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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

18 Juillet 2002



Comité des droits de l’homme
75ème session
18 juillet 2002
Après-midi



Le dialogue avec la délégation porte notamment
sur la situation en Transnistrie et les conditions de détention
dans les institutions pénitentiaires



Le Comité des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport initial de la République de Moldova sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant le rapport moldove, M.Vitalie Slonovschi, Vice-Ministre des affaires étrangères, a déclaré que la République de Moldova est un pays polyethnique et que les personnes appartenant à des minorités ethniques jouissent de la même protection que les autres Moldoves. Tous ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.
M. Slonovschi a indiqué que la situation en Transnistrie échappait au contrôle des autorités constitutionnelles de la République de Moldova. Il a estimé que la question du statut juridique de la Transnistrie ne devrait pas être abordée par le Comité en relation avec le droit des peuples à l'autodétermination.
La délégation de la République de Moldova est également composée de M. Eugen Revenco, Directeur du Département du droit international et des traités internationaux au Ministère des affaires étrangères; de M. Adrian Calmâc, Chargé d'affaires à la Mission permanente de la République de Moldova auprès des Nations Unies à Genève; de Mme Stela Pavlov, Directrice de la Division de l'application du droit au Ministère de la justice; et de M. Victor Maxim, de la Mission permanente.
En réponse aux questions des experts sur les questions concernant les droits des détenus, la délégation a notamment indiqué que les autorités ont entamé une réforme du système pénitentiaire dès 1996. Des activités sont menées afin de familiariser les forces publiques avec les droits de l'homme et l'accès au service dans les pénitenciers est précédé par un cycle de formation professionnelle dans un centre d'instruction spécial.
En fin de session, des experts ont souhaité obtenir des clarifications sur un certain nombre de sujets. En particulier, ils ont souhaité obtenir des informations supplémentaires sur les conditions de détention et en particulier les risques de maladies contagieuses telles que la tuberculose, qui semble très répandue dans la population carcérale.
Le Comité poursuivra demain matin, à partir de 10 heures, son dialogue avec la délégation de la République de Moldova.

Présentation du rapport de la République de Moldova
Le rapport initial de la République de Moldova (CCPR/C/MDA/2001/1) indique que l'effondrement rapide de l'URSS a constitué un encouragement pour le mouvement de libération nationale qui était à l'œuvre dans l'ancienne République socialiste soviétique de Moldavie et a finalement accéléré le processus d'autodétermination du pays. Ledit processus aura été difficile car il fut soumis aux pressions exercées depuis le centre de l'ancienne URSS. C'est dans ces conditions que le 23 juin 1990, l'organe législatif de la République socialiste soviétique moldove a adopté la déclaration de souveraineté de la république socialiste soviétique moldove. Aux termes de cette déclaration, la nation est la source et le pilier de la souveraineté et celle-ci est exercée dans l'intérêt suprême de la nation tout entière par l'organe représentatif investi du pouvoir étatique à l'échelon le plus élevé de la République.
Le rapport ajoute que l'intégrité territoriale, politique et économique de la République n'est pas garantie à l'heure actuelle car le territoire situé sur la rive gauche du fleuve Nistru s'est autoproclamé «République de Moldova de Transnistrie». Les dirigeants séparatistes de cette région cherchent à empêcher la création d'un État unitaire et indépendant et espèrent pouvoir conserver les anciennes orientations idéologiques, politiques et économiques. Le droit à l'autodétermination de la République se trouve également menacé par la présence en Transdniestrie de la quatorzième armée russe, contrairement aux dispositions de la Constitution qui «… n'admet pas que des troupes militaires étrangères soient stationnées sur son territoire».
Le rapport précise également qu'entre la période qui s'est écoulé entre la ratification du Pacte et l'entrée en vigueur de la Constitution, il a été adopté un certain nombre de lois pour assurer la compatibilité de la législation avec les droits prescrits dans le Pacte. C'est ainsi que le parlement a adopté en 1990 la loi sur le régime juridique des situations d'exception et des formes spéciales de gouvernement de la République socialiste soviétique moldave, en 1991 la loi sur la nationalité de la République Moldova, en 1994 la loi sur la création de partis et autres organisations sociales et politiques, etc. C'est aussi pendant cette période qu'a été élaboré le projet de réforme du régime judiciaire et légal. Le 21 juillet 1994, le Parlement a adopté le plan-cadre de cette réforme qui porte sur l'élaboration et l'application des mesures de décentralisation du régime judiciaire et sur la création de quatre types de juridictions : les juridictions municipales, les juridictions de district, le tribunaux la cour d'appel. Ces mesures visent à garantir le respect des droits et libertés de la personne en renforçant l'indépendance des juges, à accélérer la réforme du parquet, à modifier un certain nombre d'articles du code civil, du code de procédure civile, du code pénal, etc.
Présentant le rapport moldove, M. VITALIE SLONOVSCHI, Vice-Ministre des affaires étrangères, a déclaré que la République de Moldova a été créée en tant qu'État indépendant à la suite de l'effondrement de l'URSS après l'adoption de la Déclaration de souveraineté, le 23 juin 1990 et de la Déclaration d'indépendance, le 27 août 1991. La République de Moldova est aujourd'hui membre du Conseil de l'Europe et est partie à 27 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. L'adhésion à ces instruments a été possible grâce à deconstantes réformes du système juridique et politique. Dans ce contexte, l'adoption en 1994 d'une nouvelle Constitution a eu une importance capitale pour le processus de l'édification d'un État de droit démocratique, dans lequel la dignité de l'être humain, ses droits et ses libertés, la justice et le pluralisme politique représentent des valeurs suprêmes.
M. Slonovschi a déclaré que la République de Moldova est un pays polyethnique où les personnes appartenant à des minorités ethniques jouissent de la même protection que tous les autres ressortissants moldoves; ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Les principes d'égalité et de non-discrimination entre les citoyens sont appliqués au sein de tous les systèmes législatifs et institutionnels de la République et le «respect et la protection de la personne constituent le devoir principal de l'État». Le recensement de 1989 fait apparaître que les deux tiers de la population du pays sont d'origine moldove. Les groupes minoritaires sont constitués de 13,7% d'Ukrainiens, 12,9% de Russes, 3% de Gagaouses, 1,8% de Bulgares et moins de 1% de Roms, Allemands et Polonais. Un système d'actes normatifs a été élaboré pour assurer l'application des droits des minorités nationales, en particulier en ce qui concerne le fonctionnement et le développement de leurs langues et de leurs cultures. La délégation a souligné que la République de Moldova a ratifié la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales.
En ce qui concerne la situation en Transnistrie, M. Slonovschi a indiqué qu'elle échappait au contrôle des autorités constitutionnelles de la République de Moldova. Il a estimé que la question du statut juridique de la Transnistrie ne devrait pas être abordée par le Comité en relation avec le droit des peuples à l'autodétermination (article 1 du Pacte). Des infractions graves aux droits définis dans le Pacte sont en effet commises sur le territoire de la Transnistrie, où les autorités constitutionnellement établies à Chisinau n'exercent aucun contrôle et ne peuvent par conséquent garantir la protection des droits de l'homme.
M. Slonovschi a conclu que la République de Moldova est convaincue que la résolution du conflit transnestrien et la détermination du statut juridique de la région, dans les frontières du pays et dans le cadre d'un état indivisible, favorisera la solution du problème de l'application effective de tous les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme sur l'ensemble du territoire.

Examen du rapport de la République de Moldova
Répondant aux questions des membres du Comité sur le cadre juridique de la mise en œuvre du Pacte, la délégation a indiqué que l'application du droit international par les tribunaux moldoves est devenue une pratique courante dans la motivation des décisions. La République de Moldova modifie la législation relative à la juridiction constitutionnelle afin de permettre à la Cour constitutionnelle d'effectuer un contrôle a priori de la compatibilité des traités internationaux avec la législation nationale. L'État publie les traités internationaux après leur ratification dans une édition spéciale du Moniteur officiel.
La délégation a indiqué que l'Institut de «l'avocat parlementaire» a été créé en 1997. Trois «avocats parlementaires» sont désignés par le Parlement pour une durée de cinq ans, leurs secrétariats formant le Centre pour les droits de l'homme. Le Centre dispose d'un réseau territorial avec des représentations locales à travers le pays. Il veille au respect des droits de l'homme par les autorités et les autres institutions publiques ou privées. Il est habilité à recevoir des plaintes. Les «avocats parlementaires» ont en outre pour mission de préparer des projets de loi et de proposer la modification de la législation en vigueur afin d'agir dans l'intérêt des citoyens.
S'agissant de la participation de la femme dans la société civile, la délégation a précisé que le statut juridique de la femme concernant l'accès aux fonctions publiques est guidé par le principe de non-discrimination. Les dernières statistiques sur la représentation des femmes au Parlement ont montré une hausse de 5% de leur représentation par rapport au chiffre mentionné dans le rapport soumis au Comité. Ainsi, les femmes représentent 14% des membres du Parlement. Le Ministre des finances du gouvernement actuel ainsi que le Président de la Cour suprême de justice sont des femmes. La République de Moldova a par ailleurs participé au projet «les femmes peuvent réussir» dans le cadre du Pacte de stabilité dans les Balkans. L'objectif du projet est de préparer les femmes à leur participation dans la vie politique et notamment aux élections locales.
La délégation a reconnu que la violence au sein de la famille est un problème auquel n'a pas échappé la République de Moldova. Le Ministre du travail et de la Protection sociale a créé un réseau interministériel pour combattre ce phénomène et élaborer un Plan national pour la période 2002-2005. Il a pour objectif la promotion d'une démocratie paritaire au sein de la société en menant des activités de prévention et d'élimination de violences à l'égard des enfants et des femmes au sein de la famille. La délégation a également indiqué que des unités de police sont spécialisées dans les interventions en cas de violence familiale.
Concernant l'âge minimum du mariage, la délégation a précisé que le nouveau Code de la famille entré en vigueur en 2001 permet de réduire de deux ans, de 18 ans à 16 ans, l'âge du mariage pour les hommes dans certaines circonstances. L'âge minimum du mariage pour la femme est de 16 ans.
Concernant les mesures prises pour assurer aux minorités ethniques l'exercice de leurs droits, la délégation a rappelé que la Constitution et la législation nationale interdisent toute forme de discrimination. Une nouvelle loi relative aux droits des personnes appartenant aux minorités nationales et le statut juridique de leurs organisations non gouvernementales a été approuvée le 19 juillet 2001. Afin de préserver et promouvoir la culture et l'intégration sociale des tsiganes, le Gouvernement a approuvé en 2001 un programme d'action spécial sur 10 ans. La loi sur les minorités prévoit par ailleurs une représentation proportionnelle des personnes appartenant aux minorités dans le secteur public. Ainsi, à titre d'exemple, sur les 330 juges moldoves, 17 sont issus de groupes minoritaires.
S'agissant des droits des détenus, la délégation a indiqué que les autorités ont entamé la réforme du système pénitentiaire dès 1996. Des activités sont menées afin de familiariser les forces publiques avec les droits de l'homme. De plus, le recrutement dans le service des pénitenciers est précédé par un cycle de formation professionnelle dans un centre d'instruction spéciale. Une Direction spéciale de la sécurité s'occupe pour sa part d'effectuer des investigations préliminaires dans les cas de violation de la législation, y compris les cas de violence et de comportement abusif. Au cours de la période 1998-2001, sur 1698 enquêtes menées suite à des plaintes de citoyens, 611 concernaient des abus de pouvoir et 12 des arrestations ou des détentions arbitraires.
En ce qui concerne la traite des êtres humains, la délégation a assuré que les autorités accordaient une attention toute particulière à ce problème. Un certain nombre de dispositions du Code pénal se rapportent au trafic humain et à la prostitution forcée. L'article 2 concerne le viol, l'article 113, le trafic illicite des êtres humains.
La délégation a indiqué que la liberté de religion est garantie par la Constitution. Elle a annoncé que le Parlement avait adopté vendredi dernier une loi qui allège le système de reconnaissance des cultes permettant aux religions de s'enregistrer par simple déclaration.
La liberté d'expression est également garantie par la Constitution et les lois sur la presse et l'information. Le Parlement étudie un nouveau projet de loi sur l'audiovisuel, qui porte sur le fonctionnement de la radio et de la télévision publique.
La délégation a précisé que les syndicats sont constitués et exercent leurs activités conformément à leurs propres statuts, dans les conditions fixées par la loi. Les syndicats sont habilités à résoudre les conflits du travail individuels et collectifs; à organiser des réunions ainsi que leur déroulement; à protéger les intérêts sociaux des travailleurs; à protéger le droit du travail; à surveiller la mise en œuvre des conventions collectives et à participer aux négociations collectives.
En réponse à des questions des experts sur les droits des enfants, la délégation a indiqué que la protection que l'État doit assurer à l'enfant représente en République de Moldova une priorité politique, sociale et économique. Le droit de l'enfant à l'éducation est régi par la loi relative aux droits de l'enfant et la loi sur l'éducation. L'enfant a le droit à l'enseignement primaire gratuit dans les établissements publics et à la poursuite de ses études dans les établissements d'enseignement supérieur. Les enfants non scolarisés sont le plus souvent issus de familles défavorisées et l'État verse des indemnités aux familles dont sont issus ces enfants afin, notamment, de leur permettre de s'acquitter de la taxe de location des ouvrages scolaires.
La délégation a indiqué que des programmes nationaux d'apprentissage de la langue nationale ont été mis en place, tel le programme pour l'amélioration de la langue nationale pour la période 2001-2005.
En ce qui concerne les partis politiques, la délégation a précisé que les partis politiques ne peuvent entamer leurs activités qu'après avoir été enregistrés. Tout parti politique qui se voit refuser l'enregistrement a la possibilité de faire appel devant les tribunaux.

Questions complémentaires des membres du Comité
Notant que le nombre de femmes membres du Parlement est effectivement en hausse, un expert a toutefois estimé qu'il n'était pas pour autant satisfaisant. Le rapport indique par ailleurs que les femmes employées dans le secteur privé ne représentent que 5% de la force de travail et qu'elles ne gagnent que 70-80% du salaire de l'homme. Concernant les minorités, l'expert a souhaité obtenir davantgage d'informations sur les Roms.
S'agissant de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la mise en place d'un Comité du contre terrorisme dans chaque État membre, un expert a demandé quels étaient les critères retenus en Moldova pour la définition d'actes de terrorisme. Les séparatistes de Transnistrie mènent-ils des activités qualifiées de terroristes, a notamment voulu savoir l'expert ?
Un expert a souhaité obtenir des informations supplémentaires sur les conditions de détention et en particulier les risques de maladies contagieuses telles que la tuberculose, qui semble très répandue au sein de la population carcérale.
Il a en outre été noté que, si la durée de la détention préventive ne peut dépasser 24 heures, les informations fournies dans le rapport montrent qu'elle peut être prolongée de 72 heures. Par ailleurs, pour organiser une assemblée, il faut prévenir les autorités15 jours à l'avance ce qui, a rappelé un expert, est incompatible avec l'article 21 du Pacte, qui porte sur le droit de réunion pacifique.


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