Skip to main content

Déclarations Multiple Mechanisms FR

Le refus d’accès et le manque de coopération avec les organes des Nations Unies ne diminueront en rien la surveillance du bilan d’un État en matière de droits de l’homme

L’accès aux droits de l’homme

06 juin 2017

35ème session du Conseil des droits de l’homme

Allocution d’ouverture par Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Le 6 juin 2017

Monsieur le Président du Conseil,
Excellences, chers collègues, chers amis,

Il y a cinquante ans, j’entendais pour la première fois le bruit de la guerre. J’avais trois ans et demi et, même si je n’en ai que des bribes de souvenirs, je me souviens encore des militaires qui patrouillaient autour de notre maison à Amman, d’une voiture blindée stationnée à proximité et, plus tard, des avions qui volaient au-dessus de nos têtes. C’est une guerre qui a façonné ma vie, et forgé ma volonté ultérieure de comprendre pleinement la mesure de la souffrance palestinienne mais pas uniquement, de la souffrance juive également, qui s’étend sur deux millénaires et qui a abouti à ce gigantesque crime que fut l’Holocauste.

J’ai grandi non loin du grand camp de réfugiés palestinien d’al-Baqa’a. J’ai travaillé de l’autre côté de la rue où se trouvait le camp de réfugiés d’al-Wihdat. Ces trente dernières années, j’ai été à Auschwitz-Birkenau, j’ai visité Dachau, et j’ai vu Buchenwald. J’ai étudié minutieusement les procès de Nuremberg et autres, la longue et douloureuse histoire de l’antisémitisme en Europe, en Russie et plus tard, dans les pays arabes, toujours présent en de trop nombreux points du globe.

Certains répondront, presque mécaniquement, que les expériences de ces deux peuples ne se valent pas, et demanderont comment je peux les évoquer dans un même discours? J’en conviens. L’Holocauste a été si monstrueux, et planifié et exécuté si mathématiquement qu’il n’a aucun parallèle, aucun équivalent dans notre monde actuel.

Néanmoins, il est également indéniable qu’aujourd’hui le peuple palestinien se distingue par un demi-siècle de souffrance profonde sous une occupation imposée par la force militaire. Une occupation qui a privé les Palestiniens d’un grand nombre de leurs libertés les plus fondamentales, et a souvent été menée de manière brutale; une occupation qui viole systématiquement le droit international et qui a été condamnée à maintes reprises par la quasi-majorité des États.

Les Palestiniens méritent la liberté, comme tous les peuples. Ils méritent d’élever leurs enfants en sécurité chez eux, sur leur terre, d’exercer leurs droits dans leur État, libérés de cette longue occupation acharnée.

Les Israéliens méritent également la liberté, un autre type de liberté, car leur État est établi de longue date, mais eux aussi ont horriblement souffert. Le peuple israélien subit depuis longtemps des attaques illégales contre sa population civile, des attaques souvent vicieuses, qui violent manifestement le droit humanitaire international, et qui sont également condamnables. Les Israéliens doivent également être libérés de cette violence, de toute menace existentielle à leur encontre.

La condition sine qua non de la paix, la fin de l’occupation, doit maintenant être instaurée, et vite. Pour les deux peuples concernés, toute poursuite de l’occupation ne fera que perpétuer une douleur insoutenable, le retour incessant des périodes de Shiv’ah et d’Azza, des larmes des proches, des prières, des jurons, des hostilités et de la vengeance, l’impossibilité d’une vie sûre pour tous. Nous pouvons mettre fin à tout ça.

M. le Président,

La brutalité de Daesh et des autres groupes terroristes ne connaît pas de frontières. Hier, mon équipe m’a signalé que les corps d’hommes, de femmes et d’enfants irakiens tués gisaient toujours dans les rues du quartier d’Al-Shira dans l’ouest de Mossoul, après que Daesh a abattu au moins 163 personnes pour les empêcher de fuir le 1er juin. Mon équipe a également reçu des signalements de personnes disparues de ce quartier.

Je condamne une nouvelle fois avec véhémence les attaques lâches et ignobles commises à l’encontre d’innocents par des terroristes impitoyables qui opèrent dans de nombreuses régions du monde. Le terrorisme mondial doit être éradiqué par une action gouvernementale, mais une action judicieuse. La lutte contre le terrorisme doit être menée avec intelligence, c’est-à-dire qu’elle doit préserver les droits fondamentaux de tous. Souvenez-vous: pour chaque citoyen illégalement détenu en vertu d’une loi contre le terrorisme approximative, et humilié, abusé ou torturé, ce n’est pas simplement un individu qui nourrira des griefs contre les autorités, mais aussi la majorité de sa famille. Envoyez un innocent en prison, et vous risquez de mettre six ou sept membres de sa famille dans les mains de l’opposition, dont quelques-uns iront sans doute plus loin. Le coût d’une détention illégale pèse beaucoup plus lourd que les avantages qu’elle est censée générer. Pour combattre l’extrémisme violent, nous devons tenir bon et insister sur son contraire: une intégration pacifique.

M. le Président,

Il y a deux ans, j’ai abordé un sujet que je souhaiterais à nouveau évoquer ce matin. On me répète régulièrement que nous ne devrions pas " citer et déshonorer " les États. Mais ce n’est pas le fait de les citer qui les déshonore. La honte vient des actions elles-mêmes, de la conduite ou des violations en cause. Le refus du droit à la vie déshonore, les meurtres ou un massacre, parfois à très grande échelle, provoquent une honte immense, apparemment intarissable. Le refus du droit au développement provoque la honte. Le refus de la dignité humaine déshonore. La torture déshonore. Les arrestations arbitraires déshonorent. Le viol déshonore. Mon Bureau et moi-même tendons un miroir à ceux qui se sont déjà fait honte à eux-mêmes.

Mais à quoi bon, si l’on ne réagit pas à la souffrance de si nombreux peuples ? Je m’inquiète de l’insolente absence de honte dont font montre de plus en plus de responsables politiques dans le monde.

Lorsque des dirigeants criminels accèdent au pouvoir, démocratiquement ou par d’autres moyens, et défient ouvertement, non seulement leurs propres lois et constitutions, mais aussi leurs obligations en vertu du droit international, où est leur honte? Ne se dégoûtent-ils pas eux-mêmes lorsqu’ils encouragent ou cautionnent des actes de violence et l’intolérance? Lorsqu’ils déclarent que chaque soldat devrait se limiter à violer trois femmes par village, n’ont-ils pas de conscience? Lorsqu’ils promettent des récompenses pour le meurtre de personnes, des personnes qui n’ont été condamnées pour aucun crime, qui n’ont été accusées d’aucun crime, mais qui sont simplement des criminels supposés ou imaginaires. Lorsqu’ils cherchent à échapper aux lois contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en affirmant qu’elles représentent une soi-disant " idéologie du genre ". Lorsqu’ils incarcèrent des juges et des avocats éclairés, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des professeurs d’université et des enseignants, et lorsqu’ils ferment des universités. Lorsqu’ils négocient avec une intention malveillante, avec cruauté, des insultes et des mensonges. Qu’en est-il de leur honte?

Les droits universels à la liberté, l’égalité et la dignité sont respectés dans les cultures et les civilisations en raison de leur valeur intrinsèque et parce qu’ils permettent de garantir la paix. Il ne s’agit pas d’accessoires inutiles; ils sont absolument essentiels. Bafouez-les, ouvertement et avec insolence, et les frontières qui nous séparent d’une violence terrible disparaîtront. Seules des catastrophes éclateront à ce stade. Comment peuvent-ils être aussi stupides?

M. le Président,

Je vais à présent consacrer la suite de ce discours à la question de l’accès, y compris la non-coopération et la coopération sélective avec les mécanismes des droits de l’homme et mon Bureau.

En septembre, je traiterai à nouveau des effroyables violations des droits de l’homme dans les situations de conflit les plus graves dans le monde et dans d’autres crises. 

Parmi les caractéristiques les plus remarquables de ce Conseil des droits de l’homme, on peut citer l’examen périodique universel, qui a entamé son troisième cycle le mois dernier. Chaque État a soumis au contrôle souvent pointu de l’examen ses performances et ses intentions, à deux reprises, et chaque État s’est engagé à améliorer ses résultats sur un large éventail de points majeurs. Y a-t-il eu de vraies améliorations? En ce début de troisième cycle de contrôle, l’examen périodique universel s’est-il approfondi en termes de pertinence, de précision et d’impact? S’agit-il simplement d’un échange complexe de courtoisies diplomatiques mutuelles, ou ce mécanisme produit-il des changements véritables et puissants permettant d’ancrer la paix et le développement et d’améliorer les vies des personnes?

Mon Bureau est déterminé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la bonne mise en œuvre des recommandations de tous les mécanismes de défense des droits de l’homme, y compris dans le cadre du troisième cycle de l’examen périodique annuel, en suggérant des lignes d’action. Nous continuerons également à collaborer avec les équipes de pays des Nations Unies et autres, afin de veiller à ce que les recommandations s’intègrent dans leur travail.

M. le Président, 

En septembre dernier, j’ai partagé avec vous mon cri d’alarme quant au refus exprimé par plusieurs États membres d’accorder l’accès à mon Bureau ou aux mécanismes de défense des droits de l’homme. J’avais alors promis que lors d’une prochaine session du Conseil, je poursuivrais cette discussion.

Ces derniers mois, je me suis grandement inquiété de plusieurs incidents honteux de menaces et d’insultes personnelles à l’encontre de titulaires de mandats au titre des procédures spéciales. Trois d’entre eux ont récemment fait l’objet de campagnes de calomnie et de haine, certaines comportant une incitation à la violence: le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, dans le cadre des discussions sur les Philippines, et le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran. Ceci est absolument inacceptable. Les procédures spéciales étant déterminées par ce Conseil, je vous demande de réfléchir aux mesures que vous souhaiteriez prendre afin d’éviter ce type de campagnes.

Dans ce contexte, je dois encore signaler mes très sérieuses préoccupations concernant l’intimidation et les représailles exercées par des responsables publics contre les peuples qui collaborent avec les Nations Unies en faveur des droits de l’homme. Mon équipe, les Procédures spéciales et les organes de traités s’appuient sur des membres de la société civile et les institutions nationales de défense des droits de l’homme, parmi beaucoup d’autres, pour recueillir des idées et des informations. Nous comptons sur leurs conseils, leur aide, et même leur pression. Nous sommes à leur service, comme vous, Excellences. Lorsque des responsables publics ou autres intimident, arrêtent ou blessent ces personnes, ils attaquent un élément fondamental du travail de ce Conseil et des Nations Unies, et il relève de notre responsabilité de faire notre possible pour les protéger. Sachant que, lors de la prochaine session du Conseil, nous présenterons le rapport annuel du Secrétaire général sur les représailles, je vous invite tous à coopérer avec le Sous-Secrétaire général, Andrew Gilmour, chef de file en la matière au sein du système onusien.

Les membres de ce Conseil, et les candidats à une adhésion future, ont la responsabilité particulière de coopérer avec les mécanismes du Conseil. La résolution 60/251, qui a établi ce Conseil en mars 2006, les exhorte à " observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme (et) coopérer pleinement avec le Conseil ". Cependant, à titre d’exemple, l’Indonésie a 21 demandes de visites en attente par les Procédures spéciales, et n’a reçu que deux titulaires de mandats depuis 2008. L’Égypte quant à elle a 11 demandes de visites en attente, et la mission la plus récente remonte à il y a sept ans. Le Népal, candidat à l’adhésion, a 16 demandes de visites en attente, et la mission la plus récente a été menée par un titulaire de mandat thématique en 2008. Le Venezuela a 10 demandes en attente, et la dernière visite d’un titulaire de mandat thématique remonte au siècle dernier. Les Philippines ont accepté trois visites au cours des cinq dernières années mais 23 autres demandes sont en attente.

Plus étonnant, malgré son élection au sein de ce Conseil en 2015, le Burundi continue de commettre certaines des violations les plus graves traitées par ce Conseil, tandis que le gouvernement a suspendu toutes formes de coopération avec mon Bureau. En septembre, la mission indépendante du Conseil a été déclarée persona non grata, et la Commission d’enquête actuelle n’a pas pu pénétrer dans le pays.

S’agissant des États qui ne sont pas membres de ce Conseil, le Bahreïn, le Laos, la Tanzanie et le Turkménistan n’ont autorisé aucune visite des Procédures spéciales au cours des cinq dernières années, et ces pays ont accumulé plus de cinq demandes chacun. La Jamaïque entre également dans cette catégorie, mais elle a accepté la visite du groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine et j’encourage le gouvernement à fixer des dates en vue de cette visite. Le Zimbabwe, avec 14 demandes en attente, n’a jamais accepté une seule mission d’un titulaire de mandat.

Je conteste vivement l’argument égoïste avancé par certains, selon lequel ce Conseil devrait éviter de gérer les situations des pays, un avis habituellement exprimé par les dirigeants des États dont les institutions indépendantes sont rares, et qui restreignent sévèrement les libertés fondamentales.

Les gouvernements du Bélarus, de la République populaire démocratique de Corée, de l’Érythrée, d’Israël et de l’Iran ont également rejeté les résolutions créant pour eux des titulaires de mandats propres aux pays, et n’autorisent donc pas les visites de ces titulaires de mandats.

Dans le cas de la Syrie, ni mon Bureau ni la Commission d’enquête sur la Syrie ne peuvent pénétrer dans le pays depuis longtemps. Malgré tout, le peuple syrien continue de souffrir horriblement, en particulier dans les communautés assiégées. Je réitère mon appel à la libération des personnes détenues illégalement en Syrie. Les Nations Unies sont en train d’achever le recrutement du responsable du mécanisme international, impartial et indépendant.

Le mois dernier, la République populaire démocratique de Corée a accepté sa toute première visite des Procédures spéciales, par le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, une action que je salue. Étant donné l’extrême gravité des violations signalées dans le pays, il doit être clair que cela ne diminue en rien l’urgence de collaborer avec le titulaire de mandat pour le pays et mon Bureau, y compris notre structure de terrain à Séoul.

Le Myanmar a autorisé l’accès du titulaire de mandat pour le pays, mais les localisations spécifiques requises sont souvent à l’extérieur des limites, et les explications de ces restrictions sont contradictoires. J’exhorte le gouvernement à coopérer pleinement avec la mission d’observation indépendante au Myanmar récemment établie, y compris l’accès total et sans surveillance de l’État de Rakhine, où nous avons toutes les raisons de croire que les violations des droits de l’homme sont extrêmement horribles.

Dans cette étude relative à la coopération et la non-coopération au niveau mondial avec les Procédures spéciales, il convient de citer en particulier Cuba qui, en avril, après dix années sans visites de titulaires de mandats, a accepté une mission menée par la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains. Cela peut paraître inhabituel pour un membre du Conseil des droits de l’homme aussi actif de maintenir une collaboration si limitée avec les Procédures spéciales.

La Chine a invité quatre titulaires de mandats des Procédures spéciales ces sept dernières années mais, comme dans d’autres pays, ces missions ont rencontré des difficultés eu égard à la liberté de circulation nécessaire et à l’accès à la société civile indépendante.

Enfin, et à l’inverse, plusieurs États ont déployé des efforts considérables pour coopérer avec les titulaires de mandats, autorisant plus de cinq visites ces cinq dernières années: l’Australie, le Brésil, la Chine, la Géorgie, l’Italie, le Mexique, la Tunisie et les États-Unis. Toutefois, toutes ces visites n’ont pas été sans difficultés. Aux États-Unis, qui ont accueilli six visites des Procédures spéciales au cours des cinq dernières années et en ont accepté deux autres pour l’année 2017, il demeure essentiel d’autoriser l’accès du Rapporteur spécial sur la torture au centre de détention de Guantanamo Bay, conformément aux modalités des visites des Procédures spéciales. L’Australie, candidate à l’adhésion à ce Conseil, n’a pas encore bien géré la situation des migrants dans les centres de détention, y compris les centres de traitement régionaux dans les îles de Nauru et Manus, malgré les recommandations multiples des mécanismes de défense des droits de l’homme.

M. le Président,

Devenir partie à un traité international de défense des droits de l’homme est un engagement pris par l’État, avant tout, à l’égard de son propre peuple. Les procédures de signalement visent à identifier les écarts en matière de protection et les mesures à prendre pour les combler. Elles ne sont pas facultatives. Néanmoins, les rapports de 74 États sont en retard depuis une décennie voire plus – et dans quelques minutes, lorsque le texte intégral de ce discours sera mis en ligne sur le site Internet du Bureau, la liste de ces pays sera ajoutée1. 280 rapports initiaux n’ont jamais été soumis, ce qui signifie que des États ont ratifié le traité relatif ou le protocole facultatif, puis ont vraisemblablement tourné le dos à leurs obligations, manquant à leur engagement.

Le rapport HRI/MC/2017/2, soumis pour examen aux responsables des organes de traités relatifs aux droits de l’homme le mois dernier, analyse de manière détaillée, parfois choquante, ce non-respect des États parties. Les traités dont la majorité des États parties ne respectent pas les obligations en matière de rapports étaient la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces instruments sont fondamentaux. Soixante-cinq États qui ont ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ont omis de communiquer un rapport. Près de 30% des États parties n’ont pas soumis leur rapport initial au Comité des droits des personnes handicapées. 

Depuis l’année dernière, les Nations Unies diffusent sur le web tous les examens publics effectués par les comités de suivi, suscitant un grand intérêt dans les pays concernés. En avril, le troisième rapport soumis par la Tunisie au Comité contre la torture a été diffusé en direct dans un cinéma, à un public composé de responsables gouvernementaux, d’activistes, de médias et de victimes. Et ce à juste titre, puisque l’objectif des rapports sur les droits de l’homme est de bénéficier au peuple. Ce n’est pas une fin en soi, ou un processus purement mécanique pour satisfaire aux exigences bureaucratiques.

Seuls 34 États sont parfaitement à jour avec leurs rapports vis-à-vis des organes de traités: l’Australie, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, la Belgique, le Bhoutan, le Canada, la Chine, le Danemark, les États-Unis d’Amérique, l’Équateur, la Fédération de Russie, la France, le Honduras, les Îles Cook, l’Italie, le Koweït, le Kirghizstan, la Lituanie, les Îles Marshall, la Mongolie, le Monténégro, Nioué, Oman, l’Ouzbékistan, la Pologne, le Portugal, la République de Moldova, le Rwanda, le Saint Siège, Singapour, la Suède, le Turkménistan, l’Ukraine et l’Uruguay. Comme je l’ai déjà dit, les rapports sont essentiels, mais à eux seuls ils ne se traduisent pas nécessairement ni directement en progrès réels.

M. le Président,

Je suis heureux de signaler plusieurs situations où l’accès par mon équipe s’est amélioré ou devrait avancer dans un futur proche.

En Ouzbékistan, lors de ma visite à Tachkent le mois dernier, des hauts responsables ont accepté de coopérer avec mon Bureau régional pour l’Asie centrale et se sont engagés à inviter des titulaires de mandats au titre des Procédures spéciales à se rendre dans le pays, à commencer par le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction. L’Ouzbékistan fait toujours face à des défis majeurs en matière de droits de l’homme mais les dirigeants, je pense, orientent le pays dans la bonne direction.

L’Arménie m’a également récemment informé de son intention de renforcer sa collaboration avec mon Bureau, et nous poursuivrons les discussions avec le gouvernement en ce sens.

Lors de ma mission en Éthiopie le mois dernier, j’ai signé un protocole d’accord avec le gouvernement, et tenu des discussions importantes avec les autorités, y compris sur la nécessité d’élargir l’espace démocratique et civique. Bien qu’aucun accès n’ait encore été accordé à mon équipe afin d’évaluer les récents événements dans les régions d’Oromia et d’Amhara, j’ai bon espoir, et j’ai promis de diriger une mission de suivi en Éthiopie l’année prochaine. La récente condamnation de chefs de l’opposition, apparemment pour avoir exprimé des opinions divergentes, me préoccupe gravement, tout comme les fermetures périodiques de médias sociaux.

Le gouvernement du Mozambique a accepté que mon équipe mène une mission technique, et a demandé l’aide du HCDH pour former la police, améliorer l’administration de la justice et les conditions d’emprisonnement, et traiter les questions de justice transitionnelle. J’espère que cette mission permettra finalement au HCDH et aux Procédures spéciales de jouir d’un plus grand accès pour vérifier les allégations d’exécutions sommaires, de meurtres arbitraires et de disparitions forcées.

La situation déjà désastreuse dans les provinces du Kasaï, en République démocratique du Congo, continue de se détériorer, se propageant à d’autres provinces et au-delà de la frontière avec l’Angola. Étant donné les difficultés d’accès aux zones où ont lieu les violations et les abus, je vais envoyer une équipe dans la région la semaine prochaine afin qu’elle aille à la rencontre des personnes qui fuient les attaques. À moins que je ne reçoive des réponses appropriées de la part du gouvernement concernant une enquête commune avant le 8 juin, j’insisterai sur la création d’un mécanisme d’enquête international pour la région du Kasaï.

S’agissant du Sahara occidental, des discussions sont en cours avec le gouvernement en vue de reprendre les missions techniques. Mon Bureau passe également en revue les possibilités d’accès en Crimée.

Je regrette profondément la nécessité d’indiquer que dans plusieurs autres régions il n’y a eu aucun changement depuis mon discours au Conseil en septembre 2016 concernant cette question essentielle de l’accès. Dans le sud-est de la Turquie, nos actions visant à enquêter sur les allégations de violations graves sont toujours refusées, tandis qu’il est difficile d’imaginer que les garanties d’une procédure équitable sont respectées au vu du grand nombre de personnes en attente de procès dans le pays.

Malgré les demandes répétées envoyées à l’Inde et au Pakistan, mon équipe n’a toujours pas obtenu la permission d’un accès inconditionnel aux deux côtés de la ligne de contrôle dans le Jammu-et-Cachemire sous administration indienne et au Cachemire sous administration pakistanaise, et nous continuons à recevoir des rapports faisant état d’une violence accrue, de victimes civiles, de couvre-feu et de fermetures de sites internet.

Au Venezuela, la crise croissante des droits de l’homme, notamment les meurtres d’au moins 60 personnes, d’après le Procureur général, ainsi que les pénuries et la famine généralisée, met en évidence le besoin urgent d’une analyse impartiale et d’une aide rapide. J’exhorte le gouvernement à accepter ma demande de mener une mission dans le pays au niveau opérationnel.

Comme le sait le Conseil, en cas de situation critique pour les droits de l’homme et en cas de refus d’accès répété à mon Bureau, la seule possibilité qu’il nous reste consiste à appliquer diverses formes de surveillance à distance. Tant que les refus d’accès persisteront, je me verrai contraint d’envisager des rapports publics et réguliers sur leurs conclusions.

M. le Président,

La semaine dernière, les autorités de la République centrafricaine, le HCDH et la MINUSCA ont lancé le rapport de cartographie des droits de l’homme. Nous espérons sincèrement que ce rapport galvanisera les efforts nationaux et internationaux visant à combattre l’impunité, et enverra un signal fort à tous ceux qui participent ou contribuent actuellement à la vague de violence effroyable menaçant le pays, qui seront alors traduits en justice.

Le Guatemala a récemment prolongé l’accord de siège de mon bureau national pour trois années supplémentaires, une évolution encourageante. Cependant, je regrette que le bureau national du HCDH en Bolivie ferme ses portes à la fin de l’année, par suite de la décision du gouvernement. Nous continuerons, toutefois, à suivre la situation des droits de l’homme en Bolivie dans la mesure du possible.

M. le Président,

Chaque État a accepté le principe selon lequel " il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales " - pour reprendre la Déclaration de Vienne. Chaque État est partie à au moins l’un des neuf traités majeurs sur les droits de l’homme. Et il serait intolérable que les délégations concluent qu’en maintenant une collaboration minimale avec les mécanismes de défense des droits de l’homme elles peuvent fuir ou trahir leurs engagements à l’égard de leur propre peuple, et à l’égard des peuples du monde entier.

Les dirigeants voudront peut-être nier cette réalité, mais que nous le voulions ou non, l’humanité est connectée. La torture d’enfants à Daraa en mars 2011, et les violentes attaques perpétrées par les forces de sécurité syriennes lors des manifestations de parents, de voisins et de partisans qui ont suivi, ont mené à un conflit dont le massacre, la destruction et les ondes de choc continuent de causer des ravages bien au-delà des frontières de la Syrie. Nous voyons encore et encore, de plus en plus brutalement, autour de nous les résultats de la discrimination, de la privation et de l’injustice, dans la recrudescence des crises et de la souffrance, et le déclenchement de guerres.

Que cette vérité arrange ou non les dirigeants, c’est un fait, toutefois, que le déni des droits de l’homme dans un pays concerne chaque État au sein de l’Organisation.

Faire avancer les droits de l’homme nécessite une contribution bien plus importante qu’une belle signature en bas d’un document. Mon Bureau, les Procédures spéciales du Conseil et les organes de traités offrent aux États l’avantage d’une surveillance objective et experte, une grande expérience et des outils pratiques et ciblés.

Je pense que nous avons la formidable possibilité de mettre à profit l’engagement du Secrétaire général en faveur de la prévention, ainsi que le Programme de développement à l’horizon 2030. Ce programme est animé par une volonté de mettre fin à la discrimination pour quelque motif que ce soit, articulée autour d’un noyau d’engagements en faveur des droits, et plus particulièrement le droit au développement. Nous pouvons utiliser ces points d’entrée pour créer de nouvelles ouvertures favorisant le travail de défense des droits de l’homme, qui peut avoir des répercussions sur les vies d’un grand nombre de personnes. Néanmoins, la principale responsabilité d’ouvrir ces portes incombe toujours aux gouvernements, à vous, Excellences, et à ce Conseil.

Merci

Note :

1 Afghanistan 3, Antigua-et-Barbuda 3, Bahamas 1, Bahreïn 3, Bangladesh 3, Barbade 1, Belize 3, Bénin 1, Bolivie 2, Botswana 4, Brésil 1, Burundi 1, Cap-Vert 7, CAR 2, Comores 2, Congo 2, Côte d’Ivoire 4, Croatie 2, Cuba 1, Dominique 6, Égypte 1, Guinée équatoriale 4, Érythrée 5, Gabon 2, Gambie 1, Ghana 2, Grenade 2, Guinée 3, Guinée-Bissau 1, Guyane 1, Haïti 1, Hongrie 1, Îles Salomon 2, Inde 1, Jamaïque 1, Jordanie 1, Kenya 1, Kiribati 1, Lettonie 1, Liban 1, Lesotho 6, Liberia 3, Libye 4, Malawi 3, Maldives 1, Mali 6, Micronésie 1, Mozambique 2, Namibie 2 , Niger 3, Nigeria 3, Ouganda 1, Panama 3, Papouasie-Nouvelle-Guinée 1, RDC 1, République arabe syrienne 2 , Roumanie 2 , RPDC 1, Saint-Kitts-et-Nevis 2, Saint-Vincent et les Grenadines 4, San Marin 2, Sao Tomé-et-Principe 1, Sénégal 4, Seychelles 3, Sierra Leone 2, Somalie 4, Ste Lucie 1, Suriname 1, Swaziland 4, Tadjikistan 2, Tchad 2, Timor oriental 3, Tonga 2, Trinité-et-Tobago 2, Tunisie 1, Viet Nam 1, Zimbabwe 3.