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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE L'ARABIE SAOUDITE

08 Mai 2002



CAT
28ème session
8 mai 2002
Matin



La délégation saoudienne indique
que l'application de la charia islamique
«est une question que nous refusons totalement de discuter»



Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de l'Arabie saoudite sur les mesures qu'elle a prises pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, entrée en vigueur dans ce pays en 1997.
Présentant ce rapport, M. Abdulwahab A.Attar, Représentant permanent de l'Arabie saoudite auprès des Nations Unies à Genève, a tenu à souligner que, «en ce qui concerne l'application de la charia islamique, que certains organes ont tenté de manière inacceptable de dénigrer, il s'agit d'une question que nous refusons totalement de discuter», a déclaré M. Attar avant de souligner qu'un État islamique a l'obligation d'appliquer les préceptes de l'islam, ses autorités n'ayant pas le droit de rendre inopérante une règle basée sur la charia ni de promulguer une loi qui entrerait en conflit avec une disposition de la charia. M. Attar a par ailleurs indiqué que l'Arabie saoudite a adressé une invitation au Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats afin qu'il effectue une visite dans le pays au mois d'octobre prochain.
La délégation saoudienne est également composée de représentants des Ministère de l'intérieur, de l'éducation supérieure, de la santé, de la justice et du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de représentants du Conseil des doléances, de l'Académie de police, du Département des enquêtes et poursuites publiques du Département de sécurité publique, et du Bureau de contrôle et d'enquête.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arabie saoudite, M. Peter Thomas Burns, a affirmé que le rapport initial de l'Arabie saoudite est le rapport le plus difficile qui lui ait jamais été donné d'examiner. «En lisant ce rapport, j'ai eu le sentiment que nous ne parlions pas la même langue», a déclaré M. Burns. Notant que l'Arabie saoudite accorde une très grande valeur aux aveux en tant que preuve de culpabilité, il a souligné qu'une pression importante pèse sur les officiers de police pour obtenir des aveux au cours des interrogatoires. M. Burns a relevé que la charia prévoit, pour certains crimes et délits, la flagellation, l'amputation et l'exécution par lapidation. Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport saoudien, M. Alexander Yakovlev, a fait observer qu'une majorité des gouvernements de la Conférence islamique n'appliquent pas les châtiments corporels dans le cadre de leur juridiction car ils ne souhaitent pas se mettre en marge du droit international qui interdit clairement de tels châtiments
Le Comité entendra vendredi matin, à 10h30, les réponses de la délégation saoudienne aux questions qui lui ont été posées par les experts.
Cet après-midi, à 15 heures, il présentera ses conclusions et recommandations concernant le rapport de l'Ouzbékistan. Il entendra ensuite les réponses de la délégation luxembourgeoise aux questions qui lui ont été adressées hier matin par les experts.

Présentation du rapport de l'Arabie saoudite
Présentant le rapport de son pays, M. ABDULWAHAB A.ATTAR, Représentant permanent de l'Arabie saoudite auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré, que sans prétendre être infaillible, l'Arabie saoudite est déterminée à respecter ses obligations et à remédier à toute insuffisance susceptible d'entraver la pleine et entière mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture. Après avoir déclaré que les dispositions de la Convention sont compatibles avec les objectifs de la charia islamique, M Attar a souligné que la définition de la torture énoncée dans la Convention est compatible avec le concept de torture tel que défini dans la charia islamique, lequel couvre tout acte entraînant des souffrances physiques ou mentales au corps ou à l'esprit d'une personne. M. Attar a par ailleurs rappelé qu'une commission permanente chargée d'enquêter sur les allégations de torture a été instituée le 9 juin 1999.
Depuis la préparation du rapport initial de l'Arabie saoudite, trois codes intéressant directement la Convention ont été promulgués, a par ailleurs indiqué le Représentant permanent saoudien : il s'agit du Code de procédure civile; du Code de procédure pénale; et du Code de pratique des avocats. M. Attar a précisé que le Code de procédure pénale contient des garanties globales protégeant les droits des citoyens et des résidents étrangers, notamment en les protégeant contre toute souffrance physique ou mentale ou contre tout acte de torture ou de traitement dégradant. Ce code confirme en outre le droit de tout accusé de disposer des services d'un avocat ou d'un conseiller juridique pour le défendre à tous les stades de l'enquête et du procès.
M. Attar a par ailleurs indiqué que l'Arabie saoudite est disposée à coopérer avec tous les mécanismes des droits de l'homme, comme en témoigne l'invitation que le pays a adressée au Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats afin qu'il effectue une visite dans le pays au mois d'octobre prochain.
«En ce qui concerne l'application de la charia islamique, que certains organes ont tenté de manière inacceptable de dénigrer, il s'agit d'une question que nous refusons totalement de discuter», a déclaré le Représentant permanent de l'Arabie saoudite. Le pays fait partie des nombreux États islamiques qui ont accédé à la Convention étant entendu que rien dans cet instrument ne pouvait être interprété comme portant préjudice aux dispositions de la charia islamique. Un État islamique a l'obligation d'appliquer les préceptes de l'islam, et ses autorités, quelle que soit l'étendue de leur pouvoir, n'ont pas le droit de rendre inopérante une règle basée sur la charia ni de promulguer une loi qui entrerait en conflit avec une disposition de la charia.
Le rapport initial de l'Arabie saoudite (CAT/C/42/Add.2) souligne que les textes législatifs du Royaume, qui sont issus de la charia, interdisent toutes les formes de torture. Les règlements, traités, conventions et privilèges sont promulgués et modifiés par décret royal». Ayant été ratifiée par décret royal, la Convention contre la torture fait partie de la législation nationale; en conséquence, ses dispositions peuvent être invoquées devant les tribunaux et autres instances judiciaires et devant les autorités administratives du Pays . Au nombre des recours dont disposent les victimes présumées d'actes de torture, le rapport cite le majlis (salle d'audience) du Roi et celui du Prince héritier, qui peuvent être saisis par quiconque s'estime lésé et souhaite porter plainte; les instances judiciaires; le Conseil des doléances; ainsi que les gouverneurs provinciaux.
Le rapport précise qu'une procédure d’enquête prompte et impartiale est garantie par les règles du Royaume relatives à la procédure pénale, et dans le règlement concernant l’arrestation et la détention provisoire, dont l’article 3 stipule que «L’autorité compétente ouvre une enquête dès l’arrestation. Dans tous les cas, la personne arrêtée est interrogée et toute déclaration qu’elle souhaite faire dans le cadre de sa défense est entendue et consignée dans un rapport officiel, et ce dans les 24 heures qui suivent l’arrestation».
En ce qui concerne l'article premier de la Convention, qui porte sur la définition de la torture, le rapport souligne que les actes interdits constitutifs de la torture décrits dans cet article sont qualifiés d'infractions pénales dans la charia et dans les textes législatifs adoptés en vertu de celle-ci.

Examen du rapport de l'Arabie saoudite
M. Peter Thomas Burns, Président du Comité et rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arabie saoudite, a affirmé que le rapport initial de l'Arabie saoudite est le rapport le plus difficile qui lui ait jamais été donné d'examiner. «En lisant ce rapport, j'ai eu le sentiment que nous ne parlions pas la même langue», a déclaré M. Burns a l'intention de la délégation, tout en soulignant que le Comité s'efforce de promouvoir le dialogue avec ses interlocuteurs.
M. Burns s'est enquis des motifs qui peuvent être invoqués pour procéder à une arrestation en Arabie saoudite. Toutes les arrestations dans le pays sont-elles des arrestations sommaires et n'est-il pas nécessaire de disposer d'un mandat d'arrêt pour procéder à une arrestation, a souhaité savoir l'expert? Quelles sont les règles concernant l'intervention de la police religieuse, a-t-il également demandé? M. Burns a attiré l'attention sur les nombreuses informations qui font état de personnes détenues au secret qui ne peuvent avoir accès à leurs proches ni à un médecin de leur choix. Il semble que l'on puisse avoir accès à un avocat avant le procès mais pas pendant le procès, s'est par ailleurs inquiété l'expert. En outre, peu de personnes traduites en justice semblent avoir les moyens de payer les services d'un avocat, a-t-il ajouté.
M. Burns a par ailleurs fait observer que l'Arabie saoudite est l'un des pays qui accorde une très grande valeur aux aveux en tant que preuve de culpabilité. Dans un tel contexte, des pressions énormes pèsent sur les officiers de police pour obtenir des aveux au cours des interrogatoires, a souligné l'expert. Ceci ne serait pas très inquiétant si les procédures et périodes d'interrogatoire étaient soumises à un contrôle réel, a poursuivi M. Burns. Il a ajouté que, durant le procès, le juge n'a plus compétence pour contester des aveux. M. Burns s'est également enquis de la situation des membres des minorités, notamment des Arabes chiites, qui seraient maltraités durant leur détention préventive. L'expert s'est par ailleurs enquis des délais applicables en matière de détention préventive.
M. Burns s'est en outre enquis des conditions de détention eu égard à la piètre qualité de certains locaux de détention.
M. Burns a relevé que la charia, dont l'application est obligatoire dans le pays, prévoit pour certains crimes et délits un certain nombre de sanctions parmi lesquelles on compte la flagellation, l'amputation et l'exécution par lapidation.
M. Burns s'est par ailleurs enquis de la situation des chrétiens éthiopiens et plus particulièrement des régimes juridiques qui leur sont appliqués.
Le rapporteur s'est en outre étonné que l'Arabie saoudite accorde parfois asile à des personnes qui se sont livrées à des actes de torture dans les pays dont elles sont ressortissantes.
Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport saoudien, M. Alexander Yakovlev, a souligné que certains lieux de détention à travers le pays (y compris dans les commissariats de police) sont surpeuplés et ne disposent pas de l'air conditionné. Il arrive en outre que les détenus soient placés au secret pendant une période de temps indéterminée, s'est également inquiété l'expert. M. Yakovlev a relevé que pour l'Arabie saoudite, la flagellation n'est pas considérée comme une torture du fait qu'elle est prévue par la charia et appliquée conformément à la charia. Pourtant l'application de telles sanctions ne saurait être justifiée par le simple fait qu'elle est reconnue dans les règles administratives ou légales d'un pays donné alors que toutes les normes internationales relatives aux droits de l'homme l'interdisent. À cet égard, M. Yakovlev a fait observer qu'une majorité des gouvernements de la Conférence islamique n'appliquent pas les châtiments corporels dans le cadre de leur juridiction car ils ne souhaitent pas se mettre en marge du droit international qui interdit clairement de tels châtiments.
Un autre membre du Comité s'est enquis du nombre de cas de flagellation et d'amputation enregistré dans le pays au cours de l'année écoulée ainsi que du nombre de décès éventuellement causés par de tels châtiments.
Un autre expert a souhaité savoir si l'ancien président de l'Ouganda, Amin Dada, accusé d'avoir perpétré de nombreuses tortures et violations des droits de l'homme dans son pays, bénéficiait de l'asile politique en Arabie saoudite.



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