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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes auditionne des ONG en vue de l'examen des rapports du Burkina Faso et de la Tunisie

04 Octobre 2010

4 octobre 2010

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, cet après-midi, plusieurs organisations non gouvernementales qui ont fourni des renseignements concernant la situation des femmes au Burkina Faso et en Tunisie, les deux pays dont les rapports doivent être examinés cette semaine.

S'agissant du Burkina Faso, une organisation non gouvernementale a attiré l'attention sur les problèmes qui se posent en ce qui concerne notamment l'absence de définition de la discrimination; les mesures temporaires spéciales pour promouvoir l'égalité entre les sexes; l'accès à l'éducation et à la formation professionnelles; l'égalité d'accès aux soins de santé; et la violence faite aux femmes et aux filles. Dans le cadre des échanges entre le Comité et les représentants d'organisations non gouvernementales, l'attention s'est portée notamment sur le traitement des plaintes pour violence contre les femmes, et notamment le rôle des chefs de village, l'incidence des cas de violence sexuelle, notamment dans les institutions scolaires, les questions relatives à l'accès à la propriété.

En ce qui concerne la Tunisie, une organisation non gouvernementale a attiré l'attention sur les obstacles que rencontrent les femmes tunisiennes dans la reconnaissance et la jouissance de leurs droits, alors que deux autres organisations faisaient valoir le rôle pionnier joué par la Tunisie en matière de promotion des droits fondamentaux des femmes et le statut avantageux dont jouissent les femmes en Tunisie en vertu du Code sur le statut personnel. Au cours de la discussion avec le Comité qui a suivi ces présentations, des précisions ont été apportées s'agissant notamment du viol conjugal, la latitude accordée dans l'action des associations de la société civile, entre autres.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du sixième rapport périodique du Burkina Faso (CEDAW/C/BFA/6).

S'agissant du Burkina Faso

Une représentante de l'Association des femmes juristes du Burkina Faso, au nom de la Coalition burkinabaise pour le suivi de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a attiré l'attention sur les problèmes qui se posent au Burkina Faso en ce qui concerne l'absence de définition de la discrimination; les mesures temporaires spéciales pour l'égalité entre les deux sexes; l'effectivité du droit à l'éducation et à la formation professionnelles; l'égalité d'accès aux soins de santé et la violence faite aux femmes et aux filles. Des lois discriminatoires à l'égard des femmes demeurent dans la législation du Burkina Faso - eu égard notamment à la polygamie et aux âges minima du mariage qui diffèrent pour les garçons et pour les filles, alors que la définition de la discrimination n'y figure même pas, a précisé la représentante. Au Burkina Faso, a-t-elle poursuivi, les besoins d'éducation pour les filles et les femmes restent énormes. Pour ce qui est de l'égalité en matière d'accès aux soins de santé, la législation en vigueur n'établit aucune distinction entre hommes et femmes: c'est plutôt la dépendance sociale et économique des femmes qui limite leur accès aux soins de santé, a expliqué une autre intervenante. En ce qui concerne les violences faites aux femmes et aux filles, les textes juridiques existants pour lutter contre ces pratiques sont non seulement insuffisants mais aussi inefficaces, car ces violences sont de plus en plus fréquentes, a ajouté l'oratrice.

Un membre du Comité a demandé si les systèmes de médiation sont utilisés dans les cas de violence contre les femmes et comment sont traitées les plaintes. Une autre experte s'est enquise du droit des femmes en matière de propriété. Une experte aurait souhaité des données chiffrées concernant le nombre de cas dans lesquels a été appliquée la loi pénalisant la transmission intentionnelle du VIH/sida. Une autre experte a soulevé la question de la traite de personnes. Les cas de viols dans les écoles sont-ils isolés ou s'agit-il d'une pratique répandue, a demandé une experte?

Dans le système traditionnel, a expliqué la représentante d'une organisation non gouvernementale, ce sont les chefs de village qui sont les personnes les plus proches des populations; donc, lorsqu'il y a des questions de violence domestique, c'est vers ces chefs que l'on se tourne. Ce n'est que lorsqu'il n'y a plus de conciliation possible ou que le chef traditionnel n'est pas parvenu à une médiation que l'on peut aller plus loin; mais les gens sont réticents à aller devant les tribunaux. De nombreux internats ont progressivement été fermés dans les écoles du Burkina Faso et souvent, en raison des grandes distances qui les séparent de l'école, les filles ne peuvent plus aller à l'école, a pour sa part déploré la représentante d'une organisation non gouvernementale, plaidant en faveur de la réouverture d'internats. Une autre intervenante a attiré l'attention sur les déplacements d'enfants vers les pays limitrophes à des fins d'utilisation comme main-d'œuvre, notamment pour le travail dans les champs en Côte d'Ivoire. Il y a eu des cas dramatiques de viols d'élèves à l'école perpétrés par des enseignants et une oratrice a invité le Comité à adresser au pays une recommandation forte à ce sujet.

S'agissant de la Tunisie

Une représentante de l'Association tunisienne des femmes démocrates a attiré l'attention du Comité sur les obstacles que rencontrent les femmes tunisiennes dans la reconnaissance et la jouissance de leurs droits. Elle a notamment dénoncé le problème des réserves à la Convention et de la déclaration générale qui les accompagne sur la question de l'islam, religion d'État. Elle a ainsi dénoncé la perpétuation des discriminations associées à l'ordre patriarcal traditionnel. La représentante a en outre dénoncé la gestion autoritaire de la vie politique qui cible les femmes non progouvernementales en les excluant de toute participation réelle à la vie du pays. La violence contre les femmes prend de l'ampleur et touche toutes les tranches de la société, allant jusqu'à mettre en péril la vie des femmes, a-t-elle poursuivi. La violence continue de n'être traitée que de manière sectorielle, comme une affaire privée, a-t-elle déploré. En outre, les dispositions pénales sur le harcèlement sexuel ne sont pas transposées dans le Code du travail, a souligné la représentante. Tout ceci se produit dans un contexte général de précarité qui touche en particulier les femmes.

Une représentante de l'Organisation des mères tunisiennes, a pour sa part souligné le rôle pionnier joué par la Tunisie en matière de promotion des droits humains des femmes en soulignant notamment que le Code sur le statut personnel a aboli la polygamie et institué le programme de planification familiale. Les deux tiers du budget national sont alloués à l'éducation et à la santé, et la scolarité gratuite et obligatoire est assurée pour tous et toutes, a-t-elle en outre fait valoir. Elle a par ailleurs rappelé que l'âge du mariage a été porté à 18 ans pour les personnes des deux sexes.

Une représentante de l'Union nationale de la femme tunisienne a pour sa part déclaré que la Tunisie s'est toujours engagée en faveur des causes justes. Le taux de pauvreté dans le pays a reculé à 3,8%, a-t-elle fait valoir. Les femmes en Tunisie jouissent d'un statut avantageux privilégié suite à l'adoption du Code sur le statut personnel, a-t-elle souligné. Le Président Ben Ali a fait de l'émancipation des femmes une constante de sa politique, a-t-elle insisté. Elle a reconnu que des difficultés peuvent subsister pour ce qui est d'instituer une véritable égalité entre hommes et femmes, en raison du poids des traditions religieuses et culturelles. Il n'en demeure pas moins qu'une épouse non musulmane, par exemple, peut hériter de son mari, a-t-elle notamment fait valoir.

Un membre du Comité a souhaité savoir s'il existe en Tunisie une loi générale sur la violence contre les femmes qui, par exemple, couvre le viol conjugal et ne permet pas à l'auteur d'un viol d'échapper à des poursuites si, par exemple, il épouse la victime. Une autre experte a relevé un écart entre la volonté affichée par le Gouvernement et la vie quotidienne des femmes; qu'en est-il des freins et obstacles rencontrés par les organisations de la société civile en matière de participation à la vie publique, a-t-elle demandé? Qu'en est-il de la position du Code civil face aux normes traditionnelles empêchant les mariages interconfessionnels, a demandé une autre experte? Une experte a souligné que la traite de personnes est un problème au niveau interne et transfrontière et s'est donc enquise des mesures, y compris législatives, prises par la Tunisie pour lutter contre ce phénomène.

La représentante d'une organisation non gouvernementale a fait observer que la Tunisie, qui était pionnière pour les questions intéressant les femmes, commence à amorcer des retards par rapport à d'autres pays, y compris musulmans, qui eux, ont levé leurs réserves à la Convention ou, en tout cas, n'ont pas fait de déclaration générale sur l'islam religion d'État – contrairement à ce qu'a fait la Tunisie. Une telle déclaration fait faire un recul à l'état de droit en Tunisie, notamment pour ce qui est du droit successoral, a insisté cette représentante. Elle a par ailleurs précisé que les entraves à la création d'associations sont avant tout de nature juridique, puisque le régime qui prévaut en la matière en Tunisie est celui d'autorisation préalable. Ainsi, la représentante a indiqué que tous nos fonds de l'Association tunisienne des femmes démocrates ont été bloqués et ses comptes ont même été manipulés. La Tunisie a certes enregistré des avancées, mais le Code sur le statut personnel n'est pas encore un Code civil: c'est une interprétation libérale du statut personnel musulman. En fait, l'interdiction du mariage de la femme musulmane avec un non-musulman n'est pas inscrite dans le Code sur le statut personnel; elle procède d'une circulaire interdisant que les agents de l'État ne célèbrent de tels mariages. Il n'existe pas en Tunisie de loi générale sur la violence contre les femmes, a par ailleurs précisé une oratrice. Selon le Code pénal, les poursuites contre l'auteur d'un viol sur mineure peuvent être abandonnées si celui-ci épouse la victime, a confirmé l'intervenante.

Certes, la Tunisie reconnaît l'islam comme religion d'État, mais sans pour autant en faire une source de droit, puisque la Tunisie est un pays de droit positif, a pour sa part souligné la représentante d'une autre organisation non gouvernementale.

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