Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme
Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports portant sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie
16 juin 2010
MATIN
16 juin 2010
Le Conseil des droits de l'homme a examiné, ce matin, le rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, M. Githu Muigai, consacré cette année à une analyse des corrélations entre racisme, discrimination raciale et conflit. Il était également saisi du rapport du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, présenté par un de ses membres, qui a informé le Conseil des résultats des délibérations du Groupe sur le thème de la discrimination structurelle contre les personnes d'ascendance africaine dans l'éducation, la santé et la justice.
M. Muigai a souligné l'importance d'identifier les signes avant-coureurs de tensions et de conflits potentiels. Il a aussi estimé que certaines questions devaient être abordées avec précaution, comme par exemple le débat sur l'identité nationale, la question de la discrimination socio-économique à l'encontre de certains groupes et la manipulation politique d'idéologies racistes ou nationalistes. Mal gérées, elles peuvent dégénérer en tensions, voire en conflits. Dans les situations post-conflit, le Rapporteur spécial invite à être particulièrement vigilant face à une reprise éventuelle de l'incitation à la haine. Les causes profondes d'un conflit doivent être bien prises en compte pour éviter la résurgence de la violence et assurer une paix et une réconciliation durables. En outre, toutes les parties prenantes doivent être invitées à participer à la consolidation de la paix.
Mme Verene Shepherd, membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a pour sa part mis en relief les manières insidieuses dont la discrimination raciale, de classe ou de caste, ou encore de genre, peut se manifester, même dans des situations d'égalité apparente devant la loi. Ces discriminations marginalisent les personnes d'ascendance africaine même dans des contextes où elles constituent la majorité de la population. Le Groupe de travail recommande aux Nations Unies de promouvoir la discussion sur le terme d'«afrophobie» afin de mettre en lumière le caractère spécifique de la discrimination subie par les personnes d'ascendance africaine. Enfin, l'experte s'est félicitée de la proclamation de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine en 2011.
Les participants au débat ont également salué la proclamation de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine, soulignant qu'elle offrira l'occasion de célébrer et de reconnaître la contribution historique et actuelle des populations d'ascendance africaine au développement social, économique et culturel de leurs sociétés respectives, ainsi que de prendre conscience des discriminations et inégalités dont elles sont l'objet. La consolidation de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que la mise sur pied de systèmes d'alerte précoce ont été citées au nombre des mesures essentielles pour lutter contre les tensions et empêcher l'émergence du racisme. Plusieurs délégations ont également insisté sur la responsabilité des États de protéger les populations, certaines estimant que la mise en œuvre de la responsabilité de protéger peut conduire, si nécessaire, à une action collective au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. D'autres ont au contraire souligné que la notion de responsabilité de protéger fait aujourd'hui encore l'objet de discussions et qu'il n'existe pas de consensus sur ce concept.
Les problèmes posés par les débats sur l'identité nationale ont également été soulevés. Bien organisés, ces débats pourraient contribuer à l'union et à la lutte contre l'intolérance, mais c'est rarement le cas, ont déploré des intervenants. Des États ont souligné qu'il était important que le concept d'identité nationale soit utilisé de manière inclusive et que les discussions autour de ce concept ne mettent pas l'accent sur le concept de l'«autre».
L'Allemagne et les Émirats arabes unis sont intervenus en tant que pays concernés puisqu'ils ont reçu la visite du Rapporteur spécial sur le racisme au cours de l'année 2009. Les représentants des pays suivants ont ensuite fait des déclarations: Union européenne, Union africaine, Jamahiriya arabe libyenne, Arménie, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Indonésie, Algérie, Nigéria (au nom du Groupe africain), Fédération de Russie, Jamaïque, Cuba, États-Unis, Brésil, Soudan (au nom du Groupe arabe), Norvège, Sénégal, Azerbaïdjan, France, Suède, Chine, Soudan, Afrique du Sud, Égypte et Côte d'Ivoire. Israël a exercé le droit de réponse en fin de séance.
Sont également intervenus les représentants de l'Institution allemande de droits de l'homme et des organisations non gouvernementales suivantes: Institut allemand pour les droits de l'homme, Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), United Nations Watch, Interfaith International, et le Mouvement indien «Tupaj Amaru».
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil examinera le rapport présenté par l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, avant de procéder à son débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités.
Examen de rapports sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie
Présentation des rapports
M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban relèvent que le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie figurent parmi les causes de nombreux conflits internes et internationaux; ils en sont aussi les conséquences. Fort de ce constat, le Rapporteur spécial a décidé d'examiner dans son rapport les liens entre les conflits – au sens large – et le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.
Le Rapporteur spécial a mis l'accent sur trois situations particulières: avant, pendant et après un conflit. Dans son rapport, il souligne l'importance d'identifier des signes précurseurs permettant de réagir à des situations propices à un conflit. Il appelle toutes les parties prenantes à accorder une attention particulière à certaines questions, comme par exemple le débat sur la prétendue «identité nationale» lancé dans certains pays, la discrimination socio-économique à l'encontre de certains groupes de la population ou la manipulation politique d'idéologies racistes ou nationalistes. Le Rapporteur spécial est en effet d'avis que ces trois questions peuvent dégénérer en tensions, voire en conflit, si elles sont mal gérées. D'autre part, l'expert a attiré l'attention sur le discours d'incitation à la haine, un facteur qui exacerbe les conflits. Le discours de haine fondé sur une idéologie raciste tend à créer une culture de la victimisation et à déshumaniser certaines catégories de personnes perçues comme inférieures. Dans les situations de conflit, ces deux éléments peuvent devenir des outils efficaces pour inciter des personnes à commettre des actes de violence, y compris des assassinats, à l'encontre de certains individus ou groupes. Le rapport préconise en outre que les causes profondes du conflit soient bien prises en compte pour éviter la résurgence de la violence et assurer une paix et une réconciliation durables. En outre, il faut être particulièrement vigilant face à une reprise éventuelle de l'incitation à la haine et la violence. Enfin, il faut inviter toutes les parties prenantes à participer à la consolidation de la paix.
Concernant sa visite en Allemagne, effectuée du 22 juin au 1er juillet 2009, le Rapporteur spécial y a constaté des progrès importants dans la réforme du cadre juridique et institutionnel visant à prévenir la discrimination, se félicitant tout particulièrement de la création d'une agence fédérale de lutte contre la discrimination. Toutefois, M. Muigai attire l'attention du Gouvernement sur certains défis qui doivent être relevés pour améliorer encore la lutte contre le racisme. Compte tenu du fédéralisme très fort qui caractérise l'Allemagne, le Rapporteur spécial est d'avis que les gouvernements locaux devraient bénéficier de cadres juridiques et institutionnels efficaces de lutte contre le racisme. Le Rapporteur spécial a également donné des informations sur sa visite aux Émirats arabes unis, du 4 au 8 octobre 2009, précisant avoir été le premier titulaire de mandat invité à se rendre dans ce pays. Il a souligné que les Émirats arabes unis sont un pays particulier où les non-ressortissants représentent la vaste majorité de la population. L'afflux, ces dernières années, de travailleurs étrangers pose des défis importants à la société, en termes d'identité nationale, d'intégration sociale et de capacité d'absorption. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial a exhorté le Gouvernement à prendre des mesures pour améliorer la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs étrangers non qualifiés. Leur assurer l'accès à la santé, l'éducation, les services sociaux et l'emploi est, de l'avis de l'expert, une priorité.
M. Muigai a conclu sa présentation en indiquant avoir transmis 14 communications à 12 gouvernements et reçu huit réponses, soit un taux de réponse de 57%. Il a demandé instamment aux États de répondre à ses communications, de manière rapide et détaillée.
Le rapport sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée (A/HRC/14/43) et ses annexes consacrées aux visites du Rapporteur spécial en Allemagne (A/HRC/14/43/Add.2) et aux Émirats arabes unis (A/HRC/14/43/Add.3), ainsi que le résumé des communications faites aux États (A/HRC/14/43/Add.1), sont disponibles sur le site Internet du Haut Commissariat aux droits de l'homme.
MME VERENE SHEPHERD, membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a présenté les résultats des délibérations du Groupe de travail lors de sa neuvième session, tenue du 12 au 16 avril à Genève. Le Groupe de travail a engagé une discussion sur le thème de la discrimination structurelle contre les personnes d'ascendance africaine dans l'éducation, la santé et la justice, et poursuivi sa discussion sur la collecte de données comme moyen de lutter contre la discrimination structurelle. Les différents présentations mettent en lumière les manières insidieuses dont la discrimination raciale, de classe ou de caste, ou encore de genre, peut se manifester, même dans des situations d'égalité apparente devant la loi. Ces discriminations ont marginalisé les personnes d'ascendance africaine jusque dans des contextes où elles constituent la majorité de la population.
Le Groupe de travail recommande notamment aux États et institutions spécialisées des Nations Unies de mettre en œuvre de manière prioritaire les dispositions de la Déclaration et du Programme d'action de Durban relatives aux personnes d'ascendance africaine, et au Haut commissariat aux droits de l'homme de créer un observatoire chargé de suivre les progrès réalisés. Le Groupe de travail recommande aussi aux Nations Unies de promouvoir la discussion sur le terme d'«afrophobie» afin de mettre en lumière le caractère spécifique de la discrimination subie par les personnes d'ascendance africaine. Il demande aux États d'adopter des mesures spéciales, y compris sous la forme de discrimination positive, fondées sur des statistiques ventilées, afin de traiter de la discrimination structurelle dont souffrent les personnes d'ascendance africaine, et de réformer leurs programmes scolaires afin de renforcer l'image positive des personnes d'ascendance africaine sur le passé de leur continent d'origine et sa contribution au développement du monde.
Mme Shepherd a rappelé que 2011 avait été proclamé par l'Assemblée générale «Année internationale des personnes d'ascendance africaine». À cet égard, le Groupe de travail recommande notamment l'établissement d'un lien entre l'Année internationale et le dixième anniversaire de la Déclaration et Programme d'action de Durban. Le Groupe de travail propose également l'instauration d'une Journée internationale des personnes d'ascendance africaine et la tenue d'une Conférence internationale de haut niveau sur les personnes d'ascendance africaine. Il propose que le Conseil des droits de l'homme soit invité à lancer des travaux sur un projet de Déclaration des peuples d'ascendance africaine et à donner au Groupe de travail le mandat d'élaborer un projet de texte.
Le rapport du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine à sa neuvième session (A/HRC/14/18) n'est disponible qu'en anglais.
Pays concernés
M. MARKUS LONING (Allemagne) a fait part de l'appréciation de son gouvernement pour la visite que le Rapporteur spécial a effectuée en Allemagne à l'été 2009. Après avoir reconnu la valeur ajoutée des procédures spéciales des Nations Unies, le représentant a commenté le rapport de M. Muigai concernant l'Allemagne en soulignant, s'agissant du paragraphe 67 de ce rapport, qu'un débat est actuellement en cours en Allemagne sur la question d'une définition appropriée du terme de «racisme». Au regard de l'histoire de l'Allemagne, cette question doit être appréhendée avec beaucoup de précaution, a-t-il ajouté. En ce qui concerne le paragraphe 77 du rapport, il a indiqué que l'Allemagne n'était pas totalement d'accord avec l'idée qu'il serait nécessaire d'instituer un droit d'enquête proprio motu pour l'agence antidiscrimination; il vaudrait mieux avant tout renforcer la capacité des institutions judiciaires de traiter des cas de racisme. Pour ce qui est de la représentation des personnes issues de l'immigration dans les institutions publiques, le représentant allemand a remercié le Rapporteur spécial pour sa recommandation en la matière. En conclusion, le représentant allemand a insisté sur l'engagement de son pays à poursuivre son action en faveur de la lutte contre le racisme et la discrimination.
M. OBAID SALEM SAEED AL ZAABI (Émirats arabes unis) a souligné que M. Muigai avait pu rencontrer, lors de sa visite du pays en octobre dernier, des membres des autorités gouvernementales et locales, ainsi que des représentants de la société civile, et a salué le professionnalisme dont a fait preuve le Rapporteur spécial au cours de cette visite. Dans son rapport, a fait valoir le représentant émirien, M. Muigai souligne que le pays a beaucoup progressé du point de vue du cadre institutionnel et juridique en matière de lutte contre le racisme. Il n'en demeure pas moins que les autorités sont conscientes qu'il reste beaucoup à faire, a déclaré le représentant. Pour ce qui est des questions d'identité nationale et de droit à la citoyenneté, le représentant a souligné qu'elles relèvent exclusivement des compétences de l'État. Un Comité spécial permanent a été créé par le Gouvernement et la société civile, chargé spécifiquement du suivi de l'examen périodique universel des Émirats arabes unis, a par ailleurs indiqué le représentant. Ce comité a commencé à travailler sur toutes les promesses volontaires et recommandations issues de l'Examen périodique universel, a-t-il précisé.
Dialogue interactif
MME JOËLLE HIVONNET (Union européenne) s'est félicitée de l'analyse effectuée par M. Muigai sur les liens entre les conflits et le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. L'Union européenne reconnaît, à l'instar du Rapporteur spécial, que la consolidation de la démocratie, de l'état de droit et de la gouvernance démocratique est essentielle pour lutter contre les tensions et empêcher l'apparition du racisme. L'Union européenne accorde également une grande importance au devoir de protection des États. S'agissant du débat sur l'identité nationale, la représentante a souhaité savoir si le Rapporteur spécial envisage d'étudier cette question de façon plus approfondie dans un prochain rapport. Elle a également demandé des détails sur les cadres institutionnels que le Rapporteur spécial recommanderait aux États pour détecter les signes avant-coureurs de tensions et de racisme.
MME KHADIJA RACHIDA MASRI (Union africaine) a souligné que la discrimination, quelle que soit sa forme et son fondement, produit toujours des effets néfastes sur ses victimes et fait également obstacle à l'amitié entre les peuples et les nations. L'Union africaine, pour des raisons historiques évidentes, attache une importance particulièrement grande à la lutte contre toutes les formes de racisme et de discrimination. La Commission de l'Union africaine partage en outre l'avis du Rapporteur spécial qui présente le racisme comme source de guerres, de génocides et d'épurations ethniques. L'Union africaine s'est, dans ce cadre, dotée d'un système d'alerte précoce sur les situations susceptibles d'engendrer des conflits armés, y compris les tensions ethniques, la xénophobie et l'intolérance, sources de conflits en Afrique. L'Année internationale des personnes d'ascendance africaine sera l'occasion pour la communauté internationale de mieux prendre conscience de l'étendue des discriminations dont est quotidiennement victime toute une frange de la population. L'Année doit être aussi l'occasion de prendre des mesures pratiques pour réduire les inégalités à l'égard des personnes d'ascendance africaine, afin de changer concrètement leur vie quotidienne. Mme Masri a enfin estimé que le combat contre le racisme et la discrimination, la xénophobie et l'intolérance exigea la combinaison de tous les efforts au plan national, régional et international.
M. ADEL SHALTUT (Libye) a rappelé que les résultats de la Conférence d'examen de Durban constituent la référence universelle de l'action que doit mener la communauté internationale en matière de lutte contre le racisme et contre la discrimination raciale. Après avoir rappelé les événements de 1976 en Afrique du Sud, et le racisme qui était alors associé au régime de l'apartheid dans ce pays, le représentant a dénoncé «le racisme plus grave encore contre le peuple palestinien pratiqué par les forces israéliennes racistes». «L'occupation par Israël de la Palestine et des territoires arabes occupés a pour origine le racisme», a insisté le représentant libyen. Il a par ailleurs déploré que le rapport du Rapporteur spécial ne mentionne pas l'incitation à la haine contre les musulmans par le biais de la déformation de l'image de l'islam et de la propagation de stéréotypes contre les musulmans en les associant au terrorisme. Ce rapport, en son paragraphe 13 mentionne par ailleurs un thème qui n'a pas été évoqué dans les documents finals des processus de Durban et qui n'est pas soutenu par la majorité des pays du monde, a également déploré le représentant libyen.
M. VAHEH GEVORGYAN (Arménie) a félicité le Rapporteur spécial pour son approche innovante dans l'examen de la question du racisme et de la discrimination raciale. Le représentant a estimé que les États ont la responsabilité d'assurer que tout discours sur l'identité nationale se déroule dans de bonnes conditions en garantissant, notamment, la liberté d'expression. Il a invité le Rapporteur spécial à s'intéresser aux lois qui limitent la liberté d'expression, notamment dans le cadre des discours sur l'identité nationale. À l'instar de M. Muigai, il a relevé l'importance de la participation active de la société civile à ces débats. Une institution nationale des droits de l'homme réellement indépendante peut jouer un rôle prépondérant dans ce domaine, a-t-il ajouté. Pour le représentant arménien, la coopération internationale constitue une autre source importante de retour d'information; il estime que le potentiel du Conseil des droits de l'homme et de l'examen périodique universel doit être utilisé pour enrichir le débat.
M. ZAHOOR AHMED (Pakistan, au nom de l'Organisation de la conférence islamique) a noté que le Rapporteur spécial définit la notion de conflit de manière large, au sens non seulement de «conflits armés» mais aussi de «tensions sociales». Il a salué les efforts du Rapporteur spécial pour utiliser dans un sens inclusif la notion d'identité nationale dans le contexte de la mondialisation, notamment pour permettre à des personnes qui ne s'identifient pas avec les éléments culturels ou historiques d'un pays donné d'avoir néanmoins un sentiment d'appartenance. Le représentant a cependant regretté le recours à la notion d'identité, un concept qui ne fait pas consensus au sein du système des Nations Unies, et a invité le Rapporteur spécial à ne plus y faire référence. Le représentant s'est dit d'accord sur le fait que les pratiques de discrimination socio-économique aux dépens de certains groupes entraînent une forte polarisation de la société susceptible de créer, à terme, des tensions, voire des conflits. Il a toutefois estimé que certains concepts utilisés par le Rapporteur spécial, tels que la responsabilité de protéger, ne font, là non plus, pas l'unanimité au sein de la communauté internationale, et qu'il ne devrait donc pas y recourir. Il a estimé que le Rapporteur spécial devrait aussi traiter des formes modernes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance associée telles qu'on les trouve notamment dans les pays occidentaux.
M. BENNY YAN PIETER SIAHAAN (Indonésie) a remercié M. Muigai pour son rapport. En tant que pays très divers et multiculturel, l'Indonésie est consciente de la nécessité d'apporter toute l'importance voulue au plan international aux questions de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance qui y est associée. Après les attaques du 11 septembre, on a assisté à une montée des sentiments antimusulmans à travers le monde, a-t-il fait observer. Il faut répondre à l'appel du Rapporteur spécial qui prévient que les idées ou propos fondés sur l'idéologie raciste peuvent exacerber et aggraver les conflits violents. Souscrivant aux recommandations du Rapporteur spécial relatives à la nécessité d'assurer la responsabilité et l'obligation redditionnelle des gouvernements, le représentant indonésien a souligné qu'il est du devoir des États d'assurer que tous les citoyens se voient octroyer des droits égaux. Il a par ailleurs insisté sur le rôle des médias en matière de prévention ou, au contraire, de promotion des conflits.
MME NADIA LAMRANI (Algérie) a, à l'instar de M. Muigai, estimé impératif de se prémunir contre les conséquences négatives que peuvent avoir les débats sur l'identité nationale. Dans certaines situations, les risques que le racisme, la discrimination raciale et l'intolérance attisent des conflits et causent des violations des droits de l'homme rappellent qu'il incombe aux États de s'acquitter de leur responsabilité de protéger la population, a-t-elle souligné. Les liens entre la discrimination socio-économique et le racisme n'ont, à son avis, pas été suffisamment étudiés; l'Algérie est d'avis que la discrimination socio-économique est une conséquence directe du racisme. Enfin, la représentante algérienne a soutenu l'ensemble des conclusions et recommandations du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, notamment celle préconisant une approche globale pour briser le cycle de la pauvreté des personnes d'ascendance africaine.
M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria, au nom du Groupe africain) s'est dit convaincu de la nécessité d'éradiquer le racisme de la surface de la terre. Tout en disant appuyer le Rapporteur spécial dans ses travaux, il s'est dit préoccupé par la manière dont il définit le racisme et fait le lien entre racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance associée et les conflits armés. Il a estimé que les conflits pouvaient avoir d'autres sources que le racisme, en Afrique comme ailleurs dans le monde. Il a regretté en outre le lien établi entre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance associée et la discrimination sexuelle. Il a pris note de la manière dont le Rapporteur spécial développe le concept de responsabilité de protéger, mais a remarqué qu'il ne correspondait pas à la notion juridique de devoir de protection. Le représentant du Groupe africain a félicité le Groupe de travail sur les personnes d'ascendance africaine pour son travail et notamment pour les activités qu'il propose dans le cadre de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine.
M. EVGENY USTINOV (Fédération de Russie) a jugé intéressante l'analyse faite par le Rapporteur spécial des mesures prises par les gouvernements pour lutter contre les pratiques alimentant les formes contemporaines de racisme. La coopération interculturelle est un élément essentiel de la prévention de la xénophobie au sein des sociétés, a par ailleurs souligné le représentant russe. Il conviendrait par ailleurs d'accorder une attention toute particulière aux conclusions de M. Muigai quant à l'importance de l'enseignement de l'histoire, a-t-il également indiqué.
MME ANDREA DUBIDAD-DIXON (Jamaïque) s'est félicitée du travail effectué par le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine et notamment des visites effectuées en Équateur et aux États-Unis. Elle a demandé aux États membres de tenir compte des recommandations découlant des discussions menées à la neuvième session du Groupe de travail sur la discrimination structurelle des personnes d'ascendance africaine. Enfin, la Jamaïque se réjouit de la décision de l'Assemblée générale de déclarer 2011 année internationale des personnes d'ascendance africaine.
MME MARÍA DEL CARMEN HERNÁNDEZ (Cuba) s'est félicitée de la décision prise par l'Assemblée générale de déclarer 2011 Année internationale des personnes d'ascendance africaine et des recommandations du Groupe de travail sur les activités à mener à cette occasion. Elle s'est dite inquiète de la résurgence de formes modernes plus sophistiquées de formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance dans certains pays, ainsi que de la prolifération de lois et de politiques d'immigration qu'elle a jugées discriminatoires, ou encore et de législations antiterroristes qui facilitent l'arbitraire. Elle a demandé au Rapporteur spécial de donner son avis sur les lois adoptées par certains États et relatives aux travailleurs migrants et sur la manière dont elles contribuent à renforcer les discriminations à l'encontre des travailleurs migrants. Elle a également demandé au Rapporteur spécial son avis sur l'existence dans certains pays de partis politiques qui professent ouvertement des opinions racistes ou xénophobes et s'ils devaient être interdits. La représentante a par ailleurs rappelé que la notion de responsabilité de protéger fait aujourd'hui encore l'objet de discussions et de débats et a rappelé qu'il n'existait pas de consensus sur ce concept.
MME EILEEN CHAMBERLAIN DONAHOE (États-Unis) a souligné que son pays se félicitait d'avoir accueilli sur son territoire, au début de cette année, le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine. Les États-Unis se félicitent de l'intention du Groupe de travail de s'engager auprès des institutions, fonds et programmes concernés des Nations Unies afin d'aider les États à améliorer l'accès à l'éducation et encouragent le Groupe de travail à continuer de se concentrer sur des initiatives concrètes visant à améliorer les vies des personnes d'ascendance africaine. D'autre part, les États-Unis se félicitent de l'accent mis par le Rapporteur spécial, M. Muigai, sur les corrélations entre conflit et racisme et apprécient ses recommandations, a poursuivi la représentante. Elle a attiré l'attention du Rapporteur spécial sur le commentaire du Rapporteur spécial selon lequel lorsque les médias offrent une grande variété de points de vues et d'opinions, il est plus probable que l'impact sur la population des idéologies racistes ou nationalistes soit limité. Du point de vue des États-Unis, la liberté d'expression ne signifie pas liberté de propager des idéologies racistes ou haineuses sans qu'il y soit répondu; ceux qui utilisent leur liberté d'expression pour faire des déclarations méprisables devraient faire face à des conséquences non pas par le biais du système juridique, mais dans l'arène de la libre expression et de la politique.
M. MARTUS CHAGAS (Brésil) a rappelé que les personnes d'ascendance africaine représentent plus de 50% de la population brésilienne, mais plus de 70% de la population vulnérable au niveau socio-économique. Lutter contre cette inégalité et promouvoir l'inclusion sociale sont une priorité du Gouvernement. Depuis 2003, plus de 30 millions de Brésiliens sont passés d'une classe économique basse à une classe moyenne. Des mesures sont prises pour promouvoir l'accès à l'éducation et à la santé des personnes d'ascendance africaine. Dans ce contexte, le représentant brésilien s'est félicité que l'année 2011 ait été proclamée Année internationale des personnes d'ascendance africaine, une année qui offrira l'occasion de célébrer et reconnaître la contribution historique et actuelle des populations d'ascendance africaine au développement social, économique et culturel de leurs sociétés respectives, ainsi que de prendre conscience des discriminations et inégalités dont elles sont l'objet. Le Brésil souhaite organiser une Conférence internationale sur les personnes d'ascendance africaine, a annoncé le représentant.
M. HAMZA OMER HASSAN AHMED (Soudan au nom du Groupe arabe) a estimé que le Rapporteur spécial avait bien abordé sans son rapport le lien entre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et d'intolérance associée et les conflits, et qu'il fournissait un certain nombre d'outils qui pourraient être utilisées dans le cadre d'un système d'alerte précoce. Il a estimé que les débats sur l'identité nationale pourraient, s'ils sont mal menés, contribuer à renforcer l'intolérance au sein de la société. De même, la discrimination socio-économique envers certains groupes, comme les travailleurs immigrés, peut renforcer l'intolérance, a ajouté le représentant, qui a demandé que aux États de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les formes de discriminations socio-économiques. Il a par ailleurs dénoncé l'islamophobie croissante dans les pays du Nord et insisté sur le rôle important que peuvent jouer les médias, tant dans le sens positif que négatif: il n'est pas acceptable d'utiliser la liberté d'expression pour stigmatiser une religion et répandre l'islamophobie, a-t-il ajouté. Le représentant a enfin dénoncé la politique raciste d'Israël, y compris dans sa politique de colonisation dans les territoires palestiniens occupés et à Jérusalem-Est. Il a soutenu les propositions concernant les activités à mener dans le cadre de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine.
M. GEIR SJØBERG (Norvège) a souligné que le respect des droits de l'homme restait le pilier principal de la sécurité nationale et de la démocratie. Le racisme reste l'une des formes les plus dangereuses de discrimination et peut facilement déboucher sur l'incitation à la haine, aboutissant ainsi à des conflits voire des génocides. La représentation de tous les groupes de population dans les institutions politiques et les médias est fondamentale, a poursuivi le représentant norvégien, indiquant par ailleurs souscrire à l'avertissement lancé contre la concentration des médias. Il a salué la recommandation du Rapporteur spécial visant la mise sur pied d'un outil de détection préventive des conflits. M. Muigai a-t-il des suggestions concrètes à faire sur la façon dont le Conseil pourrait être plus efficace dans la détection des signes avant-coureurs, de manière à réagir comme il se doit, a demandé le représentant norvégien ?
M. ABDUL WAHAB HAÏDARA (Sénégal) a remercié le Rapporteur spécial pour sa contribution à l'analyse de la problématique du lien entre la discrimination raciale ou ethnique et les conflits. La délégation sénégalaise a trouvé dans son analyse des éléments qui pourraient alimenter des échanges fort utiles, comme notamment la question du renforcement du dialogue interculturel. À cet égard, le représentant a demandé au Rapporteur spécial de partager avec le Conseil des exemples de bonnes pratiques qui seraient mises en œuvre dans certains pays pour favoriser l'entente entre les communautés et l'ouverture vers l'autre. Par ailleurs, la tendance à la banalisation du racisme et de la xénophobie et leur instrumentalisation à des fins politiques continuent d'être une source de préoccupation pour le Sénégal. M. Muigai est invité à donner son avis sur les mesures concrètes qui pourraient être prises pour inverser cette tendance.
M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a rappelé que la Déclaration et le plan d'action de Durban établissent un lien entre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance associée et les conflits armés. Les appels à détruire des minorités en vue de créer des sociétés mono-ethniques peuvent encore être entendus, a déploré le représentant, qui a rappelé que des civils souffrent encore de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l'humanité du fait de politiques nationalistes et racistes. En outre, certains groupes sont parfois considérés comme inférieurs et marginalisés ou exclus de la société. Il s'est dit d'accord avec le Rapporteur spécial pour que les États prennent toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux discriminations socio-économiques. Le représentant azerbaïdjanais a estimé que le concept d'identité nationale devait être utilisé de manière inclusive. Il a dit partager l'opinion du Rapporteur spécial sur le rôle négatif de l'utilisation des événements historiques et des mythes pour exacerber les tensions entre communautés, ainsi que sa position sur la culture de victimisation, qui peut fort bien mener à justifier les meurtres, voire à les présenter comme nécessaires et même nobles dans certains cas. Le Rapporteur spécial, a-t-il fait remarquer, mentionne des cas de violations grossières de la réalisé historique dans les manuels scolaires qui aggravent les tensions. Il a conclu en notant avec regret qu'au XXIe siècle, certains tiennent encore un discours sur l'incompatibilité de la coexistence entre groupes ethniques.
M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France) a souligné que le sujet des corrélations entre racisme, discrimination raciale et conflit, que le Rapporteur spécial a choisi de traiter, revêt une importance fondamentale. Il a estimé indispensable que le Conseil puisse débattre d'un tel sujet. Le représentant a relevé que dans son rapport, M. Muigai montre en quoi le racisme et la discrimination raciale peuvent constituer des facteurs de tension et de violence et contribuer à déclencher des conflits. Il formule des recommandations en souhaitant qu'elles soient considérées comme contribuant à la mise en œuvre de la responsabilité de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité. La responsabilité de protéger a été agréée par consensus lors de l'Assemblée générale des Nations Unies il y a cinq ans et le document final de la Conférence d'examen de Durban fait également référence à cette notion, a rappelé le représentant français. La responsabilité de protéger a une dimension préventive, a-t-il fait valoir, se disant favorable à la mise en place d'un mécanisme efficace d'alerte rapide. La France estime que la mise en œuvre de la responsabilité de protéger peut conduire, si nécessaire, à une action collective au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
MME CARINA MARTENSSON (Suède) a félicité le Rapporteur spécial sur le racisme de la perspective pluridisciplinaire qu'il a adoptée dans l'étude des liens entre conflits et racisme. Elle a reconnu, à l'instar de M. Muigai, qu'il importe que les discussions autour du concept d'identité nationale ne mettent pas l'accent sur le concept de l'«autre»: l'inclusion et les valeurs communes doivent être encouragées. S'agissant des signes avant-coureurs, elle a constaté que le Rapporteur spécial se réfère aux indicateurs développés par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et au cadre d'analyse du Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide. Elle a toutefois déploré que la question de la responsabilité de protéger soit trop souvent absente.
M. LUO CHENG (Chine) a estimé que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée se répandent, alors que de nouvelles formes de discrimination et d'intolérance apparaissent sous forme déguisée. Il a estimé que les législations sur le terrorisme ou la stigmatisation de groupes ou de religions contribuent à l'intolérance. Le représentant chinois a rappelé les effets très néfastes du racisme pour les droits de l'homme mais aussi pour la paix et la sécurité internationales.
MME ZEHOR HASSAN MOHAMMED (Soudan) a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban sont la référence en matière d'action contre les phénomènes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance y associée. Or, ces documents n'ont pas mentionné la discrimination fondée sur le sexe, a-t-elle souligné; en revanche, y sont mentionnés les migrants et les réfugiés qui, eux, ne sont pas mentionnés dans le rapport du Rapporteur spécial, a-t-elle remarqué.
M. ANTHONY SEDWYN (Afrique du Sud) a dit apprécier le travail important effectué par le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine et a appuyé ses recommandations relatives à l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine. Le représentant a également exprimé sa gratitude au Rapporteur spécial sur le racisme pour son dernier rapport. Il a souhaité avoir davantage d'informations sur les moyens de faire respecter par les différentes factions belligérantes, en particulier les acteurs non étatiques, le principe de la non-discrimination et les droits de l'homme dans les situations de conflit armé. Le représentant sud-africain a constaté qu'au paragraphe 13 de son rapport, le Rapporteur spécial semble laisser entendre que l'orientation sexuelle est un motif de racisme et de discrimination raciale. Le représentant a estimé que cette approche minimise les revendications légitimes des victimes du racisme.
M. AHMED IHAB GAMALELDIN (Égypte) a dit comprendre les choix du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine et du Rapporteur spécial, dont il a noté qu'il avait surtout pris en exemple les conflits. Le représentant a estimé à cet égard que M. Muigai aurait dû tirer davantage d'enseignements sur la manière dont on pourrait éviter le renouvellement de ce genre de conflits. Le représentant a demandé au Rapporteur spécial s'il estimait que son rapport pouvait aider les minorités qui vivent en Europe, où surgissent de nouvelles formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance associée. Dans ce contexte, le représentant a dénoncé les partis politiques qui exploitent les peurs raciales et s'est demandé s'il s'agissait de phénomènes temporaires ou du reflet de phénomènes plus endémiques. Il a également mis l'accent sur les risques que font courir les débats sur la notion d'identité nationale. De tels débats pourraient certes, s'ils étaient bien organisés, contribuer à l'union et à la lutte contre l'intolérance, a-t-il estimé, ajoutant que cette hypothèse favorable ne se réalise que très rarement.
M. JOËL LANCINE BAMBA (Côte d'Ivoire) a relevé que le Rapporteur spécial fait référence dans son rapport (paragraphe 9) à celui de son prédécesseur concernant la mission effectuée en Côte d'Ivoire en 2005, sans proposer d'analyse personnelle ni actualisée de la notion d'«ivoirité» en lien avec les particularismes de la Côte d'Ivoire et l'évolution positive de la crise sociopolitique, et a estimé par conséquent que l'approche adoptée est inappropriée et de nature à discréditer son analyse de la question. Le représentant ivoirien a rappelé que sa délégation avait déjà réagi au moment de la présentation du rapport du prédécesseur de M. Muigai, en 2005, et fait des ajustements quant à l'interprétation tendancieuse de cette notion d'«ivoirité». Celle-ci est un concept visant à définir la nationalité ivoirienne dans le contexte d'un processus de démocratisation et d'unification nationale, a rappelé le représentant. Ce concept rassembleur s'appuie sur des notions culturelles et vise à promouvoir les cultures et productions nationales en dehors de toute exclusion, a-t-il insisté. En conclusion, le représentant ivoirien a déploré l'amalgame qui est fait autour de cette notion et a indiqué que la Côte d'Ivoire restait ouverte à toute demande de visite qui permettrait à M. Muigai de se faire son propre avis sur la réalité de la Côte d'Ivoire qui, faut-il rappeler, est l'un des pays les plus ouverts au monde, avec plus de 26% de population étrangère sur son sol.
Institutions nationales des droits de l'homme et organisations non gouvernementales
MME KATHARINA ROSE (Institut allemand pour les droits de l'homme) a salué l'adoption par le Gouvernement allemand d'une loi consacrant l'égalité de traitement, en 2006. Faisant siennes certaines des recommandations du Rapporteur spécial, la représentante a estimé qu'il conviendrait de recenser et de reconnaître la situation particulière des communautés résidant en Allemagne, dont les communautés juive, rom, sinti, arabe, musulmane, ainsi que les personnes appartenant aux minorités visibles, notamment les personnes d'ascendance africaine. L'Allemagne doit prendre des mesures pour lutter contre la discrimination directe, indirecte et structurelle dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et du logement. Les demandeurs d'asile devraient être entièrement protégés et leurs droits économiques, sociaux et culturels garantis. Les lois de plusieurs Länder interdisant le port de signes religieux par les enseignants, et qui pourraient être discriminatoires à l'encontre des femmes musulmanes, devraient être réexaminées.
MME GLENDA LOEBELL-RYAN (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies) a jugé très riche d'enseignements le rapport du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, ajoutant que le point de vue des organisations non gouvernementales y est bien pris en compte. La représentante a estimé que les recommandations du Groupe de travail relatives aux activités à mener dans le cadre de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine devraient recueillir le soutien du Conseil. Elle a souhaité que le Groupe de travail joue le rôle de chef de file dans la préparation des activités prévues, ajoutant que les organisations non gouvernementales devraient y être fortement représentées. La représentante a préconisé l'utilisation du terme «afrophobie».
M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a souscrit au point de vue de M. Muigai selon lequel l'adoption de mesures législatives, à supposer qu'elles soient efficacement appliquées, ne peut, à elle seule, prévenir les manifestations de groupes, d'idéologies ou de partis politiques fondés sur la supériorité ou la haine raciale, non plus que l'incitation à la discrimination raciale ni les actes de violence dirigés contre des groupes spécifiques de personnes. Le MRAP demeure convaincu que la mise en œuvre de plans d'action nationaux tels que prévus par la Déclaration et le Programme d'action de Durban est le seul et véritable acte politique qui puisse démontrer la volonté réelle d'un État de prévenir et de lutter contre les phénomènes de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie. L'éducation est, dans ce contexte, d'une importance primordiale, estime enfin le MRAP.
MME LISA LEVY (United Nations Watch) a constaté que le Conseil avait récemment adopté une nouvelle résolution exprimant sa profonde inquiétude face à l'utilisation délibérée dans les médias des stéréotypes négatifs à l'égard des religions. La représentante a demandé au Conseil s'il n'a pas constaté que des caricatures sont abondamment utilisées dans les médias des pays à l'origine du texte voté. Le Conseil a-t-il relevé qu'au Moyen-Orient les journaux sous contrôle des gouvernants publient régulièrement les clichés antisémites les plus répugnants ? La représentante a donné des exemples de représentations de «Juifs buveurs de sang» publiées en Jordanie, en Syrie et au Qatar. Elle a invité le Rapporteur spécial à examiner en priorité, lors de ses enquêtes, les incitations à l'intolérance et la haine des religions dans les pays ayant parrainé ces résolutions.
MME NNEKA HALIM (Interfaith International) a rappelé que, depuis la fin de la Conférence de Durban voici bientôt dix ans, plusieurs événements ont attisé l'intolérance, le racisme ou la xénophobie. La représentante a jugé louable l'instauration de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine. Elle a souhaité que 2011 soit une année consacrée au droit et au souvenir, ainsi que la promotion d'un dialogue interculturel dans les régions qui ont subi des conflits, afin de promouvoir la réconciliation.
M. LÁZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a souligné que, dix ans après la Conférence de Durban, le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie continuent de frapper des populations vivant déjà dans des conditions de très grande vulnérabilité. Après la douloureuse tragédie du 11 septembre 2001, les nouvelles formes et pratiques de discrimination raciale ont atteint des proportions dramatiques avec la grande croisade de la lutte contre le terrorisme, a ajouté le représentant. Devant l'indifférence des pays riches, le monde a succombé à une spirale de la violence, au chaos, au crime organisé et à l'anarchie. Faute de volonté politique, il n'a pas été possible, ni à Durban, ni à Genève lors de la Conférence d'examen, d'établir la vérité historique sur la barbarie coloniale. Selon la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a observé le représentant, au Chaco bolivien, près de la frontière avec l'Argentine, plus de 600 familles autochtones du peuple guarani vivent et travaillent encore dans des conditions d'esclavage, ce qui prouve que le premier Président autochtone n'a pas le pouvoir politique pour mettre fin aux enclaves esclavagistes situées sur le territoire contrôlé par l'élite politique de l'opposition qui gouverne la région. Aujourd'hui comme hier, a par ailleurs rappelé le représentant, nous demandons l'indemnisation des victimes du racisme, étant donné l'imprescriptibilité prévue par la Convention de 1968 des Nations Unies sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
Conclusions des experts
M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a assuré les intervenants que leurs points de vue exprimés au cours du débat l'aideront dans la conduite de ses travaux futurs. Le Rapporteur spécial a souligné l'importance considérable de systèmes d'alerte rapide, rappelant que l'ancien titulaire de mandat avait effectué une visite au Rwanda avant le génocide et avait donné l'alerte sur ce qu'il s'y passait. Pour M. Muigai, il importe de rassembler les principaux protagonistes pour procéder à un échange d'expériences et mettre sur pied un cadre de coopération. Le principal problème est celui du financement, a-t-il précisé. Le Rapporteur spécial a, à cet égard, donné des exemples d'activités qu'il aurait voulu poursuivre et de conférences auxquelles il aurait voulu assister, mais auxquelles il a dû renoncer par manque d'argent. Les ressources devraient être allouées à la prévention des conflits, plutôt qu'aux interventions après-coup, a souligné M. Muigai.
Critiqué pour l'absence de référence à l'islamophobie dans son rapport, M. Muigai a rappelé que son précédent rapport portait précisément sur cette question; il présentera en outre un rapport de suivi à ce sujet à la session de septembre du Conseil. En conclusion, le Rapporteur spécial a rappelé que la responsabilité de protéger constitue un principe général du droit international: il est de la responsabilité de l'État d'assurer la protection de sa population, au titre du droit national comme du droit international.
MME VERENE SHEPHERD, membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a pris note des observations faites concernant le rapport du Groupe de travail. Elle a remercié la délégation qui a rappelé au Conseil le sens de la Journée de l'enfant, célébrée aujourd'hui en Afrique. Mme Shepherd a demandé qu'une attention particulière soit accordée à la conclusion du rapport du Groupe de travail, soulignant la nécessité de régler le problème des législations qui entraînent une surreprésentation des personnes d'ascendance africaine dans les prisons. L'experte a rappelé les propositions du Groupe de travail concernant l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine et l'organisation d'une conférence internationale sur les personnes d'ascendance africaine, sous l'égide de l'Assemblée générale des Nations Unies. Elle a souscrit aux déclarations selon lesquelles les objectifs du Millénaire pour le développement ne seront pas réalisés aussi longtemps que les groupes marginalisés ne seront pas mieux pris en compte, en Afrique comme ailleurs.
Droit de réponse
M. WALID ABU-HAYA (Israël) a réagi à la déclaration faite ce matin par le Soudan, au nom du Groupe arabe, en regrettant que la délégation soudanaise ait choisi de politiser ce point de l'ordre du jour en parlant d'Israël. Il aurait mieux valu que le Soudan parle du génocide qu'il commet au Darfour, comme cela été reconnu par les juges de la Cour pénale internationale.
__________
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
VOIR CETTE PAGE EN :