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Communiqués de presse Procédures spéciales

LA RAPPORTEUSE SPÉCIALE SUR LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES REND COMPTE DE SA VISITE EN IRAN

08 Février 2005

8 février 2005


La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Yakin Ertürk, a publié aujourd'hui une déclaration sur la mission qu'elle a effectuée en Iran du 29 janvier au 6 février 2005.

Durant son séjour à Téhéran Mme Ertürk a rencontré des représentants du Gouvernement, du pouvoir judiciaire, du Majlis (le parlement), de la Cour suprême d'arbitrage, de la police, de la Commission islamique des droits de l'homme et des institutions des Nations Unies présentes dans le pays. Au cours de sa visite, elle a également rencontré des femmes défenseurs des droits de l'homme, universitaires, journalistes et avocates. La Rapporteuse spéciale indique par ailleurs avoir recueilli des témoignages de victimes de violations des droits de l'homme et avoir rendu visite à des femmes détenues dans la prison d'Evin à Téhéran. Elle précise notamment que sa délégation a également visité un foyer de l'Organisation du bien-être social accueillant des femmes victimes de violence.

Mme Ertürk se dit encouragée par un certain nombre d'évolutions positives dans le pays, s'agissant particulièrement du nombre élevé d'étudiantes dans l'enseignement supérieur (les femmes représenteraient 62% du nombre total d'étudiants dans l'enseignement supérieur). La Rapporteuse spéciale exprime l'espoir que des possibilités d'accès à l'emploi seront créées afin d'utiliser cette ressource humaine de grande valeur. Elle relève par ailleurs que la Convention de l'Organisation internationale du travail sur l'élimination des pires formes de travail des enfants a été ratifiée par le pays. Elle note également qu'un certain nombre de nouveaux projets de loi visant la protection des enfants et portant notamment sur les tribunaux pour mineurs, sur l'élimination de la peine de mort pour les mineurs ou sur les deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l'enfant sont en cours d'examen par le Parlement. Des directives ont aussi été adoptées par le pouvoir judiciaire, en particulier un moratoire sur la lapidation dont il faut espérer qu'il fera rapidement l'objet d'une loi. Mme Ertürk se félicite également des recherches qui ont été entreprises sur diverses formes de violence contre les femmes.

Tout en saluant les efforts déployés par le Parlement pour ratifier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, Mme Ertürk regrette que la loi sur ce sujet ait été bloquée par le Conseil des Gardiens et ait été renvoyée devant la Cour suprême d'arbitrage pour examen plus approfondi; la Rapporteuse spéciale espère qu'il sera finalement décidé de ratifier cette Convention en 2005.

Mme Ertürk a relevé l'émergence en Iran d'une société civile et l'existence dans ce pays de femmes étudiantes, journalistes, avocates et universitaires engagées en faveur de la promotion des droits de l'homme et de la prévention de la violence contre les femmes. Leurs initiatives doivent être soutenues par toutes les institutions de l'État ainsi que par les organisations bilatérales et multilatérales, souligne la Rapporteuse spéciale.

Présentant ses observations préliminaires sur la situation de la violence contre les femmes en Iran, Mme Ertürk a souligné que les femmes sont confrontées, au sein de la famille, à de la violence psychologique, sexuelle et physique. Selon elle, les lois et pratiques existantes ne suffisent pas à assurer la protection nécessaire aux victimes de la violence domestique. Des procédures judiciaires longues et coûteuses ainsi que la crainte de la stigmatisation dissuadent souvent les femmes de faire valoir leurs droits. Les difficultés à obtenir le divorce et la garde des enfants s'ajoutent aux épreuves que doivent surmonter les femmes. Ces situations ont de graves conséquences sur la santé physique et mentale des femmes. Des femmes ont trouvé dans le suicide la seule issue; dans certains cas, elles ont tué leur mari ou d'autres membres de la famille qui leur infligeaient des violences.

Les femmes sont également confrontées à la violence au sein de la communauté, poursuit la Rapporteuse spéciale. Des informations font état d'un trafic de femmes iraniennes et en particulier de fillettes vers les pays du Golfe. Dans ce contexte, Mme Ertürk se réjouit de la loi contre le trafic des personnes et espère que ce texte permettra de protéger effectivement les droits de la victime. Elle se dit en outre préoccupée de constater que les victimes de viol se heurtent à de nombreux obstacles en matière d'accès à la justice. En raison des règles existantes, si le viol ne peut pas être prouvé, une femme peut être punie pour relations illégitimes. En outre, une femme qui tue son violeur en état de légitime défense peut être condamnée à mort.

En ce qui concerne la violence perpétrée ou tolérée par l'État, la Rapporteuse spéciale se dit gravement préoccupée par les arrestations arbitraires, la torture et les mauvais traitements, ainsi que par la détention prolongée en isolement qui sont utilisés en violation des dispositions de la Constitution iranienne et du droit international. Des personnes auraient également été détenues au secret durant la phase d'enquête, sans avoir accès à un conseil juridique, et ce, y compris durant les interrogatoires et au moment de faire des aveux.

Mme Ertürk se dit en outre troublée par la pratique largement répandue des arrestations motivées par l'opinion politique ou le délit moral; cette pratique frappe notamment des femmes défenseurs des droits de l'homme et serait le fait de forces et organes quasi-officiels opérant en parallèle aux institutions officielles. La Rapporteuse précise que dans la majorité des cas sur lesquels elle s'est penchée, les garanties d'un procès équitable et le principe de proportionnalité de la peine n'ont pas été respectés.

Mme Ertürk ajoute que les lois discriminatoires et les dysfonctionnements dans l'administration de la justice se soldent par l'impunité des responsables, perpétuant ainsi la discrimination et la violence contre les femmes.

Aussi, la Rapporteuse spéciale adresse-t-elle au Gouvernement iranien des recommandations initiales dans lesquelles elle préconise notamment d'accorder la priorité à la réforme législative de manière à amender toutes les lois discriminatoires de manière à les rendre conformes à la Constitution et aux instruments internationaux de droits de l'homme auxquels le pays est partie.

Un aperçu plus complet des recommandations initiales de la Rapporteuse figure dans le texte original anglais de ce communiqué de presse (document publié sous la même cote en anglais). La Rapporteuse spéciale présentera oralement les résultats de sa visite en Iran lors de la prochaine session de la Commission des droits de l'homme qui s'ouvre le 14 mars 2005. Ses conclusions et recommandations issues de cette visite figureront dans un rapport qui sera présenté à la Commission à sa soixante-deuxième session, en 2006.

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