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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION DU BHOUTAN

05 Juin 2001



CRC
27ème session
5 juin 2001
Après-midi






Dans ses observations préliminaires, un expert préconise d'adopter un code de l'enfant et de renforcer les mesures en faveur des groupes vulnérables



Le Comité des droits de l'enfant a achevé, cet après-midi, son dialogue avec la délégation du Bhoutan concernant le rapport initial de ce pays. L'experte chargée de l'examen de ce rapport a présenté des observations préliminaires dans lesquelles elle a salué les importants progrès réalisés par le Bhoutan en matière de santé et d'éducation. Elle a recommandé au pays d'introduire dans sa législation un code de l'enfant. Le Bhoutan devrait en outre renforcer ses programmes à destination des groupes les plus vulnérables, en particulier les pauvres des zones urbaines et les enfants handicapés, a-t-elle estimé. Elle a par ailleurs mis l'accent sur la nécessité pour le pays de mettre en place une institution indépendante qui défendrait les droits de l'enfant et serait habilitée à traiter les plaintes pour violation de l'un de ces droits.

Les observations finales du Comité concernant les rapports examinés au cours de la session sont adoptées à huis clos et rendues publiques à la fin de la session, vendredi prochain, 8 juin 2001.

En début de séance, la délégation du Bhoutan, dirigée par M. Sangay Ngedup, Ministre de la santé et de l'éducation, a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la situation dans le sud du pays; la question des réfugiés au Népal; le respect du principe de non-discrimination, s'agissant notamment des Lhotshampas, des femmes et des chrétiens; ainsi que les questions de santé.


Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport initial de Monaco (CRC/C/28/Add.15), dernier rapport dont est saisi le Comité au cours de la présente session.


Fin de l'examen du rapport du Bhoutan

Plusieurs experts ayant demandé des renseignements sur la situation dans le sud du pays, la délégation bhoutanaise a rappelé que le Bhoutan est un tout petit pays coincé entre deux géants asiatiques peuplés chacun de plus d'un milliard d'habitants. Or, le Bhoutan a du mal à surveiller sa très longue frontière méridionale, située dans une région très pauvre et très vulnérable à l'immigration clandestine. La délégation a déclaré que des militants indiens qui s'opposent à leur gouvernement pénètrent dans le sud du Bhoutan qui leur sert de base arrière. Elle a ajouté que le Gouvernement bhoutanais subit les pressions de la part de l'Inde qui lui demande de renvoyer ces opposants vers l'Inde. Malheureusement, le Bhoutan ne dispose pas des moyens, notamment militaires, qui lui permettraient de satisfaire à cette requête. Il n'y a pas de combat dans le sud du Bhoutan, mais seulement des combattants indiens armés qui s'y sont infiltrés, a insisté la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné qu'au cours des dernières décennies, le Bhoutan a connu la paix, la stabilité et le progrès, aucune situation de guerre n'ayant surgi qui aurait pu entraîner des situations de réfugiés au sens propre du terme. D'abord au début du XXe siècle, puis il y a une cinquantaine d'années, des travailleurs ont été recrutés à l'étranger pour l'exploitation du bois dans le sud du Bhoutan. Lorsque les forêts ainsi exploitées ont été déboisées, les terres ont été utilisées pour la culture et les personnes qui avaient travaillé dans l'industrie du bois ont été autorisées à rester dans le pays en tant qu'agriculteurs: ils se sont vus octroyer la citoyenneté bhoutanaise en 1958. En 1961, alors qu'il s'engageait sur la voie d'un développement moderne, le Bhoutan a dû se lancer dans d'intenses activités de construction d'infrastructures et a fait une fois de plus appel à des travailleurs étrangers.

Toutefois, cette arrivée de travailleurs a été suivie d'un flux continu d'immigrants clandestins qui ont traversé les frontières méridionales du pays. Le flux de l'immigration clandestine n'a cessé de prendre de l'ampleur car les services sociaux étaient gratuits au Bhoutan et les salaires y étaient attrayants. Il était donc important que les lois nationales du Bhoutan sur la citoyenneté soient renforcées pour protéger «l'avenir de nos enfants et de nos petits enfants en tant que Bhoutanais», a expliqué la délégation. Aussi, en 1988, le pays a procédé à un recensement, qui a permis d'identifier des milliers d'immigrés clandestins. Lorsqu'il leur a été demandé de retourner dans leur pays, certaines populations du sud, obéissant à des visées politiques de déstabilisation du pouvoir en place, ont décidé de politiser les mesures sincères que le Gouvernement bhoutanais avait choisi d'appliquer pour protéger tous les Bhoutanais - du Nord comme du Sud. Ces groupes d'immigrés clandestins ont organisé des manifestations violentes pour déstabiliser le pays et ont eu recours à cette fin à des activités terroristes prenant notamment pour cible des écoles et des hôpitaux.

Après l'échec ces tentatives, l'étape suivante a consisté pour ces groupes à politiser le débat en créant un camp au Népal qui a accueilli dans un premier temps quelque 232 personnes prétendant être des réfugiés du Bhoutan. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'est alors rendu sur place à la demande du Gouvernement du Népal pour ouvrir un camp. La délégation du Bhoutan a déclaré que le camp en question a été ouvert par le HCR sans respecter les procédures de sélection et d'identification et a attiré vers lui une multitude de personnes. Les procédures d'identification des personnes résidant dans ce camp ne furent engagées que lorsque le camp avait déjà atteint une population de 80 000 personnes - portée aujourd'hui à 98 000 du seul fait de l'accroissement naturel de la population du camp.

La délégation a déclaré qu'il a fallu attendre plusieurs années avant qu'une entente n'intervienne entre les Gouvernements du Népal et du Bhoutan pour résoudre ce problème; mais il faut se réjouir des progrès réalisés au niveau bilatéral puisqu'un accord est intervenu en décembre 2000 entre les deux pays afin de procéder à l'identification des personnes qui se trouvent dans le camp. D'ores-et-déjà, les deux pays sont d'accord pour que la population du camp soit répartie en quatre catégories principales, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne le respect des principes énoncés dans la Convention - et plus particulièrement du principe de non-discrimination - la délégation a assuré que le Gouvernement du Bhoutan n'a jamais adopté de politique discriminatoire. Toute loi s'applique dans le pays sans discrimination aucune, notamment sur une base ethnique, a-t-elle insisté. Plusieurs experts s'étant enquis ce matin de la situation des Lhotshampas, la délégation a indiqué que ces personnes ne constituent pas une minorité. Les Lhotshampas participent à tous les niveaux de la vie du pays et sont bien représentés au Parlement, a précisé la délégation. Il est faux de prétendre que les enfants lhotshampas n'ont pas accès à l'éducation puisque 20% des étudiants bhoutanais sont des Lhotshampas, a-t-elle expliqué.

Au Bhoutan, les hommes et les femmes jouissent de l'égalité de droits, a par ailleurs assuré la délégation. La scolarisation des filles atteint désormais 46% grâce, notamment, à un programme de construction d'écoles dans les zones rurales qui a permis d'améliorer la situation à cet égard. La tendance actuelle est à une intégration de plus en plus poussée des femmes dans la fonction publique, a également précisé la délégation. S'il est vrai que le taux d'analphabétisme des femmes reste élevé, un programme spécial d'alphabétisation a cependant été mis en place dont l'écrasante majorité des bénéficiaires sont des femmes.

En réponse à certains experts qui avaient fait état ce matin d'allégations de discrimination à l'encontre des chrétiens du Bhoutan, la délégation a assuré que les chrétiens, les bouddhistes et les hindous vivent en bonne harmonie dans le pays. Il n'existe aucune animosité entre les différentes communautés religieuses du pays, a-t-elle insisté. En ce qui concerne la situation des chrétiens dans le pays, de fausses informations ont circulé qui peuvent causer beaucoup de tort au pays, a déclaré la délégation. Dans un communiqué de presse publié le 26 avril 2001, le Gouvernement bhoutanais a rappelé que la liberté de religion est consacrée dans la loi bhoutanaise qui reconnaît à chacun le droit de pratiquer librement toute religion. Les allégations selon lesquelles des chrétiens seraient obligés à abandonner leur religion ou à quitter le pays sont totalement fausses et proviennent d'individus qui veulent ternir l'image du Bhoutan, expliquait ce communiqué de presse.

S'agissant des questions de santé, la délégation a indiqué que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a salué les efforts déployés par le Bhoutan en matière de promotion d'une vie saine sans tabagisme ni toxicomanie dans le pays. Les principaux handicaps enregistrés au Bhoutan sont visuels et auditifs, a précisé la délégation. Le pays s'efforce de fournir des lunettes gratuites aux enfants des zones urbaines qui en ont besoin mais dont les familles n'ont pas les ressources suffisantes.

La délégation a par ailleurs reconnu ne pas avoir privilégié une approche directe en matière de prévention du sida et de promotion des contraceptifs à l'école, étant donné les coutumes et les traditions qui prévalent dans la société bhoutanaise.

Observations préliminaires sur le rapport du Bhoutan

Présentant des observations préliminaires sur le rapport du Bhoutan, Mme Judith Karp, membre du Comité et rapporteuse chargée de l'examen de ce rapport, a jugé très constructif le dialogue que cet organe a noué avec la délégation du Bhoutan. Elle a salué les progrès importants réalisés par le Bhoutan en matière de santé et d'éducation et s'est réjouie que le pays ait adopté une approche multisectorielle tout en mettant en place des structures locales permettant d'assurer une meilleure promotion des droits de l'enfant. Elle a recommandé au pays d'introduire dans sa législation un code de l'enfant. Le Bhoutan devrait en outre renforcer ses programmes à destination des groupes les plus vulnérables, en particulier les pauvres des zones urbaines et les enfants handicapés. Des études devraient être entreprises sur les problèmes nouveaux et émergents afin de mieux en mesurer l'ampleur et de faciliter l'élaboration de programmes adéquats visant à y remédier, a par ailleurs estimé Mme Karp. Des études pourraient notamment être entreprises sur les violences sexuelles, la maltraitance et le travail des enfants.

Mme Karp a mis l'accent sur la nécessité pour le Bhoutan de mettre en place une institution indépendante qui défendrait les droits de l'enfant et serait habilitée à traiter des plaintes pour violation de l'un de ces droits. Elle a par ailleurs pris note de l'importante déclaration de la délégation bhoutanaise s'agissant de la question des camps de réfugiés et du processus d'identification des personnes se trouvant dans ces camps.


La délégation bhoutanaise a affirmé avoir beaucoup appris de ce dialogue et repartir dans son pays plein d'idées nouvelles. Elle a assuré qu'elle tirerait pleinement partie des nombreux points de vue et idées que les experts ont exprimés aujourd'hui.


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