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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

LE CONSEIL DÉBAT DE LA PRISE EN COMPTE DES DROITS DE L'HOMME DANS LA GESTION DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE MONDIALE

20 février 2009

Conseil des droits de l'homme
MATIN 20 février 2009

Le Conseil des droits de l'homme a ouvert, ce matin, une session extraordinaire consacrée à l'examen de «L'impact de la crise économique et financière mondiale sur la réalisation universelle et la jouissance effective des droits de l'homme».

Ouvrant la séance, le président du Conseil, M. Martin Ihoeghian Uhomoibhi, a déclaré que cette session spéciale du Conseil est appelée à se pencher sur l'une des questions les plus urgentes de notre époque, à savoir la dimension des droits de l'homme dans le cadre de la crise économique et financière la plus grave à laquelle le monde fait face depuis au moins 75 ans. Le Président a invité les États à mettre en place des politiques préventives pour faire face à la pauvreté qui menace le monde et à placer les droits de l'homme au centre des solutions envisagées.

La Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navanethem Pillay, a observé que la crise ne dispense pas les États de leurs obligations en matière de droits de l'homme. Au contraire, des mesures de protection doivent être prises non seulement s'agissant des droits sociaux et économiques mais aussi des droits civils et politiques. Le système des droits de l'homme des Nations Unies peut appuyer les efforts déployés au niveau national et international pour contrôler l'impact des crises sur la réalisation universelle des droits de l'homme, a-t-elle dit. Le Conseil des droits de l'homme, en particulier, devrait stimuler et évaluer les réponses à la crise. Les titulaires de mandats, ainsi que les organes conventionnels, sont aussi en mesure de contrôler l'impact de la récession dans le cadre de leurs mandats respectifs, et aider les États à remplir leurs obligations, a-t-elle souligné.

Les délégations qui sont intervenues ont souligné la nécessité de veiller à ce que la perspective des droits de l'homme soit au centre des efforts visant à trouver des solutions à la crise financière et économique mondiale. Plusieurs ont déclaré que la crise ne saurait servir d'excuse aux États pour se dérober à leurs engagements internationaux, notamment leur devoir de contribuer à la réalisation du droit au développement. Il est inacceptable que les pays pauvres souffrent le plus d'une crise dont ils ne sont pas responsables, ont déclaré des représentants de la Malaisie. Plusieurs pays, notamment du Mouvement des pays non alignés, ont engagé les pays riches à consacrer effectivement 0,7% de leur produit intérieur brut à l'aide au développement.

Beaucoup d'intervenants ont, en outre, soulevé le risque important de troubles sociaux liés au recul de l'emploi dans le monde, rejoignant en cela la préoccupation exprimée par le représentant du Bureau international du travail qui a appelé les gouvernements à prendre des mesures immédiates pour s'attaquer au problème du chômage. Plus celui-ci durera, plus il sera difficile de l'éradiquer, a-t-il souligné.

L'Égypte, au nom du Groupe africain, et le Brésil, qui avaient demandé la convocation de cette session extraordinaire, ont pris la parole en début de séance, suivis des représentants des pays ci-après: Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés, République tchèque au nom de l'Union européenne, Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, Égypte au nom du Groupe arabe, Chili, Indonésie, Arabie saoudite, Fédération de Russie, Qatar, Chine, Inde, Maurice, Angola, Mexique, Canada, Royaume-Uni, Djibouti, Malaisie, Argentine, Nigéria, Bahreïn, Suisse, Philippines, Ghana, Bangladesh, Nicaragua et Japon.

M. Cephas Lumina, expert indépendant sur les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme s'est également exprimé, ainsi que des représentants du Bureau international du travail, de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Organisation mondiale de la santé.


Le Conseil doit poursuivre cet après-midi, à 15 heures, les travaux de sa session extraordinaire.


Déclarations liminaires

M. MARTIN IHOEGHIAN UHOMOIBHI, Président du Conseil des droits de l'homme, a tenu à préciser que le débat d'aujourd'hui doit se concentrer sur la question qui a été soulevée par l'Égypte et le Brésil au nom de tous les co-auteurs, à savoir l'impact des crises économique et financière mondiales sur la réalisation universelle et le plein exercice des droits de l'homme. Cette session extraordinaire examine l'un des problèmes les plus urgents de notre temps: la dimension des droits de l'homme de la plus grave crise économique et financière à laquelle le monde a eu à faire face depuis au moins 75 ans. Dans le contexte de l'effondrement des systèmes financiers, de mécanismes de réglementation inopérants et de la perte massive de fonds d'investissement, les populations dans toutes les régions du monde sont de plus en plus victimes du chômage, de dépossession, de la faim et de la perte de leur logement.

L'actuelle crise économique est mondiale dans sa portée, a poursuivi le Président du Conseil. Née dans les centres financiers des pays développés, elle a surgi dans la foulée d'une crise alimentaire qui ravage une grande partie du monde en développement. S'il est vrai que certaines parties de la planète ont encore échappé aux conséquences de la crise actuelle, il est un fait que les économies les plus faibles du monde en développement sont les plus durement touchés.

Selon la Banque mondiale, la crise économique actuelle accule à la pauvreté quelque 53 millions de personnes supplémentaires, en grande majorité dans les pays en développement, a souligné le Président. En Afrique, 37 des 53 pays du continent souffrent de taux de pauvreté élevés et d'une forte exposition à l'extrême pauvreté en raison de la crise. En Amérique latine, où la plupart des pays ont été considérablement exposés, le pessimisme sur la santé de l'économie a atteint le niveau le plus élevé dans l'histoire. En Asie, 19 pays sont considérés comme étant très vulnérables à la pauvreté extrême en raison de la crise actuelle, selon la Banque mondiale.

M. Uhomoibhi a déclaré qu'il y avait une réelle valeur pratique dans l'examen de la crise actuelle selon une approche éthique. Bien que les souffrances résultant d'un ralentissement économique se multiplient avec l'épuisement des ressources, les États doivent faire des choix politiques difficiles tout en trouvant un équilibre entre sauver les institutions financières et secourir les pauvres des pires conséquences de la crise. Le Président du Conseil a souligné que les défis mondiaux exigent des réponses mondiales. La promotion de meilleures conditions économiques et sociales doit être l'objectif ultime des initiatives coordonnées au niveau mondial pour stimuler l'économie. La responsabilité de coopérer dans la lutte contre les crises économiques et financières doit inclure la responsabilité de répondre aux besoins des plus pauvres de la société. Dans un environnement économique défavorable dans lequel la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement pourrait être menacée, les efforts communs pour garantir la jouissance des droits fondamentaux sont particulièrement urgents. M. Uhomoibhi a rappelé que le succès dans les efforts de redressement économique mondial ne pourra pas être atteint sans la prise en compte des droits de l'homme dans les politiques axées sur la coordination des efforts déployés par la communauté internationale pour surmonter la crise actuelle.

MME NEVANETHEM PILLAY, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'est félicitée de la tenue de la session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme consacrée à l'impact de la crise économique et financière sur le plein exercice des droits de l'homme. Cette crise, tout comme la crise alimentaire qui a fait l'objet d'une autre session extraordinaire l'an dernier, affecte de manière disproportionnée les moyens de subsistance des groupes les plus vulnérables et marginalisés de la société. La crise compromet l'accès à l'emploi, à la nourriture et au logement, ainsi qu'à l'eau potable, aux soins de santé de base et à l'éducation. Les États doivent veiller à ce que les politiques nationales d'ajustement ne nuisent pas aux intérêts des plus pauvres du fait de la réduction des services de base et des mécanismes de protection sociale. S'il est indispensable de réagir à la crise en procédant à une révision fondamentale du fonctionnement du système et des mécanismes financiers et monétaires, une approche fondée sur les droits de l'homme permettra de trouver des solutions durables à moyen et long termes, dans la mesure où elle permet de préciser les besoins et les droits des groupes les plus vulnérables, notamment des femmes et des enfants, des migrants, des réfugiés, des peuples autochtones et des personnes handicapées. Ces personnes seront les premières à subir les effets de la crise, à perdre leur emploi et à passer entre les mailles du filet social.

À cet égard, a souligné Mme Pillay, la crise ne dispense pas les États de leurs obligations en matière de droits de l'homme. Au contraire, des mesures de protection non seulement des droits sociaux et économiques mais aussi des droits civils et politiques de ces groupes et individus marginalisés doivent être prises de manière urgente et prioritaire. Ces mesures ne doivent pas être de nature temporaire, mais bien remédier aux causes profondes de la discrimination et de la marginalisation, afin de prévenir l'extension des effets de la crise à toutes les couches de la population. En outre, les mesures prises par la communauté internationale, notamment en matière de refondation du secteur financier, doivent elles aussi respecter les droits de l'homme. À cet égard, il importe particulièrement que les mesures d'ordre financier visent à la régénération des flux de crédit productif, plutôt que spéculatif. Par ailleurs, les périodes de crises économiques traversées par les familles exposent le femmes et les fillettes à des risques accrus, en termes de violence et de mise en cause de leurs droits économiques et sociaux. Les possibilités d'emploi diminuant, les femmes sont souvent contraintes d'accepter des postes marginaux et moins bien payés. Il importe donc que les mesures de relance économique contiennent une dimension sexospécifique et non discriminatoire, a souligné Mme Pillay. Quant aux migrants, confrontés au chômage croissant, ils sont en butte à des violences et des actes racistes renouvelés. Aucun effort ne doit être épargné pour les protéger de la discrimination et de la xénophobie.

La Haut-Commissaire a également relevé que les effets de la crise financière et économique se font sentir de manière particulièrement intense dans les pays en voie de développement. Dans ces conditions, il faudra avoir recours à l'aide et à la coopération internationale. Les États en situation de fournir cette aide, ou susceptibles d'influencer les politiques des organisations intergouvernementales et des institutions financières internationales, devront prendre en compte les droits de l'homme. Mme Pillay a rappelé que les Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur les droits de l'enfant ainsi que la Convention sur les droits des personnes handicapées contiennent tous des dispositions concernant la coopération internationale. Les objectifs du Millénaire pour le développement ne doivent pas être sacrifiés à la crise. Aujourd'hui plus que jamais, les stratégies de développement doivent être abordées selon une approche des droits de l'homme permettant de relever les défis de la pauvreté et du changement climatique, garantissant le respect des principes d'obligation redditionnelle, de transparence et de non-discrimination. Enfin, le système des droits de l'homme des Nations Unies peut appuyer les efforts déployés au niveau national pour contrôler l'impact des crises sur la réalisation universelle des droits de l'homme. Le Conseil des droits de l'homme peut ainsi stimuler et évaluer les réponses à la crise. Les titulaires de mandats, ainsi que les organes conventionnels, sont aussi en mesure de contrôler l'impact de la récession dans le cadre de leurs mandats respectifs, et aider les États à remplir leurs obligations.


Déclarations des initiateurs de la session et des groupes régionaux

M. HISHAM BADR (Égypte au nom du Groupe africain) a déclaré que la session spéciale, qui est une initiative conjointe du groupe africain et du Brésil et qui a reçu le soutien d'un grand nombre des membres, contribue à renforcer la crédibilité et la pertinence du Conseil. Le Conseil donne ainsi la preuve de sa sensibilité à l'égard de l'opinion publique dans le monde et sa capacité à se pencher sur un message politique uni, de la perspective des droits de l'homme, qui sont interdépendant et se renforcent mutuellement. Certains nient les liens entre la crise économique et la jouissance des droits de l'homme et d'autres prennent uniquement en considération les droits de leurs propres citoyens sans se préoccuper les autres. Or, si nous sommes bien tous dans le même bateau, nous ne voyageons pas tous sur le même pont et certains sont bien mieux équipés pour survivre à la tempête que d'autres. La session spéciale devrait parvenir à donner un gilet de sauvetage au moins nantis, car c'est la triste réalité que de nombreux entre eux périront dans la tempête. Les organisation internationales prévoient une augmentation du chômage de 20 millions cette année et que la crise aura de graves conséquences sur les investissements dans le domaine de la santé. Il est indéniable que la crise frappe tous les pays, mais l'impact est plus grave dans les pays en développement, surtout dans les pays les plus pauvres et insulaires.

La situation exige que soient prises des actions concertées et des solutions mondiales, a poursuivi le représentant égyptien. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités. Il faut en appeler à chaque État pour qu'il évite les mesures protectionnistes et de diminutions des l'aide au développement. En plus ils doivent tenir compte des la protection des droits de l'homme. Et éviter toute dérive raciste. Finalement, il est nécessaire d'établir un système démocratique international et transparent qui renforcera la participation des pays en développement. La session spéciale se tient à un moment opportun a-t-il poursuivi. À l'instar de nombreuses organisations internationales et agences des Nations unies, qui se penchent sur l'impact de la crise financière, l'Assemblée Générale organise ainsi une conférence à haut niveau au mois de juin ce qui met l'accent sur le rôle central joué par les Nations unies dans le système international, en tant que forum dans le quel tous les États sont représentés. Il est bienvenu que le Conseil apporte sa contribution sous forme de perspective des droits de l'homme au débat international.

MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVÊDO (Brésil) a dit que son pays avait souhaité cette session extraordinaire car il est convaincu que le Conseil doit agir et réagir face aux incidences de la crise financière sur les droits de l'homme. Elle a déclaré que la protection des droits de l'homme ne doit pas être la victime de la crise; il faut rappeler aux dirigeants de tous les pays qu'ils ont un rôle économique et social à jouer afin que la crise ne devienne une crise sociale et politique. L'Organisation mondiale de la santé prévoit que près d'un milliard de personnes pourraient être en difficulté alimentaire, en raison de la crise économique mondiale, a-t-elle rappelé. Le chômage peut avoir des conséquences sur les droits civils et politiques, a-t-elle encore dit, soulignant la vulnérabilité particulière des femmes, des enfants, des migrants. Les politiques protectionnistes sont loin d'être la solution au problème, a mis en garde le Brésil. Sa représentante a enfin invité le Conseil à rappeler que la réalisation universelle et la pleine jouissance des droits de l'homme doit rester prioritaire pour la communauté internationale dans le contexte actuel.

M. JUAN ANTONIO FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba au nom du Mouvement des pays non-alignés) a indiqué que ces pays sont particulièrement préoccupés par la crise économique et financière actuelle et par ses effets sur la jouissance des droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement. La pleine réalisation des droits fondamentaux tels le droit à un logement adéquat, à l'éducation, à l'alimentation, à la nourriture, à la santé et à l'eau potable, parmi d'autres, est particulièrement compromise par les effets conjugués des troubles économiques et financiers au plan international. La pauvreté, la malnutrition, le sous-développement, l'illettrisme, la faim, le manque d'accès aux soins de santé ne cessent de progresser, tandis que les pays industrialisés abandonnent les secteurs les plus touchés de la société, tout en volant au secours des banques et des grandes sociétés commerciales. Les groupes vulnérables tels que les migrants, les femmes, les personnes âgées et les minorités historiquement marginalisées sont dans une situation de plus en plus difficile, soumises à une marginalisation et à une intolérance accrues, voire au racisme et aux idéologies extrémistes.

Cette crise n'est pas le fait des pays en voie de développement, a souligné le représentant cubain: cependant, ces pays sont les plus touchés par ses effets, la crise compromettant fortement leurs perspectives de croissance. Il est essentiel que le Conseil envoie à la communauté internationale un message sans équivoque sur la nécessité de prendre des mesures conformes aux droits de l'homme et de multiplier ses efforts pour venir en aide aux pays en voie de développement. La crise économique et financière est mondiale par essence et exige par conséquent des solutions à ce niveau. Dans ce contexte, le droit au développement doit être une priorité pour tous. Les pays industrialisés doivent respecter leurs obligations s'agissant du niveau de leur aide directe au développement, soit 0,7% de leur produit intérieur brut. Enfin, la communauté internationale doit redoubler d'efforts pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, la coopération internationale à cet égard devant être renforcée.

M. TOMÁŠ HUSÁK (République tchèque au nom de l'Union européenne) a déclaré que la crise mondiale exige des solutions mondiales, mais il incombe à chaque État d'assurer que celle-ci n'ait pas de conséquences néfastes pour les droits de l'homme et ne met pas en péril la poursuite des objectifs du Millénaire. Il a jouté que la lutte contre la corruption est impossible sans un système judiciaire international, jouissant de la confiance de la communauté internationale. Il faudra tenir compte plus particulièrement des groupes les plus vulnérables: femmes, enfants et personnes âgées. Les femmes doivent devenir de plus en plus autonomes en matière économique et avoir accès à la propriété. Les mesures doivent aussi tenir compte de l'absolue nécessité de préserver l'environnement. Le mandat du Conseil lui confère le rôle de veiller au respect véritable des droits de l'homme et il devra se montrer particulièrement vigilant dans la situation présente et face aux problèmes nouveaux qui pourraient surgir.

M. MARGHOOB SALEEM BUTT (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), rappelant les crises passées, a relevé que l'on ne semble pas apprendre les leçons de l'histoire. Il a appelé le Conseil à faire preuve d'audace face aux difficultés actuelles. Le Pakistan estime que la montée des tendances protectionnistes de certains pays développés, l'absence de transparence dans les mécanismes de régulation qui ont conduit à la spéculation et à des fraudes massives, l'imposition par le Fonds monétaire international de mesures inappropriées à des pays déjà confrontés à des difficultés économiques ont eu un impact sur l'existence de millions de gens et sur la jouissance effective des droits de l'homme. Face à cette situation, les membres de la Organisation de la Conférence islamique recommandent, notamment, que l'Assemblée générale des Nations Unies établisse des directives pour une meilleure gouvernance monétaire et économique, que la communauté internationale soutienne les gouvernements nationaux dans leurs efforts pour mettre en place des filets de sécurité pour les plus vulnérables et que les institutions financières internationales apportent des conseils adaptés à chaque pays, en fonction de son niveau de développement et de son contexte économique.

M. HISHAM BADR (Égypte au nom du Groupe arabe) a notamment déclaré que la session extraordinaire traduit la nécessité de faire la lumière sur les conséquences humaines de la crise, dans le contexte des obligations posées par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Charte des Nations Unies. Le Conseil doit envoyer un message de solidarité aux personnes et pays les plus affectés par la crise, leur signifiant son engagement à œuvrer pour un monde plus solidaire et pour la concrétisation du droit au développement. À un moment où les organisations internationales prévoient des conditions économiques de plus en plus difficiles pour la majorité de l'humanité, il faut bien constater que la crise actuelle compromet le tissu social des pays. Les segments les plus pauvres et les plus faibles de la population doivent être protégés et il faut pour cela poursuivre sans relâche les efforts de réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. L'architecture financière internationale doit en outre être plus transparente et mieux engager la participation des pays en voie de développement.


Déclarations d'experts et représentants d'institutions des Nations Unies

M. CEPHAS LUMINA, expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, a rappelé que le sujet de la session cause beaucoup d'anxiété et d'incertitudes dans tous les pays. Les nouvelles sont décourageantes: des travailleurs migrants sont expulsés, le chômage augmente fortement, de nombreuses personnes perdent leurs foyers. Pendant le sommet du G20, les responsables politiques mondiaux ont réitéré leur confiance dans l'économie de marché. Bien que leur plan d'action semble bon, il ne reflète pas les réalités de la vie quotidienne de l'homme de la rue. Un plan économique et financier devrait promouvoir la prospérité économique et sociale de tous et promouvoir le respect de chacun. Or, force est de constater que le système actuel a fait défaut. Son effondrement donne le signal de la mise en place d'un système différent et mieux réglementé. Il est cependant à craindre que les programmes de relance actuels empêchent une telle refonte et empêche les États à fournir des bien et services de base à leurs populations. La crise financière est effectivement une question de droits de l'homme, puisqu'elle menace plus particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels; et il incombe aux États d'assurer que la lutte contre la crise ne se fasse pas au détriment de ceux-ci. La crise risque aussi d'entraîner une diminution des aides au développement. Ce sera un défi pour les donateurs de maintenir leur niveau de contributions, mais ce défi doit absolument être relevé, plus particulièrement s'agissant de mesures qui viennent en appui aux pays les plus pauvres, qui dépendent fortement de cette aide. Il est de même important d'éviter de porter atteinte aux mesures d'allègement de la dette, ce qui ne fera qu'exacerber l'impact négatif de la crise au sein des pays débiteurs. Force est de constater que les droits de l'homme sont rarement au cœur des préoccupations des États dans les enceintes internationales autres que celle du Conseil des droits de l'homme. Il est par conséquent nécessaire de se montrer particulièrement vigilant face aux mesures proposées pour lutter contre la crise financière. La gravité de la crise démontre la nécessité d'une refonte totale des instruments financiers. L'économie mondiale appelle une solution mondiale, et la coopération mondiale est aux sources même de l'existence des Nations unies, qui a un rôle unique à jouer dans la situation présente.

M. RAYMOND TORRES (Bureau international du travail), a attiré l'attention sur deux questions prioritaires pour son institution. Il a souligné en premier que la forte récession du marché de l'emploi comporte le risque de troubles sociaux; plus le chômage durera, plus il sera difficile de l'éradiquer, a souligné M. Torres, qui a appelé les gouvernements à prendre des mesures immédiates pour s'attaquer à ce problème. Il a aussi évoqué, s'agissant de la protection sociale, les menaces qui planent sur les fonds de pension. La deuxième question qui intéresse particulièrement le BIT est la réponse actuelle à la crise, a déclaré M. Torres, constatant que le système de crédit ne s'est pas encore remis en marche, que la santé économique réelle est toujours en mode dépressif et que le commerce mondial est durement touché par la crise. En conclusion, le représentant du Bureau international du travail a appelé les gouvernements à imaginer un modèle de croissance différent, où l'approche humaine serait au cœur des préoccupations.

M. WILLY ALFARO (Organisation mondiale du commerce) a souligné la gravité de la crise actuelle, dont les effets dévastateurs génèrent un sentiment de craintes et d'incertitudes en matière de crédit, d'emploi, de chute du commerce, avec des conséquences pour les pays en voie de développement notamment. Le recul de la demande commerciale entraîne le risque de tendances protectionnistes et rend nécessaire la conclusion des accords commerciaux actuellement en discussion. Le plus grand défi pour l'OMC est de faire en sorte que le commerce fasse partie de la solution à la crise actuelle. La coopération internationale est indispensable à cet égard afin d'éloigner le spectre du protectionnisme. L'OMC a mis en place des mesures de transparence qui serviront à contrer collectivement les pressions protectionnistes, que la plupart des États membres de l'OMC ont jusqu'à présent contenues avec succès. Il faut renforcer le système mondial de commerce mis en place patiemment depuis des décennies. C'est ainsi que la conclusion du cycle de négociation de Doha doit donner à la communauté internationale le signal politique qu'en des temps difficiles, les gouvernements sont prêts à travailler ensemble pour apporter les réponses globales qui s'imposent.

M. ANDREW CASSELS (Organisation mondiale de la santé) a souligné que la crise aura des conséquences sur les dépenses de la santé publique et, généralement, ce sont les plus pauvres qui vont courir le risque particulier de ne plus avoir les moyens de se soigner. Un nombre de croissant de personnes fera appel au système de santé publique, qui en même temps risque voir diminuer ses ressources. Cela est d'autant plus inquiétant que les situations de crise et d'incertitude s'accompagnent de plus d'anxiété et une croissance des souffrances et maladies mentales ainsi que de consommation d'alcool et de drogue. Contrairement à bien d'autres crises, celle-ci a commencé dans le monde riche et il est probable que les effets vont tomber en cascade et frapper encore plus durement les pays pauvres à l'avenir, alors que ces pays connaissent déjà des problèmes chroniques de leurs systèmes de santé. Il est indispensable que le niveau d'aide ne soit pas diminué comme cela s'est produit lors des périodes de récession antérieures. Mais partout, dans les pays pauvres comme les pays riches, ce seront les pauvres qui vont payer le plus lourd tribut à la crise. L'OMS a tenu récemment une consultation de haut niveau sur ses conséquences sur la santé et cinq domaines d'action ont été identifiés. En particulier, la planification doit être basée sur une bonne information, car les conséquences de la crise varieront d'un pays à l'autre. L'aide au développement doit être maintenue et il doit aller aux plus pauvres et avoir un impact positif sur la santé. La politique de santé est importante: les soins de santé primaire doivent être au centre de l'attention, elle doit être solidaire et tenir compte des besoins spécifiques de femmes. Finalement la communauté internationale de la santé doit aussi se mettre en question, éviter la duplication des efforts et miser sur la synergie entre organisations.


Débat général

M. CARLOS PORTALES (Chili) a exprimé la conviction de son pays que la perspective des droits humains doit être au centre des efforts pour trouver des solutions à la crise financière et économique mondiale. Il a évoqué les effets que la crise a d'ores et déjà en Amérique latine. Un plan de redressement a été adopté au Chili qui vise en tout premier lieu à relancer le secteur de l'emploi. Mais les réponses au plan national ne suffisent pas, a souligné le représentant chilien; il faut réformer les mécanismes financiers internationaux. Le moment est venu d'introduire des critères de gouvernance dans le système, a-t-il dit. Il est urgent, par ailleurs, de soutenir les pays en voie de développement dans leurs efforts pour faire face aux problèmes qui se présentent aujourd'hui, a-t-il dit, soulignant que la crise ne saurait constituer une excuse pour que les États ne se dérobent à leurs engagements internationaux, notamment leur devoir de contribuer au droit au développement.

M. GUSTI AGUNG WESAKA PUJA (Indonésie) a observé que les effets de la crise auront certainement des effets très négatifs sur la réalisation des droits de l'homme dans tous les pays du monde. L'Indonésie exprime son soutien à la tenue de la présente session, relevant que le développement et les droits de l'homme doivent aller de pair. La crise matérialise des préoccupations latentes concernant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le Conseil doit avoir conscience de l'impact de la crise sur la jouissance des droits de l'homme. Le moment est venu pour la communauté internationale de fédérer ses efforts pour concrétiser enfin le droit au développement pour tous.

M. ABDULWAHAB ABDULSALAM ATTAR (Arabie saoudite) a déclaré que la crise touche tous les peuples du monde, mais qu'elle est beaucoup plus dangereuse pour les pays les moins avancés. Ses effets foudroyants ont des conséquences déjà perceptibles sur la jouissance du droit au développement, notamment. Un effort commun doit être consenti par la communauté internationale pour stabiliser les conditions économiques internationales, ce à quoi s'emploie déjà l'Arabie saoudite en contribuant à stabiliser les cours du pétrole. L'Arabie saoudite continue par ailleurs d'offrir une aide directe bilatérale et multilatérale, en collaboration notamment avec la Banque mondiale, a fait valoir le représentant.

M. VALERY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a observé que la rapidité de propagation de la crise est inédite, tous les pays sans exception étant désormais touchés. Il est cependant incontestable que les pays les plus pauvres sont confrontés à une détérioration particulièrement grave de leurs conditions économiques, avec une flambée du chômage et des perspectives économiques bien sombres: leur développement à long terme s'en trouve menacé. Pour surmonter la crise, il faudra que la communauté internationale travaille ensemble à l'échelle nationale et mondiale. Mais les gouvernements nationaux seront, au final, seuls capables de mettre en œuvre les mesures nécessaires à une sortie de crise. La Russie estime que le document qui sera adopté au terme de la session extraordinaire devra refléter le rôle important du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme dans la résolution de la crise.

M. FAISAL ABDULLA AL-HENZAB (Qatar) a déclaré que les droits économique et sociaux sont compromis et que bien des pays connaissant une paupérisation de leur population. Les minorités marginalisés et immigrés sont ceux qui souffrent le plus de cette situation. Il faut surmonter les défis efficacement et le Qatar appuie tous les efforts déployés dans le but d'atteindre les objectifs du Millénaire. L'interdépendance des économies est maintenant claire pour tous, et il est impossible pour les États de faire face à la crise économique individuellement. Le représentant qatarien a assuré le Conseil de son appui dans ses efforts pour veiller à ce que la crise et les mesures prises pour la surmonter n'entraînent pas de conséquences néfastes pour les droits de l'homme.

M. LI BAODONG (Chine) a constaté que la crise financière génère des ondes de chocs partout dans le monde, notamment en raison de la chute des échanges. Ces ondes de choc ont des répercussions directes sur tous les droits humains, a-t-il souligné. Rappelant la réunion de haut niveau qui s'est tenue l'année dernière à New York sur les objectifs du Millénaire, il a constaté que cette crise pourrait constituer un obstacle fondamental à la réalisation des objectifs fixés. Dans ce contexte, le Conseil doit donner la priorité au droit au développement, a-t-il estimé. La Chine, de son côté, est pleinement engagée dans les efforts de coopération en faveur du droit au développement, a dit le représentant chinois, mentionnant en particulier les actions que son pays met en œuvre en faveur du continent africain.

M. GOPINATHAN ACHAMKULANGARE (Inde) a déclaré que le débat politique à jusqu'à présent porté davantage sur les mesures économiques et politiques de traitement de la crise, et il est bon que la session extraordinaire aborde d'autres aspects. La crise pose des risques pour la stabilité sociale des pays, compte tenu de ses impacts différenciés sur les différents segments de la population. Les économies en développement sont confrontées à des perspectives décourageantes dans le domaine du développement, notamment pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, avec potentiellement des conséquences à très long terme. Une réaction mondiale coordonnée doit être engagée entre les pays avancés et les pays en voie de développement, accompagnée d'une action simultanée au niveau des institutions financières internationales. Les mesures d'urgence prises à ce jour par les pays industrialisés ont eu des répondants dans les grandes économies émergentes. Une nouvelle architecture financière multilatérale doit être instaurée, dotée de moyens de contrôle et de surveillance de l'évolution des réalités économiques mondiales. Le Conseil doit, de son côté, donner une orientation aux institutions internationales afin qu'elles adaptent leurs politiques aux exigences posées par les instruments internationaux des droits de l'homme.

M. SHREE BABOO CHEKITAN SERVANSING (Maurice) a jugé la session opportune pour procéder à une analyse en profondeur d'une crise qui surgit après une période de croissance inégale qui a provoqué la marginalisation d'un grand nombre d'États, entre autres les petits pays en développement insulaires. Les prévisions sont mauvaises, surtout pour les économies vulnérables, et pourraient avoir des conséquences désastreuses sur les droits au logement, au travail, à l'éducation et à l'alimentation, parmi d'autres. Les pays en développement ont déjà subi de fortes augmentations de prix sur les denrées alimentaires et les carburants au cours de 2008. En outre, les petits pays sont généralement plus dépendants des échanges commerciaux. Maurice dépend ainsi largement du commerce et des services: Il est donc indispensable de maintenir un système de commerce international ouvert et éviter de déboucher sur une nouvelle vague de protectionnisme. Il faut que les mesures prises prévoient une protection des pays de développement et c'est grâce à la coopération internationale et à la solidarité qu'une réponse adéquate sera trouvée à la crise tout en protégeant les droits inaliénables de chacun.

M. ARCANJO MARIA DO NASCIMENTO (Angola) a rappelé que la crise financière mondiale a été précédée d'une crise alimentaire et d'une crise énergétique qui ont bouleversé les prévisions de croissance des pays en voie de développement. Il a appelé la communauté internationale à résister à la tendance à mettre en œuvre de mesures protectionnistes, nationalistes et xénophobes qui ne feraient qu'empirer les conséquences de la crise sur la réalisation des droits de l'homme à l'échelle planétaire.

M. LUIS ALFONSO DE ALBA (Mexique) a déclaré que l'interdépendance des économies mondiales entraîne une propagation de la crise actuelle à tous les pays, indépendamment de leur niveau de développement et détériorant les perspectives économiques mondiales. La communauté internationale doit donc aborder cette crise de manière unie, sur la base d'une analyse équilibrée de ses causes et de ses conséquences. Seule une approche intégrée permettra l'adoption de mécanismes adéquats d'assistance et de coopération interrégionale et de prendre les mesures indispensables. Dans ce contexte, il est essentiel d'intégrer la dimension des droits de l'homme en tant qu'aspect prioritaire dans la définition et l'application des moyens de juguler la crise économique. Les stratégies et programmes spécifiques doivent accorder une importance toute particulière aux personnes vulnérables, notamment les femmes, les migrants et les peuples autochtones. Le Mexique, pour sa part, a mis en œuvre des mesures concertées pour renforcer le marché interne et pour garantir l'emploi, l'objectif étant d'améliorer le bien-être des familles pour parer aux effets de la crise.

M. MARIUS GRINIUS (Canada) a estimé que le Conseil devrait rester attaché à des questions qui relèvent de sa compétence, à savoir le respect des droits de l'homme par tous les pays, en dépit de la situation économique qui frappe le monde. Les États sont responsables au premier chef de garantir le respect des droits de l'homme à l'intérieur de leurs frontières, a dit le représentant canadien, et le Conseil des droits de l'homme doit s'évertuer à souligner cette responsabilité première. Le respect des droits humains ne dépend de l'économie a estimé le Canada, affirmant que les États ne sont pas dédouanés de leurs responsabilités dans ce contexte de crise économique et qu'ils ont, au contraire, une responsabilité supplémentaire, à savoir celle de redoubler d'efforts pour que les droits des plus vulnérables soient respectés.

M. PETER GOODERHAM (Royaume-Uni) a déclaré que les droits de l'homme sont indivisibles et que tous pâtiront si les États ne parviennent pas à mettre en place des mesures qui respectent les droits économiques et sociaux. Les droits des groupes vulnérables, des femmes et des enfants doivent être plus particulièrement au cœur des préoccupations. Il est donc important que le Conseil reconnaisse que la protection et la promotion des droits de l'homme constituent véritablement une partie essentielle de la réponse efficace à la crise. Le Royaume-Uni reconnaît que la crise affecte des personnes dans le monde entier et s'engage à trouver une réponse coordonnée et efficace. Le plan formulé par le G20 en constitue un premier pas essentiel, mais il ne faut pas s'en tenir à cette initiative et le sommet de Londres, qui aura lieu en avril, constituera un autre pas important. Lord Malloch-Brown, Ministre responsable des relations avec les Nations Unies et envoyé spécial du G20, sera au Bureau international du travail à Genève le 4 mars pour présenter le plan britannique qui sera exposé lors du sommet de Londres.

M. DAHER DJAMA ABBAS (Djibouti) a déclaré que la crise actuelle, soudaine et brutale, est sans égale tant par son ampleur que par la grande incertitude qu'elle engendre. Elle a permis, si besoin était, de prendre conscience de l'étroitesse et de l'interdépendance des économies mondiales dont l'onde de choc frappe durement l'Afrique, continent réputé plus fragile et plus démuni que les autres. Les effets de la crise se sont fait ressentir dans de nombreux domaines clés, tels le commerce extérieur, les taux de change, l'investissement direct étranger ou bien encore le risque de diminution de l'aide au développement. Les objectifs du Millénaire pour le développement, déjà mal en point avant la crise, risquent d'être une «victime collatérale» des politiques d'austérité mises en place par les pays occidentaux, avec pour conséquence une diminution significative des droits les plus élémentaires: accès aux soins, à l'éducation, au logement décent et à des conditions de vie acceptables. C'est précisément lors des moments de grande incertitude comme celui que l'on vit actuellement que l'Afrique a besoin d'un signal fort de la part des pays développés afin de garantir leur engagement à consacrer 0,7% de leur PIB au titre de l'aide publique au développement ainsi que de poursuivre leurs efforts vers une aide plus conséquente et plus efficace. Enfin, il est particulièrement opportun que les Rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme concernés fassent un examen approfondi de l'impact de la crise sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, et formulent des recommandations utiles à ce sujet.

M. OTHMAN HASHIM (Malaisie) a affirmé que la crise économique et financière qui afflige le monde compromet sévèrement les objectifs de croissance économique et de développement des pays les plus pauvres. Il a noté que les emprunts sont de plus en plus difficiles, que les prix des aliments augmentent et que ceux des matières premières ne cessent de chuter. Il est inacceptable que les pays pauvres souffrent le plus d'une crise dont ils ne sont pas responsables, a déclaré le représentant de la Malaisie, soulignant la nécessité pour les Nations Unies de continuer à mobiliser tous les mécanismes existants pour maintenir l'assistance au développement.

M. ALBERTO J. DUMONT (Argentine) en a appelé à une réponse rapide à la crise. Les victimes de la crise sont principalement ceux qui n'ont aucune responsabilité dans la crise. Les solutions doivent viser avant tout les plus pauvres et vulnérables. Les travailleurs migrants et illégaux, par exemple, se voient imposer des mesures plus restrictives, qui favorisent leur marginalisation. Pour sa part, l'Argentine a pris des mesures pour élargir la protection sociale et contre le chômage. Plutôt que d'incriminer la migration, elle a décidé de miser sur la capacité créatrice de ces personnes. La régularisation de travailleurs migrants illégaux a ainsi été entreprise. Ce renforcement du filet de sécurité social est la réponse que l'Argentine a choisie pour contrer les effets néfastes de la crise actuelle. Dans le même esprit, les manifestations de racismes et xénophobie seront punies avec la plus grande sévérité.

M. IFEANYI NWOSU (Nigéria) a constaté l'impact des crises économique et financière sur l'accroissement du niveau de sous-développement de la plupart des économies et sur l'aggravation subséquente de la faim, de la pauvreté, de la malnutrition, de l'illettrisme et du manque d'accès aux soins de santé. Cette situation a des conséquences dévastatrices sur les populations les plus vulnérables - enfants, femmes, personnes âgées et minorités risquant une marginalisation accrue. Ceci entraînera, dans les faits, le déni de la jouissance des droits de l'homme en matière d'alimentation, de santé, de logement, notamment. Il est à craindre que, dans ces conditions, la plupart des pays en voie de développement ne puissent réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. La Banque mondiale a montré que 40% des 107 pays en voie de développement sont très exposés aux effets de la crise, parmi lesquels le Nigéria. Le pays soutient l'appel lancé par le Directeur de la Banque mondiale appelant à l'octroi d'un soutien financier à ces pays sous la forme de prêt à taux nul. Le Nigéria appelle de son côté les pays riches à consacrer effectivement 0,7% de leur produit intérieur brut à l'aide au développement, comme ils en ont pris l'engagement.

M. ABDULLA ABDULLATIF ABDULLA (Bahreïn) a invité le Conseil des droits de l'homme à lancer un message clair à la communauté internationale et de souligner la nécessité de donner priorité au respect des droits de l'homme dans ce contexte de crise financière et économique mondiale. L'écroulement des économies a des répercussions sur l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels et sur la sécurité mondiale, a affirmé le représentant du Bahreïn. Il a appelé à intensifier la coopération et la solidarité entre les États, les invitant à ne pas réduire leurs budgets d'aide au développement dans le contexte actuel.

M. DANTE MARTINELLI (Suisse) a constaté que la crise actuelle touche de manière disproportionnée les personnes les plus vulnérables au sein de nos sociétés. Si nous ne sommes pas tous égaux devant les effets de cette crise, nous avons tous les mêmes droits. La Suisse soutient pleinement une approche des conséquences de la crise financière basée sur les droits humains. La Suisse salue en outre les efforts engagés par plusieurs institutions financières internationales pour contrer les effets de la crise et apporte son soutien aux travaux en cours au sein notamment du Fonds monétaire international, de l'OCDE et du G20. La Suisse salue l'initiative du Président de l'Assemblée générale d'organiser au sein des Nations Unies une conférence au plus haut niveau sur la crise et son impact sur le développement. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme doit occuper la place qui lui revient dans ce contexte et porter au centre de toutes les initiatives un message de protection des droits de l'homme. La Suisse soutient la participation de Mme Navi Pillay à la Conférence sur les conséquences de la crise sur le développement, qui se tiendra dans le cadre de l'Assemblée générale en juin prochain.

MME ERLINDA F. BASILIO (Philippines) a déclaré qu'elle pense que le Conseil a la capacité mettre en avant des questions qui seront laissées dans l'ombre par les décideurs nationaux. La plupart des pays en développement dépendent fortement des aides au développement, des échanges commerciaux et des travailleurs qu'ils envoient à l'étranger. Si ces sources se tarissent, les perspectives d'avenir de ces pays vont s'assombrir d'avantage encore. En outre, dans le climat actuel d'incertitude et d'austérité, les étrangers sont souvent les premiers à perdre leur emploi et à subir des restrictions de leurs prestations sociales, ce qui peut avoir des conséquences graves pour leur santé, sans parler des dangers que représente la montée de la xénophobie.

M. KWABENA BAAH-DUODU (Ghana) a espéré que cette session sera l'occasion de parvenir à un consensus planétaire s'agissant de l'importance de placer les droits de l'homme au centre des solutions pour la gestion de la crise financière mondiale. Les effets directs de la crise vont s'ajouter aux effets indirects pour affecter de manière catastrophique les économies africaines, a dit le représentant du Ghana. La diminution attendue de la croissance devrait donner lieu à des coupes dans les programmes sociaux, c'est à dire à tout ce qui devrait augmenter la jouissance des droits des populations de ces pays. Cette crise est une crise qui nous touche tous, bien que les pays en voie de développement n'ont rien à voir avec ses causes, a conclu le représentant du Ghana en invitant la communauté internationale à collaborer pour mitiger l'impact négatif de la crise dans le monde entier.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) s'est dit satisfait de la tenue de la session extraordinaire, observant que l'aspect humain de la crise justifie pleinement cette convocation. Les conséquences de la crise économique, notamment en termes de pertes d'investissements et de réduction des flux commerciaux, risquent d'avoir des conséquences dramatiques pour la jouissance de certains droits fondamentaux: droit à l'éducation, au travail, à la santé par exemple. Dans ces conditions, les objectifs du Millénaire pour le développement doivent être remplis à tout prix. Porteuse de risques, la crise doit aussi être l'occasion de repenser et de donner une autre image aux règles de l'économie internationale. C'est en œuvrant ensemble que la communauté internationale pourra atteindre cet objectif.

M. CARLOS ROBELO RAFFONE (Nicaragua) a rappelé que si le Conseil se réunit aujourd'hui, c'est qu'un grand nombre de membres ont déjà estimé qu'il existe un lien entre la crise et les droits de l'homme. Or cette analyse fait étonnamment défaut chez un grand nombre d'acteurs économiques et publics, malgré les preuves qu'ils ont sous les yeux tous les jours. La mondialisation actuelle est prise dans la camisole de force du libéralisme économique et n'est pas viable. Les pauvres paient le prix de l'irresponsabilité des dirigeants, et tous les ans, 5,6 millions d'enfants de moins de cinq ans meurent d'une cause directement ou indirectement liée à la sous-alimentation. Pourtant, a-t-il conclu, nous ne désespérons pas de parvenir à construire un monde dans le quel nous considéreront le monde entier comme notre maison, nos voisins comme nos amis et les pauvres comme nos frères.

M. AKIO ISOMATA (Japon) a tenu à souligner que la crise à un impact énorme non seulement sur les économies, mais aussi dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, de l'alimentation et du logement. Le Japon a aussi ressenti cet impact et en subit les conséquences de plein fouet. Le Conseil ne peut offrir une solution directe à la crise, a fait remarquer le représentant du Japon, mais il se doit de rappeler qu'il est important de poursuivre les efforts pour protéger tous les droits de l'homme dans le contexte présent.

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