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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TIENT UN DÉBAT SUR LA SITUATION AU MOYEN ORIENT ET ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA TUNISIE

06 Mars 2003



CERD
62ème session
6 mars 2003
Après-midi



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a tenu, cet après-midi, au titre de la prévention de la discrimination raciale, un bref débat au cours duquel plusieurs de ses membres ont fait part de leurs préoccupations face à la situation internationale actuelle, en particulier au Moyen-Orient, et à la possibilité d'une guerre en Iraq. Le Comité a par ailleurs entamé l'examen du rapport périodique de la Tunisie.
Au cours du débat qui s'est tenu en fin de séance, plusieurs experts ont estimé que le Comité devait prendre position face au risque de guerre en Iraq et à ses conséquences, mettant l'accent sur les menaces que représente la situation actuelle pour les Nations Unies, le droit international et la lutte contre la discrimination raciale. La possibilité du déclenchement d'une guerre dans les prochains jours doit susciter la plus profonde préoccupation du Comité, a-t-il également été souligné, ne serait-ce que par les répercussions qu'une telle guerre aurait sur la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Certains experts du Comité se sont prononcés en faveur d'une déclaration du Comité sur ces questions, qui pourrait être adoptée ultérieurement, au cours de la présente session.
Les experts suivants ont pris la parole au titre de ce débat général: M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Marc Bossuyt, M. Nourredine Amir, M. José A. Lindgren Alves, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Agha Shahi, M. Régis de Gouttes, M. Morten Kjaerum, M. Yuri A.Reshetov, Mme Patricia Nozipho January-Bardill.
Présentant le rapport de son pays, M. Habib Mansour, Représentant permanent de la Tunisie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que, bien que le racisme et la discrimination raciale ne constituent pas un phénomène en tant que tel, la Tunisie s'est dotée de législations et de mécanismes destinés à prévenir et à combattre toute forme de discrimination. Les dispositions du Code pénal et du Code de la presse incriminent et sanctionnent tout acte d'incitation à la haine raciale et à la discrimination dans toutes ses formes, a-t-il fait valoir.
La délégation tunisienne est également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice et des droits de l'homme, du Ministère des affaires de la femme, de la famille et de l'enfance, ainsi que du Ministère des affaires sociales et de la solidarité.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport tunisien, M. José A. Lindgren Alves, a dit percevoir avec clarté, à la lecture du rapport tunisien, qu'il existe dans les lois tunisiennes une préoccupation universaliste de poursuivre l'égalité entre tous les individus qui se trouvent sous sa juridiction. Il s'est par ailleurs enquis de la situation actuelle des Berbères dans le pays. Il a fait remarquer que les organisations non gouvernementales internationales des droits de l'homme parlent d'une détérioration de la situation des droits de l'homme en Tunisie depuis plusieurs années.
Les membres suivants du Comité sont également intervenus: M. Kurt Herndl, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Mohamed Aly Thiam, M. Régis de Gouttes, M. Morten Kjaerum, M. Nourredine Amir, M. Mario Jorge Yutzis, M. Agha Shahi, Mme Patricia Nozipho January-Bardill. Nombre d'entre eux ont exprimé leur regret que le rapport de la Tunisie ne fournisse aucune donnée sur la composition ethnique du pays, certains réclamant des compléments d'information s'agissant du degré de reconnaissance de l'identité «amazigh» (berbère).
Le Comité poursuivra demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport de la Tunisie en entendant les réponses apportées par la délégation aux questions posées cet après-midi par les experts.

Débat général au titre de la prévention de la discrimination raciale
Un membre du Comité a fait observer qu'il y a dans le monde des massacres, de la discrimination raciale, des bombardements de pays, des décès d'enfants en raison de l'application de blocus, ou encore des discriminations à l'encontre de certains pays arabes ou musulmans. Si personne ne peut certes résoudre ces problèmes du jour au lendemain, la moindre des choses que le Comité puisse faire serait une déclaration mentionnant cet état de chose en soulignant que la discrimination raciale s'aggrave à travers le monde, a estimé cet expert.
Un autre membre du Comité s'est également dit favorable à ce que le Comité se penche sur la situation à travers le monde et plus particulièrement au Moyen-Orient. Cet expert a rappelé les attentats-suicides perpétrés hier en Israël - actes qui ne sont malheureusement pas isolés et qui provoquent des réactions tout à fait disproportionnées qui ne sont pas de nature à apporter une solution aux problèmes dans cette région du monde. Cet expert a par ailleurs fait part de ses inquiétudes face aux menaces qui pèsent sur l'Iraq ainsi qu'en ce qui concerne le régime au pouvoir en Iraq, qui est responsable de violations des droits de l'homme. Cet expert a affirmé ne pas penser qu'une guerre soit justifiée en ce moment pas plus qu'il ne pense que les dangers invoqués ont l'importance ou l'imminence que certains prétendent, en particulier du point de vue des liens avec Al-Qaïda. En revanche, les risques d'une intervention sont énormes, tant sur le plan militaire, qu'économique ou politique, a affirmé cet expert. Si une intervention militaire se déroule sans autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies, c'est tout le système de sécurité collective péniblement mis en place qui serait en danger, a estimé cet expert.
Un autre expert a souligné qu'il existe de nombreux problèmes actuellement à travers le monde. Il convient de mettre l'accent sur le fait que de nombreux peuples à travers le monde disent non à la guerre et oui à la paix, a-t-il fait observer.
Un membre du Comité a estimé que le Comité ne doit pas manquer à son devoir et doit effectivement prendre position face à la situation actuelle dans le monde. Nous savons qu'il y a un risque grave pour les Nations Unies, pour le droit international et surtout pour la lutte contre la discrimination raciale dans le monde, a souligné cet expert.
Le Comité ne peut rester silencieux face aux problèmes auxquels est confronté le monde, pas plus qu'il ne saurait rester silencieux face à la grave situation au Moyen-Orient, a affirmé un autre membre du Comité. La possibilité du déclenchement d'une guerre dans les prochains jours doit susciter en nous la plus profonde préoccupation, ne serait-ce que par les répercussions q'une telle guerre aurait sur la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a souligné cet expert.
Un autre membre du Comité a fait part de sa profonde préoccupation face à l'avenir du système international alors que sept pays ont été désignés comme cibles éventuelles en raison de la menace qu'ils constitueraient du fait de la présence sur leur sol d'armes de destruction massive.
Un autre membre du Comité a fait observer que son pays a pris une position claire sur la menace de guerre et sur la nécessité de ne pas s'écarter du droit international, tout en faisant part de ses réserves face au concept de guerre préventive. Cet expert a affirmé ne pas croire beaucoup au poids du Comité face à ce vaste enjeu mondial. Quoi qu'il en soit, si le Comité devait adopter une déclaration, il devrait mettre l'accent sur les risques d'une intervention aux niveaux de son impact du point de vue de la discrimination raciale et ethnique.
Un autre expert a constaté une évolution très forte, en Europe occidentale et aux États-Unis, depuis le 11 septembre 2001, en faveur de la xénophobie et de l'antisémitisme. Ceux qu'il convient d'appeler les nouveaux pays, ce sont ceux qui sont favorables au droit, a souligné cet expert.
Réagissant à l'intervention de l'un de ses collègues au sujet qui a indiqué ne pas apprécier le régime iraquien, un membre du Comité a souligné qu'il se demandait quel est le régime qu'il apprécie. Si la guerre a lieu, plus personne ne comptera avec l'ONU et le droit international.
Un autre membre du Comité a estimé que la guerre est une solution totalement inappropriée à ce qui se passe aujourd'hui. Cet expert a appuyé l'idée d'une déclaration du Comité sur la question de la guerre.

Présentation du rapport de la Tunisie
Présentant le rapport de son pays, M. HABIB MANSOUR, Représentant permanent de la Tunisie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que les 13ème à 17ème rapports périodiques de la Tunisie couvrent la période allant de 1992 à 2001. Il a indiqué vouloir saisir cette occasion pour réaffirmer la détermination de son pays à poursuivre et renforcer la coopération constructive qu'il n'a cessé d'entretenir avec l'ensemble du système des Nations Unies et tout particulièrement avec les mécanismes et structures chargés des droits de l'homme, y compris le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. «Il est un fait qu'en Tunisie, l'option démocratique et la consécration des droits de l'homme et des libertés fondamentales traduisent un choix politique irréversible et constituent les fondements essentiels du projet de société d'une Tunisie engagée irrévocablement dans la modernité», a affirmé M. Mansour. Les grandes orientations de cette œuvre de renouveau engagée par le Président Ben Ali depuis 1987 procèdent d'une vision humaniste plaçant la personne humaine au centre de toute action, a insisté le Représentant permanent. Les valeurs prônées par la Convention trouvent leur pleine consécration dans les traditions de la Tunisie, berceau d'une civilisation trois fois millénaire, a-t-il ajouté. En fait, le brassage des peuples et des civilisations que la Tunisie a connu, à travers sa longue histoire, explique le caractère de son peuple - un peuple tolérant, modéré et ouvert sur l'extérieur, a-t-il précisé.
M. Mansour a par ailleurs souligné que, bien que le racisme et la discrimination raciale ne constituent pas un phénomène en tant que tel, pour les raisons qui viennent d'être évoquées et en raison de l'homogénéité de sa population, la Tunisie s'est dotée de législations et de mécanismes destinés à prévenir et à combattre toute forme de discrimination. À cet égard, il convient de rappeler que la Constitution promulguée en 1959 garantit l'égalité de tous devant la loi et reconnaît les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous. En outre, les dispositions du Code pénal et du Code de la presse incriminent et sanctionnent tout acte d'incitation à la haine raciale et à la discrimination dans toutes ses formes. À travers la réforme constitutionnelle soumise à la population par référendum en mai 2002, les valeurs de solidarité, d'entraide et de tolérance ont acquis une force constitutionnelle, a souligné le Représentant permanent.
«Pays de tolérance, connu pour son rejet de toutes les formes d'extrémisme, la Tunisie a été toujours respectueuse des libertés religieuses, y compris le libre exercice du culte et les droits des minorités religieuses», a poursuivi M. Mansour. Une loi relative aux mosquées a été adoptée en mai 1988 en vue d'empêcher la mainmise des courants extrémistes sur ces lieux publics et leur utilisation en tant qu'espaces d'incitation à l'intolérance, a-t-il précisé.
Du point de vue macro-économique, a poursuivi M. Mansour, le revenu par habitant a atteint 2800 dinars en 2001 contre 960 dinars en 1986 et la classe moyenne s'est élargie pour atteindre aujourd'hui 60% de la population. L'indice de pauvreté a été ramené de 13% en 1980 à 6% en 1999 et 4% en 2000, a-t-il affirmé. En matière de statut de la femme, a-t-il ajouté, la Tunisie est considérée, à juste titre, comme le pays arabo-musulman ayant réalisé les réformes les plus audacieuses conduisant à l'émancipation irréversible de la femme.
Pour ce qui est du droit à la santé, a poursuivi le Représentant permanent, les étrangers, qu'ils soient résidents ou non en Tunisie, bénéficient de l'accès aux soins médicaux sans aucune discrimination.
Persuadée du rôle fondamental de l'école dans l'assimilation des valeurs de non-discrimination et de tolérance, la Tunisie a fixé au système éducatif, entre autres objectifs, celui de préparer les jeunes à une vie qui ne laisse place à aucune forme de discrimination ou de ségrégation fondée sur le sexe, l'origine sociale, la race ou la religion, a indiqué M. Mansour. Les médias tunisiens, chaînes de télévision, radios et presse écrite, jouent également un rôle important dans la lutte contre les préjugés raciaux, vecteurs potentiels de discrimination, a par ailleurs assuré le Représentant permanent. C'est ainsi que bon nombre d'émissions culturelles sont diffusées tout au long de l'année qui permettent de mieux connaître autrui et par conséquent de s'ouvrir davantage sur les autres cultures, a-t-il souligné.
Sur le plan national, a ajouté M. Mansour, une large consultation a été engagée en vue d'associer les différents intervenants à la consolidation de l'esprit de la Déclaration de Durban et à l'identification des voies et moyens de la mise en œuvre du Plan d'action s'y rapportant.
Les treizième à dix-septième rapports périodiques de la Tunisie, réunis en un seul document (CERD/C/431/Add.4), affirment que le phénomène de discrimination raciale n'a jamais existé en Tunisie. Notre pays a connu le brassage de divers peuples et de diverses civilisations, rappelle le document. Il souligne que les valeurs de tolérance et de respect de l'autre sont profondément ancrées dans la civilisation arabo-musulmane à laquelle appartient la Tunisie et qu'elle enrichit par des contributions éclairées et à l'avant-garde de la civilisation humaine.
La communauté tunisienne de l'étranger s'élève à 698 108 personnes en 2000, contre 659 892 personnes en 1999, poursuit le rapport. Les pays européens attirent près de 85% des Tunisiens qui résident à l'étranger, dont 62% vivent en France, précise-t-il. Partant du principe que les Tunisiens résidant à l'étranger représentent une partie intégrante de la communauté nationale, le Gouvernement n'a cessé de leur réserver une attention soutenue et de leur accorder une place privilégiée en vue de la préservation de leurs droits et l'amélioration constante de leurs conditions de vie et de séjour, affirme le rapport.
Le rapport assure en outre qu'aucun organisme ou institution public ou privé ne se livre en Tunisie à des actes de discrimination ou de ségrégation raciale contre des personnes ou des groupes de personnes, quels qu'en soient la couleur, le sexe, la religion ou la nationalité. Il n'existe pas en Tunisie de groupe racial en retard, dont la situation nécessiterait l'adoption de mesures provisoires en vue de lui garantir l'exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines économique, social, culturel, politique ou autre. L'État n'encourage pas, ne défend pas et n'appuie pas les activités de nature discriminatoire; il les désapprouve dans la mesure où elles sont absolument incompatibles avec la Constitution, poursuit le rapport.
Le rapport précise que l'article 44 du Code de la presse dispose que «est puni de deux mois à trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 1000 à 2000 dinars, celui qui…aura directement soit incité à la haine entre les races, ou les religions, ou les populations, soit à la propagation d'opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l'extrémisme religieuse..». De même, dans le cadre de la lutte contre toutes sortes de discrimination, la nouvelle disposition introduite dans le Code pénal (art.52 bis), en novembre 1993, dispose que «l'auteur d'une infraction qualifiée de terroriste encourt la peine prévue pour l'infraction elle-même; la peine ne peut être réduite à plus de sa moitié. Est qualifiée de terroriste, toute infraction en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de porter atteinte aux personnes et aux biens par l'intimidation ou la terreur. Sont traités de la même manière, les actes d'incitation à la haine, au fanatisme racial ou religieux quels que soient les moyens utilisés».
Le rapport indique par ailleurs que l'article 17 de la loi organique du 3 mai 1988 relative à l'organisation des partis politiques interdit également aux partis politiques d'émettre des recommandations incitant ou encourageant à la violence en vue de semer la haine entre les citoyens.

Examen du rapport de la Tunisie
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport tunisien, M. José A. Lindgren Alves, a indiqué qu'il avait très bien connu la Tunisie à la fin des années 1970, pour y avoir vécu, et qu'il y avait été très bien accueilli par le peuple tunisien. «Quoique solidement ancrée dans la civilisation arabo-musulmane, la Tunisie reconnaît que ses premiers habitants étaient des Amazighs, appelés aussi Berbères, et reconnaît donc que son caractère arabique est issu du mélange entre les Arabes conquérants et des Berbères vaincus, parmi d'autres influences, a fait observer M. Lindgren Alves. Il a par ailleurs relevé que la Tunisie accorde aux instruments internationaux ratifiés par la Tunisie, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, une position de supériorité vis-à-vis de la législation interne.
M. Lindgren Alves a affirmé que depuis l'arrivée au pouvoir du Président Ben Ali en novembre 1987, on peut remarquer une tendance au perfectionnement de la démocratie, avec des règles nouvelles qui assurent la participation de partis d'opposition au Parlement et qui ont aboli la présidence à vie. Relevant que la réforme de la Constitution a limité à deux mandats de cinq ans l'éligibilité du Président, M. Lindgren Alves a souhaité savoir comment expliquer, dans un tel contexte, que le Président Ben Ali, arrivé au pouvoir en 1987, soit encore à la Présidence de la République.
Le rapporteur pour le rapport tunisien a par ailleurs relevé que l'incrimination de l'incitation à la haine raciale apparaît toujours dans la législation tunisienne comme une extension de l'incrimination du crime de terrorisme.
M. Lindgren Alves a indiqué percevoir avec clarté, à la lecture du rapport tunisien, qu'il existe dans les lois tunisiennes une préoccupation universaliste de poursuivre l'égalité entre tous les individus qui se trouvent sous sa juridiction. Le rapporteur a par ailleurs remarqué que quelques-unes des recommandations les plus importantes présentées au Gouvernement tunisien en 1994 semblent avoir été prises en considération. Cela s'applique surtout à la législation qui paraît avoir couvert des omissions qui avaient été constatées s'agissant des articles 2 et 4 de la Convention (concernant la condamnation de la discrimination raciale et de la propagande ainsi que des organisations racistes). Mais cela ne s'applique pas à la recommandation du Comité concernant la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention (sur les communications, ou plaintes individuelles), que la Tunisie n'a toujours pas faite, a souligné M. Lindgren Alves, qui en a demandé les raisons.
M. Lindgren Alves a indiqué ne pas être en mesure d'éviter quelques critiques, qui se veulent constructives et dont certaines avaient déjà été formulées en 1994, concernant notamment les rapports périodiques présentés par la Tunisie n'apportent presque pas d'illustrations concrètes sur les accomplissements et les difficultés rencontrées dans le pays en matière d'application des lois et autres mesures anti-discriminatoires. M. Lindgren Alves a par ailleurs fait remarquer que les organisations non gouvernementales internationales des droits de l'homme parlent d'une détérioration de la situation des droits de l'homme en Tunisie depuis plusieurs années. Le rapport d'Amnesty International de 2002 affirme qu'en 2001, environ un millier de prisonniers de conscience étaient toujours en prison en Tunisie, parfois depuis plus de dix ans.
En outre, dire que «le phénomène de discrimination raciale n'a jamais existé en Tunisie» semble exagéré, a poursuivi M. Lindgren Alves, faisant observer que cette affirmation semble même nier l'existence de discriminations souffertes par les Tunisiens pendant les périodes coloniales, soit sous l'Empire ottoman, soit sous le protectorat de la France. Il a ajouté que cela ne correspondait pas à «la version officielle de l'Histoire de la Tunisie que j'ai connue quand j'y ai habité», a déclaré M. Lindgren Alves. Il a également jugé trop hâtive l'affirmation selon laquelle «aucun organisme ou institution public ou privé ne se livre en Tunisie à des actes de discrimination».
Relevant que le rapport tunisien affirme qu'il n'existe pas dans le pays de groupe racial en retard dont la situation nécessiterait des mesures provisoires du type de l'action affirmative, M. Lindgren Alves a indiqué se rappeler tout de même que, dans les années 1970, les Berbères qui habitaient le désert se trouvaient dans une situation beaucoup plus arriérée que les habitants des villes. Aussi, le rapporteur s'est-il enquis de la situation actuelle de ces Berbères. Il a fait part d'un témoignage qui lui a été apporté par une personne d'origine berbère qui ne se considère pas comme faisant partie de la population arabo-musulmane et selon laquelle la négation de l'existence de cette minorité va jusqu'à interdire l'adoption de noms propres berbères. Aussi, M. Lindgren Alves a-t-il demandé à la délégation de lui apporter des éclaircissements sur cette question.
En conclusion, M. Lindgren Alves a indiqué garder l'impression que la Tunisie, malgré des imperfections, continue d'être un important point d'équilibre entre la foi et le droit.
Plusieurs membres du Comité ont ensuite exprimé leur regret que le rapport de la Tunisie ne fournisse aucune données sur la composition ethnique du pays. Soulignant que le brassage des populations ne saurait signifier extinction des ethnies présentes avant l'arrivée des arabo-musulmans, un expert a exprimé l'espoir que les réponses qu'apportera la délégation tunisienne permettront de confirmer, entre autres, l'existence des Berbères. Observant que la Tunisie continue à dire qu'elle est une société homogène sur le plan ethno-culturel, un autre expert a estimé qu'il fallait se demander si le terme «intégration» doit forcément être perçu de manière positive, eu égard au risque de voir l'intégration se traduire par une assimilation. Un autre membre du Comité a souhaité obtenir des données concernant la population carcérale qui soient ventilées selon un critère d'ethnicité.
Certains experts se sont enquis du degré de reconnaissance de l'identité amazigh en Tunisie. L'un d'entre eux a fait état d'informations en provenance du Congrès mondial amazigh selon lequel 5 à 10% de la population tunisienne seraient composés d'Amazighs, lesquels seraient victimes de nombreuses discriminations, notamment du point de vue du droit de créer des associations.
Plusieurs experts se sont dits gênés par le lien direct que la loi établit entre terrorisme et discrimination.
L'expérience du Comité montre qu'aucun pays ne peut prétendre être exempt de toute forme de discrimination raciale, ont fait observer plusieurs experts.
Un membre du Comité a souhaité savoir si la Tunisie acceptait désormais la double nationalité. Plusieurs experts se sont enquis des règles régissant le droit de propriété pour les étrangers. L'un d'eux a souhaité en savoir davantage sur les conditions d'emploi des étrangers.
Plusieurs experts se sont enquis du degré d'indépendance des diverses institutions chargées des droits de l'homme dans le pays.



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