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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l’Italie

Le rapport de l'Italie

02 Décembre 2016

GENEVE (2 décembre 2016) - Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l’Italie sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
 
Présentant ce rapport, M. Fabrizio Petri, Président de la Commission interministérielle pour les droits de l’homme auprès du Ministère des affaires étrangères de l’Italie, a notamment souligné que l’Italie avait accepté toutes les recommandations relatives au principe de non-discrimination issues de son Examen périodique universel (EPU) devant le Conseil des droits de l’homme en 2015.  Il a en outre rappelé que le système juridique italien veillait à offrir un cadre effectif de garanties des droits fondamentaux de l’individu, en fournissant un large éventail de dispositifs protecteurs au centre duquel se place le principe de non-discrimination, inscrit à l’article 3 de la Loi fondamentale italienne.  L’État italien est toutefois bien conscient que les préjugés et les attitudes racistes perdurent dans certains secteurs de la société et qu’un effort soutenu s’impose pour y mettre un terme, a ajouté le chef de la délégation. 
 
La législation réprime notamment la constitution d’organisations, d’associations, de mouvements ou de groupes qui auraient comme objectif d’inciter à la discrimination ou à la violence pour des motifs raciaux, ethniques ou religieux et cette disposition sera renforcée en y ajoutant les motifs de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de toute condition physique ou psychologique particulière, a ensuite indiqué M. Petri.  Il a par ailleurs attiré l’attention sur l’adoption de la Stratégie nationale pour l’inclusion des communautés roms, sintis et des gens du voyage pour la période 2012-2020.  Face à l’augmentation des plaintes en lien avec des discours de haine, particulièrement sur Internet, le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) a récemment mis sur pied un Observatoire des médias et des réseaux sociaux, qui est opérationnel depuis le début de l’année, a-t-il ajouté. 
 
M. Petri a en outre rappelé que l’Italie se trouvait à l’avant-garde des opérations de recherche et de secours en mer, aux côtés des autres forces engagées dans l’opération Frontex Triton Plus.  Selon les données les plus récentes du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), en juillet dernier, 93% des personnes ayant posé le pied en Europe l’avaient fait dans cinq régions du sud de l’Italie, a-t-il souligné, précisant qu’au 1er août dernier, quelque 140 000 migrants étaient hébergés dans les centres d’accueil dans la péninsule.
 
La délégation italienne était également composée de M. Maurizio Enrico Serra, Représentant permanent de l’Italie auprès des Nations Unies à Genève ; du Directeur général du Bureau national contre la discrimination raciale (UNAR) ; d’une représentante du Ministère de la justice, ainsi que d’un membre de l’Observatoire pour la sécurité contre les actes de discrimination (OSCAD) du Ministère de l’intérieur.
 
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s’agissant, notamment, de l’afflux migratoire actuel ; du dialogue interreligieux ; des attitudes racistes, en particulier dans le sport ou pour ce qui est des insultes proférées à l’encontre de l’ancienne ministre Cécile Kyenge ; du profilage ethnique ; de la question rom ; ainsi que de la mise en place d’une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.
 
Mme Gay McDougall, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l’Italie, a reconnu la pression ressentie par l’Italie en tant que pays se trouvant à l’avant-poste du flot migratoire en provenance d’Afrique et a félicité le pays pour ses efforts extraordinaires en matière de recherche et de sauvetage en mer.  Elle a également reconnu que dans plusieurs domaines l’Italie avait mené des efforts prometteurs pour répondre aux recommandations faites par le Comité dans ses observations finales de 2012.  Mme McDougall a néanmoins relevé un certain nombre de malentendus au sujet de la Convention et a souhaité clarifier un certain nombre de choses.  Ainsi, a-t-elle rappelé que la définition de la discrimination raciale selon la Convention est plus large que la seule tenue de propos haineux ou commission de crimes de haine.  La Convention touche aussi au racisme institutionnel, un aspect qui, en Italie, apparaît totalement ignoré dans le cadre et la conscience juridiques, a-t-elle ajouté, rappelant que le racisme institutionnel affecte principalement les droits économiques et sociaux, en plus des droits civils et politiques.
 
Mme McDougall a d’autre part relevé des lacunes significatives dans le cadre juridique italien.  Elle a ainsi fait observer que la législation italienne ne couvrait pas toutes les dispositions de la Convention.  Il semble en outre que les Roms vivent toujours dans des conditions lamentables, a poursuivi la rapporteuse.  Elle s’est également inquiétée de «l’invisibilité» des communautés d’ascendance africaine, lesquelles sont notamment invisibles dans le récit démographique et culturel ayant constitué la personnalité de l’Italie d’aujourd’hui. 
 
M. Nicolás Marugán, corapporteur du Comité pour l’examen de l’Italie, chargé plus spécifiquement de la question migratoire, a reconnu les énormes efforts consentis par l’Italie dans ce domaine – des efforts qu’elle accomplit en grande partie pour l’Union européenne et pour le monde.  Il s’est félicité que l’immigration illégale ne soit plus considérée comme une infraction, du moins lors d’une première tentative.  Il a félicité l’Italie pour avoir sauvé plus de 150 000 personnes l’an dernier.  Il a en revanche émis des doutes en ce qui concerne les «hot spots» (NDLR : centres d’accueil pour l’enregistrement et l’identification des migrants), rappelant qu’aucune personne n’était censée être retenue sans mandat durant plus de 48 heures.  On fait état de conditions difficiles dans ces centres, dont les capacités d’accueil semblent submergées, a-t-il relevé.  L’Italie semble en outre être confrontée à un manque de  ressources humaines dans la prise en charge des mineurs non accompagnés, a-t-il ajouté.
 
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Italie et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 9 décembre, date de la prochaine et dernière séance publique du Comité pour cette quatre-vingt-onzième session.  
 
Présentation du rapport de l’Italie

Le présent dialogue se déroule sur la base du rapport de l’Italie et de la liste de points à traiter préalablement adressée au pays par le Comité.  Le Comité est également saisi du document de base de l’Italie contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels cet Etat est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.

M. FABRIZIO PETRI, Président de la Commission interministérielle pour les droits de l’homme auprès du Ministère des affaires étrangères de l’Italie, s’est félicité de voir des membres de la société civile italienne dans la salle et a rappelé que son pays avait accepté 176 recommandations sur les 186 issues de son Examen périodique universel (EPU) devant le Conseil des droits de l’homme en 2015.  Il a attiré l’attention sur le fait que l’Italie avait accepté toutes les recommandations relatives au principe de non-discrimination issues de cet EPU.  Il a souligné que le système juridique italien veillait à offrir un cadre effectif de garanties des droits fondamentaux de l’individu, en fournissant un large éventail de dispositifs protecteurs au centre duquel se place le principe de non-discrimination, inscrit à l’article 3 de la Loi fondamentale italienne.
 
L’État italien est toutefois bien conscient que les préjugés et les attitudes racistes perdurent dans certains secteurs de la société et qu’un effort soutenu s’impose pour y mettre un terme, a poursuivi le chef de la délégation.  Il est clair, à cet égard, que l’adoption d’instruments juridiques ne saurait suffire, a-t-il souligné.  Il faut en effet aussi œuvrer sur le terrain pour parvenir à une interaction réussie entre les cultures, les principes et les valeurs d’origines diverses.
 
En vertu de la législation en vigueur, a d’autre part fait valoir M. Petri, il y a circonstance aggravante lorsque la diffamation ou la menace sont proférées pour des motifs de haine ethnique, nationale, raciale ou religieuse.  Des dispositions existent aussi afin de combattre les propos xénophobes ou racistes, a-t-il ajouté.  En outre, la législation réprime également la constitution d’organisations, d’associations, de mouvements ou de groupes qui auraient comme objectif d’inciter à la discrimination ou à la violence pour des motifs raciaux, ethniques ou religieux.  Cette disposition sera renforcée en y ajoutant les motifs de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de toute condition physique ou psychologique particulière.  M. Petri a précisé avoir dirigé dans un passé récent une organisation de défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et a rappelé qu’en Italie, l’union civile des couples de même sexe était reconnue par la loi depuis mai dernier.
 
Le Président de la Commission interministérielle pour les droits de l’homme a ensuite attiré l’attention sur l’adoption, l’an dernier, d’un Plan national d’action contre le racisme, la xénophobie et la tolérance qui y est associée.  Parmi les outils concrets mis en place, figure le Fonds de solidarité créé par le Département pour l’égalité des chances et qui est administré par le Conseil national du barreau; ce Fonds peut, à la demande d’individus s’estimant victimes de discrimination ou d’associations les représentant, fournir une avance financière pour couvrir les frais de procédure.  À ce jour, 35 actions en justice ont été financées par le Fonds, a précisé M. Petri.
 
Le chef de la délégation italienne a également rappelé l’adoption de la Stratégie nationale pour l’inclusion des communautés roms, sintis et des gens du voyage pour la période 2012-2020.  
 
S’agissant du cadre institutionnel, M. Petri a souligné que le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) avait récemment élargi son mandat en considérant, au-delà des seuls motifs de race et d’origine ethnique, tous les motifs de discrimination, y compris la discrimination fondée sur la religion, les opinions individuelles, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge ou le handicap, et ce, afin de garantir pleinement l’effectivité du principe d’égalité de traitement.
 
Face à l’augmentation des plaintes en lien avec des discours de haine, particulièrement sur Internet, l’UNAR a récemment mis sur pied un Observatoire des médias et des réseaux sociaux, qui est opérationnel depuis le début de l’année, a d’autre part indiqué le chef de la délégation.  Cet Observatoire a deux objectifs, a-t-il précisé: d’une part, repérer et signaler les propos haineux afin qu’ils soient retirés de la toile et, d’autre part, les analyser, afin d’apprendre et de comprendre ce qu’ils révèlent.
 
Pour prévenir et combattre toute forme de discrimination raciale, un Observatoire pour la sécurité contre les actes de discrimination (OSCAD) a par ailleurs été créé en 2010 au sein du Ministère de l’intérieur, a ajouté M. Petri.  Cet Observatoire est administré par la police et les carabiniers (gendarmerie) afin de prévenir et réprimer les crimes de haine. L’OSCAD a pour mission d’inciter au signalement des actes discriminatoires et d’encourager leur pénalisation; il vise aussi à faciliter le déclenchement d’opérations policières et de gendarmerie et à  faciliter l’échange des meilleures pratiques au niveau international.
 
M. Petri a en outre rappelé que l’Italie se trouvait à l’avant-garde des opérations de recherche et de secours en mer, aux côtés des autres forces engagées dans l’opération Frontex Triton Plus.  Selon les données les plus récentes du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), en juillet dernier, 93% des personnes ayant posé le pied en Europe l’avaient fait dans cinq régions du sud de l’Italie.  Du 1er janvier au 31 juillet 2016, plus de 256 000 migrants ont atteint l’Europe par la mer et parmi eux, entre avril et juillet, 75 000 ont débarqué en Italie, avec des pointes mensuelles de plus de 20 000 personnes en juin et juillet.  Au 1er août dernier, quelque 140 000 migrants étaient hébergés dans les centres d’accueil dans la péninsule.  L’Italie fait des efforts considérables pour porter assistance aux migrants ayant pris la mer, a insisté le chef de la délégation italienne.
 
M. Petri a enfin souligné que son pays avait transposé une directive européenne qui lui a permis d’élaborer et d’adopter, en février dernier, le premier plan national d’action contre la traite et l’exploitation grave d’êtres humains.  Par ailleurs, l’Italie promulguera le 15 décembre prochain son premier plan national d’action sur les entreprises et les droits de l’homme, inspiré des lignes directrices de l’ONU en la matière, a conclu le chef de la délégation.  
 
Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME GAY McDOUGALL, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l’Italie, a d’abord présenté ses condoléances pour les catastrophes naturelles, séismes et inondations ayant frappé la péninsule.  Elle a aussi reconnu la pression ressentie par l’Italie en tant que pays se trouvant à l’avant-poste du flot migratoire en provenance d’Afrique et a félicité le pays pour ses efforts extraordinaires en matière de recherche et de sauvetage en mer.  Elle a également reconnu que dans plusieurs domaines l’Italie avait mené des efforts prometteurs pour répondre aux recommandations faites par le Comité dans ses observations finales de 2012.
 
Mme McDougall a néanmoins relevé un certain nombre de malentendus au sujet de la Convention et a souhaité clarifier un certain nombre de choses.  Ainsi, a-t-elle rappelé que la définition de la discrimination raciale selon la Convention est plus large que la seule tenue de propos haineux ou commission de crimes de haine.  Or, dans son rapport, l’Italie mentionne uniquement ces fléaux, comme s’ils recouvraient entièrement la réalité de la discrimination raciale, a-t-elle fait observer.  La Convention touche aussi au racisme institutionnel, un aspect qui, en Italie, apparaît totalement ignoré dans le cadre et la conscience juridiques, a-t-elle ajouté.  Le racisme institutionnel affecte principalement les droits économiques et sociaux, en plus des droits civils et politiques. Il apparaît nécessaire, par conséquent, d’obtenir des données statistiques sur le degré de participation des «groupes ayant besoin de protection» dans la prise de décision et la participation aux affaires publiques, a souligné la rapporteuse.  Le rapport ne mentionne pas la prise de mesures spéciales, dites de «discrimination positive» (ou action affirmative), afin de remédier aux inégalités, a-t-elle déploré.  Elle a rappelé que la Convention mentionnait «certains groupes raciaux ou ethniques ou des individus ayant besoin de la protection qui peut être nécessaire pour leur garantir la jouissance et l'exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans des conditions d'égalité». 
 
Le Comité n’a pas de mandat pour s’intéresser aux informations figurant dans le rapport sur les initiatives de l’Italie en faveur des droits des femmes, des personnes LGBT et des personnes handicapées, à moins qu’elles ne souffrent de discrimination en raison de leur race, de leur couleur, de leur ascendance ou de leur origine ethnique ou nationale, a d’autre part souligné Mme McDougall.
 
Tout en se félicitant des efforts consentis en faveur du dialogue interreligieux, la rapporteuse a estimé nécessaire de disposer d’indicateurs susceptibles de révéler les réalités vécues par la communauté musulmane, s’agissant des questions de sécurité de la personne, d’égalité économique et sociale et de participation à la vie publique.
 
Mme McDougall a d’autre part relevé des lacunes significatives dans le cadre juridique italien.  Elle a ainsi estimé que l’UNAR (Ufficio Nazionale Antidiscriminazioni Razziali) ne jouissait pas d’une indépendance suffisante pour être conforme aux Principes de Paris. En outre, la législation italienne ne couvre pas toutes les dispositions de la Convention, a-t-elle ajouté.  Elle a également constaté des lacunes s’agissant de la mise en œuvre des deux plans nationaux d’action portant, respectivement, contre la discrimination raciale et en faveur des communautés roms. « Doit-on comprendre, en lisant entre les lignes, que leur mise en œuvre ait été minimale », a-t-elle demandé?  Il semble, en effet, que les Roms vivent toujours dans des conditions lamentables. La délégation pourrait-elle fournir des informations sur la situation régnant dans les camps où ils survivent, a-t-elle demandé?
 
Enfin, Mme McDougall a abordé la question de «l’invisibilité» des communautés d’ascendance africaine, en faisant observer que le rapport ne mentionne guère les communautés originaires d’Afrique orientale – d’Éthiopie, d’Érythrée et de Somalie - qui sont virtuellement invisibles dans le récit démographique et culturel qui a constitué la personnalité de l’Italie d’aujourd’hui.  Quel bilan l’Italie tire-t-elle de la visite officielle l’an dernier du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, a demandé Mme McDougall? 
 
M. NICOLÁS MARUGÁN, corapporteur du Comité pour l’examen de l’Italie, chargé plus spécifiquement de la question migratoire, a reconnu les énormes efforts consentis par l’Italie dans ce domaine – des efforts qu’elle accomplit en grande partie pour l’Union européenne et pour le monde.  Il s’est félicité que l’immigration illégale ne soit plus considérée comme une infraction, du moins lors d’une première tentative.  Il a félicité l’Italie pour avoir sauvé plus de 150 000 personnes l’an dernier.  Il a en revanche émis des doutes en ce qui concerne les «hot spots» (NDLR : centres d’accueil pour l’enregistrement et l’identification des migrants), rappelant qu’aucune personne n’était censée être retenue sans mandat durant plus de 48 heures.  Cela signifie-t-il que les migrants ne passent pas plus de deux jours dans ces «hot spots» destinés à les identifier après qu’ils ont débarqué?  On fait état de conditions difficiles dans ces centres, dont les capacités d’accueil semblent submergées, a-t-il relevé.  Il s’est enquis des mécanismes de plainte à disposition des personnes en rétention.
 
M. Marugán a aussi demandé qui avait la garde juridique des mineurs non accompagnés, précisant qu’il semblerait que ce sont les maires qui assument cette responsabilité. Qu’en est-il de leur droit à l’éducation? L’Italie semble être confrontée à un manque de  ressources humaines dans la prise en charge de ces mineurs, a-t-il insisté.  Il a aussi demandé à la délégation d’expliquer les modalités d’expulsion des personnes n’ayant «pas vocation» à demeurer en Europe.
 
M. GUN KUT, rapporteur chargé du suivi, s’est félicité que l’Italie ait produit un rapport de suivi en 2013 et a rappelé toute l’importance que le Comité attache à ces rapports de suivi.  Il a jugé nécessaire que la délégation italienne fasse le point sur l’état d’avancement du projet de loi relatif à la création d’une institution nationale des droits de l’homme, actuellement à l’étude à la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles.  Il s’est par ailleurs inquiété de la poursuite des expulsions forcées de campements roms.
 
Une autre experte a évoqué les attitudes racistes à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, y compris parfois même de la part d’hommes politiques à l’égard de membres du Gouvernement originaires d’Afrique – comme cela est arrivé à l’ancienne ministre Cécile Kyenge, traitée de «guenon» par un élu.  Sur le terrain, on signale des incidents racistes dans les écoles, les enseignants étant apparemment désarmés pour faire face à la situation, a fortiori dans une société nouvellement confrontée à la diversité des origines, a poursuivi l’experte.  Elle a en outre souhaité savoir si les langues des élèves d’origine étrangère étaient enseignées et a souligné la nécessité de s’attaquer au problème de l’abandon scolaire.
 
Un autre membre du Comité a souhaité savoir comment le pays gérait la question du droit d’asile face à l’afflux actuel de personnes peu susceptibles de rentrer chez elles, avec le risque d’une intolérance croissante des autochtones.  
 
Un de ses collègues a fait part de ses doutes lorsque l’Italie prétend que les migrants peuvent aller se plaindre à la police s’ils s’estiment victimes de discrimination; il est peu probable que l’un d’entre eux entreprenne ce genre de démarche. 
 
Un autre expert a jugé nécessaire que l’Italie adopte une loi spécifique sur la discrimination raciale, comme cela est prévu par la Convention.
 
Une question a aussi été posée sur l’acquisition de la nationalité italienne, deux experts souhaitant savoir si les personnes d’ascendance africaine venues en Italie il y a un demi-siècle disposaient d’une carte d’identité nationale ou si elles se débattaient toujours dans un «imbroglio migratoire». 
 
Qu’en est-il par ailleurs de la situation des Roms en matière de droit au logement et d’accès à des prestations sociales, a demandé une experte?
 
Un expert s’est félicité de la mise à jour du document de base de l’Italie, compte tenu des changements institutionnels intervenus dans ce pays.
 
Le fait de disposer d’une ligne budgétaire stable n’est pas suffisant pour faire d’un organe chargé de la lutter contre la discrimination raciale une institution nationale des droits de l’homme digne de ce nom, a fait remarquer une experte.
 
Relevant que, comme le reconnaît lui-même le pays, le grand défi de l’Italie était celui de l’intégration, un expert a attiré l’attention sur la grande difficulté pour les étrangers sans papiers d’avoir accès aux prestations sociales et s’est inquiété de leur exploitation par le travail au noir.  Les ONG constatent elles aussi une difficulté d’accès aux services sociaux qui sont en fait réservés aux Italiens et aux Européens résidant dans le pays, a insisté cet expert. 
 
Dans le cadre des Objectifs de développement durable, il faut que la communauté internationale s’efforce de traiter les problèmes dans leur profondeur, s’agissant notamment de l’inégale répartition des richesses dans le monde et de la nécessité de traiter les problèmes dans les pays de départ des migrants, a souligné un membre du Comité.
 
Un expert a relevé qu’en dépit des efforts louables de l’Italie pour sauver des migrants en Méditerranée, le nombre de victimes ne faisait que croître.  Dans le même temps, les trafiquants d’êtres humains font fortune.  L’enregistrement systématique des arrivants a longtemps fait défaut, l’Italie n’étant souvent qu’un pays de transit pour ces migrants.  Faisant observer que la majorité des arrivants étaient africains, cet expert a estimé que cela signifie qu’ils ne partent pas tous à la suite de persécutions ou de menaces à leur sûreté dans leur pays. Il est indispensable que les pays d’origine coopèrent à la récupération de leurs ressortissants, si l’on entend assurer la pérennité du droit d’asile, a-t-il alors déclaré. La délégation pense-t-elle que la politique actuelle en Méditerranée puisse être maintenue, a-t-il enfin demandé?
 
Un autre membre du Comité a souhaité connaître la position de l’Italie face au risque d’extermination – ou de disparition de fait de par leur dispersion à travers le monde – de certaines minorités telles que les Yézidis ou les chrétiens d’Orient.
 
Une experte a dénoncé les discours haineux, particulièrement à l’encontre des personnes de couleur, de la part de membres de formations politiques comme Forza Italia.  Elle a notamment mentionné les jets de banane en direction d’un footballeur africain évoluant dans un club italien.  Un expert a pour sa part souhaité connaître la nature des condamnations prononcées à l’encontre des élus ayant insulté Mme Kyenge. 
 
Réponses de la délégation
 
Les traités internationaux auxquels souscrit l’Italie font partie de la législation nationale dès lors qu’ils sont ratifiés par le Parlement, a rappelé la délégation.  
 
Même si elle est fortement décentralisée, l’Italie n’est pas une fédération et la loi s’impose donc à tous et à toutes les régions du pays, a souligné la délégation.  Les droits fondamentaux s’appliquent et sont reconnus à toute personne humaine, y compris bien entendu aux personnes LGBTI.  
 
Le Gouvernement a récemment réaffirmé devant le Parlement son intention de mettre en place une institution nationale des droits de l’homme, a poursuivi la délégation, précisant que la Commission interministérielle des droits de l’homme auprès du Ministère des affaires étrangères, dans le cadre de ses activités de conseil, dirige un groupe de travail chargé, avec la société civile, de rédiger un document analytique à cette fin. Une initiative dans le même sens a été engagée par des membres du Parlement, plusieurs propositions ayant été déposées, a ajouté la délégation. 
 
La délégation a par la suite reconnu que l’existence d’une ligne budgétaire stable n’était pas le seul critère pertinent pour s’assurer de l’indépendance d’une institution nationale des droits de l’homme et de son plein respect des Principes de Paris.
 
En attendant (la création de cette institution nationale des droits de l'homme), l’UNAR - le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale - joue en partie le rôle d’une institution nationale des droits de l’homme, même s’il n’est pas formellement indépendant puisqu’il est rattaché à la Présidence du Conseil. Toutefois, l’UNAR bénéficie d’un financement stable et régulier de deux millions d’euros et son directeur détermine librement ses activités et son programme de travail.  Ce Bureau occupe une place importante dans la prévention et la répression de la discrimination sous toutes ses formes, a insisté la délégation.  Il s’attache à combattre le racisme, à promouvoir l’intégration des Roms, des Sintis et des gens du voyage ainsi que celle des groupes sociaux les plus vulnérables, tels que les personnes âgées et les personnes handicapées; il lutte aussi contre l’homophobie, en prêtant une attention particulière à la discrimination multiple.
 
Insistant sur la grande complexité de la question rom, la délégation a ensuite évoqué la Stratégie nationale pour l’inclusion des communautés rom, sinti et des gens du voyage pour la période 2012-2020 dont les quatre priorités touchent à l’éducation, au logement, à la santé et au travail – des thèmes auxquels se consacrent des groupes de travail nationaux et régionaux et sur lesquels portent les plans locaux d’inclusion sociale.  La fermeture des campements informels est la priorité des priorités, a indiqué la délégation.
 
L’UNAR promeut aussi des activités de sensibilisation et de formation et célèbre, le 8 avril, la Journée internationale des Roms et des Sintis.  Sous la présidence italienne de l’Union européenne, au deuxième semestre de 2014, l’UNAR a organisé au niveau régional un certain nombre d’événements, dont la réunion des points de contact nationaux des Roms tenue à Rome les 5 et 6 novembre 2014. 
 
Une experte ayant notamment dénoncé des conditions de vie insupportables dans les bidonvilles où vivent des Roms, la délégation a indiqué que cette question constituait une des priorités de la Stratégie nationale pour l’inclusion de ces communautés.  
 
En réponse au témoignage d’un membre du Comité de nationalité guatémaltèque qui a raconté avoir subi une attitude suspicieuse à son égard de la part de la police des frontières à son arrivée en Itali – et ce, en dépit du fait qu’il arrivait d’un autre pays de l’espace Schengen et n’aurait pas dû, de ce fait, être contrôlé –, la délégation s’est dite désolée, assurant qu’aucune mesure de profilage ethnique n’était en vigueur de la part des autorités.  La délégation a ensuite souligné que les fonctionnaires de la police des frontières bénéficiaient de mesures de formation afin d’avoir une attitude respectueuse à l’égard des voyageurs quelle que soit leur origine.  Un membre du Comité s’est alors montré dubitatif face à l’assurance de la délégation selon laquelle il n’y aurait pas de profilage ethnique aux frontières.  Peut-être la délégation n’est-elle pas bien informée des pratiques de la police aux frontières, s’est-il interrogé.  La délégation italienne a répété qu’aucun profilage ethnique n’était en vigueur en Italie.   
 
S’agissant des attitudes racistes, dans le sport notamment, la délégation a expliqué que la loi selon laquelle les clubs sportifs sont responsables du comportement de leurs supporteurs devait être améliorée, car elle ne répond qu’imparfaitement au problème posé.  Des mesures d’éloignement des stades, de longue durée, ont été prises à l’encontre de hooligans, a-t-elle ensuite indiqué. 
 
La délégation a par ailleurs indiqué que les insultes aussi racistes qu’absurdes ayant visé l’ancienne ministre Cécile Kyenge avaient entraîné la condamnation de leurs auteurs.  Deux élus locaux, n’appartenant pas au parti Forza Italia, ont été condamnés pour leurs propos à l’encontre de Mme Kyenge, a-t-elle ensuite précisé.
 
La délégation a fait part de sa disposition à organiser un événement dans le cadre de la Décennie des personnes d’ascendance africaine, de concert si possible avec le Comité, ainsi qu’avec le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, ainsi que l’a suggéré un membre du Comité.
 
Face à la communauté musulmane, l’Italie est favorable au dialogue interreligieux, d’autant qu’un autre État situé en territoire italien (NDLR : le Vatican) joue un rôle crucial à cet égard.
 
L’Italie accorde une attention toute particulière aux communautés originaires du Moyen-Orient, chrétiennes notamment mais pas uniquement, a ensuite indiqué la délégation. 
 
La délégation a par ailleurs rappelé que le pays se trouvait à la frontière de deux mondes et que les solutions à apporter devaient être globales. L’Italie convient de la nécessité d’avoir une vision à long terme en s’efforçant d’influencer ses partenaires de l’Union européenne quant à la nécessité d’imaginer des politiques durables, a ajouté la délégation.
 
Face à l’afflux migratoire actuel, l’Italie a acquis une expertise, voire une excellence dans la gestion des situations d’urgence, a ensuite fait valoir la délégation.  Elle n’a en revanche pas fait ses preuves en matière d’intégration des arrivants, a-t-elle reconnu.  Elle a exposé dans le détail le fonctionnement des «hot spots» - ces centres de réception des migrants où interviennent notamment des médiateurs et des psychologues qui ont bénéficié de formations spécifiques eu égard à la complexité de leur tâche, qui inclut la détection des cas de traite de personnes.  Une unité spéciale a été créée pour les mineurs migrants non accompagnés, a ajouté la délégation.
 
S’agissant de la lutte contre l’exploitation des migrants, la délégation a fait valoir qu’avait été adoptée le 18 octobre dernier une loi contre le «caporalato», pratique mafieuse en vigueur dans l’agriculture qui donne lieu à l’exploitation éhontée de journaliers agricoles dépourvus de tout titre de séjour.
 
La délégation a d’autre part reconnu l’importance des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 et a précisé que quelque 2000 ONG italiennes avaient entrepris de se mobiliser en leur faveur.  Le prochain Plan national d’action des droits de l’homme les prendra en compte afin de les concrétiser par l’engagement de toutes les parties prenantes, a-t-elle assuré.  L’organisation patronale Confindustria est clairement consciente de l’importance de tenir compte de la dimension des droits de l’homme dans les activités des entreprises, a ajouté la délégation, rappelant qu’un plan national d’action sur les entreprises et les droits de l’homme serait lancé à la mi-décembre.  
 
Remarques de conclusion
 
MME McDOUGALL, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l’Italie, a estimé nécessaire que la délégation fournisse des éclaircissements sur les camps rom, sinti et des gens du voyage et réponde dans un délai de 48 heures à la question de savoir si l’ouverture de nouveaux camps était envisagée, comme certaines informations semblent l’indiquer.
 
M. PETRI, Président de la commission interministérielle pour les droits de l’homme auprès du Ministère des affaires étrangères de l’Italie, a expliqué que l’Italie était engagée dans un processus visant à renforcer les valeurs auxquelles elle croit.  Il existe effectivement des zones grises, a-t-il reconnu, avant d’estimer que les échanges de ces deux derniers jours constitueraient un appui pour lui dans son effort de plaidoyer auprès du Gouvernement, s’agissant notamment de la création d’une institution nationale des droits de l’homme.
 
MME ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour sa franchise, s’agissant d’une situation particulièrement complexe dans le cas italien, avant de souligner que si les difficultés de l’Italie sont bien compréhensibles, elles ne sauraient constituer une excuse pour ne pas mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

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