention spécifique à ce phénomène pour mener une action préventive. La nature discriminatoire des discours de certains représentants politiques et l'incitation à la haine y associée constituent une autre question pertinente, a-t-il admis, avant de rappeler qu'en vertu de la loi, les autorités judiciaires sont habilitées à enquêter sur l'existence de contenus criminels dans les documents, discours et programmes des représentants politiques. Lorsque des comportements ou des actes discriminatoires ou racistes se sont produits, les institutions italiennes, les médias et les politiciens les ont expressément condamnés et le pouvoir judiciaire a déjà prononcé plusieurs verdicts relatifs à l'utilisation d'arguments racistes ou xénophobes dans le débat politique, a insisté M. Brasioli.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. NOURREDINE AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Italie, a rappelé que l'Italie allie une structure étatique décentralisée à une division verticale du pouvoir et que, du fait de la répartition des compétences entre autorités centrales et locales, des responsabilités indépendantes ont été établies – encore qu'au niveau international, c'est l'État qui est responsable en matière d'obligations internationales. Le pouvoir législatif appartient en même temps à l'État et aux régions, conformément à la Loi fondamentale, a précisé le rapporteur.

La seconde religion en Italie, après le christianisme, est l'islam, du fait d'un nombre croissant d'immigrants nord-africains, bosniaques et albanais, a poursuivi M. Amir. L'actuel Gouvernement est un gouvernement de technocrates qui ne compte aucun politicien en son sein, a-t-il en outre rappelé.

La Convention s'applique également aux non-ressortissants, a rappelé M. Amir; or, de ce point de vue, l'article 3 de la Constitution italienne – qui stipule que tous les citoyens italiens ont le même statut social et sont égaux devant la loi sans distinction aucune – ne correspond pas aux normes de la Convention, a-t-il déclaré.

M. Amir a en outre rappelé que l'Italie a été priée de prendre des mesures pour créer une institution nationale des droits de l'homme qui soit conforme aux Principes de Paris.

Le Comité s'intéresse à la discrimination contre les Roms et les Sintis – une préoccupation majeure que les États parties doivent prendre en compte pour amender ou réexaminer leur législation, a poursuivi le rapporteur. En mai 2008, juste après l'audition du pays par le Comité, a rappelé M. Amir, le Gouvernement italien a adopté une déclaration dite «déclaration d'état d'urgence» sur la base des camps des communautés nomades des territoires des régions de la Campanie, du Lazio et de la Lombardie. Ce décret a accordé aux préfets de Rome, Milan et Naples des pouvoirs d'urgence participant de la dérogation aux règles du droit en vigueur en vue d'adopter des mesures ciblées directement ou indirectement contre les nomades et des non-ressortissants en situation illégale résidant dans les camps nomades. Il se trouve que 95% au moins des résidents des camps nomades appartenaient aux communautés roms et sintis. Les mesures prises furent également l'expulsion des personnes ayant le statut de résidents irréguliers, a rappelé M. Amir.

Après que ces mesures furent prises, il y eut des réactions en vue d'améliorer les conditions de vie des communautés nomades conformément aux principes des droits de l'homme; «mais en pratique, ces principes n'ont pas été honorés», a déclaré M. Amir. En mai 2009, deux nouvelles régions – le Piémont et la Vénitie – se sont ajoutées aux premières régions concernées. Or, même les tribunaux italiens ont reconnu la violation de l'article 2 de la Convention, a fait observer le rapporteur. Il a rappelé que dans ses dernières observations finales concernant l'Italie, le Comité avait fait état de ses préoccupations selon lesquelles les Roms et les Sintis vivaient encore dans des conditions de facto de ségrégation dans des camps où ils ne bénéficiaient pas de la satisfaction des plus élémentaires de leurs besoins. Le Comité s'était également inquiété du fait que ces personnes ne disposent pas de permis de résidence car elles se trouvent dans l'incapacité de satisfaire aux exigences d'établissement d'une résidence permanente en termes d'emploi, de revenu régulier et de résidence, alors même que la moitié des Roms et Sintis actuellement en Italie sont des citoyens italiens. Or, c'est bien parce qu'il y a absence de citoyenneté et de résidence légale que ces personnes n'ont d'autre alternative que d'occuper des camps. Les Roms et les Sintis sont séparés de la population italienne; comment peut-on appeler cela si ce n'est de la ségrégation, a insisté M. Amir.

Le rapporteur a par ailleurs rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme s'était penchée sur le problème posé par le retour des migrants en Libye sans examen de leur cas et en les exposant à des risques majeurs et avait condamné des expulsions collectives dont les conséquences auraient pu être tragiques pour les victimes, enjoignant l'Italie à payer quelque 15 000 euros à chaque personne concernée par ces expulsions collectives.

La discrimination raciale et la ségrégation touchent les mêmes communautés, à savoir toutes les minorités nationales, toutes les ethnies et en particulier les Roms, les Sintis, mais également les Arabes et les musulmans. «Il y a une islamophobie qui se développe dangereusement dans ce pays», a constaté M. Amir. Il indiqué que le nombre de musulmans vivant en Italie est estimé à plus d'un million, migrants pour la plupart. Il n'est pas une ville, surtout au centre et au nord de l'Italie, qui échappe au phénomène de discrimination raciale, toutes ethnies et minorité nationales confondues, a-t-il poursuivi.

Présentant en conclusion un certain nombre de recommandations à l'intention de l'Italie, M. Amir a notamment enjoint le pays à créer une commission nationale indépendante pour la promotion et la protection des droits de l'homme, sur la base des Principes de Paris; à mettre en œuvre le jugement du Conseil d'État du 16 novembre 2011 relatif au décret sur les questions d'urgence relatives aux nomades; à mettre un terme à l'activité des groupes racistes, qui se manifeste notamment sur Facebook; à réformer le Code pénal en vue d'y incorporer les circonstances aggravantes pour la motivation raciste d'un crime; à faciliter l'obtention de la nationalité italienne pour les enfants nés ou élevés en Italie et pour les résidents de longue date; à procéder à une collecte systématique de données en matière d'incidents et d'infractions à caractère raciste. Des recommandations peuvent également être proposées aux autorités italiennes au sujet des migrants, des réfugiés et des requérants d'asile, notamment ceux provenant d'Afrique du Nord, qui ne devraient pas être expulsés mais accueillis dignement.

Un autre membre du Comité a tenu à féliciter l'Italie pour la régularité avec laquelle elle présente les rapports dus au Comité, mais a regretté le caractère par trop général du présent rapport.

Un expert a salué l'approche globale que l'Italie se propose de suivre en vue de l'intégration des Roms et a souhaité au pays tout le succès dans cette entreprise. Une experte s'est pour sa part enquise des mesures prises en vue de suspendre les expulsions forcées, les programmes de rapatriement forcés, concernant les Roms et les Sintis. Selon le Centre européen pour les Roms, une série de lois et décrets adoptés par l'Italie a des effets discriminatoires sur les Roms, a rappelé un expert. Un expert a soulevé la question de l'éducation des enfants en s'enquérant de la manière dont l'Italie envisage l'éducation interculturelle, afin que les caractéristiques des Roms soient prises en considération sans que cela n'empêche les enfants roms d'avoir accès à l'éducation. Combien d'enfants roms restent-ils en dehors du système scolaire, a demandé un autre membre du Comité?

Existe-t-il une possibilité de voir l'Italie réexaminer sa position sur la non-inclusion des Roms et des Sintis dans la liste des douze minorités linguistiques reconnues par la loi de 1999, a en outre demandé l'expert? Un expert a par ailleurs soulevé la question de l'utilisation des différentes langues maternelles en Italie.

Il convient de saluer l'introduction par l'Italie d'une circonstance aggravante pour les délits à motivation raciste, a déclaré un membre du Comité. Un autre a observé que les autorités italiennes rechignent à engager des poursuites contre des auteurs de remarques racistes, invoquant la liberté d'expression mais aussi accordant à ces personnes le bénéfice du doute, de sorte que le fardeau de la preuve incombe au plaignant; or il est difficile de prouver qu'un crime est de nature raciale. Un expert a en outre rappelé la présence en Italie d'une importante communauté de personnes d'ascendance africaine. On assiste en Italie à une montée de la discrimination raciale et de la xénophobie qui se traduit notamment par des actes violents entraînant parfois le décès de personnes, notamment le décès de personnes d'ascendance africaine, a déploré un expert.

La loi sur l'entrée et le séjour des étrangers considère comme un crime l'entrée et le séjour illégaux dans le pays, a déploré un membre du Comité. Évoquant par ailleurs l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme en faveur de l'interdiction des expulsions collectives, en rapport avec l'interception en haute mer de 24 ressortissants somaliens et érythréens et leur expulsion, un expert s'est enquis des mesures envisagées par le Gouvernement pour mettre en œuvre cet arrêt. Un autre membre du Comité s'est enquis du régime applicable aux mineurs qui se retrouvent en centre de rétention avec leurs parents en situation irrégulière.

Les droits de l'homme devraient être une matière obligatoire à l'université, en particulier à la faculté de droit, a estimé un expert.

Où en sont les projets de lois relatifs à l'interdiction du port du voile, a-t-il également demandé?

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que la crise financière actuelle ne remettrait pas en cause le processus de création d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes, déjà largement engagé, et qu'elle n'aurait pas non plus de conséquences néfastes du point de vue du financement d'institutions telles que le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR). Il n'en demeure pas moins que cette crise aura d'une certaine manière un impact en matière de lutte contre la discrimination; en effet, dans tous les secteurs, les ressources font défaut et des coupes budgétaires vont certainement affecter des prestations sociales dont bénéficient sûrement des populations immigrantes, a ensuite déclaré la délégation.

Évoquant le «cas douloureux mais instructif» pour le pays de la sentence associée à l'arrêt rendu par la Cour de justice européenne concernant l'expulsion d'un groupe d'immigrés illégaux en 2009, la délégation a assuré que les autorités italiennes ont totalement assimilé le principe qui se trouve à la base de cet arrêt – arrêt dont les principes seront appliqués à l'avenir, a-t-elle assuré.

Le Gouvernement italien est confronté à des changements survenus dans le bassin méditerranéen au cours de la dernière année écoulée, en particulier en Libye, a rappelé la délégation. Une nouvelle phase de collaboration opérationnelle entre l'Italie et la Libye a été engagée, a-t-elle indiqué, faisant observer que le Premier Ministre Mario Monti avait entrepris en Libye sa première visite à l'étranger. La pratique des autorités italiennes s'agissant de ces questions se fondera sur le respect absolu des droits de l'homme et sur la sauvegarde de la vie des personnes engagées et en danger en haute mer. Prochainement, a annoncé la délégation, le Ministre italien de l'intérieur entreprendra une visite en Libye pour traiter de ces questions spécifiques de migration.

Au-delà de son aspect d'urgence, la problématique des migrations – notamment du fait des changements climatiques – va devenir un des grands sujets de préoccupation dans les années à venir, a souligné la délégation. Il convient désormais de passer, s'agissant de ces questions de migration, de l'urgence à l'intégration dans une optique positive, a-t-elle insisté, précisant par la suite que cela permettrait d'ailleurs de réduire les phénomènes de manifestation de discrimination raciale. Le défi d'une intégration positive constitue un élément important pour la survie même de l'Italie, a-t-elle déclaré. La situation d'urgence a certes disparu, mais la Cour constitutionnelle avait de toute façon déjà, dans une grande mesure, défait le «paquet de sécurité» adopté en 2009, a indiqué la délégation.

Au total, 7% des enfants scolarisés sont des enfants de ressortissants étrangers, a d'autre part indiqué la délégation.

Lorsque l'Italie sera passée de l'urgence à l'intégration, il faudra revoir le régime des sanctions applicables aux personnes qui sont condamnées sur la base de la Loi Mancino (qui sanctionne l'incitation à la haine raciale) en envisageant en particulier des sanctions accessoires, a par ailleurs indiqué la délégation.

L'Italie a atteint un point de non-retour pour ce qui est de l'immigration, a poursuivi la délégation, assurant que la criminalisation de l'étranger se trouvant de manière illégale sur le territoire national n'était plus de mise en Italie. Désormais, a insisté la délégation, les personnes qui se trouvent illégalement sur le territoire national ne seront plus systématiquement emprisonnées ou placées dans des centres de rétention; il sera mis un terme à des mécanismes qui fonctionnaient de manière automatique en raison de la situation d'urgence qui prévalait en matière de migrations.

S'agissant des questions relatives à l'octroi de la nationalité, la délégation a indiqué que le Président de la République, Giorgio Napolitano, était intervenu sur ce thème en demandant qu'il soit envisagé d'amender la loi en la matière. L'objet est de faire en sorte que l'État parvienne à un équilibre entre deux considérations lorsqu'il s'agit d'appréhender les questions d'immigration en relation avec la législation applicable en matière de nationalité: d'une part l'impératif de sécurité, en veillant à ce qu'il ne soit pas abusé de la procédure d'obtention de la citoyenneté et, d'autre part, l'obligation de garantir des droits à personnes, plus particulièrement des enfants qui, à tous points de vue, sont des Italiens.

En ce qui concerne la lutte contre la diffusion d'idées racistes, la délégation a indiqué que la police italienne - non seulement la police judiciaire mais aussi celle que l'on a coutume d'appeler la police des postes et télécommunications - suit de très près la situation sur Internet; cette surveillance a vocation à devenir transfrontière, a souligné la délégation.

S'agissant de l'éventualité de voir disparaître l'UNAR lorsque la commission nationale indépendante des droits de l'homme sera créée, la délégation a fait observer que les Principes de Paris veulent que lorsqu'une commission nationale est créée, les autres institutions nationales de droits de l'homme – comme l'UNAR – coopèrent avec elle mais nullement qu'elles disparaissent.

L'UNAR n'attend pas que des plaintes lui soient soumises mais effectue une surveillance des médias et des réseaux sociaux pour ce qui est par exemple des discours racistes et de l'incitation à la haine raciale et agit pour mettre un terme à ces pratiques. Entre 2009 et 2011, à l'UNAR, on est passé de 10% des plaintes et témoignages ayant pour cause une discrimination à 21%; la très grande majorité de ces communications émanaient d'Italiens, qui ont conscience qu'ils doivent dénoncer les cas de discrimination. L'absence de possibilité d'agir est pour l'UNAR une faiblesse, a reconnu la délégation; mais cela ne signifie pas qu'il n'existe pas d'autres instruments efficaces permettant de soutenir les victimes, a-t-elle souligné.

L'UNAR s'est en outre penché sur l'islamophobie, en particulier pour ce qui a trait à la liberté religieuse, a indiqué la délégation; le Bureau est intervenu contre des décisions discriminatoires ayant empêché des musulmans d'accéder à des immeubles existants pour en faire des lieux de culte, a-t-elle précisé.

À propos des Roms, la délégation a indiqué avoir écouté avec soin les observations des membres du Comité à ce sujet et a assuré que les autorités italiennes ont conscience de l'existence de lacunes s'agissant de ces questions. L'UNAR devra suivre la mise en œuvre de la stratégie en faveur de ces personnes, a-t-elle indiqué. Le premier engagement pris par les autorités italiennes dans le cadre de cette stratégie est de parvenir à l'adoption d'un projet de loi reconnaissant les minorités rom et sinti en tant que minorités nationales, a précisé la délégation. Le Gouvernement a également pris l'engagement de réaffecter les fonds qui étaient alloués à la situation d'urgence vers des actions en faveur des communautés rom et sinti. La création d'un groupe de travail intégrant des représentants des communautés rom et sinti a également été prévue, a ajouté la délégation. Devrait également être créé un Forum des communautés rom et sinti en tant qu'organe de représentation desdites communautés.

Les Roms sont probablement les personnes les plus susceptibles d'être victimes de discrimination, a poursuivi la délégation. Travail, santé et logement sont les trois piliers de la stratégie envisagée en faveur des Roms, a-t-elle précisé. On assiste en Italie à un effondrement de la participation scolaire des enfants roms aux niveaux secondaires et supérieurs, ce qui est très grave, a-t-elle indiqué. L'objectif, pour ce qui est de l'enseignement supérieur, est de créer un intelligentsia rom et sinti qui puisse aider les autorités italiennes dans le processus d'intégration des communautés rom et sinti, a-t-elle fait valoir. Jusqu'à présent, avec la politique de campements, les mesures prises en matière de logement des Roms étaient des mesures d'urgence qui, dans les faits, alimentaient la ségrégation, entravant l'intégration sociale des Roms, a reconnu la délégation. L'Italie entend donc maintenant mettre un terme à cette politique d'établissement de campements roms en trouvant des solutions de logement qui respectent les droits et les besoins des familles. De nombreux Roms et Sintis demandant à bénéficier de zones de campements, sera donc maintenue la possibilité de micro-zones à caractère familial, qui garantiront le maintien de l'unité familiale tout en empêchant la ségrégation, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs fait part d'une initiative publique soutenue par une chaîne de supermarché par laquelle ont été distribués plusieurs millions de sachets plastiques (destinés à contenir les achats réalisés par les consommateurs) sur lesquels était inscrit le slogan «le racisme, ce n'est pas bien».

Observations préliminaires

Dans des observations préliminaires sur le rapport italien, le rapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, M. NOURREDINE AMIR, a jugé ouvert, constructif et positif le débat entre les membres du Comité et la délégation. Cela témoigne que l'Italie est venue devant ce Comité pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent, s'est-il félicité. L'Italie est un pays d'avenir, non seulement pour l'Europe mais aussi pour l'ensemble du bassin méditerranéen, a-t-il souligné.

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