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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU LIBAN

04 Mars 2004


4 mars 2004

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique du Liban sur les mesures prises par ce pays pour mettre en oeuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les principales questions abordées concernaient le système de confessionnalisme en place au Liban et la situation des réfugiés palestiniens dans le pays.

Dans ses observations préliminaires, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport libanais, M. Tang Chengyuan, a souligné que le Liban est un petit pays qui se heurte à d'importants problèmes qui sont le fait de pays voisins et peuvent constituer des obstacles à la mise en œuvre de la Convention. Le problème, en ce qui concerne les Palestiniens, est incontestablement politique; il faut donc s'attaquer à la cause fondamentale du problème en restaurant les droits fondamentaux du peuple palestinien, a déclaré M. Tang. M. Tang avait par ailleurs rappelé, dans sa présentation, que les réfugiés palestiniens et les travailleurs migrants étrangers, respectivement au nombre de 400 000 et 800 000 au Liban, constituent un tiers de la population du pays. Leurs droits politiques, leur droit à la naturalisation, ainsi que leurs droits économiques, culturels et éducatifs constituent autant de questions importantes qui, si elles ne sont pas traitées de manière adéquate, mettront en péril la stabilité nationale et le développement économique du pays, avait-il estimé. En ce qui concerne le système de confessionnalisme encore en vigueur au Liban malgré les dispositions de l'Accord de Taef sur la fin du confessionnalisme politique, M. Tang a souligné les répercussions négatives que pourrait avoir ce système sur l'exercice des droits de l'homme par les minorités. Le Comité présentera, avant la fin de la présente session, ses observations finales sur le rapport libanais.

Présentant le rapport de son pays, M. Gébran Soufan, Représentant permanent du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a assuré qu'il n'existe pas, au Liban, de barrière raciale entre les Libanais et les non-Libanais, pas plus qu'il n'existe de doctrine de supériorité, d'apartheid, de ségrégation ou de séparation.

M. Nabil Maamari, Conseiller juridique et Professeur de droit du Liban, a souligné qu'«aucun État n'a fait pour les réfugiés palestiniens autant que le Liban, ne serait-ce que par le fait de les avoir reçus, abrités et aidés pendant plus d'un demi-siècle». Pourtant, a-t-il ajouté, il est connu que le problème palestinien et surtout le problème concernant les réfugiés palestiniens est une responsabilité internationale qui ne peut en aucun cas être imputé à l'État libanais. Le Liban ainsi que les Palestiniens s'opposent de façon solennelle à toute idée d'implantation des réfugiés palestiniens dans les pays d'accueil, a-t-il souligné.

La délégation libanaise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et des émigrés et du Ministère de la justice, notamment. Elle a répondu aux questions soulevées par les experts s'agissant, en particulier, du confessionnalisme; de la pratique de confiscation des passeports des employés de maison; de l'incrimination de l'incitation à la discrimination raciale; des questions relatives au mariage et à la transmission de la nationalité; et de la question des réfugiés palestiniens.

Sur ce dernier point, la délégation a notamment expliqué que afin de prévenir toute possibilité d'implantation des réfugiés palestiniens au Liban, la loi de 2002 concernant l'acquisition de biens par les étrangers a prévu de leur interdire l'acquisition de biens immobiliers au Liban, ce qu i serait le prélude à une situation stable et définitive dans les pays d'accueil et viderait toute la cause palestinienne de son but ultime et légitime, à savoir la création d'un État palestinien viable et le droit de retour des réfugiés palestiniens dans cet État.

Hier, en fin d'après-midi, le Comité a également brièvement débattu de la question du suivi de la Conférence mondiale sur le racisme qui s'est tenue à Durban en 2001. L'un de ses membres, M. Raghavan Vasudevan, Pillai a rendu compte des travaux de la deuxième session du Groupe de travail intergouvernemental sur la mise en œuvre effective de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, qui s'est tenue du 26 janvier au 6 février dernier, et de l'intervention qu'il avait faite lors de cette session. Dans ses recommandations issues de cette deuxième session, le Groupe de travail a invité le Comité à lui faire part de ses vues sur l'efficacité de la Convention et de sa mise en œuvre.

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique du Népal (CERD/C/452/Add.2).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. GEBRAN SOUFAN, Représentant permanent du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a assuré qu'il n'existe pas, au Liban, de barrière raciale entre les Libanais et les non-Libanais, pas plus qu'il n'existe d'odieuse doctrine de supériorité, d'apartheid, de ségrégation ou de séparation. M. Soufan a par ailleurs rappelé que son pays avait tenu le Comité informé, en 1998, de l'évolution de la situation au Liban, en particulier de la conclusion de l'Accord de Taef en 1989 - véritable acte de réconciliation nationale. En outre, en 2000, le Liban a été en mesure de restaurer sa souveraineté sur la plus grande partie de ses territoires méridionaux occupés par Israël pendant dix-sept ans. Cet événement historique a permis de rétablir la primauté du droit et a marqué le début du processus de réhabilitation et de reconstruction dans le Sud, a rappelé M. Soufan. Il a par ailleurs assuré que le Liban n'a ni l'illusion ni la prétention de penser que son système juridique et politique est parfait. Le Liban sait que les règles doivent être changées pour le meilleur et non pour le pire, tout comme il sait que dans un régime démocratique, c'est une évolution en douceur qui est nécessaire - et non une révolution -, la réforme n'étant pas une fin en soi mais un processus permanent visant à assurer le mieux-être de la société.

M. NABIL MAAMARI, Conseiller juridique et Professeur de droit, a indiqué que le retard qu'accuse la présentation du rapport périodique libanais est dû à de regrettables déficiences purement administratives. En ce qui concerne la question du communautarisme au Liban, M. Maamari a rappelé que d'après les conclusions du Comité de 1998, bien que le Liban reconnaisse les Syriens, Grecs, Arméniens, Coptes, Kurdes, juifs en tant que communautés et que religions, l'origine ethnique différente de certaines catégories de personnes n'est pas reconnue, ce qui peut motiver à l'égard de ces communautés des différences de traitement, y compris, dans certains cas, une discrimination raciale. Pour sa part, le Liban pense que le fait d'ignorer une quelconque nature ethnique de ces communautés est tout le contraire d'une discrimination raciale, a expliqué le Conseiller juridique. Les différences entre ces communautés sont avant tout religieuses, a-t-il rappelé. Pour les communautés chrétiennes, par exemple, les différences sont des différences liturgiques et procèdent de la survivance de querelles théologiques des siècles passés; ces communautés s'opposent par exemple sur leur conception de la nature du Christ. Ces considérations donc, ne sont pas ethniques et il ne saurait être question de discrimination raciale, a souligné M. Maamari. La même chose peut être dite au sujet des sunnites et des chiites, a-t-il précisé.

La fin du confessionnalisme politique a été annoncée par l'Accord de Taef du 22 octobre 1989 et par la révision constitutionnelle du 21 septembre 1990, a poursuivi M. Maamari. À cette époque, il avait été estimé que la paix civile devait passer par là, a-t-il indiqué. «À cet égard, lors de la discussion de nos rapports antérieurs, nous avons apprécié votre compréhension de la spécificité du Liban, ainsi que de la nécessité de procéder à une préparation graduelle de ces communautés à l'acceptation de l'idée d'annulation du confessionnalisme politique, celle-ci devant nécessairement être le fruit d'un consensus», a-t-il déclaré. M. Maamari a rappelé que le Liban a été fondé sur la coexistence des 18 communautés qui le composent - coexistence qui nécessite la tolérance, le respect de l'autre et la garantie des droits de chacun. À cet égard, le Liban a été considéré le Pape Jean-Paul II comme étant plus qu'un État, un message de coexistence, de tolérance, de dialogue, d'acceptation et de respect de l'autre - idées qui sont tout à fait opposées au concept de discrimination dans les temps actuels de confrontation entre les cultures et les religions, a poursuivi le Conseiller juridique du Gouvernement libanais. Il a rappelé que le Liban avait été choisi pour accueillir en octobre 2002 le Sommet international de la Francophonie dont le thème portait justement sur le dialogue des cultures.

Pour ce qui est de la main-d'œuvre étrangère, M. Maamari a souligné que le retour d'un grand nombre de travailleurs étrangers pour un second séjour au Liban - voire un troisième ou un quatrième - est une preuve du caractère attractif du travail dans notre pays.

M. Maamari a déclaré qu'«aucun État n'a fait pour les réfugiés palestiniens autant que le Liban, ne serait-ce que par le fait de les avoir reçus, abrités et aidés pendant plus d'un demi-siècle». En effet, leur nombre actuel représente environ 11% de la population libanaise (420 000 Palestiniens sur une population totale d'environ 4 millions d'habitants), a-t-il précisé. Pourtant, a-t-il ajouté, il est connu que le problème palestinien et surtout le problème concernant les réfugiés palestiniens est une responsabilité internationale qui ne peut en aucun cas être imputé à l'État libanais. Le Liban améliore la situation des réfugiés palestiniens dans la mesure de ses moyens et ne cesse de demander l'aide de la communauté internationale afin de continuer d'améliorer leurs conditions, a insisté M. Maamari. Il n'en demeure pas moins que le Liban, ainsi que les Palestiniens, s'opposent de façon solennelle à toute idée d'implantation des réfugiés palestiniens dans les pays d'accueil, a-t-il souligné.

Le rapport du Liban, qui contient en un seul document les quatorzième et quinzième rapports périodiques du pays (CERD/C/383/Add.2), rappelle que le Liban moderne, dans ses frontières actuelles, a été constitué en État unitaire en 1920, au lendemain du démantèlement de l'Empire ottoman, par une adhésion des diverses communautés confessionnelles qui composent le peuple libanais. La Constitution libanaise de 1926 confirme les garanties dont jouissent les communautés. Elle dispose notamment que la liberté de conscience est absolue. Il existe deux types de confessionnalisme : le confessionnalisme concernant le statut personnel signifie que tout ce qui touche à la famille relève de lois établies par les diverses communautés par une délégation de l'État. De même, les problèmes touchant ces questions sont tranchés par des tribunaux religieux. Le confessionnalisme politique implique, quant à lui, que les emplois politiques et administratifs sont répartis entre les différentes communautés. Une coutume constitutionnelle veut que le Président de la République élu par la Chambre des députés soit de confession chrétienne maronite, que le Président de la Chambre des députés soit élu par ces derniers parmi les musulmans chiites, et que le Premier Ministre soit un musulman sunnite. Les portefeuilles ministériels sont également répartis suivant des quotas réservés à chaque communauté.

Les 128 sièges du Parlement se répartissent entre les différentes communautés religieuses du pays. Il est important de signaler que dans chaque circonscription, l'électeur d'une confession donnée ne vote pas uniquement pour le ou les candidats de sa confession, mais pour une liste entière comprenant des candidats de différentes confessions selon les sièges à pourvoir; cela est de nature à sauvegarder et à renforcer l'unité nationale. Enfin, on doit respecter les mêmes équilibres s'agissant des nominations aux emplois de l'administration; cette dernière règle a été limitée depuis 1990 aux emplois de la haute fonction publique. Les inconvénients du système confessionnel, compte tenu des dispositions de la Convention, c'est qu'il ne laisse pas de place aux personnes qui ne veulent pas faire valoir leur ascendance ou origine ethnique ou leur foi religieuse pour participer à la vie politique ou pour fonder une famille (les mariages civils n'existent pas au Liban; ceux qui sont conclus à l'étranger sont reconnus par les autorités libanaises mais sont soumis à la loi du lieu de célébration). C'est ainsi que ce qui était reconnu à l'origine comme une garantie des libertés et droits fondamentaux des groupes qui composent la nation libanaise est perçu depuis déjà longtemps par certains comme une entrave aux libertés des individus qui ne veulent s'identifier à aucun groupe, reconnaît le rapport. Le document d'entente nationale du 22 octobre 1989, appelé également Accord de Taef, a prévu la suppression par étapes du confessionnalisme politique, mais cette suppression rencontre encore des résistances car le système est jusqu'à présent vu par beaucoup comme un moyen d'assurer la paix civile entre les Libanais. Elle devra donc se faire en douceur et le rôle pédagogique du Gouvernement, qui doit adopter une position nuancée, n'est pas à négliger.

Le rapport rapelle par ailleurs que plus de 400 000 réfugiés palestiniens se trouvent sur le sol libanais (près de 20% des habitants). Près de 800 000 étrangers travaillent dans le pays, précise-t-il. Aucune limite n'entrave leur liberté de conscience, leur liberté d'association, l'utilisation par chacun de sa langue nationale ou la célébration du culte ou des fêtes religieuses ou laïques, assure le rapport.


Examen du rapport

M. Tang Chengyuan, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport libanais, a rappelé que dans ses observations finales de 1998 concernant le Liban, le Comité avait fait part de sa préoccupation face aux éventuels effets négatifs du confessionnalisme en vigueur dans le pays sur la mise en œuvre de la Convention. M. Tang a souhaité savoir si chaque communauté religieuse autorisait des personnes d'autres croyances à vivre en son sein. Les communautés religieuses constituent-elles des entités administratives, a-t-il également demandé? En outre, les minorités ethniques qui ne vivent pas dans le cadre d'une communauté religieuse perdent-elles la possibilité de se voir représenter dans une élection, s'est interrogé M. Tang?

Relevant que le rapport libanais affirme que l'article 2(d) de la Convention (qui stipule que chaque État partie s'engage à ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque) n'est pas encore appliqué, M. Tang s'est demandé si cela signifiait qu'il n'existe pas de mesure législative en la matière ou bien si cela voulait dire qu'une discrimination raciale existante n'a pas été combattue.

Relevant par ailleurs que l'article 317 du Code pénal prévoit de sanctionner tout acte d'incitation à la haine raciale ou religieuse, M. Tang a souhaité savoir si de tels actes ont été commis au Liban.

La disposition constitutionnelle selon laquelle tous les Libanais sont égaux devant la loi s'applique-t-elle indistinctement aux citoyens et aux non-citoyens, s'est en outre enquis l'expert?

M. Tang a par ailleurs relevé qu'en matière de transmission de la nationalité libanaise, le principe de jus sanguinis ne s'applique qu'à la transmission par le père. Est-il envisagé de modifier les dispositions à cet égard, a demandé l'expert?

Relevant qu'une naturalisation groupée avait été accordée aux étrangers apatrides vivant au Liban depuis 1920 - le décret de naturalisation de 1994 ayant couvert près de 8% de la population du pays, M. Tang a souhaité savoir dans quelle mesure ce décret affecte les réfugiés palestiniens. Quels sont, en la matière, les projets du Gouvernement pour l'avenir?

La loi sur la propriété fixant une limite pour la taille des propriétés susceptibles d'être acquises par des non-Libanais, M. Tang a également souhaité savoir si cette loi s'applique aussi aux réfugiés palestiniens. Les réfugiés palestiniens vivant dans les camps de réfugiés jouissent-ils des mêmes droits que les autres étrangers, a demandé l'expert? Il s'est en outre enquis des mesures éventuellement prises par le Gouvernement pour résoudre le problème des enfants palestiniens vivant en dessous du seuil de pauvreté, en particulier dans les cantons de Nabatiyah et de la Bekaa - problème dont s'est saisi le Comité des droits de l'enfant lors de l'examen du rapport libanais par cet organe.

Les réfugiés palestiniens et les travailleurs migrants étrangers, respectivement au nombre de 400 000 et 800 000 au Liban, constituent un tiers de la population du pays, a rappelé M. Tang. Leurs droits politiques, leur droit à la naturalisation, ainsi que leurs droits économiques, culturels et éducatifs constituent autant de questions importantes qui, si elles ne sont pas traitées de manière adéquate, mettront en péril la stabilité nationale et le développement économique du pays. Il est donc impératif de résoudre progressivement ces questions, a insisté M. Tang.

Évoquant la situation extrêmement difficile des réfugiés palestiniens, l'expert a relevé que le Gouvernement libanais ne reconnaît pas leurs droits en vertu de la Convention de 1951 sur les réfugiés, le Liban n'étant pas partie à cet instrument; le Liban ne reconnaît pas non plus leurs droits en tant qu'apatrides puisqu'il n'est pas non plus partie à la Convention de 1954 sur l'apatridie. Ce qui est encore plus regrettable, a poursuivi M. Tang, c'est que ces réfugiés palestiniens ne peuvent pas non plus jouir des droits dont jouissent généralement les ressortissants étrangers dans la mesure où la reconnaissance de tels droits se fait sur la base du principe de réciprocité - principe qui peut s'appliquer à un pays étranger reconnu par le Liban, catégorie dans laquelle n'entre pas la Palestine. M. Tang a exprimé l'espoir que le Liban entamera un dialogue avec les dirigeants palestiniens et prendra des dispositions appropriées en faveur des réfugiés palestiniens sur le plan humanitaire.

M. Tang a par ailleurs souligné que la pratique consistant à confisquer les passeports des travailleurs étrangers et à restreindre leur liberté personnelle - pratique qui affecte particulièrement les travailleurs domestiques - est contraire aux dispositions des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Un autre membre du Comité a demandé si des mesures ont été prises pour mettre fin à cette pratique.


Un expert a relevé le système particulier qui est celui du Liban où le fait d'appartenir à une communauté est, pour chaque citoyen , une donnée essentielle.

Un autre membre du Comité a félicité la délégation pour les données statistiques intéressantes fournies par le Liban en ce qui concerne les étrangers présents dans le pays. Il a également salué les mesures prises par le pays pour mieux protéger les travailleurs étrangers, suite, en particulier, à l'amendement apporté l'an dernier au Code du travail. Il a toutefois rappelé que le Comité avait exprimé le souhait en 1998 que des efforts soient poursuivis pour éliminer progressivement, dans l'esprit de l'Accord de Taef, le système du confessionnalisme politique. Or, le rapport que présente aujourd'hui le Liban affirme que le maintien de ce système apparaît nécessaire pour maintenir la paix. Pourquoi le Gouvernement libanais adopte-il aujourd'hui une position beaucoup plus prudente en ce qui concerne l'abolition du confessionnalisme, a donc souhaité savoir cet expert?

Plusieurs experts ont évoqué la situation des Palestiniens au Liban. Il a été rappelé que le problème des réfugiés palestiniens intéresse la communauté internationale et non le seul Liban, qui consent d'importants efforts dans ce domaine. Un expert a fait état d'informations émanant d'organisations non gouvernementales selon lesquelles les Palestiniens dans ce pays continueraient de souffrir de discriminations s'agissant du droit au travail, du logement, du droit à la sécurité sociale, ainsi que du droit à la liberté de circulation et de mouvement. La situation de déracinement du peuple palestinien a fait peser une charge immense sur le Liban et sur son peuple, a souligné un autre membre du Comité, rappelant que plus de 500 000 Palestiniens vivent actuellement à l'intérieur des frontières du Liban. Cet expert a lui aussi fait état d'un certain nombre de discriminations dont souffrent les Palestiniens au Liban, notamment en matière de droit de propriété et d'héritage.

Le Liban est l'un des pays qui a donné l'une des plus belles civilisations qui soit dans la région méditerranéenne, a souligné un expert. Qui mieux que le Liban a réussi à faire de sa terre un havre de paix pour toutes les communautés religieuses, a souligné ce même expert? Le Liban est victime d'une situation qui est indépendante de sa volonté et il lui est demandé de régler les problèmes d'une autre victime: les Palestiniens, a souligné cet expert. Lorsque des masses de réfugiés, pour des raisons connues, franchissent le territoire libanais, qui peut contrôler les activités émanant de ce mouvement, s'agissant de la question de la violence et de la question du terrorisme, s'est interrogé ce même membre du Comité, soulignant que cette question intéresse la paix et la sécurité internationales. On ne peut pas ne pas comprendre le Gouvernement du Liban lorsqu'il affirme qu'il tient à contrôler ses frontières, a insisté cet expert. Cela n'empêche certes pas le pays de devoir mettre en œuvre les articles 4 et 5 de la Convention et assurer l'effectivité des lois lorsqu'elles existent. Régler le problème des réfugiés, c'est régler le problème de la sécurité libanaise, a conclu l'expert.


La délégation a rappelé que le Liban jouit d'une stabilité interne et d'une paix civile et exerce une attraction certaine sur de nombreux non-Libanais qui souhaitent venir y travailler et y vivre. Néanmoins, pour tolérant et hospitalier qu'il soit, ce petit pays ne peut se permettre de laisser s'installer chez lui, au détriment de sa propre survie et de sa propre tranquilité, des problèmes politiques qui appartiennent à d'autres, a souligné la délégation.

En ce qui concerne l'attitude prudente adoptée par le Gouvernement libanais s'agissant de l'abolition du confessionnalisme, la délégation a rappelé que la prudence va de pair avec la sagesse. Comme cela a été souligné dans la déclaration de présentation du rapport, la modification des règles doit permettre de progresser et non de régresser, a souligné la délégation.

Les communautés n'ont pas d'assise territoriale au Liban, a souligné la délégation. Les circonscriptions administratives ou électorales ne correspondent pas à des clivages communautaires, a-t-elle insisté. Un conseil municipal, par exemple, n'est jamais composé de membres d'une seule et même confession, a-t-elle assuré.

Actuellement, pour tous les concours de recrutement de la fonction publique, il a été décidé de nommer les candidats en fonction de leur seul classement sur la liste d'aptitude et aucun quota n'est appliqué en fonction des confessions.

À l'origine, le confessionnalisme avait pour objet de protéger non pas un groupe particulier mais tous les groupes, a rappelé la délégation.

Tous les Libanais sont égaux devant la loi, à l'exception de ce qui concerne les droits politiques et la protection contre le chômage, pour laquelle une préférence est accordée aux Libanais, a par ailleurs indiqué la délégation.

En ce qui concerne la pratique de confiscation des passeports des employées de maison, la délégation a souligné qu'elle conduit à une procédure pénale, l'issue étant alors la récupération du passeport sous 48 heures. Il n'y a donc aucun risque d'apatridie découlant de cette pratique, a précisé la délégation. Dans la plupart des cas, a ajouté la délégation, c'est volontairement que l'employée de maison confie son passeport à son employeur et souvent, une photocopie en est faite que l'employée conserve, a affirmé la délégation.

En ce qui concerne les réfugiés palestiniens, la délégation a rappelé que la question de tous les réfugiés palestiniens est avant tout une question politique dont est responsable l'ensemble de la communauté internationale. En fait, depuis 1948, le Liban a consenti des sacrifices énormes sur le plan de l'accueil des réfugiés palestiniens et des facilités qui en découlent. Dans le conflit israélo-palestinien, le Liban a une position de principe on ne peut plus claire, qui consiste à appuyer le droit des Palestiniens à avoir leur État et à appuyer le retour inconditionnel de tous les réfugiés palestiniens dans cet État, a rappelé la délégation libanaise. Cette position est en application des résolutions pertinentes des Nations Unies. On ne peut pas d'un côté exiger un État palestinien et le retour inconditionnel des réfugiés et, de l'autre, faciliter leur implantation dans les pays d'accueil en leur octroyant la nationalité de ces pays avec les droits et bénéfices nationaux qui en découlent, a souligné la délégation. Cette position de principe conforme aux résolutions de l'ONU a fait l'objet d'un consensus de tous les Libanais, qui a été traduit dans la Constitution libanaise lors de son amendement en 1990. Il convient de souligner le caractère purement politique de la cause palestinienne et de ses conséquences quant à la solution du problème des réfugiés, a poursuivi la délégation. Ce problème à connotation tout à fait politique ne peut en aucun cas être qualifié de discrimination raciale de quelque ordre que ce soit, a-t-elle insisté. Ceci dit, le Liban est sensible à la condition humaine des réfugiés et n'hésite pas, dans la mesure de ses moyens modestes, à améliorer leur situation en collaboration avec les agences internationales spécialisées, notamment l'UNRWA qui a été spécialement créé pour gérer sur le plan humanitaire tous les problèmes relatifs aux réfugiés palestiniens. Il convient de souligner que la Convention de 1951 sur les réfugiés ne s'applique pas aux réfugiés palestiniens dont les problèmes sont régis par l'UNRWA et non par le HCR. C'est dans le même esprit que la loi de 2002 concernant l'acquisition de biens par les étrangers a prévu - afin de prévenir toute possibilité d'implantation des réfugiés palestiniens au Liban - de leur interdire l'acquisition de biens immobiliers au Liban, prélude à une situation stable et définitive dans les pays d'accueil qui viderait toute la cause palestinienne de son but ultime et légitime, notamment la création d'un État palestinien viable et le droit de retour des réfugiés palestiniens dans cet État.

Il est faux de croire qu'un Palestinien ne peut pas hériter d'un bien immeuble au Liban, même depuis l'adoption de la loi de 2002 relative à l'acquisition de biens par les étrangers, a par ailleurs affirmé la délégation.

Attendre le retour des Palestiniens n'est pas incompatible avec l'application de principes de non-discrimination, a souligné un membre du Comité.

Demander que les réfugiés palestiniens acquièrent la nationalité des pays dans lesquels ils se trouvent est une exigence israélienne, a affirmé un autre expert. Aujourd'hui, les Palestiniens sont très bien traités au Liban, qui est un pays très hospitalier, a ajouté ce même expert. C'est sur demande des Palestiniens eux-mêmes que la nationalité libanaise ne leur est pas accordée, a-t-il insisté.

Face aux attaques dont sont victimes les Palestiniens, nombre d'entre eux n'ont d'autre alternative que de trouver refuge dans les pays voisins, a rappelé un membre du Comité. Le Liban, tout comme les Palestiniens, est victime; ce n'est pas l'agresseur, a insisté cet expert. Il ne saurait incomber au seul Liban de régler le problème du demi-million de réfugiés qui se trouvent sur son territoire, a rappelé ce même expert.

Ne nous mettez pas en conflit avec les Palestiniens; n'opposez pas deux groupes de victimes l'un à l'autre, a insisté la délégation.

Le Code pénal actuel prévoit, dans son article 317, une sanction allant de six mois à trois ans de prison en cas d'incitation à la discrimination raciale. Il a en outre été décidé d'aggraver la peine au cas où cette incitation aboutit à un acte matériel la traduisant; le délit initial d'incitation devient alors un crime, passible de trois à cinq ans de prison.

En ce qui concerne la question du mariage, la délégation a rappelé qu'au Liban, personne ne naît en dehors d'une communauté. Pour l'heure, les athées ne constituent pas une communauté au Liban, a précisé la délégation. Le mariage civil n'existe pas au Liban mais toute personne peut librement aller contracter mariage civil en dehors du Liban; ce mariage civil sera ensuite reconnu comme tel au Liban et c'est alors la loi du pays dans lequel il a été célébré qui s'appliquera, a expliqué la délégation.

Le Liban n'est pas le seul pays à adopter le principe de juris sanguini et de transmission de la nationalité par le père. Le Liban a opté pour ce principe depuis l'époque du mandat français et n'a pas, pour l'heure, jugé nécessaire d'amender la loi afin de prévoir d'autres formes d'acquisition de la nationalité.



Observations préliminaires

M. Tang Chengyuan, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Liban, a jugé très utiles les informations fournies par la délégation libanaise, qui a fait de son mieux pour répondre aux questions soulevées par les experts. Les membres du Comité peuvent désormais se faire une idée beaucoup plus précise de la situation au Liban, ce qui ne peut que contribuer à améliorer le dialogue en vue d'une application plus complète de la Convention, a déclaré M. Tang. Le Liban est un petit pays, densément peuplé, qui se heurte à d'importants problèmes qui sont le fait de pays voisins et peuvent constituer des obstacles à la mise en œuvre de la Convention. Le Liban a reçu plus de 400 000 réfugiés palestiniens et ce n'est pas une tâche aisée que de faire face à cet afflux de population. Le peuple libanais a fait preuve d'une grande amitié à l'égard du peuple palestinien, a insisté M. Tang. Le problème, en ce qui concerne les Palestiniens, est incontestablement politique et mérite donc de recueillir toute l'attention de la communauté internationale, a rappelé l'expert. Il convient donc d'aborder cette question en ayant à l'esprit cette dimension politique; il faut alors s'attaquer à la cause fondamentale du problème en restaurant les droits fondamentaux du peuple palestinien. Néanmoins, le fait est que les réfugiés palestiniens sont au Liban parfois depuis 1948 et ne sont toujours pas citoyens libanais. Le Comité souhaite donc aborder la question d'un point de vue purement humanitaire. La présence des Palestiniens au Liban pose un problème de droits de l'homme qui ne saurait être ignoré, a affirmé M. Tang.

En ce qui concerne la question du confessionnalisme, M. Tang a affirmé mieux comprendre les choses grâce aux informations complémentaires apportées par la délégation. Il faudra du temps avant que cette question ne soit entièrement réglée, a admis l'expert. Si le Comité soulève cette question du confessionnalisme, ce n'est pas pour se livrer à quelque allégation que ce soit; c'est davantage pour se préoccuper d'éventuelles répercussions négatives de ce système sur l'exercice des droits de l'homme au niveau de minorités.

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