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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA MAURITANIE

05 août 1999



APRÈS-MIDI

HR/CERD/99/39
5 août 1999





Il achève l'examen du rapport de la République islamique d'Iran



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de la Mauritanie sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il a également terminé l'examen du rapport de la République islamique d'Iran, au sujet duquel il adoptera des observations finales dans le courant de la session.

Présentant le rapport de son pays, M.Mohamed Salem Ould Merzoug, Ministre de la justice de la Mauritanie, a évoqué les différentes dispositions des ordonnances garantissant la non-discrimination raciale dans son pays. De plus, il a indiqué que le suivi des arrêtés protégeant les droits de l'homme est assuré par une presse libre qui accompagne les efforts du gouvernement pour le développement du pays à tous les niveaux. Le représentant a également évoqué la récente réforme domaniale, visant à favoriser l'accès à la propriété du plus grand nombre et l'abolition du servage. L'éducation, l'amélioration de la situation sanitaire et la promotion de la femme constituent d'autres axes prioritaires de la politique du Gouvernement mauritanien.

La délégation mauritanienne est également composée de M.Sidney Sokhona, Conseiller à la Présidence de la République; de M.Bamariam Koita, Directeur de la promotion des droits de l'homme au Commissariat aux droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté et à l'insertion; de M.Mohamed Abdellahi Ould Babana, magistrat à la Cour suprême, ainsi que du représentant permanent de la Mauritanie auprès de l'Office des NationsUnies à Genève, M.Mohamed Saleck Ould Mohamed Lemine.

L'expert chargé de l'examen du rapport mauritanien, M.Régis de Gouttes, a regretté que le contenu du rapport ne soit pas assez centré sur la lutte contre la discrimination raciale et ethnique et la mise en oeuvre des (à suivre)dispositions spécifiques de la Convention. Il a évoqué les phénomènes de tensions ethniques et culturelles qui subsistent dans le pays au détriment de certaines minorités ou groupes sociaux. De même, il a estimé que le rapport reste trop discret sur l'un des problèmes les plus délicats de la société mauritanienne: la survivance de certaines formes traditionnelles d'esclavage. L'expert a cependant pris acte avec satisfaction des développements spécifiques sur la santé, les affaires sociales, l'habitat, la protection de la jeunesse, les enfants des rues et l'éducation.

S'agissant du rapport de la République islamique d'Iran, M.Theodoor Van Boven, expert chargé de l'examen de ce rapport, a souligné que le dialogue avec l'État partie devant être un processus continu, les réponses qui n'ont pas pu être fournies devraient l'être par écrit. Il a en outre demandé que le prochain rapport soit présenté avec moins de retard.

Sont également intervenus les membres du Comité suivants: M.Mahmoud Aboul-Nasr, M.Eduardo Valencia Rodríguez, MmeDeci Zou, M.Ion Diaconu, M.Carlos Lechuga Hevia, M.Michael E. Sherifis, M.Michael Parker Banton et M.Mario Jorge Yutzis.

Le Comité achèvera l'examen du rapport de la Mauritanie demain matin, à partir de 10 heures.



Fin de l'examen du rapport de la République islamique d'Iran

L'expert chargé de l'examen du rapport de la République islamique d'Iran, M.Theodoor Van Boven, a rappelé l'intérêt avec lequel l'ensemble du Comité a longuement examiné le rapport. Les contraintes imposées par le temps ont empêché de recevoir toutes les réponses demandées. La question de la portée de la Convention a également été posée, en qui concerne la race et la religion particulièrement. M.Van Boven a souligné que le dialogue avec l'État partie devant être un processus continu, les réponses qui n'ont pas pu être fournies en cours de séance devraient l'être par écrit. Il a en outre demandé que le prochain rapport soit présenté avec moins de retard.

La délégation iranienne a assuré le Comité que son gouvernement lui ferait parvenir ses réponses par écrit, notamment en ce qui concerne la Commission islamique des droits de l'homme. Elle s'est engagée à améliorer l'information de la population iranienne concernant les travaux du Comité et les dispositions de la Convention.


Présentation du rapport de la Mauritanie

Présentant le rapport initial de la Mauritanie, M.Mohamed Salem Ould Merzoug, Ministre de la justice, a évoqué les différentes dispositions d'ordonnances garantissant la lutte contre la discrimination raciale. Cet arsenal juridique est renforcé par la ratification des instruments internationaux qui ont force de loi dans le pays. Au-delà des administrations publiques, le suivi des arrêtés protégeant les droits de l'homme est assuré par une presse libre qui suit les efforts du gouvernement pour le développement du pays à tous les niveaux. En matière d'éducation, le gouvernement a créé une institution chargée de la promotion des quatres langues nationales. En avril 1999, le système éducatif a été réformé pour préparer les Mauritaniens au XXIe siècle. Dans ce cadre, un Secrétariat de lutte contre l'analphabétisme a été mis en place. Des efforts particuliers ont été consentis en matière de formation technique et professionnelle pour les plus défavorisés.

Le Ministre a également évoqué la récente réforme domaniale, visant à favoriser l'accès à la propriété du plus grand nombre et l'abolition du servage. Cette réforme foncière a été accompagnée d'importants travaux d'aménagements du territoire au profit des coopératives agricoles. De grands travaux d'irrigation et d'aménagement hydraulique ont également été menés au cours de la dernière décennie. De même, M.Ould Merzoug a affirmé que la situation sanitaire s'améliore considérablement dans l'ensemble du pays. La santé de proximité et la participation communautaire ont dans ce cadre reçu une attention particulière. La promotion de la femme constitue un autre axe prioritaire de la politique du gouvernement, qu'il s'agisse d'éducation, de formation professionnelle, ou de participation à la vie politique du pays.

Le représentant a assuré le Comité de la détermination de son gouvernement à la mise en oeuvre des dispositions de la Convention, qui est conforme à la loi de l'Islam. Il a estimé que le combat contre l'ignorance, la pauvreté et l'exclusion est le moyen de parvenir à l'élimination de la discrimination.

Le rapport de la Mauritanie (CERD/C/330/Add.1) en date du 26 octobre 1998, réunit le rapport initial et les deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques. Il rappelle que depuis la promulgation de la Constitution du 20 juillet 1991, qui a rétabli les libertés fondamentales et instauré la démocratie pluraliste, les pouvoirs publics ont intensifié leurs efforts pour renforcer le cadre d'application des droits de l'homme par l'adéquation et la révision des différents codes et lois organiques. Ce processus s'est traduit par l'émergence de plusieurs structures nationales chargées des droits de l'homme. En 1998 a été mis en place un Commissariat chargé des droits de l'homme, de la lutte contre la pauvreté et de l'insertion. Le rapport fournit les données géographiques et démographiques de base de la Mauritanie, indiquant notamment que la population, estimée en 1996 à 2 350 000 habitants, est composée d'une majorité arabe, comprenant des Noirs et des Blancs, et des non-arabophones : Pulars, S
oninkés et Wolofs. Dans sa structure spirituelle, le peuple mauritanien est dit «exclusivement de religion musulmane». Concernant la lutte contre la pauvreté, le rapport indique que le gouvernement a adopté en 1994 une stratégie qui repose sur la promotion d'une croissance directe ancrée dans la sphère économique des pauvres, l'amélioration de leur accès aux services sociaux et l'adoption d'une démarche participative et de développement à la base.

Le rapport détaille la manière dont la Constitution mauritanienne intègre les dispositions de la Convention. Il indique notamment que le pays compte 20 journaux indépendants, 24 partis politiques et des dizaines d'associations et d'organisations non gouvernementales exerçant librement leurs activités. En outre, trois centrales syndicales se chargent de protéger les intérêts des travailleurs. Concernant l'accès aux services de santé, le rapport note qu'en dépit des progrès réalisés, la situation reste préoccupante au regard des indicateurs de mortalité infantile (118 pour mille) et de mortalité maternelle (940 pour 100 000 naissances vivantes). Bien qu'affirmant que la discrimination raciale n'a pas cours en Mauritanie, le rapport admet que les rapports sociaux liés aux traditions tribales classiques ainsi qu'à la stratification traditionnelle de la société en fonction des activités des catégories qui la composent, ont cependant généré parfois certaines manifestations qualifiées d'«anachroniques».


Examen du rapport de la Mauritanie

L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport de la Mauritanie, M.Régis de Gouttes, a pris acte avec satisfaction de l'engagement de la Mauritanie en faveur d'un dialogue fécond avec le Comité et s'est félicité de la qualité de la délégation. Il a cependant regretté que le rapport mette l'accent sur les informations générales et que le contenu ne soit pas assez centré sur la lutte contre la discrimination raciale et ethnique et la mise en oeuvre des dispositions spécifiques de la Convention. Les experts ont noté avec satisfaction que la Constitution mauritanienne indique que la Convention a une valeur supérieure à la loi interne. Ils ont en outre applaudi la création du Commissariat chargé des droits de l'homme, tout en regrettant le manque de précision sur son rôle, sa composition et ses premières réalisations. Cependant, de manière générale, les experts ont estimé que ce rapport est positif.

En ce qui concerne les informations fournies au titre de la composition de la population mauritanienne, le rapport ne mentionne pas clairement les phénomènes de tensions ethniques et culturelles qui subsistent dans le pays au détriment de certaines minorités ou groupes sociaux. En effet, selon le rapport du Département d'État des États-Unis relatif aux droits de l'homme pour 1998, les discriminations proviendraient du fossé culturel et géographique qui sépare les populations Maures, traditionnellement nomades et parlant arabe, les populations Peuhl au Nord et au Centre, et les cultivateurs sédentaires des groupes ethniques Halpulla, Soninké et Wolof. Selon le même rapport, il existerait des liens entre conflits ethniques et divisions politiques, que la délégation mauritanienne devrait expliquer.

Au titre des indicateurs socio-économiques, M.de Gouttes a noté que les données fournies ne permettent pas d'identifier les groupes ethniques ou sociaux les plus exposés à l'exclusion. De plus, le rapport reste trop discret sur l'un des problèmes les plus délicats de la société mauritanienne: la survivance de certaines formes traditionnelles d'esclavage. Il existe en effet des indices de survivance de l'esclavage par les populations arabes berbères au préjudice des populations africaines noires. La dénonciation publique de telles pratiques pourrait même ne pas être étrangère à l'arrestation, en février 1998, de plusieurs défenseurs des droits de l'homme et à la condamnation de quatre d'entre eux, parmi lesquels deux membres de l'organisation non gouvernementale «SOS-Esclaves», à l'emprisonnement, condamnation suivie d'une grâce présidentielle. Les experts ont donc demandé à la délégation mauritanienne des informations plus détaillées sur les programmes d'éradication de ces formes d'esclavage.

L'expert a également demandé des précisions sur le problème du retour des Mauritaniens noirs qui s'étaient réfugiés au Sénégal à la suite de graves troubles intercommunautaires ayant opposé éleveurs maures et agriculteurs noirs sur le fleuve Sénégal en 1989. Il semblerait qu'une partie des 5000 réfugiés n'aurait pas encore la possibilité de récupérer ses biens et pourrait rester définitivement au Sénégal. De même, l'expert s'est interrogé sur le problème du retour vers le Mali de nombreux réfugiés, qui a donné lieu à des affrontements entre Maliens et Mauritaniens, suite à des difficultés d'approvisionnement en eau pour le bétail.

M.de Gouttes a regretté qu'aucune information ne soit donnée sur l'application pratique, dans les faits, de la Constitution mauritanienne. De plus, les textes ne suffisent pas à répondre aux exigences beaucoup plus complètes de l'article 4 de la Convention concernant l'interdiction de la propagande raciste. Ils méritent d'être complétés car il est nécessaire que la loi proclame l'importance attachée par l'État au respect des valeurs de tolérance, d'entente inter-raciale et ethnique et à la lutte contre le racisme.

L'expert a pris acte avec satisfaction des développements spécifiques en matière de santé, des affaires sociales, d'habitat, de la protection de la jeunesse, les enfants des rues, qui rendent compte avec franchise d'indicateurs socio-économiques révélant les difficultés rencontrées par certaines couches défavorisées de la population. Il manque cependant des informations concernant les discriminations qui peuvent exister dans l'accès aux emplois tant dans le secteur public que privé. De même, la discrimination pouvant intervenir dans la redistribution des terres mérite des indications précises.

M.de Gouttes a estimé regrettable que le rapport ne contienne pas d'exemple pratique de plainte ou de jugement pour discrimination raciale ou ethnique, les tribunaux n'ayant jamais été saisis d'un cas de discrimination raciale, ni de statistique judiciaire en la matière. Une fois encore, l'absence de discrimination raciale n'existe dans aucun pays, et le Comité ne peut accepter une affirmation contraire.

Dans le domaine de l'éducation, le rapport ne met pas l'accent sur les disparités des taux de scolarisation entre groupes ethniques ou socio-culturels. M.de Gouttes a en outre évoqué les politiques d'arabisation menées en Mauritanie. Dans ce contexte, il serait intéressant d'obtenir des informations complémentaires sur l'utilisation des différentes langues. Il a en outre demandé quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour favoriser l'esprit de tolérance et d'entente entre les groupes raciaux ou ethniques et pour développer l'enseignement des droits de l'homme à l'intention des élèves et des étudiants, mais aussi pour les forces de l'ordre, les magistrats et les éducateurs. Il s'est également interrogé sur les mesures visant à diffuser les recommandations adoptées par le Comité. L'expert a estimé qu'il y a là un travail de pédagogie sociale qui ne peut être laissé à la seule charge de la société civile.

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