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Le Comité consultatif des droits de l'homme examine une étude consacrée aux discriminations dans le contexte du droit à l'alimentation

27 Janvier 2010

Plus de 70% des personnes soufrant de la faim dans le monde sont des ruraux et la moitié, des producteurs agricoles indique l'étude

Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi une étude sur les discriminations dans le cadre de la réalisation du droit à l'alimentation, présentée par quatre membres de son Comité de rédaction: M. Jean Ziegler, M. José Bengoa, Mme Mona Zulficar et Mme Chinsung Chung. M. Latif Hüseynov, qui a présenté hier un autre rapport, fait également partie du groupe de rédaction.

L'étude rappelle que, pour la première fois, l'humanité compte plus d'un milliard de personnes insuffisamment alimentées, ajoutant que la plupart de ces personnes ont faim parce qu'elles souffrent de multiples formes de discriminations. Elle énumère une série de discriminations rencontrées dans le contexte du droit à l'alimentation et présente différentes bonnes pratiques de lutte contre la discrimination.

M. Ziegler, ancien rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a dénoncé le scandale de la faim comme «probablement le plus criant pour toute la planète aujourd'hui», a expliqué que le travail du groupe de rédaction avait consisté à la fois à identifier les discriminations dans le cadre du droit à l'alimentation, «sans doute le droit de l'homme le plus violé dans le monde», mais aussi les bonnes pratiques. Il a mis en cause la dette écrasante des pays pauvres, qui empêche les États les plus pauvres de soutenir leur agriculture et leurs paysans. Il a aussi dénoncé le «vol de terres» par certains États, fonds d'investissements ou grandes entreprises industrielles qui achètent dans des pays en développement de gigantesques quantités de terres avec l'aval d'institutions internationales telles que la Banque mondiale. Nous devons combattre cette «pratique néocoloniale» par le biais du droit à l'alimentation, a affirmé M. Ziegler.

Mme Zulficar a insisté sur les aspects de l'étude portant sur le sort des femmes et des enfants, rappelant que les femmes rurales produisent plus de la moitié des denrées alimentaires dans le monde mais représentent 70% des personnes souffrant de la faim et ne contrôlent que 5% des terres alors qu'elles représentent 35% des chefs de famille rurale. Parmi les meilleures pratiques, elle a cité les politiques de distribution de rations alimentaires aux écoliers et la stratégie d'allaitement maternel, en insistant sur le fait que les États devaient faire preuve de volontarisme. Mme Chung, a mis l'accent sur les chapitres de l'étude consacrés aux bonnes pratiques, notamment s'agissant du microcrédit. M. Bengoa a pour sa part estimé que le Comité consultatif devait faire en sorte d'obtenir du Conseil des droits de l'homme un mandat spécifique pour analyser les problèmes de la population rurale.

Lors du débat qui a suivi la présentation, M. Deerujlall Seetulsingh et M. Emmanuel Decaux, experts du Comité consultatif, sont intervenus. M. Seetulsingh a souhaité que l'étude mentionne davantage les rôle que peut jouer l'État dans la stabilisation des prix agricoles, estimant par ailleurs que les bonnes pratiques devraient inclure la limitation du nombre des intermédiaires, accusés de faire de gros bénéfices aux dépens des petits producteurs.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivants ont participé au débat: Mouvement indien «Tupaj Amaru» (au nom également du Conseil mondial de la paix); Centre Europe tiers-monde (CETIM); Indian Council of South America; et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP). Plusieurs ont rappelé dans le sillage de l'étude du Comité consultatif que plus de 70% des personnes soufrant de la faim dans le monde sont des ruraux et la moitié des producteurs agricoles. Le secrétaire général de Via Campesina a notamment rappelé que la crise alimentaire mondiale, qui se traduit en pertes de vies humaines et non pas seulement en privations, était loin d'être terminée. Le représentant du Mouvement indien «Tupaj Amaru» et du Conseil mondial de la paix a dénoncé le système capitaliste et la spéculation, accusant le libre-échange de chercher à s'approprier des ressources vitales et les crises du capitalisme mettre en valeur la concentration de la richesse dans les pays riches et celle de la pauvreté dans les pays en développement.

Le Comité consultatif tiendra sa prochaine séance demain, jeudi, à partir de 10h, de nouveau en salle XIX. Il doit examiner les questions qui lui sont adressées par le Conseil des droits de l'homme s'agissant des droits fondamentaux des femmes, de la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, des droits fondamentaux des personnes handicapées et des droits de l'homme et solidarité internationale.

Discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation

Présentation

M. JEAN ZIEGLER, expert du Comité consultatif, a rappelé que le travail du groupe de rédaction sur la discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation consistait à la fois à identifier ces discriminations mais aussi les bonnes pratiques. Il a estimé que le droit à l'alimentation est «sans doute le droit de l'homme le plus violé» dans le monde. Toutes les 5 secondes, un enfant meurt de faim, 47 000 personnes meurent de faim chaque jour et un milliard de personnes sont en permanence gravement sous-alimentées, a rappelée l'expert, ajoutant que la situation empire de jour en jour. Or, a-t-il rappelé, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) écrit que l'agriculture mondiale pourrait nourrir normalement 12 milliards de personnes, soit presque deux fois la population mondiale actuelle. De ce fait, il a estimé que les enfants qui meurent de faim aujourd'hui «sont assassinés».

Si on meurt partout de faim de la même horrible manière, les causes de cette mort sont multiples, a déclaré M. Ziegler, qui a cité en premier lieu le manque d'accès à la terre, puisque 70% des personnes souffrant de la faim vivent en milieu rural, 50% vivent sur des terres trop petites ou de trop mauvaise qualité et 20% sont des familles qui n'ont aucune terre. L'expert a également mentionné des problèmes liés à la productivité, affirmant que très souvent, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale expliquent que la productivité dans certains pays est très basse, ce qui est vrai, mais néglige le fait que les agriculteurs de ces pays ne bénéficient d'aucune forme d'aide ou subvention, contrairement aux agriculteurs des pays occidentaux. Il en a rendu responsable notamment la dette des pays pauvres, tellement écrasante que ces pays n'ont pas les moyens de soutenir leur agriculture et leurs paysans.

M. Ziegler a également dénoncé le «vol de terres» par des États étrangers, fonds d'investissements ou grandes entreprises industrielles, y compris en vue de la culture de plantes destinées à produire de l'éthanol, citant en exemple l'achat par un fonds d'investissement new-yorkais de 10 millions d'hectares en Éthiopie. Il a fait observer que ces achats se font dans la plus grande transparence et sont approuvés par la Banque mondiale qui y voit une source de devises pour les pays vendeurs, mais M. Ziegler a jugé ces pratiques totalement inadmissibles et a cité dans le même sens le directeur général de la FAO, M. Jacques Diouf, qui parle de «pratique néocoloniale». Nous devons combattre cette pratique par le biais du droit à l'alimentation, a affirmé M. Ziegler, qui a reconnu qu'il faudrait s'opposer dans cette lutte à une partie du système des Nations Unies. Il a ensuite attiré l'attention sur le noma (une forme de gangrène du visage liée à la malnutrition) et souligné que l'Organisation mondiale de la santé refuse de la qualifier de maladie à combattre par la communauté internationale. Il a jugé que le combat pour le droit à l'alimentation devait être totalement prioritaire pour la communauté internationale, puisque le scandale de la faim est «probablement le plus criant pour toute la planète aujourd'hui».

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, a déclaré que la question de la pauvreté en zone rurale a été abordée dans le système des Nations Unies de plusieurs manières mais que nous n'avons jamais eu un espace spécifique pour les droits des populations rurales. Cette question a parfois été abordée dans le cadre de la FAO mais cette dernière s'intéresse surtout à l'agriculture et ne dispose pas d'un mandat spécifique en matière de droits de l'homme. Il a remarqué que quand il y avait groupe de travail sur les minorités, il y avait un espace pour les problèmes des pêcheurs et des agriculteurs. Mais ce n'était pas le lieu le plus adéquat car le groupe était avant tout pour les minorités. «En tant que Comité, nous devons faire en sorte que nous ayons un mandat spécifique pour analyser les problèmes de la population rurale» a-t-il déclaré. Dans cet esprit, M. Bengoa a estimé qu'il fallait essayer de convaincre le Conseil des droits de l'homme d'avoir un mandat suffisamment large pour que l'on discute de ces thématiques. Il a montré que le document parlait de pauvreté rurale, de répartition des terres, de la question des semences, de biodiversité, de questions liées aux petits producteurs. Ce sujet va du droit à l'alimentation aux questions traditionnelles du monde paysan. Il existe une superposition entre ces questions et d'autres questions telles que les populations autochtones, car certaines personnes sont autochtones et paysans mais il n'y a pas de moyens spécifiques mis à leur disposition. Dans les pays d'Amérique latine, les populations autochtones disposent de recours pour faire appel, tandis que les paysans non autochtones n'ont aucun moyen pour défendre leur terre. Il a noté qu'il n'y avait pas assez d'instruments afin de débattre du développement rural. Il a affirmé que la fourniture d'aliments au niveau mondial a comme conséquence de détruire la production locale d'aliments. Cela entraîne des migrations. Le fait d'aborder le développement rural est indispensable aux sociétés développées. Il a rappelé que Via Campesina était un mouvement très sérieux et qu'il était important d'être à l'écoute de ses requêtes pour progresser dans ce domaine.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif et membre du groupe de rédaction, a expliqué s'être concentrée dans le cadre de l'étude sur le sort des femmes et des enfants. Elle a estimé que les femmes rurales faisaient particulièrement l'objet de discriminations, notamment pour l'accès aux terres et au travail. Les femmes produisent plus de la moitié des denrées alimentaires dans le monde mais représentent 70% des personnes souffrant de la faim et, souvent, leur travail n'est ni reconnu ni rémunéré, a-t-elle rappelé, en insistant sur les difficultés que les femmes rurales éprouvent pour accéder à la terre, dont elles ne contrôlent que 5% dans le monde - 2% dans les pays en développement - alors qu'elles représentent 35% des chefs de famille rurale. Elle a imputé cette situation en partie aux lois coutumières qui excluent les femmes de la propriété même quand elles lui accordent l'accès à la terre, ce qui les prive des prêts sur hypothèque par exemple. Des études montrent que la productivité agricole en Afrique sub-saharienne pourraient augmenter de 20% si les femmes avaient accès aux terres et aux intrants et fertilisants. Si on leur donnaient les mêmes chances qu'aux hommes, les femmes pourraient gérer de petites exploitations plus efficacement que les hommes, a-t-elle affirmé. L'experte a en outre fait observer que la santé des femmes et fillettes, comme leur éducation, est très liée au droit à l'alimentation. Les études ont montré que les femmes qui ont accès a l'éducation et à la santé peuvent contribuer à la sécurité alimentaire de toute la famille, a également rappelé Mme Zulficar, qui a expliquée que l'étude donnait de nombreux exemples d'accès au microcrédit. Rappelant que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été ratifiée de manière presque universelle et que les États ont pris de nombreuses mesures pour lutter contre les discriminations, elle a toutefois fait observer qu'il restait beaucoup à faire pour faire passer les dispositions juridiques dans la pratique. Concernant les enfants, l'experte a rappelé que ce sont les enfants des familles pauvres qui ont le moins accès à l'alimentation, et a rappelé que de très nombreux enfants travaillent, notamment dans les pays en développement et en milieu rural. Parmi les bonnes pratiques, elle a cité les politiques de distribution de rations alimentaires dans les écoles ou encore la stratégie d'allaitement maternel, en insistant sur le fait que les États devaient faire preuve de volontarisme.

MME CHINSUNG CHUNG, experte du Comité consultatif et membre du comité de rédaction, a expliqué que l'étude rassemblait une série de bonnes pratiques. Certaines concernent l'agriculture, y compris les certificats d'origine de produits, ou encore les différentes formes de coopération, d'autres les mesures prises par des Organisations non gouvernementales, d'autres encore la promotion d'une agriculture propre et la lutte contre des aliments toxiques. Cette dernière partie a surtout permis de recenser les bonnes pratiques gouvernementales en la matière, y compris certaines conventions internationales, a expliqué Mme Chung, qui a en outre expliqué que l'étude recensait diverses bonnes pratiques concernant l'accès au microcrédit.

MME HALIMA WARZAWI, Présidente du Comité consultatif, a fait observer que le Maroc avait pris de très nombreuses mesures en matière de microcrédit et a suggéré aux membres du comité de rédaction de chercher à obtenir des informations de la part de ce pays.

L'étude du groupe de rédaction sur la discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation (A/HRC/AC/4/2, en anglais seulement) rappelle que le droit à l'alimentation est un droit de l'homme protégé par le droit international des droits de l'homme et le droit humanitaire, qui consiste avant tout dans le droit de se nourrir dans la dignité. L'étude énumère une série de discriminations rencontrées dans le contexte du droit à l'alimentation: en termes de régions, de marchés, de prix, de subventions, de ressources ou encore de services d'infrastructures; discriminations contre les paysans, droit à l'alimentation des pauvres des villes, discriminations à l'égard des femmes, des enfants, des réfugiés et des autres groupes vulnérables. Elle présente ensuite une série de bonnes pratiques concernant l'agriculture, y compris les certificats d'origine de produits, et les différentes formes de coopération, y compris les coopératives, associations, syndicats et coopératives de femmes productrices ou consommatrices. Ces bonnes pratiques concernent aussi la promotion d'une agriculture propre et la lutte contre des aliments toxiques et les semences génétiquement modifiées. L'étude traite encore des systèmes éducatifs et de la sécurité alimentaire, y compris de la nourriture scolaire et des différents moyens de combattre la malnutrition et de promouvoir une alimentation saine. Elle aborde la question des microfinancements au profit des femmes pauvres et des bonnes pratiques concernant les pauvres urbains. L'étude présente également différentes politiques de lutte contre la discrimination. Elle traite de la reforme agraire, de la promotion de différentes formes de coopération et d'association entre producteurs et consommateurs, des droits des paysans, de la protection juridique et sociale des femmes rurales et de celles des autres groupes vulnérables exposés à la menace de la faim.

En conclusion, l'étude rappelle que, pour la première fois, l'humanité compte plus d'un milliard de personnes insuffisamment alimentés, ajoutant que la plupart des personnes frappées ont faim parce qu'elles souffrent de multiples formes de discriminations. L'étude rappelle également que l'un des développements récents les plus importants dans le contexte du droit à l'alimentation a été l'adoption de la déclaration des Droits des paysans de la Via Campesina, en juin 2008 et ajoute que l'analyse des auteurs de la Déclaration a gagné en pertinence depuis la crise alimentaire mondiale. Les auteurs estiment qu'il est temps d'entreprendre une étude préliminaire sur la signification et l'importance d'un nouvel instrument relative aux droits des paysans et des autres personnes vivant en zones rurales. Ils demandent en conséquence au Conseil des droits de l'homme de demander au comité consultatif d'entreprendre une telle étude.

Débat

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH, expert du Comité consultatif, a estimé que l'étude pourrait porter davantage son attention sur le rôle de l'État dans la stabilisation des prix agricoles. Il a fait observer que de nombreux intermédiaires intervenaient face à des petits producteurs, sur le dos desquels ils font d'importants bénéfices. Il a expliqué qu'à Maurice, les petits pêcheurs sont si fatigués quand ils rentrent après leur travail nocturne qu'ils sont aisément trompés par des intermédiaires qui leur achètent à bas prix leur pêche pour la revendre ensuite très cher à des hôtels ou directement à des touristes. Il a estimé qu'il faudrait, dans le cadre de la recherche des meilleures pratiques, chercher à limiter le nombre des intermédiaires. Il a par ailleurs rappelé que les programmes de cantines scolaires avaient l'avantage d'offrir aux enfants au moins un repas chaud par jour, mais a ajouté que ces étaient souvent très bon marché et peu nutritifs. L'expert a également expliqué qu'à Maurice, on tente aussi de lutter contre les mauvaises pratiques alimentaires, notamment en limitant la consommation par les enfants de sodas contenant trop de sucres. Il s'est en outre inquiété d'une tendance à la baisse des subventions agricoles.

M. EMMANUEL DECAUX, expert du Comité consultatif, a affirmé que la crise économique avait aggravé la crise alimentaire et les droits de l'homme en tant que tels. Il a suggéré de rappeler les travaux menés par le Rapporteur spécial du droit à l'alimentation pour insister sur la continuité d'un mandat fort du Conseil des droits de l'homme. Il a estimé que le rapport passait trop rapidement sur le rôle de l'Organisation internationale du travail dans ce contexte. Il a rappelé que l'OIT venait d'adopter une convention fondamentale sur les gens de mer. M. Decaux a aussi attiré l'attention sur la question des doubles discriminations, ainsi que celle des discriminations directes et indirectes, qui devraient faire partie de l'étude. En effet, les discriminations indirectes sont parfois tellement institutionnalisées que l'on ne s'en rend pas compte. L'expert a aussi relevé que la question du droit à l'alimentation dans les prisons n'a pas été abordée. Il s'est enfin demandé si ce document ouvrait la porte à un projet de convention, et s'est demandé s'il fallait toujours une convention pour traiter un problème. Il s'est interrogé pour savoir s'il fallait ajouter des organes ou rationaliser le système, en sachant qu'il y avait des traités qui ne sont pas encore tous ratifiés par les États.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a déclaré que dans ses recommandations, le groupe de rédaction demande les commentaires du Conseil et des autres parties prenantes. Il ne s'agit pas d'un produit fini. Le rapport, préparé à la demande du Conseil, est un rapport préliminaire. Il est proposé d'élaborer une autre étude afin de se concentrer sur les droits des populations rurales. L'étude comportera des propositions sur des instruments potentiels.

Débat

M. LÁZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru», au nom également du Conseil mondial de la paix) a declaré qu'au milieu de la surproduction de biens et de services, il y a le droit à l'alimentation. Le libre-échange entraîne des attaques dans les coins obscurs du monde pour s'approprier des ressources vitales. Le Comité consultatif devrait se concentrer sur le droit à l'alimentation dans le contexte des crises. Les crises du capitalisme mettent en valeur un fait irréversible: la richesse se concentre dans les pays riches alors que la pauvreté se concentre dans les pays en développement. La spéculation, l'usure et la cupidité pour les produits de première nécessité ne sont pas une fatalité de l'histoire. Les peuples autochtones pensent que la mère terre a la capacité d'alimenter tous ses enfants. En pleine crise alimentaire, les gouvernements du Nord ont préféré que leurs multinationales dévorent les matières premières pour les biocombustibles. Il a rappelé que 900 millions de personnes ont faim. Tant que la richesse accumulée des trois personnes les plus riches du monde dépasse le PNB de 48 pays en développement, les choses n'évolueront pas. La logique de cette économie se fonde sur la spéculation. Les spéculateurs utilisent des pièges invisibles pour s'enrichir. Il a évoqué certains spéculateurs et chefs d'entreprises, dont Bernard Madoff. Il a ajouté que d'après des sources fiables, l'agro-alimentaire est dominé par dix firmes telles que Monsanto qui contrôlent la production, la commercialisation et la distribution des aliments de première nécessité. L'eau est considérée comme une marchandise convoitée par une classe d'entrepreneurs comme Suez ou Universal. La crise des ressources hydriques menace la survie même de l'humanité. D'ici 2025, plus de 2,7 millions de personnes manqueront d'eau potable. Les guerres du XXIe siècle, seront liées au contrôle de l'eau; les crises des ressources énergétiques et hydriques sont des crises graves qui pourraient déboucher sur des rebellions et constituer une menace pour la paix. En outre, le Fonds monétaire international ne cesse de préconiser la libéralisation des marchés. Ces mécanismes sont anachroniques et le fonctionnement est antidémocratique; il n'a pas pour but le bien être des peuples. Le Comité consultatif devrait mener des études de fond sur ces sujets: il faut rédiger un code de conduite pour les entreprises, réformer les institutions internationales

M. HENRI SARAGIH (Centre Europe tiers-monde - CETIM), s'exprimant au nom de Via Campesina, a déclaré que la crise alimentaire mondiale avait montré que le monde devait agir de concert. La crise ne se traduit pas seulement en termes de privations mais aussi en pertes de vies humaines, a-t-il affirmé, ajoutant que, dans de nombreuses parties du monde, cette crise était loin d'être terminée. Il a en outre rappelé que 80% des populations qui connaissent la faim vivent dans les régions rurales et que 50% sont en fait des exploitants agricoles. La crise alimentaire a montré le besoin urgent de reconnaître les droits fondamentaux des paysans, a estimé M. Saragih, qui a déclaré que Via Campesina disposait de nombreux exemples illustrant l'origine de la crise alimentaire. Il a rappelé que Via Campesina avait adoptée en 2002 une Déclaration des droits des paysans et a remercié le groupe de rédaction du Comité consultatif pour avoir inclus en annexe de son étude le texte du Document adopté en 2009 à Séoul par le Comité de coordination de l'organisation. Il s'est dit persuadé que le renforcement des droits des paysans permettrait de faire progresser les meilleures pratiques agricoles.

M. RONALD BARNES (Indian Council of South America) a salué la référence aux populations autochtones dans le texte sur le droit à l'alimentation. Il a rappelé que quand les colons se sont installés sur leurs terres, ils ont éliminé les cultures traditionnelles. Aujourd'hui, la mauvaise qualité des produits alimentaires disponibles dans les supermarchés a créé des problèmes de diabète dans les communautés autochtones. Le représentant a indiqué que la Cour suprême du Canada a pris une décision reconnaissant le droit des autochtones à utiliser leur terre pour produire des aliments. Mais il est inutile d'avoir un droit alors que les terres n'existent plus pour les animaux des peuples autochtones. Le droit à la gouvernance de leurs territoires par les populations autochtones est crucial. Elles doivent être pleinement associées aux décisions concernant leur territoire, surtout en ce qui concerne la santé des animaux, des poissons, des oiseaux. «Il faut avoir un droit à une souveraineté permanente à nos ressources naturelles. Le représentant a rappelé que l'article 1.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques affirme qu'en aucun cas un peuple ne peut être privé de son moyen de subsistance. Il a encouragé les rédacteurs du document à se pencher sur la protection des sources traditionnelles d'aliments. M. Ronald Barnes a aussi attiré l'attention sur des cas d'utilisation de gouvernements fantoches pour consentir à l'exploitation des ressources des peuples autochtones, faisant allusion également aux essais militaires nucléaires français ou autres qui continuent à détruire les ressources. La question de la formation et de l'éducation doit également être soulignée. Les États ne respectent pas les droits des peuples autochtones. Ainsi, la loi sur les peuples autochtones en Alaska est une loi unilatérale imposée au peuple et au territoire.

M. GIAN FRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a déclaré que le droit à l'alimentation est sans doute celui qui subit les violations les plus graves, les plus profondes, les plus diffuses et les plus persistantes. Qualifiant Via Campesina d'«organisation la plus représentative de la paysannerie mondiale», il a rappelé que 80% des personnes souffrant de malnutrition ou de sous-nutrition appartiennent au monde paysan. Il a accusé la politique agricole d'être trop souvent une «politique raciste» orientée contre les paysans, quelle que soit son origine. Même en Afrique du Sud, qui a instauré un tribunal spécial pour la redistribution des terres, on n'a pas obtenu une solution adéquate, a regretté M. Fattorini, qui a ajouté que d'autres pays qui tentent des politiques de réformes agraires rencontrent de vives résistances. Les normes adoptées en matière de commerce international empêchent le développement des cultures vivrières alors que les cultures destinées à produire des carburants – qui n'ont d'ailleurs pas fait leur preuve - nuisent aux paysans, a affirmé M. Fattorini. Il a également estimé que la communauté internationale, si elle prend la mesure des besoins des plus démunis, notamment par le biais des Nations Unies, ne semble en revanche pas désireuse de prendre des mesures pour améliorer le sort du plus grand nombre. Il a encouragé le Comité consultatif à adopter par consensus l'étude et son annexe et à la transmettre au Conseil des droits de l'homme.

Conclusion

M. BENGOA a déclaré qu'il aimerait réfléchir à la question des conventions. Le Comité consultatif devrait organiser un échange de vues sur cette question importante. Depuis qu'il travaille aux sein des Nations Unies, M. Bengoa entend des personnes dire que l'on n'a plus besoin de conventions, que l'on doit appliquer ce qui existe. Il se dégage aussi une autre tendance, à laquelle il participe, qui dit que le système juridique des droits de l'homme est en évolution permanente. De nombreux problèmes demeurent invisibles pour la société et s'il n'y a pas de référence explicite à ces problèmes, ils restent invisibles. Ce fut, à une époque, le cas des droits des femmes et des droits des enfants. Les textes adoptés ont permis de faire avancer ces questions dans les sociétés. Le deuxième argument est que les promesses ne fonctionnent pas dans le système international. C'est pourquoi M. Bengoa estime que le Comité ne devrait pas craindre de mener des études préliminaires qui pourraient aller vers de nouvelles conventions.

M. ZIEGLER a pour sa part insisté sur la volonté de mener une recherche manifestée par les auteurs de l'étude et a souhaitée que le Conseil des droits de l'homme, quelles que soient par ailleurs ses décisions, encourage le groupe de rédaction à poursuivre ses travaux.

MME ZULFICAR a précisé que l'étude en était encore à un travail préliminaire et que le groupe de rédaction tiendrait compte des remarques faites aujourd'hui afin de présenter une version révisée dès demain.

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