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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport du Cambodge

10 Novembre 2010

10 novembre 2010

Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Cambodge sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Sun Suon, Représentant permanent du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, a notamment souligné que des progrès considérables ont été enregistrés pour ce qui est de remédier à l'impunité pour les crimes de l'ancien régime des Khmers Rouges, alors que la Chambre jugeant la première affaire (affaire 001) a achevé ce procès le 26 juillet dernier. Depuis juin 2009, d'importantes mesures ont été prises pour renforcer le cadre juridique et institutionnel du pays, qui auront un impact sur les droits de l'homme, y compris pour ce qui est de la lutte contre la torture et toutes les formes de mauvais traitements, a fait observer M. Sun Suon. Il a par ailleurs fait valoir que la peine de mort a été abolie par la Constitution de 1993. Dès l'accession du pays à la Convention, a-t-il poursuivi, le Ministère de la justice a donné pour instruction aux procureurs d'inspecter les prisons et les centres de détention. Pour sa part, le Ministère de l'intérieur a publié en 1995 une circulaire sur la discipline de la police nationale qui stipule que quiconque se livre à un acte de torture durant un interrogatoire pour obtenir une déclaration par la force doit être dégradé ou démis de ses fonctions. Suite à l'entrée en vigueur du Protocole facultatif en avril 2007, le Gouvernement cambodgien a mis sur pied en août 2009 un mécanisme national de prévention et le Sous-Comité pour la prévention de la torture a entrepris au mois de décembre suivant sa première mission dans le pays, a par ailleurs rappelé le Représentant permanent. En dépit du fait que le Code pénal du Cambodge ne contienne aucune définition du terme de «torture», le pays est tenu par la définition énoncée à l'article premier de la Convention, a-t-il en outre assuré.

La délégation cambodgienne était également composée du Représentant permanent adjoint du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, M. Ke Sovann, ainsi que d'autres membres de la Mission permanente du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève. Elle comprenait également des représentants du mécanisme national de prévention contre la torture et du Ministère des affaires sociales et de réhabilitation des jeunes et des vétérans. Elle a répondu aux questions que lui ont adressées les membres du Comité s'agissant notamment de la définition de la torture; de la situation carcérale; de la situation des requérants d'asile et des réfugiés; du trafic de personnes; du travail des enfants; de la lutte contre la corruption; du système de justice; et du mécanisme national de prévention de la torture.

Mme Felice Gaer, en tant que rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, a fait état d'une information émanant des organisations non gouvernementales selon laquelle la plupart des juges, procureurs et personnes responsables de l'application des lois au Cambodge ne sont nullement au courant des dispositions de la Convention. Elle a d'autre part indiqué avoir reçu des informations émanant d'ONG selon lesquelles s'exercent dans le pays des pressions des riches et puissants qui influencent parfois le déroulement voire le dénouement d'une affaire; au regard de ces informations, comment le Cambodge veille-t-il à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire, a-t-elle demandé? La corapporteuse, Mme Nora Sveass, s'est pour sa part inquiétée de véritables rafles dont font l'objet des enfants pour être amenés, malgré eux, dans des centres sociaux; dans ce contexte, il faudrait absolument surveiller la situation qui prévaut dans ces centres, alors que des informations parvenues au Comité font état de violences sérieuses qui y seraient perpétrées, a-t-elle ajouté. Mmes Gaer et Sveass se sont toutefois réjouies que le Cambodge ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et ait accepté une première visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Cambodge qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 19 novembre prochain.


Lors de sa prochaine séance publique, vendredi prochain, 12 novembre, à 15 heures, le Comité se penchera sur le suivi des articles 19 et 22 de la Convention.

Présentation du rapport

M. SUN SUON, Représentant permanent du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que son pays est connu pour son riche patrimoine culturel et traditionnel mais aussi pour avoir émergé d'un tragique passé récent qui l'a frappé d'une destruction totale de son tissu économique, social et culturel par l'expérience douloureuse des tortures, des exécutions et des privations durant le régime des Khmers Rouges. Ce fut un long chemin pour ce pays que de se remettre de cet héritage, a souligné le Représentant permanent, faisant valoir les remarquables progrès réalisés en termes, notamment, de croissance économique, de stabilité politique et de sécurité. M. Sun Suon a par ailleurs souligné que la Constitution énonce les droits fondamentaux qui garantissent l'égalité de tous devant la loi; elle interdit toute forme de discrimination.

Des progrès considérables ont été enregistrés pour ce qui est de remédier à l'impunité pour les crimes de l'ancien régime des Khmers Rouges, alors que la Chambre jugeant la première affaire (affaire 001) a achevé ce procès le 26 juillet dernier.

Le Cambodge est partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a poursuivi le Représentant permanent.

Depuis juin 2009, d'importantes mesures ont été prises pour renforcer le cadre juridique et institutionnel du pays, qui auront un impact sur les droits de l'homme, y compris pour ce qui est de la lutte contre la torture et toutes les formes de mauvais traitements, a fait observer M. Sun Suon, citant notamment l'adoption de nouveaux code pénal et code de procédure pénale, ainsi que d'une loi contre la corruption. Des processus d'élaboration de nouvelles lois sur la justice juvénile et sur le système correctionnel, entre autres, sont en cours, a-t-il ajouté.

La peine de mort a été abolie par la Constitution de 1993, a en outre rappelé le Représentant permanent. Dès l'accession du pays à la Convention, a-t-il poursuivi, le Ministère de la justice a donné pour instruction aux procureurs d'inspecter les prisons et les centres de détention. Pour sa part, le Ministère de l'intérieur a publié en 1995 une circulaire sur la discipline de la police nationale qui stipule que quiconque se livre à un acte de torture durant un interrogatoire pour obtenir une déclaration par la force doit être dégradé ou démis de ses fonctions. En vertu du Protocole facultatif, qui est entré en vigueur au Cambodge en avril 2007, le Gouvernement cambodgien a mis sur pied en août 2009 un mécanisme national de prévention et le Sous-Comité pour la prévention de la torture a entrepris au mois de décembre suivant sa première mission dans le pays, au cours de laquelle le Gouvernement a accordé un accès sans restriction aux établissements de détention et fait preuve d'une ouverture exemplaire.

En dépit du fait que le Code pénal du Cambodge ne contienne aucune définition du terme de « torture », le pays est tenu par la définition énoncée à l'article premier de la Convention, conformément à l'article 31 de la Constitution qui stipule que le pays reconnaît et respecte les droits de l'homme tels qu'énoncés dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les pactes et conventions relatifs aux droits de l'homme. Le Cambodge se réfère à la torture dans un contexte général pour tout acte causant une blessure à un individu et fait de la torture un délit pénal, a précisé M. Sun Suon. Le Code pénal impose des peines pour perpétration du crime de torture, incitation à ce crime ou approbation de ce crime par un agent agissant en sa qualité officielle.

L'article 509 du Code de procédure pénale dispose que le Procureur général près la
Cour d'appel, le Procureur du Royaume, le Président de la Chambre d'instruction et le juge d'instruction doivent inspecter périodiquement les prisons, a poursuivi M. Sun Suon. Outre les autorités susmentionnées, le Comité des droits de l'homme du Gouvernement cambodgien et la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée nationale sont habilités à contrôler le respect des droits de l'homme dans les prisons. De plus, le Gouvernement autorise les ONG compétentes à inspecter les prisons et à leur fournir une assistance dans ce domaine, a précisé le Représentant permanent.

M. Sun Suon a par ailleurs indiqué que le programme de soutien à la réforme des prisons vise à soutenir le passage du système carcéral d'un système de confinement vers un système de réhabilitation.

La violence domestique est l'une des questions qui préoccupent gravement le Gouvernement royal, a poursuivi le Représentant permanent du Cambodge. À cet égard, il a indiqué que la Loi sur le mariage et la famille a été adoptée pour empêcher que des enfants ne soient blessés ou abusés par leurs parents. En outre, la Loi sur la prévention de la violence domestique et la protection des victimes interdit toutes les formes de violence domestique.

Si de nombreux progrès ont été réalisés, beaucoup reste à faire, a reconnu M. Sun Suon. Le Gouvernement est conscient des lacunes, lesquelles sont essentiellement dues aux adaptations qu'exigent les nouveaux défis, en particulier du point de vue des ressources humaines et financières, a-t-il conclu.

Le deuxième rapport périodique du Cambodge (CRC/C/KHM/2) indique que le Royaume du Cambodge a érigé la torture en infraction pénale dans son projet de code pénal pour pouvoir poursuivre les auteurs d'actes de torture et de traitements cruels. Les peines prévues vont de sept ans à trente ans d'emprisonnement en fonction des circonstances et de la nature des infractions, précise­-t-il. Par ailleurs, poursuit le rapport, en vertu du nouveau Code de procédure pénale, les personnes placées en garde à vue ont les droits ci-après: demander à consulter un avocat et toute personne de leur choix dans les vingt-quatre heures qui suivent le placement en détention; demander à être examinées par un médecin; lorsque la personne concernée est mineure, la police judiciaire doit informer ses parents, son représentant légal ou son tuteur de son placement en détention; la durée maximale de la garde à vue est de quarante-huit heures. Dans les affaires importantes, la police judiciaire peut demander à ce qu'elle soit prolongée de vingt-quatre heures, sur autorisation du procureur compétent. La loi de procédure pénale de 1993 prévoyait la possibilité d'émettre un mandat d'amener si le suspect ne se présentait pas devant le tribunal à la date fixée, après avoir reçu une convocation. Toutefois, le Code de procédure pénale de 2007 autorise désormais le juge à utiliser le mandat d'amener sans avoir préalablement établi de convocation. La législation nationale, en particulier le Code de procédure pénale, ne contient aucune disposition qui puisse être invoquée pour justifier ou excuser la torture, quelles que soient les circonstances, souligne d'autre part le rapport.

On dénombre actuellement au Cambodge (au 25 juin 2009) 66 réfugiés de neuf nationalités différentes qui reçoivent une assistance du HCR, indique par ailleurs le rapport. En 2004, 784 demandeurs d'asile appartenant à des minorités montagnardes vivaient au Cambodge dans un camp supervisé par le HCR. En 2009, 110 d'entre eux se trouvaient toujours au Cambodge. Le Cambodge n'a jamais reçu d'informations concernant les risques de torture encourus par les réfugiés, ceux-ci étant sous la supervision du HCR, ajoute le rapport. Le Cambodge n'a pas encore établi de normes et procédures pour l'examen des demandes d'asile à la frontière parce que cette tâche incombe au HCR. Toutefois, un projet de sous-décret sur les procédures d'examen des demandes d'asile et d'octroi du statut de réfugié ou du droit d'installation au Cambodge est en cours d'élaboration. Le Cambodge n'a jamais arrêté ni expulsé de demandeurs d'asile vietnamiens appartenant aux minorités montagnardes même si les autorités locales des provinces du nord-est du pays sont compétentes à cet effet, assure par ailleurs le rapport. Comme indiqué plus haut, les autorités cambodgiennes ont toujours placé les Montagnards vietnamiens ayant immigré au Cambodge sous la protection du HCR.

La Constitution du Cambodge dispose que les aveux obtenus sous la contrainte
physique ou morale sont irrecevables comme moyen de preuve, souligne en outre le rapport. Il n'existe pas au Cambodge de programme de formation spécifique concernant la détection de la torture et le traitement et la réadaptation des victimes à l'intention du personnel de santé, souligne-t-il par ailleurs. En vertu du nouveau Code de procédure pénale, la durée de la période de détention avant jugement varie en fonction du type d'infraction commise. En cas de crime, la détention provisoire ne peut excéder six mois (toutefois, le juge d'instruction peut prolonger jusqu'à deux prolongations d'une durée de six mois chacune9; en cas de délit, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois (toutefois, le juge d'instruction peut prolonger une fois la détention, pour une durée qui ne peut excéder deux mois); enfin, dans le cas de poursuites pour crime contre l'humanité, crime de génocide ou crime de guerre, la détention provisoire ne peut excéder un an (toutefois, le juge d'instruction peut ordonner jusqu'à deux prolongations d'une durée d'un an chacune).

Pour améliorer les conditions de détention dans les prisons, et plus particulièrement pour réduire le surpeuplement carcéral, le Gouvernement a entrepris de construire de nouvelles prisons, alors que d'autres ont été rénovées et agrandies afin d'ajuster la capacité du système carcéral au nombre de prisonniers à Phnom Penh et dans les provinces de Kandal, Preah Vihear, Siem Reap, Banteay Meanchey, Battambang, Koh Kong et Kampomg Cham. En outre, quatre nouvelles prisons doivent être construites prochainement dans les provinces de Kampong Thom, Ratanakkiri, Takeo et Prey Veng. Enfin, un projet est à l'étude pour construire un nouvel établissement dans lequel les détenus effectueront des travaux agricoles (ferme pénitentiaire), dans la province de Pursat.

L'article 8-15 de la circulaire no 006 sur la discipline de la Police nationale, en date
du 23 novembre 1995, interdit expressément aux membres de la Police nationale de
recourir à des méthodes d'interrogatoire utilisant toute forme de torture ou de contrainte pour obtenir des réponses, fait en outre valoir le rapport. L'article 7 du Code de conduite et Règlement disciplinaire du personnel pénitentiaire n°1, en date du 29 septembre 2005, dispose que les agents pénitentiaires ne peuvent pas invoquer l'ordre d'un supérieur ni aucun autre motif pour justifier la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants comme formes de sanction. Lorsque les tortures infligées par un fonctionnaire de police n'ont pas entraîné la mort de la victime, l'auteur des actes de torture fait l'objet de mesures administratives conformément au Code de conduite et Règlement disciplinaire du personnel pénitentiaire. Il encourt en même temps des poursuites par les autorités compétentes. Les tentatives de meurtre et les coups et blessures sont punis conformément au Code pénal. Il n'existe pas encore, dans la législation cambodgienne, de dispositions établissant
clairement et officiellement l'âge de la responsabilité pénale. Dans le Code de procédure pénale de 2007, l'article 96 dispose qu'un mineur âgé de moins de 14 ans ne peut pas être placé en garde à vue et l'article 212 dispose que les mineurs âgés de moins de 14 ans ne peuvent pas être placés en détention provisoire.

L'article 38 de la Constitution stipule que la contrainte, la violence physique ou tout
autre traitement aggravant la peine du détenu ou du prisonnier sont interdits. La torture n'ayant pas encore été érigée en infraction pénale au Cambodge, aucune plainte spécifique pour actes de torture n'a été enregistrée. Les cas de torture sont couverts par les dispositions relatives aux coups et blessures, indique le rapport. Trois institutions sont habilitées à recevoir les plaintes pour violations des droits de l'homme et à enquêter sur ces affaires: la Commission des droits de l'homme du Sénat; la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée nationale; et le Comité cambodgien des droits de l'homme, qui est l'organe gouvernemental chargé de promouvoir les droits de l'homme.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, s'est réjouie que le Cambodge ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et ait accepté une première visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture. Elle a fait état d'une information émanant des ONG selon laquelle la plupart des juges, procureurs et personnes responsables de l'application des lois au Cambodge ne sont nullement au courant des dispositions de la Convention contre la torture. Dans ce contexte, qu'est-ce qui est fait par le Gouvernement pour amener les agents de l'État à prendre en compte les dispositions de cet instrument dans l'exercice de leurs fonctions, a-t-elle demandé?

Relevant l'affirmation contenue dans le rapport du Cambodge selon laquelle il n'est pas possible de fournir des statistiques au sujet d'éventuels cas de torture puisqu'il n'existe pas de définition de la torture en tant que délit dans ce pays, Mme Gaer a souhaité savoir si les choses ont changé de ce point de vue suite à l'adoption du nouveau Code pénal de 2009.

Mme Gaer a par ailleurs demandé à la délégation si elle était en mesure de confirmer qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture et si cela était spécifié dans le droit interne.

La rapporteuse a d'autre part indiqué avoir reçu des informations émanant d'ONG selon lesquelles s'exercent dans le pays des pressions des riches et des puissants qui influencent parfois le déroulement voire le dénouement d'une affaire. Au regard de ces informations, comment le Cambodge veille-t-il à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire?

Le Haut Commissariat aux droits de l'homme dispose de plusieurs rapports qui expriment des préoccupations s'agissant du fonctionnement des chambres extraordinaires, a poursuivi Mme Gaer. Existent des allégations constantes de corruption et d'ingérence politique dans les travaux de la Commission chargée de régler ces questions (de crimes commis durant le génocide), a-t-elle précisé. Elle a fait état d'informations selon lesquelles des personnes qui ont porté plainte devant les tribunaux sont souvent contraintes de conclure des arrangements informels.

Mme Gaer s'est en outre inquiétée d'un certain nombre de déficiences entourant les enquêtes menées par la police. Les enquêtes pénales utilisent des méthodes archaïques, a-t-elle déclaré. On nous dit qu'il y a impunité des personnes qui essaient de recourir à la force pour obtenir des aveux et que des poursuites judiciaires sont rarement engagées à l'encontre de ces personnes – contre lesquelles on se contente de mesures disciplinaires, a-t-elle insisté.

Mme Gaer a souhaité que la délégation commente les trois cas de décès en garde à vue mentionnés dans le rapport reçu des ONG.

La corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, MME NORA SVEASS, s'est, elle aussi, réjouie que le pays ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ce qui – a-t-elle déclaré – envoie un message fort quant à la volonté du Cambodge de respecter les dispositions de la Convention.

Mme Sveass a ensuite successivement évoqué la formation des personnels pertinents à la prévention de la torture; la réparation – sous l'angle des obligations ayant trait d'une part au droit à un procès équitable et d'autre part, au droit à indemnisation des victimes; les conditions qui prévalent dans les centres de détention, dans les hôpitaux psychiatriques ou encore dans les écoles; ainsi que la violence contre les individus vivant dans des centres tels que les centres sociaux.

La formation des personnels pertinents à la prévention de la torture est l'une des pierres angulaires de la Convention, a rappelé Mme Sveass, avant de s'enquérir des mesures prises à cette fin au Cambodge, que ce soit à destination des personnels de santé, des agents responsables de l'application des lois ou encore en termes de protection des témoins.

La corapporteuse s'est enquise du nombre d'affaires ayant abouti à une indemnisation de la victime. Combien de demandes d'indemnisation ont été déposées et combien ont-elles été rejetées, que ce soit par les chambres extraordinaires ou par les autres tribunaux, ordinaires, du pays, a-t-elle demandé? Selon certaines informations, a poursuivi Mme Sveass, il semblerait que les chambres extraordinaires n'envisagent qu'une indemnisation morale et collective des victimes – et en aucun cas une indemnisation individuelle –, ce qui constitue une interprétation très limitée des dispositions de la Convention relatives à la question des réparations.

En ce qui concerne les conditions de détention, a d'autre part relevé Mme Sveass, de nombreux rapports, émanant en particulier d'ONG, font état d'une surpopulation carcérale, alors que le taux d'occupation des prisons, qui ne cesse d'augmenter, oscille actuellement entre 150% et 175%. Cette surpopulation carcérale extrême représente un danger non seulement pour les détenus mais aussi pour les personnels travaillant dans les établissements carcéraux, en particulier les gardiens de prison. Qu'en est-il donc des inspections menées dans les lieux de détention, a demandé la corapporteuse?

Mme Sveass a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur l'âge minimum de la responsabilité pénale et sur la justice applicable aux mineurs. Traite et exploitation sexuelle des enfants sont deux phénomènes fréquents au Cambodge, a ajouté la corapporteuse. Elle s'est inquiétée de véritables rafles dont font l'objet des enfants pour être amenés, malgré eux, dans des centres sociaux; dans ce contexte, il faudrait absolument surveiller la situation qui prévaut dans ces centres, alors que des informations parvenues au Comité font état de violences sérieuses qui y seraient perpétrées, a-t-elle ajouté.

Un autre membre du Comité a relevé que le mandat d'amener n'a pas été aboli; c'est au contraire la convocation préalable à l'utilisation d'un mandat d'amener qui l'a été; or, recourir d'emblée à un mandat d'amener – sans convocation préalable – ne semble pas conforme à un état de droit. Qu'en est-il des règles de preuves en matière pénale au Cambodge, a par ailleurs demandé cet expert? Diverses sources font état de la corruption et de la politisation qui gangrènent le système judiciaire, a poursuivi l'expert. De nombreuses informations font état de multiples cas de violences sexuelles contre les femmes emprisonnées, s'est-il en outre inquiété après avoir relevé l'insuffisance du nombre de gardiennes de prison au regard du nombre de femmes détenues. Cet expert a par ailleurs estimé que l'article 31 de la Constitution ne confère pas une activité normative précise aux instruments internationaux et c'est peut-être pour cela, en fait, que le système judiciaire ignore ces instruments. Il a d'autre part déploré l'impunité générale qui semble prévaloir au Cambodge, au niveau des enquêtes et face au recours à la force dans le cadre des interventions des forces de sécurité.

Un expert a relevé qu'en 2007, a été adoptée une loi sur la lutte contre le terrorisme; aussi, s'est-il enquis du contenu précis de cette loi et de la définition du terrorisme retenue par la législation cambodgienne. Existe t-il un régime de détention préventive au secret qui serait plus large pour les présumés terroristes que pour les détenus de droit commun?

L'assassinat de syndicalistes est un phénomène dont se sont inquiétées plusieurs ONG et dont les autorités cambodgiennes sont elles-mêmes conscientes, a pour sa part souligné un expert.

Des visites sont-elles menées dans les commissariats du Cambodge et, si oui, quelles en sont les conclusions, a demandé un autre membre du Comité?

Des peines alternatives à la privation de liberté sont-elles envisagées afin de réduire le problème de surpopulation carcérale, a-t-il également été demandé?

Un expert a relevé que l'organisation Human Rights Watch s'est dite préoccupée par les détentions arbitraires de consommateurs de drogues entre les mains de la police.

Plusieurs experts ont insisté sur la nécessité de veiller à l'indépendance du mécanisme national de prévention de la torture qui a été mis en place conformément au Protocole facultatif à la Convention.

Un membre du Comité a demandé à la délégation s'il était exact que dans le nouveau code de procédure pénale, la personne placée en garde en vue doit être présentée à un juge après 24 heures, alors que dans l'ancien code, elle devait l'être dans un délai de 24 heures. Le viol, y compris dans le cadre du mariage, est désormais pénalisé au Cambodge, ce qui constitue une évolution très intéressante de la législation nationale, a par ailleurs relevé cet expert, avant de faire observer que selon Amnesty International, les tribunaux cambodgiens sont peu sensibles aux victimes des violences sexuelles et de s'enquérir d'affaires dont les tribunaux ont été saisis pour ce type de délit.

Réponses de la délégation cambodgienne

Évoquant en premier lieu la situation carcérale, la délégation cambodgienne a indiqué qu'une étude avait montré que la gestion des prisons s'était améliorée et était désormais bien meilleure qu'elle ne l'était auparavant, l'État continuant à cet égard à œuvrer avec de nombreuses parties prenantes pour améliorer encore davantage les conditions carcérales et ce, en dépit des contraintes financières. Ainsi, est-il prévu de construire de nouvelles prisons dans certaines provinces. L'État accorde une grande attention à la question de la surpopulation carcérale, qui constitue une menace pour la santé des prisonniers, a ajouté la délégation. L'État est également conscient de la nécessité qu'il y a à prévoir des visites de personnel médical dans toutes les prisons et autres lieux de détention. Instruction a été donnée au Ministère de l'intérieur de veiller à ce que toutes les prisons disposent d'eau potable, a précisé la délégation. En outre, a-t-elle indiqué, les prisonniers ont accès à des programmes de formation et ils peuvent se livrer à des exercices physiques et s'adonner à des loisirs.

S'agissant des requérants d'asile, la délégation a souligné que le Cambodge a passé des accords avec le Viet Nam et avec le Haut Commissariat pour les réfugiés en ce qui concerne les réfugiés en provenance du Viet Nam. En effet, le Cambodge est un pays qui, dans cette région, se trouve à la croisée des chemins et, de ce fait, ne travaille pas seul sur ces questions, mais plutôt en coopération avec les autres pays et avec les Nations Unies. Bien entendu, la législation relative à l'immigration doit s'appliquer, mais elle doit l'être de manière adéquate, a souligné la délégation.

Étant donné que le Cambodge est un pays de transit, le trafic de personnes est un problème pour ce pays, a par ailleurs déclaré la délégation. Des gens, à qui l'on fait miroiter un travail lucratif, sont parfois attirés par la ruse vers la Thaïlande et de là vers la Malaisie. Par ailleurs, des Vietnamiens sont victimes de trafic vers le Cambodge à des fins d'exploitation sexuelle et des enfants cambodgiens sont parfois victimes de trafic vers des pays tiers à des fins de mendicité. La délégation a précisé que 745 ressortissants cambodgiens qui avaient été victimes de travail forcé ont été rapatriés dans le pays.

En 2005, a ajouté la délégation, le Comité national sur les enfants des rues a été créé pour prévenir la migration de ces enfants en leur fournissant une formation et des services de réinsertion.

Il est vrai qu'il existe une lacune dans la loi cambodgienne du fait qu'il n'existe pas de définition de la torture dans le droit pénal, a reconnu la délégation; néanmoins, a-t-elle rappelé, cela ne signifie pas que le pays ne traite pas de cette question puisque, selon la Constitution, le Cambodge est tenu par les dispositions des traités internationaux auxquels il est partie, de sorte que la torture ne reste pas impunie. Le Code pénal ne contient pas de définition de la torture parce qu'une telle définition est énoncée dans la Convention contre la torture et que cette définition est donc directement applicable, a insisté la délégation. Il est vrai qu'il faudrait mettre en place une base de données pour recenser les cas de torture, a-t-elle admis. Les agents de l'État qui se rendent responsables d'actes de torture peuvent faire l'objet de sanctions administratives allant jusqu'au licenciement, mais aussi de sanctions pénales, a souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs affirmé que le Gouvernement cambodgien accorde un soutien financier aux services d'aide juridique et que les autorités sont conscientes de la nécessité de mettre sur pied un système de soutien aux victimes de la torture. Actuellement, a-t-elle ajouté, existent quelques hôpitaux qui offrent des services médicaux et psychologiques dans ce contexte, mais ces services doivent être étendus et améliorés, ce qui ne va pas sans poser quelques difficultés eu égard à la pauvreté du Cambodge – qu'il convient aussi de traiter. Une grande partie de l'aide étrangère de un milliard de dollars que reçoit chaque année le pays est consacrée aux dépenses d'infrastructures, a souligné la délégation.

Le travail des enfants a été éliminé dans l'industrie textile, a poursuivi la délégation. Le Cambodge s'efforce par ailleurs de l'éliminer également dans l'industrie navale ainsi que dans le secteur informel, en particulier en offrant aux enfants une instruction primaire et secondaire gratuite, a-t-elle ajouté. Elle a fait savoir que le rapport du pays au Comité des droits de l'enfant serait présenté l'an prochain. La législation interne a été amendée pour être mise en conformité avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et un groupe de travail interministériel a été mis sur pied pour superviser les droits de l'enfant et la rédaction du projet de loi sur la justice juvénile, ainsi que d'autres textes et politiques se rapportant aux enfants et adolescents, a précisé la délégation.

Alors qu'après la chute du régime de Pol Pot, le pays ne comptait plus que sept avocats, ils sont désormais 600 avocats inscrits au barreau, a poursuivi la délégation. Le pays compte dix juges et procureurs de sexe féminin, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs rappelé que la loi anti-corruption avait été promulguée le 17 avril 2010 et était entrée immédiatement en vigueur. Elle a souligné que cette loi prévoyait la création d'un Conseil national de lutte contre la corruption et d'une Unité anticorruption – cette dernière étant un organe indépendant poursuivant une politique de tolérance zéro à l'égard de la corruption. L'éducation publique, la prévention et l'application de la loi sont les trois axes de l'approche suivie par le Cambodge pour mettre un terme à la corruption, a précisé la délégation.

A ce stade, a par ailleurs indiqué la délégation, le mandat du mécanisme national de prévention de la torture qui a été mis en place conformément au Protocole facultatif à la Convention ne dit rien de très spécifique au sujet de visites sur les lieux de détention, mais ledit mécanisme est mandaté pour effectuer des visites afin d'évaluer la structure administrative et l'infrastructure physique des prisons. Ce mécanisme national est en outre habilité à recevoir des informations et des plaintes; à rencontrer des détenus pour s'entretenir avec eux de la manière dont ils sont traités et de leurs conditions de détention; à faire des recommandations et des observations au sujet des lois existantes et des projets de lois; et à travailler avec le Sous-Comité du Comité contre la torture.

Questions complémentaires des membres du Comité

MME GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, a estimé que les questions qu'avaient soulevées les experts s'agissant de la corruption et de l'impunité restaient dans une large mesure sans réponse à ce stade. En ce qui concerne les requérants d'asile, la délégation semble répondre à la question de savoir ce qu'il advient de ceux qui sont renvoyés dans leur pays en faisant référence à la loi sur l'immigration - et non à une loi sur les réfugiés - et en soulignant que le Haut Commissariat pour les réfugiés est présent dans le pays; le Cambodge n'exerce-t-il donc aucun contrôle sur l'octroi du statut de réfugié, ni aucun suivi des personnes qui sont renvoyées vers leur pays d'origine, a demandé Mme Gaer?

Pour ce qui est de la définition de la torture, la délégation cambodgienne est-elle en mesure de fournir le texte d'une quelconque loi qui traiterait de la torture, a par ailleurs demandé la rapporteuse? Concrètement, de quelle manière la Constitution rend-elle la Convention directement applicable en droit interne?

Pour ce qui est de la surpopulation carcérale, a poursuivi Mme Gaer, les informations disponibles semblent indiquer que la construction de nouvelles prisons ne sera pas suffisante pour suivre le rythme de la croissance de la population carcérale. Est-il déjà arrivé que des visites inopinées, c'est-à-dire non annoncées à l'avance, soient effectuées dans des prisons? Des agents de police ont-ils déjà été sanctionnés au pénal pour abus ou mauvais traitement?

Mme Gaer a par ailleurs souligné qu'aucun juge au Cambodge ne semble s'être jamais référé à la Convention dans ses décisions, alors que cela est permis.

Pour sa part, la corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, MME SVEASS, a souhaité savoir si des représentants de la société civile feraient partie du mécanisme national de prévention de la torture mis en place par le Cambodge.

La corapporteuse a par ailleurs souligné que des allégations graves avaient fait état d'abus dans les centres pour requérants d'asile et réfugiés et a souhaité savoir quelle suite avait été donnée à ces allégations. Mme Sveass a en outre souhaité savoir si la délégation était en mesure d'assurer que ces centres ne sont pas utilisés comme des lieux de détention illégale.

Quelles mesures sont-elles prises pour garantir les droits des populations autochtones, s'agissant de la protection de leurs terres, de la fourniture de cartes d'identité et d'autres questions, a par ailleurs demandé l'experte?

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si les enfants nés au Cambodge de parents étrangers se voyaient accorder la nationalité cambodgienne et quel type de protection leur était accordée.

Qu'en est-il des normes en place en matière de lutte contre le terrorisme, a-t-il également été demandé?

Un expert a insisté pour connaître les mesures prises aux fins de la protection des syndicalistes et autres défenseurs des droits de l'homme.

Qu'en est-il des peines alternatives à l'emprisonnement, a-t-il en outre été demandé?

Réponses complémentaires de la délégation

En réponse à toutes ces questions, la délégation a tenu à souligner que si des lacunes persistent au Cambodge, il n'en demeure pas moins que des progrès ont été réalisés. Des pays bien plus développés que le Cambodge continuent de se débattre avec des problèmes de surpopulation carcérale, de pauvreté et autres, a fait observer la délégation. Le Cambodge apprend de l'expérience de pays tiers, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est des groupes autochtones, la délégation a déclaré que toute personne ayant la citoyenneté cambodgienne jouit de tous les droits prévus dans la Constitution, que cette personne appartienne à un groupe autochtone ou non et qu'elle ait ou non une double nationalité.

Pour ce qui est du travail des enfants, la délégation a rappelé que la pauvreté est la principale cause de ce phénomène et que les autorités s'efforcent donc de combattre la pauvreté en même temps qu'elles sévissent contre les personnes qui emploient des enfants.

La lutte contre la corruption est un processus de longue haleine, a par ailleurs souligné la délégation.

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