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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE L'INDONÉSIE

07 Mai 2008



Comité contre la torture
APRËS-MIDI

7 mai 2008


Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de l'Indonésie aux questions que lui avaient adressées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Dirigée par M. Rezlan Ishar Jenie, Directeur des affaires multilatérales au Ministère des affaires étrangères de l'Indonésie, la délégation a apporté des éclaircissements, en particulier, sur les questions relatives à l'application de la charia, aux conséquences de la politique de décentralisation, aux conditions de détention, au processus de vérité et de réconciliation, à la situation des personnes déplacées, au principe de non-refoulement et à la situation des droits de l'homme en Papouasie.

Des membres du Comité ont réitéré leur préoccupation s'agissant du nombre de mineurs détenus avec des adultes. Ils ont noté que la réforme du Code pénal relève l'âge de la responsabilité pénale de 8 à 12 ans mais estimé que le pays devrait encore relever cette limite. S'agissant des réponses apportées par la délégation indonésienne aux questions portant sur les mutilations génitales féminines, un membre du Comité a affirmé avec vigueur qu'il n'y a aucun aspect positif à la mutilation génitale féminine et que les interprétations fournies par la délégation vont à l'encontre des conceptions modernes des droits de la femme.


Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de l'Indonésie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 16 mai. Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de la Zambie (CAT/C/ZMB/2).


Réponses de la délégation de l'Indonésie

M. GUSTI WESAKA PUJA, Représentant permanent adjoint de l'Indonésie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que les différents membres de la délégation apporteraient des précisions aux questions des experts portant sur le cadre juridique, l'application de la charia, la décentralisation, la détention, le processus de vérité et réconciliation, les personnes déplacées, le principe de non-refoulement et des questions relatives à la situation en Papouasie.

La délégation indonésienne a indiqué que la législation n'établit pas de différenciation entre la police et les civils, s'agissant des auteurs d'actes de mauvais traitements. Elle a précisé que le délit de torture est couvert aujourd'hui par les dispositions légales relatives aux voies de faits et de coups et blessures ou d'abus physiques. La délégation a toutefois fait valoir que le projet de réforme reprend l'article premier de la Convention sur la torture et que le processus dans lequel s'inscrit cette réforme reflète la démocratisation progressive du système.

S'agissant des cas de torture supposés, la délégation a reconnu que les responsables ne sont pas toujours limogés. En 2007, 357 agents de police et 296 autres agents ont été limogés pour des actes contraires à la discipline, a-t-elle dit. Pour ce qui est des cas flagrants de violations des droits de l'homme, le Gouvernement, par le biais du Procureur de la République, a porté des chefs d'accusation contre les accusés, qui ont toutefois été acquittés par le Tribunal suprême. La délégation a toutefois attiré l'attention sur le cas d'un fonctionnaire qui a écopé de vingt ans de prison dans une affaire liée à de mauvais traitements.

La délégation de l'Indonésie a affirmé que l'impunité n'avait plus cours pour les membres des forces de l'ordre en cas d'actes criminels. Elle a aussi indiqué qu'une formation des responsables des centres de détention est prévue prochainement et le pays a pris des dispositions pour former les membres de la police. Un code de conduite vient par ailleurs d'être publié à l'intention des forces de police. Le Gouvernement a aussi établi un mécanisme de plaintes auquel peut s'adresser tout citoyen. Des unités spéciales ont aussi été créées afin d'enquêter sur les abus de la police.

La délégation s'est aussi exprimée sur la situation prévalant à Aceh, précisant que cette province bénéficie d'un régime spécial d'autonomie. Les cours et tribunaux islamiques de cette région sont pleinement compétents en ce qui concerne certains aspects de la loi, comme par exemple en ce qui a trait aux divorces. Dans la pratique, le kanun s'applique dans les cas non couverts par le droit islamique, notamment dans les domaines qui ont trait au jeu, ou encore à l'ivresse. La délégation a précisé que la peine maximale qui peut-être prononcée par un tribunal religieux est de trois mois.

La délégation a assuré que la liberté religieuse est protégée par la Constitution indonésienne. Il est toutefois dit que cette liberté peut être limitée par la loi. L'une des lois qui impose des restrictions concerne précisément la prévention des abus en matière religieuse, afin de maintenir l'ordre public. Le Gouvernement limite son rôle et n'intervient pas dans les doctrines religieuses. En ce qui concerne les attaques contre des membres de la secte Ahmadiyah, le représentant indonésien a indiqué que les coupables ont été jugés.

S'agissant de l'autonomie régionale, la délégation a déclaré que si les régions se voient confiées des responsabilités, de nombreuses décisions demeurent dans les mains du gouvernement central, comme ce qui a trait à la protection des enfants, la protection des travailleurs, des témoins et victimes et de la traite des êtres humains. Ainsi, dans la province du Kalimantan occidental en particulier, le Gouvernement a pris des mesures et édicté des réglementations pour la prévention et l'élimination de la traite des être humains, en particulier des femmes et des enfants.

Une nouvelle politique d'autonomie régionale est en fonction depuis 2001 pour améliorer la fourniture des services, y compris la protection des droits de l'homme de tous les Indonésiens, a encore affirmé la délégation. Les administrateurs régionaux sont élus directement par leurs électeurs et son en première ligne pour mener les politiques du Gouvernement en matière de droits de l'homme.

S'agissant du droit d'accès à un avocat, la délégation a déclaré que quiconque est détenu, y compris les étrangers, a le droit de demander de voir un avocat, un médecin, d'avertir sa famille et, le cas échéant, la représentation de son pays. Répondant aux questions sur les mécanismes de suivi, la délégation a dit qu'ils sont réglementés par le code de procédure pénale. Les «preuves de témoignage» signifient les preuves obtenues dans un tribunal et les preuves obtenues sous la contrainte sont irrecevables.

La délégation a admis qu'il n'y avait pas de registre central des détenus. Elle a encore expliqué que, faute d'infrastructure suffisante, certains détenus sont gardés dans les postes de police.

La délégation s'est exprimée sur les questions relatives à la Commission de vérité et de réconciliation, indiquant notamment que le Gouvernement a passé en revue les lois et les dispositions existantes pour remédier aux violations des droits de l'homme. La Commission a pour fonction de mener des enquêtes sur les violations passées et présentes, a dit la délégation.

En ce qui concerne la question des personnes déplacées, la délégation a indiqué que le Gouvernement a créé un Conseil national de gestion qui est chargé d'offrir une aide équitable aux victimes de catastrophes naturelles.

S'agissant des réfugiés et des demandeurs d'asile, la délégation a souligné que l'Indonésie a toujours été un pays de transit pour les réfugiés et les demandeurs d'asile. Elle a également indiqué que les cas d'extradition dépendent des tribunaux, mais les ministres de la justice et des affaires étrangères doivent confirmer ces décisions.


Complément d'examen

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Indonésie, a souligné le fossé qui sépare les dispositions juridiques et la pratique. Elle s'est dite particulièrement frappée de l'absence de condamnations d'auteurs d'actes de torture. Elle a cité deux exemples pour étayer son propos et demandé des explications à la délégation indonésienne. Le Comité n'a pas reçu d'informations s'agissant des préoccupations qui subsistent sur des cas de torture au Timor oriental. Elle a aussi souhaité obtenir une réponse sur la collaboration de l'Indonésie avec Interpol s'agissant d'un colonel en poste à Jayapura, la capitale de la province de Papouasie. Comment des personnes accusées de graves crimes de torture peuvent-elles rester en fonction et sont simplement mutées? Est-ce que l'État partie considère que cela est compatible avec la Convention?

En ce qui concerne les amnisties, la rapporteuse s'est réjouie de savoir que les amnisties ne sont plus conformes aux normes juridiques. Toutefois la Commission pour la vérité et la réconciliation a recommandé l'amnistie pour certains crimes graves.

Au sujet de la traite, Mme Gaer a déploré le manque d'information; quel est le budget alloué aux mesures d'enquête et à la diffusion d'informations contre la traite; y a-t-il obligation de faire rapport en la matière?

S'agissant des défenseurs des droits de l'homme, la rapporteuse a déclaré que le Comité ne pouvait se satisfaire des réponses apportées par l'Indonésie; elle a rappelé les allégations de contrainte grave et de harcèlement des défenseurs des droits de l'homme imputables à la police. L'experte a demandé l'assurance, s'agissant du nombre très important d'organisations non gouvernementales qui ont témoigné devant le Comité, qu'aucune d'entre elle ne subira aucun type de représailles.

Se référant aux observations du Rapporteur spécial contre la torture, la rapporteuse a souhaité savoir combien de plaintes ont été déposées pour des aveux arrachés par la force.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur pour l'examen du rapport de l'Indonésie, s'est étonné que toutes les personnes jugées pour des actes torture aient été acquittées, comment cela peut-il être considéré comme compatible avec la Convention? Il a par ailleurs souhaité savoir si le mémorandum d'accord signé par l'Indonésie et les États-Unis était en vigueur.

M. Grossman a aussi voulu savoir quelles sont les circonstances dans lesquelles l'État partie impose des périodes de détention préventive de 61 jours.


Un expert a réitéré sa préoccupation s'agissant du nombre de mineurs détenus avec des adultes. Plusieurs experts ont aussi déploré que la réforme du Code pénal ne relève l'âge pénal que de 8 ans à seulement 12 ans.

S'agissant des réponses apportées par la délégation sur les mutilations génitales féminines, une experte a affirmé qu'il n'y a aucun aspect positif à la mutilation génitale féminine et que les interprétations fournies par la délégation vont à l'encontre des conceptions modernes des droits de la femme.

Répondant à des questions portant sur la violence domestique, la délégation de l'Indonésie a dit qu'une nouvelle loi avait été promulguée et qu'elle a déjà donné quelques résultats positifs et modifié l'attitude des juges dans les tribunaux islamiques.

La délégation a par ailleurs déclaré que les procédures de plainte au niveau local ont été renforcées. S'agissant de la non-reconnaissance, par l'Indonésie, de la compétence du Comité pour recevoir des plaintes de particuliers contre l'Indonésie, la délégation a expliqué que la position de l'Indonésie est qu'il revient aux pays de renforcer l'efficacité de la procédure de plainte au travers de leur juridiction.

Au sujet de l'institution de l'ombudsman, la délégation indonésienne a expliqué que sa mission consiste à exercer une surveillance sur les mesures prises par l'État en matière de services publics, conformément aux principes de la bonne gouvernance. L'ombudsman a la possibilité d'effectuer des visites de centres de détention dans plusieurs villes d'Indonésie. Il a, notamment, préconisé la séparation entre mineurs et adultes dans les prisons. Mais il comprend les problèmes auxquels est confronté l'État pour construire de nouveaux centres de détention, a souligné la délégation. Depuis 2006, plus de 2900 mineurs sont détenus dans des centres avec les adultes, mais dans des cellules séparées, a-t-elle précisé. La délégation a reconnu qu'une solution doit être trouvée à ce problème afin de protéger réellement les droits de l'enfant.

En ce qui concerne la situation en Papouasie, la délégation a déclaré en particulier que la situation actuelle ne correspond pas à ce qui a été constaté par le Rapporteur spécial sur la question de la torture au cours de sa visite. Il a affirmé que le gouvernement local s'occupe de la protection des droits de l'homme et que les agents des forces de l'ordre qui commettent des violations sont poursuivis.

La protection des enfants en Indonésie est une grande préoccupation pour le Gouvernement, a assuré la délégation. Il a ainsi adopté un décret afin de séparer les détenus mineurs des adultes, et les hommes des femmes. Il a récemment entamé la construction de 60 centres de détention pour mineurs. La réforme du code pénal prévoit, par ailleurs, de relever l'âge pénal de 8 à 12 ans. Une Commission de protection de l'enfant a aussi été créée en tant qu'organe de surveillance indépendant. Plusieurs lois ont aussi été promulguées pour prévenir et lutter contre l'exploitation sexuelle et commerciale des femmes et des enfants. En association avec l'Organisation internationale du travail, le Gouvernement a établi des programmes pour réduire le nombre d'enfants qui travaillent comme domestiques. Pour ce qui est du certificat de naissance, la délégation a déclaré que c'est l'État qui s'acquitte de cette responsabilité d'établir les certificats de naissance et que ceux-ci sont gratuits. Un programme est en cours qui vise à remplir totalement l'objectif d'enregistrement de toutes les naissances, y compris dans les zones de conflit.

La délégation a mentionné des éléments nouveaux mis en place pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes, citant notamment une campagne de sensibilisation par le biais de la radio et de la télévision, d'efforts déployés faits dans la prise en charge des victimes, la promulgation de directives aux hôpitaux et centres de santé, la formation du personnel médical et des services sociaux. La délégation, évoquant le chiffre de 78 plaintes déposées pour violences à l'égard des femmes, a estimé que l'accroissement du nombre montre un progrès en matière d'information à la population.

En ce qui concerne les enfants des rues, la délégation indonésienne a souligné qu'il fallait faire la distinction entre les enfants nés dans la rue et les enfants qui s'y trouvent en raison de conditions économiques défavorables. La délégation a dit que le Gouvernement est conscient qu'il doit améliorer ses services pour protéger ce groupe de la population.

S'agissant des mutilations génitales féminines, l'Indonésie a fait remarquer que cette pratique est rituelle et symbolique et n'inflige pas de grandes souffrances car il y a des praticiens traditionnels qui s'en chargent. Cette pratique est tout à fait différente des excisions pratiquées dans d'autres parties du monde, a affirmé la délégation. Les informations indiquant que 97% des fillettes indonésiennes subissent une mutilation du clitoris sont, à cet égard, erronées; ces pratiques sont strictement rituelles, a assuré la délégation. Une campagne est néanmoins actuellement en cours pour informer la population que cette pratique n'est pas obligatoire en regard de la religion. Une déléguée indonésienne a témoigné qu'elle était très heureuse d'avoir subi une excision car elle avait reçu beaucoup de cadeaux.

La délégation indonésienne a souligné que l'Indonésie était déterminée à appliquer la stratégie mondiale contre la traite des personnes. L'Indonésie a notamment mis en place des mesures visant à protéger les travailleurs indonésiens à l'étranger.

Répondant à des questions complémentaires posées par les experts, la délégation a confirmé qu'aucune preuve obtenue par la torture ne peut être considérée comme valable.

Par ailleurs, la délégation a précisé chaque loi régionale doit se fonder sur une dizaine de critères établis par le législateur central. Le Ministère de l'intérieur est responsable de vérifier la conformité de ces lois avec la loi nationale.

En réponse à une autre question, la délégation a précisé que les recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation en matière d'amnistie ne sont pas considérées comme contraignantes par la Cour suprême et a assuré que ces dispositions seront abolies.

La délégation a reconnu que la mutilation génitale ne présente pas d'avantages et a réitéré que cette information sera largement diffusée auprès de la population, rappelant toutefois que cette pratique relève d'une tradition.

En conclusion, le chef de la délégation, M. REZLAN ISHAR JENIE, Directeur des affaires multilatérales au Ministère des affaires étrangères, a déclaré que l'Indonésie a réalisé d'importants progrès dans les domaines économiques et de la décentralisation. Il a aussi assuré le Comité de la ferme volonté de l'Indonésie de progresser dans les domaines des droits de l'homme et du processus de démocratisation.

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