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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LE CONSEILLER SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE

17 Mars 2008



Conseil des droits de l'homme
MATIN
17 mars 2008


La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Soudan présente son rapport


Le Conseil des droits de l'homme a entendu, ce matin, une déclaration du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, M. Francis Deng, avant d'être saisi du rapport le plus récent sur la situation des droits de l'homme au Soudan, présenté par la Rapporteuse spéciale sur la question, Mme Sima Samar.

Présentant un rapport sur la mise en œuvre du Plan d'action en cinq points du Secrétaire général pour la prévention du génocide, M. Deng a indiqué suivre, dans l'exercice de son mandat, une approche reconnaissant et respectant la souveraineté des États. La souveraineté des États doit être appréhendée comme un concept engageant leur responsabilité de protéger et assister tous les individus relevant de leur juridiction, de respecter leurs droits de l'homme et de rechercher le soutien international lorsque cela s'avère nécessaire. La réponse apportée aux situations préoccupantes doit suivre une approche fondée sur la discrétion et la confidentialité, a estimé le Conseiller spécial, qui a rappelé l'exemple récent du Kenya. D'une manière plus générale, la meilleure façon de prévenir durablement le génocide consiste à s'attaquer aux causes profondes des conflits génocidaires, qui se retrouvent moins dans les différences identitaires que dans des structures et politiques de marginalisation, d'exclusion, de discrimination et de déni de la jouissance de tous les droits de l'homme. C'est pourquoi tout effort visant à assurer l'égalité, la non-discrimination, le droit à l'éducation, le bon fonctionnement de la justice, ainsi que la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques, contribue à la prévention du génocide.

Mme Samar a pour sa part rendu compte de sa récente visite au Soudan et a exhorté le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et un logement convenable aux communautés touchées par la construction de deux barrages hydrauliques dans la vallée du Nil. Elle a en outre fait part de sa préoccupation face au climat d'impunité dont jouissent les responsables de la mort de manifestants à Amri et Kajbar en 2006 et 2007. La Rapporteuse spéciale s'est par ailleurs inquiétée de la situation critique des droits de l'homme au Darfour, notamment de l'importante offensive militaire en cours à l'Ouest du Darfour. Le Gouvernement et les groupes rebelles ont failli à leurs responsabilités de protéger les civils dans les zones sous leur contrôle et violent les droits de l'homme et le droit humanitaire, a-t-elle déclaré. Elle a en outre exhorté le Gouvernement à accélérer la réforme législative pour la transition démocratique et a tenu à rappeler que la protection et la promotion des droits de l'homme relèvent de la responsabilité inconditionnelle de l'État. Toutes les parties au conflit sont tenues de respecter leurs obligations en vertu des droits de l'homme et du droit humanitaire, a-t-elle ajouté.


Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil tiendra un dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Soudan après avoir entendu la délégation du Soudan, en tant que pays concerné. Il doit ensuite poursuivre son processus d'évaluation des mandats de ses procédures spéciales, en se penchant sur les mandats relatifs au Myanmar, à la solidarité internationale et aux disparitions forcées ou involontaires. Le Conseil pourrait en outre entendre les interventions de délégations qui souhaitent réagir à la présentation faite ce matin par le Conseiller spécial pour la prévention du génocide.


Déclaration du Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide

M. FRANCIS DENG, Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, a présenté le rapport mis à jour du Secrétaire général sur la mise en œuvre du Plan d'action en cinq points et des activités du Conseiller spécial sur la prévention du génocide (A/HRC/7/37, à paraître). M. Deng a rappelé que la démarche de prévention du génocide impose des responsabilités aux États Membres à titre individuel, aux États agissant collectivement au sein des Nations Unies ainsi qu'aux institutions des Nations Unies. L'alerte rapide et la prévention du génocide exigent en particulier un engagement constructif des États Membres, a-t-il insisté. À cet égard, M. Deng a dit suivre une approche reconnaissant et respectant la souveraineté des États - la souveraineté des États étant ici appréhendée positivement comme un concept engageant leur responsabilité pour ce qui est de protéger et assister tous les individus relevant de leur juridiction, de respecter leurs droits de l'homme et de rechercher le soutien international lorsque cela s'avère nécessaire. M. Deng a précisé que, selon lui, le rôle du Conseiller spécial est d'inciter les gouvernements et autres acteurs à prendre des mesures de prévention, de manière constructive et en coopération. Les stratégies en la matière comportent quatre dimensions interdépendantes: la protection des populations en danger contre les violations massives des droits de l'homme et du droit international humanitaire; l'obligation de rendre des comptes pour les violations commises; l'aide humanitaire et l'accès aux droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux; et le traitement des causes sous-jacentes des conflits, par le biais d'accords de paix et de processus de transition. Ces éléments se retrouvent dans le Plan d'action en cinq points pour la prévention du génocide de l'ancien Secrétaire général, M. Kofi Annan.

Par ailleurs, a fait observer M. Deng, compte tenu du fait que la majorité des États sont marqués par la diversité et la distribution inégale du pouvoir, des services publics et de la richesse nationale, le potentiel d'identification de conflits susceptibles de dégénérer en génocide est beaucoup plus important que ce que l'on croit généralement. Le risque de génocide n'est pas circonscrit à une région ou à un groupe de pays, a souligné le Conseiller spécial. Ceci explique pourquoi il faudrait que le mandat de Conseiller spécial s'attache à susciter, en amont, une meilleure prise de conscience et une meilleure sensibilisation, a précisé M. Deng, indiquant qu'il avait précisément l'intention de promouvoir la prise de conscience en tant que mesure préventive, par le biais de consultations et de discussions avec les États, les milieux universitaires et les organisations de droits de l'homme.

M. Deng a par ailleurs estimé que le traitement des situations préoccupantes doit être marqué par la discrétion et la confidentialité, qui constituent - selon lui - l'approche la plus appropriée et la plus constructive. C'est de cette manière qu'a été abordée la crise récente au Kenya et il faut se féliciter dans ce contexte de l'accord conclu à Nairobi au terme d'un processus négocié par M. Kofi Annan, processus qui s'est révélé être une contribution essentielle à la prévention de la violence, a-t-il fait valoir. Cependant, au Kenya, comme n'importe où ailleurs, la prévention ne doit pas être une activité isolée, mais bien un processus continu. Il faut donc rester vigilant. L'accord tient compte de nombreux facteurs sous-jacents de la crise et il faudra poursuivre les efforts visant à sa mise en œuvre intégrale. D'une manière plus générale, a poursuivi M. Deng, la meilleure manière de prévenir les génocides passe par le traitement des causes profondes des conflits génocidaires, causes qui se reflètent moins dans les différences identitaires que dans des structures et politiques entraînant la marginalisation, l'exclusion et la discrimination, ainsi que le déni des droits des citoyens et de la jouissance des droits de l'homme. À ce titre, a fait valoir M. Deng, on peut soutenir que tout effort visant à assurer l'égalité, la non-discrimination, le droit à l'éducation, le bon fonctionnement de la justice ainsi que la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques, participe de la prévention du génocide.

En conclusion, M. Deng a ajouté qu'en cette année de soixantième anniversaire de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, l'occasion est fournie de dresser un bilan de ce qui a été réalisé et de voir comment les États Membres peuvent redoubler d'efforts pour renforcer la volonté et la capacité à prévenir le génocide et les crimes qui lui sont liés.


Présentation du rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan

MME SIMA SAMAR, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Soudan, rendant compte de sa récente visite au Soudan a regretté que sa visite au Nord ait été annulée par le comité de la sécurité d'État. Elle a toutefois rencontré des représentants des communautés touchées par la construction de deux barrages hydrauliques dans la vallée du Nil. À cet égard, elle a exhorté le Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de cette population et de leur fournir un logement convenable. En ce qui concerne les manifestants tués à Amri et Kajbar en 2006 et 2007, elle s'est dite particulièrement préoccupée par le climat d'impunité qui règne à l'égard des responsables et a demandé au Gouvernement de rendre public les résultats de la Commission d'enquête mise en place par le Ministère de la justice, et de poursuivre en justice les responsables de ces crimes. Mentionnant sa visite de la prison de Kober, elle s'est félicitée que les autorités lui aient permis de mener des entretiens privés avec certains détenus, et a encouragé le Gouvernement à enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements commis par la Sécurité nationale ou la police à l'égard de détenus en détention préventive. À Port-Soudan, la Rapporteuse spéciale a mené une enquête sur le massacre du 29 janvier 2005. Selon les informations reçues, les forces chargées de contrôler le soulèvement ont eu un recours excessif aux armes pouvant causer la mort. Mme Samar a ajouté que des 22 personnes ont été tuées et que le Gouvernement avait prêté assistance à 16 familles de personnes décédées. Les six familles qui ont refusé l'indemnisation n'ont pas reçu d'informations sur l'enquête menée. Mme Samar a demandé que les résultats de l'enquête soient rendus publics et que les responsables soient poursuivis en justice

La Rapporteuse spéciale s'est en outre inquiétée de la situation critique des droits de l'homme au Darfour, notamment de l'offensive militaire qui se poursuit à l'Ouest du Darfour. Le Gouvernement et les groupes rebelles ont failli à leurs responsabilités de protéger les civils dans les zones sous leur contrôle et violent les droits de l'homme et le droit humanitaire. La Rapporteuse spéciale a reçu des informations concernant des meurtres, des violence sexuelles, des arrestations et des détentions arbitraires, ainsi qu'en ce qui concerne l'impunité dont jouissent ces crimes, a-t-elle poursuivi. Elle a également fait état d'attaques menées par l'armée soudanaise et les milices, soutenues par l'aviation et les hélicoptères du Gouvernement dans les villages de Sirba, Silea et Abu Suruj dans l'Ouest du Darfour. Ces attaques aveugles ont causé de graves destructions et plus de 100 personnes ont été tuées, de nombreuses autres s'étant déplacées dans les villes et villages avoisinants. Environ 12 000 personnes déplacées ont traversé la frontière tchadienne, a ajouté Mme Samar. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la disparition de 19 hommes massalit arrêtés par le SLA/MM suite à l'attaque d'un groupe armé sur Gereida. En octobre 2006, un charnier a été trouvé contenant les restes de certains de ces hommes. Mme Samar a demandé au Gouvernement de mener une enquête, d'informer les familles du sort de leurs parents, et de juger les responsables de ces crimes.

La Rapporteuse spéciale s'est félicitée des informations fournies par le Gouvernement concernant des mesures prises pour combattre la violence contre les femmes au Darfour, suite auxquelles des agents de police et des forces armées ont été punis dans les trois provinces du Darfour. La Rapporteuse spéciale a encouragé le Comité de lutte contre la violence à l'égard des femmes à mettre davantage l'accent sur la prévention et de juger les responsables pour mettre fin à la culture de l'impunité. La création d'une unité pour les femmes et les enfants au commissariat de Khartoum constitue une étape importante, a-t-elle noté, tout en demandant au Gouvernement d'établir des unités similaires dans le reste du pays et particulièrement au Darfour. Elle a lancé un appel pour que la campagne contre la mutilation génitale féminine reçoive tout le soutien qu'elle mérite.

S'agissant du déploiement de la Mission Onu/Union africaine au Darfour (UNAMID), elle a souligné que sa lenteur a déçu les personnes déplacées et en particulier les femmes dans les camps. La communauté internationale doit fournir les ressources nécessaires à l'UNAMID pour lui permettre de protéger les gens du Darfour. Elle a par ailleurs déploré que les droits fondamentaux, notamment la liberté d'expression et d'opinion, continuent à être violés par les autorités chargées de l'application des lois. Elle a observé que des représentants de l'État ont visité les maisons d'édition de plusieurs journaux nationaux de langue arabe pour inspecter les copies avant impression. Mme Samar a exhorté le Gouvernement à accélérer les réformes législatives relatives à la transition démocratique, et a tenu à rappeler que la protection et la promotion des droits de l'homme incombe sans condition à l'État mais que toutes les parties au conflit sont tenues de respecter leurs obligations en vertu des droits de l'homme et du droit humanitaire.

Mme Samar a demandé au Conseil de prendre des mesures urgentes pour prévenir de nouvelles violations. Le Conseil devrait surveiller la situation des droits de l'homme, examiner la mise en œuvre des recommandations du Groupe d'experts et évaluer les progrès réaliser sur la base des indicateurs mis au point par le Groupe d'experts. La Rapporteuse spéciale a engagé le Gouvernement à enquêter sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire, et a tenu à souligner le rôle vital de la société civile, des défenseurs de droits de l'homme et des groupes de femmes pour surveiller la situation et identifier les lacunes relatives à la protection des droits de l'homme, facilitant ainsi le travail du Gouvernement.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan (A/HRC/7/22, à paraître en français), qui couvre la période de septembre à décembre 2007, souligne que la protection des droits de l'homme au Soudan continue d'être un énorme défi. De lents progrès ont été accomplis, en particulier en ce qui concerne l'élaboration de nouveaux projets de loi, la délivrance d'ordonnances et de nouvelles politiques, mais elles n'ont pas encore d'incidences sur la situation. De nombreuses préoccupations soulignées dans le rapport précédent restent les mêmes. Malgré le potentiel de la transition démocratique et l'optimisme créé par la Constitution nationale et la Charte des droits, les violations des droits civils et politiques sont encore très courantes. Les retards dans la mise en œuvre de l'Accord de paix global continuent de faire obstacle à la protection et la promotion des droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels. La Rapporteuse spéciale est particulièrement préoccupée par la situation des droits des femmes. En dépit des dispositions constitutionnelles garantissant une protection égale et l'égalité devant la loi, les femmes continuent à être considérés comme des citoyens de deuxième classe. Mariages précoces et forcés, violence contre les femmes et mutilations génitales féminines sont encore pratiques courantes. En outre, les femmes sont souvent placées dans des centres de détention pour défaut de paiement de la dot, ou de dettes de famille, ou pour des actes commis par des membres de la famille ou sur la foi d'accusations d'adultère. Les femmes sont sous-représentées dans les institutions gouvernementales et les fonctions de responsabilité en général. Dans toutes les régions du pays est en train d'apparaître le même contexte d'injustice, de marginalisation et d'exploitation, poursuit le rapport. L'impunité demeure également un grave sujet de préoccupation dans tous les domaines.

La Rapporteuse spéciale engage le Gouvernement d'Unité nationale et le Gouvernement du Sud-Soudan à enquêter, dans la transparence, sur tous les cas signalés de violations des droits de l'homme, à rendre publiques les rapports des commissions d'enquête, à traduire en justice les responsables, à fournir réparation aux victimes et à promouvoir l'état de droit. Elle exhorte les autorités à coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale. La Rapporteuse spéciale exprime sa préoccupation devant la répression des droits fondamentaux et des libertés, l'usage excessif de la force, les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les mauvais traitements infligés à des défenseurs des droits de l'homme et à des opposants politiques. Elle invite instamment le Gouvernement à remplir ses obligations conformément au droit international humanitaire et le droit international humanitaire et de veiller à ce que toute la population du Soudan soit en mesure de jouir de ses droits et libertés fondamentaux, y compris les droits politiques en vue des élections prévues pour 2009. Enfin, la Rapporteuse spéciale note que les mesures prises par le Gouvernement du Sud-Soudan en vue de renforcer l'administration de la justice demeurent insuffisantes à la lumière des milliers de cas de personnes en détention provisoire. Un nombre considérable de détenus sont en détention pour de longues périodes sans que leur cas soit réexaminé, et sans recevoir aucune assistance juridique.


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