Déclarations Organes conventionnels
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes auditionne la société civile
17 février 2020
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a procédé, cet après-midi, à l’audition d’institutions de la société civile au sujet de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir l’Afghanistan, la Bulgarie, la République de Moldova et Kiribati.
S’agissant de l’Afghanistan, les interventions des organisations de la société civile ont notamment porté sur l’absence des femmes des négociations de paix en cours entre les États-Unis et les Taliban, ainsi que plus généralement sur la participation des femmes à la vie politique du pays. Il a en outre été regretté que la police et la justice afghanes fassent pression sur les victimes de violence domestique pour qu’elles renoncent à porter plainte et le Gouvernement a été appelé à mettre en place un programme de protection des victimes et témoins.
Pour ce qui est de la Bulgarie, il a été souligné que la Bulgarie n’a pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. L’absence d’éducation sexuelle dans les problèmes scolaires a aussi été déplorée, de même que le faible niveau d’instruction des femmes et des filles roms.
En ce qui concerne la République de Moldova, ont notamment été évoquées les violences faites aux femmes, ainsi que la situation des femmes roms et des femmes rurales. L’application du cadre légal relatif à l’égalité des sexes reste lettre morte faute de financements suffisants, a-t-il été affirmé.
Enfin, à Kiribati, plusieurs lacunes dans la Constitution et dans la loi ont été relevées, s’agissant notamment de l’absence de congé paternité encore du fait que la violence et le harcèlement sexuels ne sont pas criminalisés. Les effets du changement climatique sur les femmes ont également été mentionnés.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Afghanistan (CEDAW/C/AFG/3).
Audition de la société civile
S’agissant de l’Afghanistan
Le Réseau des femmes d’Afghanistan a regretté que les femmes afghanes soient quasiment absentes des discussions de paix: les femmes ne représentent ainsi que moins de 5% des négociateurs dans les discussions entre les Taliban et les États-Unis qui ont lieu depuis 2019. Le Réseau a également fait part de sa préoccupation face au caractère secret de ces négociations, le risque étant qu’elles fassent l’impasse sur les droits des femmes. L’ONG a aussi recommandé que l’Afghanistan crée un mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme.
Le Réseau a ensuite pointé des lacunes dans la participation des femmes à la vie politique, dans le système judiciaire et dans la fonction publique afghans. Le Réseau a également souligné le taux de mortalité maternelle très élevé en Afghanistan et a fait part de problèmes dans l’application des lois relatives à l’âge du mariage et dans l’administration de la justice informelle – une justice dont les décisions sont bien souvent contraires aux droits des femmes.
WILPF Afghanistan a recommandé qu’au moins 30% de femmes participent aux prochaines négociations de paix. Elle a demandé que le Gouvernement afghan évalue les menaces qui découragent les femmes de prendre part aux élections et qu’il identifie les formes de discrimination multiples auxquelles les femmes et les filles handicapées sont confrontées dans le pays.
Women for Justice a regretté que la police et la justice afghanes fassent pression sur les victimes de violence domestique pour qu’elles renoncent à porter plainte. Le Gouvernement afghan a été appelé à mettre en place un programme de protection des victimes et des témoins. Les autorités afghanes devraient en outre veiller à ce que les auteurs de violences contre les femmes ne bénéficient pas de l’impunité, a ajouté l’ONG. Elle a aussi déploré que la loi contre la discrimination, mal formulée, ne protège pas les femmes victimes.
S’agissant de la Bulgarie
Fondation Open Door Centrea dénoncé la « chasse aux sorcières » qui – selon cette ONG – sévit en Bulgarie à l’initiative de mouvements nationalistes et d’organisations religieuses. L’ONG a en outre regretté que la Bulgarie, ici encore sous l’influence des mouvements religieux, n’ait pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. L’absence d’éducation sexuelle dans les problèmes scolaires a aussi été déplorée.
Fondation Gender Alternatives a regretté que les femmes en Bulgarie aient toujours peur de porter plainte lorsqu’elles sont victimes de violence domestique. Cette forme de violence, y compris le viol domestique, n’est pas qualifiée de manière distincte dans le Code pénal, tandis que la loi contre la violence domestique fait peser sur les victimes la charge de la preuve. L’ONG a aussi regretté l’attitude méprisante des personnels soignants envers les femmes enceintes et parturientes.
ILGA World, au nom de la Fondation Bilitis Resource Center, a évoqué le problème des traitements médicaux ou interventions chirurgicales imposés sans leur consentement aux personnes intersexes – y compris parmi elles à des enfants – en Bulgarie.
En tant qu’institution nationale des droits de l’homme, l’Ombudsman de la Bulgarie a d’abord évoqué le problème de la violence contre les femmes en expliquant notamment que la Cour constitutionnelle bulgare avait déclaré, en 2018, que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) était incompatible avec la Constitution nationale, ce qui empêche pour l’instant la ratification de cet instrument par la Bulgarie.
Tout en reconnaissant que la loi contre la violence domestique a subi des amendements qui peuvent être considérés comme positifs, l’Ombudsman recommande néanmoins, entre autres, que d’autres amendements viennent renforcer la protection des femmes contre la violence physique, psychologique et économique et que l’État ouvre des centres d’accueil pour femmes victimes de violence domestique.
L’Ombudsman s’inquiète, d’autre part, du faible niveau d’instruction des femmes et des filles roms, ainsi que des mariages précoces et de la pauvreté dont elles sont victimes en Bulgarie.
S’agissant de la République de Moldova
Women’s Law Center / Coalition nationale « Une vie sans violence » a indiqué que 73% des femmes en République de Moldova avaient subi une forme ou une autre de violence par un partenaire intime. L’accès des victimes de violence domestique ou sexuelle aux services juridiques est encore limité, a fait observer l’ONG. Aussi, a-t-elle demandé que l’État moldove crée des recours accessibles et utiles pour les victimes et que les enquêtes soient réalisées de manière conforme à la Convention d’Istanbul et au droit international.
L’Association nationale des exploitants agricoles de la République de Moldova a fait état de lacunes dans la formation des femmes rurales moldoves, ainsi dans leur accès aux crédits et à de bonnes conditions de vie.
Le Centre national des Roms a constaté qu’il était difficile d’évaluer la situation des femmes roms du fait de l’inexistence de statistiques ventilées en la matière. L’État devrait prendre des mesures pour faire en sorte que les femmes roms bénéficient des mêmes chances que les autres dans toutes les sphères de la vie. Le Centre a aussi recommandé que l’État amende la loi afin que le travail sexuel ne soit plus criminalisé.
Le Centre « Résonance » pour le développement et le soutien aux initiatives civiques a regretté que les autorités de la Transnistrie n’aient toujours pas adopté de cadre juridique contre la violence familiale et que la prise en charge des victimes y soit assurée uniquement par des organisations non gouvernementales. L’ONG a aussi regretté la persistance de la discrimination contre les femmes de Transnistrie vivant avec le VIH/sida.
L’Association des femmes juristes moldoves a fait état d’une discrimination envers les femmes dans le système public d’assurance sociale moldove, s’agissant notamment du versement des allocations familiales.
ECOM (Eurasian Coalition on Health, Rights, Gender and Sexual Diversity) a recommandé au Gouvernement moldove d’encadrer par la loi les procédures légales et chirurgicales de changement de sexe.
Gender-Center – Plateforme pour l’égalité entre les sexes a regretté que le mécanisme national d’égalité entre les sexes ne fonctionne pas, malgré les recommandations du Comité à cet égard. L’ONG a ensuite souligné que la moitié des femmes candidates à des postes électifs sont victimes de violence pendant les campagnes électorales.
En tant qu’institution nationale des droits de l'homme, l’Ombudsman de la République de Moldova a, pour sa part, décrit le dispositif juridique qui pose le principe d’égalité entre les sexes et interdit la discrimination contre les femmes dans le pays, avant de constater que l’application de ce cadre légal restait lettre morte faute de financements suffisants. Il a en outre attiré l’attention sur la persistance de la sous-représentation des femmes dans la vie politique, des stéréotypes sexistes et des difficultés d’accès des femmes aux services de santé. Il a également regretté le manque de statistiques ventilées qui permettraient de prendre la mesure de l’efficacité de l’action de l’État en faveur des droits des femmes.
L’Ombudsman a par ailleurs rappelé que la République de Moldova n’avait pas ratifié la Convention d’Istanbul.
S’agissant de Kiribati
Kiribati Women and Children Support Center a regretté plusieurs lacunes dans la Constitution et la loi de Kiribati, citant notamment l’absence de congé paternité et d’allocations pour femmes allaitantes. L’ONG a aussi regretté que la violence et le harcèlement sexuels ne soient pas criminalisés dans l’archipel.
Ala Maea Ainen Kiribati (AMAK) a recommandé que les autorités instaurent des conditions propices à la participation des femmes marginalisées à la vie du pays. L’ONG a également recommandé que le Gouvernement dégage de nouveaux moyens humains et financiers pour ce faire. Elle a enfin insisté sur les effets particulièrement négatifs du changement climatique sur les femmes marginalisées.
Au cours du dialogue qui a accompagné ces diverses présentations, des experts du Comité se sont interrogés sur le rôle des ONG dans la lutte contre la traite des êtres humains en Afghanistan, soulignant qu’il s’agit là d’un problème qui prend des dimensions préoccupantes. Les ONG ont en outre été interrogées sur la meilleure façon de consolider les droits acquis obtenus par les femmes afghanes depuis quelques années. Le problème de l’absence des femmes dans les négociations en cours avec les Taliban a été souligné à plusieurs reprises.
S’agissant de la Bulgarie, un expert a demandé si le harcèlement sexuel était punissable par la loi. Une experte, relevant que la Convention d’Istanbul avait été déclarée contraire à la Constitution, a voulu savoir si des voies de recours étaient néanmoins possibles face aux violences relevant de cet instrument.
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