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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU NICARAGUA

30 Avril 2009

Comité contre la torture
30 avril 2009


Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Nicaragua sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport, M. Carlos Robelo Raffone, Représentant permanent du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève, a souligné l'état de pauvreté et parfois de pauvreté extrême du pays, ajoutant qu'un peuple souffrant de la pauvreté est victime de la violation la plus grave des droits de l'homme. C'est pourquoi la politique nationale vise à restituer à chacun les droits qu'il s'est vu déniés par le passé. Informant le Comité des nouvelles mesures juridiques et administratives récemment mises en place par l'État, le chef de la délégation nicaraguayenne a notamment mentionné le nouveau Code pénal qui définit la torture conformément aux dispositions de la Convention, l'instauration d'un nouveau système de procédures pénales, et la promulgation, en 2003, d'une loi sur le système pénitentiaire. Afin de contrôler la bonne mise en œuvre de ces dispositions, un Procureur spécial des prisons a été nommé en 2006. M. Robelo Raffone a également instruit le Comité du fonctionnement de la Police nationale, dont il a souligné le professionnalisme.

La délégation du Nicaragua était également composée de Mme María Elsa Frixione Ocón, Procureur adjoint et coordonnatrice de l'Unité de suivi des traités internationaux, de M. Juan Báez, Inspecteur général de la Police nationale, et de représentants de la Mission du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève

Tout en se félicitant de la ratification par le Nicaragua du Protocole facultatif sur la prévention de la torture et de l'adoption récente d'une loi pour la protection des réfugiés, le Comité a regretté l'absence d'exemples concrets et de données chiffrées étayant les informations présentées par le Nicaragua. Les questions des experts ont porté, en particulier, sur le traitement des migrants, sur la formation aux droits de l'homme des policiers et du personnel carcéral et sur les conditions de détention. Une experte s'est inquiétée de la situation de détenus qui n'entretiendraient aucun contact avec le monde extérieur et dont la situation judiciaire semblerait être laissée en suspens. Les experts ont, par ailleurs, exprimé leur préoccupation à l'égard des violences commises contre les femmes et les enfants, en particulier dans le cadre de la famille, et ont déploré une situation d'impunité et une méconnaissance des droits des femmes par les fonctionnaires concernés par cette problématique. L'incrimination de l'avortement - y compris l'avortement thérapeutique - par la Constitution nicaraguayenne a été relevée par plusieurs experts comme étant contraire aux droits de l'homme et aux dispositions de plusieurs traités et conventions auxquels le Nicaragua est partie.


Le Comité entendra demain, à 10 heures, les réponses de la délégation nicaraguayenne aux questions des experts. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation tchadienne, dont le rapport a été présenté hier.


Présentation du rapport du Nicaragua

M. CARLOS ROBELO RAFFONE, Représentant permanent de la République du Nicaragua auprès des Nations Unies, a indiqué que le Gouvernement d'unité nationale, entré en fonction en janvier 2007, s'est assigné comme première mission la présentation des rapports dus en vertu des obligations internationales du Nicaragua. À cet effet, il a été nécessaire de mettre sur pied une Unité de suivi des traités internationaux, composée de représentant des pouvoirs publics et de la société civile, afin de garantir l'institutionnalisation de ce processus, a déclaré l'ambassadeur.

Le représentant du Nicaragua a demandé au Comité de tenir compte, dans le cadre de cet examen, de l'état de pauvreté et parfois de pauvreté extrême du pays. Un peuple souffrant de la pauvreté est victime de la violation la plus grave des droits de l'homme, a-t-il déclaré, c'est pourquoi la politique nationale vise à restituer à chacun les droits qu'il s'est vu déniés par le passé.

La modernisation de l'État et la consolidation de son système démocratique exigent des changements institutionnels profonds et continus, a poursuivi le chef de la délégation. La Constitution assure le strict respect des droits fondamentaux, a-t-il dit, et le nouveau Code pénal définit la torture conformément aux dispositions de la Convention. Dans le cadre de cette modernisation, a-t-il ajouté, l'État a instauré un nouveau système de procédures pénales qui passe d'un système inquisiteur à un système accusatoire. En 2003, le Gouvernement a élaboré une nouvelle loi sur le système pénitentiaire qui énonce que ce système repose sur le respect des droits de l'homme et de la dignité humaine. Afin de contrôler la bonne mise en œuvre de ces dispositions, un Procureur spécial des prisons a été nommé en 2006. En vertu de la loi sur la Police nationale, un Inspecteur général est chargé de surveiller l'obligation de respect des droits de l'homme par les fonctionnaires de police. La Police nationale, a précisé M. Robelo Raffone, est un corps armé de caractère civil et soumis à l'autorité civile. La police nicaraguayenne, a ajouté le chef de délégation, citant le témoignage d'un représentant norvégien au Nicaragua, est reconnue pour son professionnalisme.

L'État nicaraguayen veille, par ailleurs, à ce que les fonctionnaires chargés de l'application des lois soient formés et informés des dispositions relatives aux droits de l'homme, et cela malgré le peu de moyens dont dispose le pays pour assurer la promotion des droits de l'homme. Par ailleurs l'institut de médecine légale est sensibilisé aux droits de l'homme, de même que les médecins pénitentiaires, a affirmé le représentant du Nicaragua.

Le représentant nicaraguayen a aussi informé le Comité qu'aucune autorité compétente ne peut refuser d'enquêter sur la base d'une plainte. Dans le cadre de la Police nationale, les dénonciations à l'encontre de policiers relèvent de la division des affaires internes, a-t-il expliqué.

Le rapport initial du Nicaragua (CAT/C/NIC/1) indique que, sur le plan législatif, d'importantes modifications ont été apportées au régime de protection des droits de l'homme, tant dans la Constitution que dans la législation secondaire. Le Code pénal nicaraguayen, vieux de plus de cent ans, ne définit pas la torture comme une infraction distincte, mais elle est poursuivie sous les qualifications de coups et blessures et d'abus d'autorité. Toutefois, l'Assemblée nationale examine actuellement un nouveau projet de code pénal dans lequel l'infraction de torture est définie conformément aux éléments énoncés dans la Convention. En outre, l'article 36 de la Constitution du Nicaragua dispose que toute personne a droit au respect de son intégrité physique, psychologique et morale; que nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants; et que la violation de ce droit constitue un crime qui est puni par la loi. Le rapport indique par ailleurs que le Code de procédure pénale comporte des garanties visant à protéger la personne en état d'arrestation et à faire en sorte qu'elle soit traitée avec humanité. Le 23 janvier 2006, le Conseiller aux droits de l'homme a établi officiellement en fonction la Conseillère spéciale chargée des prisons, à travers laquelle il peut désormais surveiller le traitement des personnes privées de liberté, qu'il s'agisse de personnes gardées à vue, donc sous la responsabilité de la Police nationale; de personnes qui ont été jugées et condamnées, auquel cas elles relèvent du système pénitentiaire national; ou de migrants en situation irrégulière retenus dans des centres administrés par la Direction générale des migrations et des étrangers. Les procédures d'arrestation et de détention sont définies dans la loi no 228 relative à la Police nationale. Aux termes de cette loi, il incombe à l'Inspecteur général de garantir le respect absolu des droits de l'homme. Celui-ci doit également collaborer avec les organisations de défense des droits de l'homme, aussi bien nationales qu'internationales. Le rapport reconnaît que le Nicaragua est confronté à une problématique générale de surpopulation carcérale.

Le rapport note que d'une manière générale, les règles et mesures destinées à empêcher la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants semblent être efficaces puisqu'on n'a recensé que quelques cas isolés de mauvais traitements physiques ou psychologiques de détenus ou d'actes portant atteinte à leur dignité perpétrés par des membres du personnel de surveillance, de rééducation ou de sécurité des lieux de détention, lesquels ont été dûment sanctionnés. Conformément à ses obligations internationales en matière de détention, notamment celle de garantir le droit de chacun au respect de son intégrité, le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale, soucieux d'interdire et de prévenir la torture, a adhéré, le 14 mars 2007, au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. S'agissant du traitement des migrants et des procédures d'extradition, le rapport affirme que, conformément aux instruments internationaux ratifiés par le Nicaragua, un ressortissant étranger ne peut être extradé que si le pays requérant respecte les conditions imposées par l'État nicaraguayen ? qui peuvent être notamment que la personne réclamée ne soit pas soumise à la torture ni à des traitements cruels ou dégradants ? et s'il garantit que l'intéressé ne sera jugé que pour les faits exposés dans la demande formelle d'extradition. Une des principales préoccupations du Haut Commissariat pour les réfugiés au Nicaragua a trait à l'absence de loi en vigueur relative aux réfugiés. Cette situation est due au remplacement de l'Institut nicaraguayen de la sécurité sociale et du bien-être par l'Institut nicaraguayen de sécurité sociale, qui a eu lieu au début des années 90 après une série de remaniements institutionnels. Un projet de loi est néanmoins en cours qui tient compte des tout derniers développements dans le domaine des réfugiés, reprend les dispositions de plusieurs traités et conventions et cite la Déclaration de Carthagène.

En conclusion, le rapport dit que l'État nicaraguayen a entrepris des changements considérables pour éliminer toutes les formes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que pour améliorer la mise en application de la Convention. Cependant, des mesures autres que législatives sont également nécessaires, car la législation existante ne suffit pas à empêcher de tels actes. Nombre de plaintes émanant de la population et d'organismes de défense des droits de l'homme continuent de dénoncer les abus d'autorité et la lenteur de la justice; or, ces facteurs peuvent favoriser des pratiques contraires au respect des droits de l'homme, ce qui pourrait compromettre les progrès obtenus avec tant d'efforts. Le Nicaragua, avec le présent rapport, réaffirme sa volonté de remplir totalement les engagements qu'il a pris en devenant partie à la Convention.


Questions et observations des membres du Comité

MME NORA SVEAASS, Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Nicaragua, s'est félicitée de la ratification par le Nicaragua, en 2007, du Protocole facultatif sur la prévention de la torture. Elle a aussi salué l'adoption en 2008, par l'Assemblée nationale, d'une loi pour la protection des réfugiés, ainsi que la ratification de la loi sur le système pénitentiaire de 2003.

La rapporteuse a néanmoins regretté l'absence de données chiffrées pour étayer les informations présentées par le Nicaragua. Elle a par ailleurs souhaité savoir pourquoi il a fallu de tant de temps au pays pour ratifier la Convention après sa signature. Mme Sveaass a aussi souhaité en savoir plus sur le fonctionnement de l'Unité de suivi des traités internationaux et connaître plus précisément les mesures prises par le Gouvernement pour désigner et mettre en place un mécanisme de prévention en consultation avec la société civile.

L'experte a relevé que l'incrimination de la torture était bien inscrite au nouveau Code pénal, mais que sa définition n'était pas conforme à la Convention.

S'agissant des droits des personnes détenues, la rapporteuse a souhaité savoir si la loi nicaraguayenne prévoyait l'accès à une assistance médicale dès le moment de la détention. Selon le rapport de l'État partie, le nombre d'avocats commis d'office est de 79; vu le grand nombre de personnes qui ne peuvent payer les services d'un homme de loi, quelles sont les conséquences qui en résultent. Citant l'article 196 C de la Constitution nicaraguayenne, elle a noté que cette disposition semble constituer une exception au principe d'obéissance due lorsqu'un fonctionnaire reçoit l'ordre de torturer quelqu'un. L'experte a souhaité, par ailleurs, savoir combien de demandes de visites dans les lieux de détention les juges ont reçues et quelle est la procédure à suivre lorsque ceux-ci reçoivent des plaintes de torture, y compris des plaintes déposées par des immigrés.

La rapporteuse souhaiterait disposer de davantage de chiffres, notamment en ce qui concerne les immigrants, car les organisations non gouvernementales ont rapporté des cas de détentions prolongées d'immigrants. L'État partie admet des violations faute de moyens, dans le domaine de la détention; que compte-t-il faire pour pallier ce problème. Elle a encore demandé au Nicaragua de fournir des informations sur la durée des peines en vertu du nouveau Code pénal.

Abordant la question de la violence contre les femmes et les enfants Mme Sveaass a témoigné de ses propres constatations et observations lors de son séjour au Nicaragua. En 2006, 30 000 crimes ont été commis contre les femmes, a relevé Mme Sveaass, demandant à l'État partie s'il disposait de chiffres récents et ce qu'il avait entrepris pour diminuer la violence. Il y a très peu de refuges et de lieux d'accueil pour les femmes, a-t-elle relevé. Le nombre d'assassinats de femmes est énorme, comme en témoignent de nombreux rapports d'organisations non gouvernementales, a-t-elle ajouté. Elle a indiqué que les problèmes relatifs à la violence contre les femmes contrastent avec le fait que la problématique semble être abordée de manière très ouverte dans la société.

Mme Sveaass a évoqué ensuite l'interdiction absolue de l'avortement, y compris l'avortement thérapeutique, institué par la loi. L'incrimination de l'avortement met les travailleurs du système médical en mauvaise posture puisque le personnel médical est obligé de contrevenir au droit international et même au bon sens, a-t-elle fait valoir, demandant instamment à l'État partie d'abroger les articles de loi concernés. Elle a rappelé que le Comité pour les droits économiques, sociaux et culturels, de même que de nombreuses organisations internationales, ont mis en cause le Nicaragua du fait de la promulgation de cette loi qui va à l'encontre des droits fondamentaux des femmes. Plusieurs défenseurs des droits de l'homme défendant le droit à avorter ont été menacés, a par ailleurs indiqué l'experte.

Pour ce qui est des disparitions forcées, l'experte a fait état d'allégations d'affaires non résolues. Il y a également un rapport sur les personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques, a-t-elle indiqué, demandant quelle est la possibilité pour ces personnes de recourir contre les traitements non souhaités.

L'experte a encore questionné la délégation sur des problématiques relatives à l'immigration et à l'extradition. Que fait le Nicaragua pour prévenir le refoulement d'immigrés vers des pays où ils risquent la torture?

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, corapporteur pour le rapport du Nicaragua, citant les informations mentionnées par le Nicaragua sur la sensibilisation des fonctionnaires de police et des médecins aux droits de l'homme et à l'interdiction de la torture, a exprimé le sentiment qu'il n'existe pas d'information spécifique sur les mauvais traitements à l'égard des femmes. Il n'y a pas suffisamment de fonctionnaires qui sont formés pour faire face aux délits d'assassinats de femmes et de violences sexuelles, particulièrement dans le cadre familial, a ajouté l'expert.

M. Gallegos Chiriboga a également souligné la nécessité d'assurer une formation aux droits de l'homme aux personnes travaillant en relation avec les enfants et adolescents.

Quels sont les résultats des enquêtes menées sur les cas de disparitions forcées, a encore souhaité savoir le corapporteur. La base fondamentale pour prévenir la torture est la lutte contre l'impunité, a insisté l'expert.

Le Comité a reçu des informations selon lesquelles l'autorité policière est souvent dénoncée pour des violations des droits de l'homme et un usage disproportionné de la violence, en particulier pendant la détention préventive. 200 policiers ont été sanctionnés pour des cas de violence, a noté le Comité, demandant combien d'affaires impliquant des actes de torture ont été traduites en justice.

S'agissant des mesures d'indemnisations et de réhabilitation. Le corapporteur a souhaité savoir si ces mesures sont également disponibles pour les migrants et les étrangers. Il a aussi sollicité une description détaillée des programmes de réhabilitation qui existent au niveau national. Quels sont les critères utilisés pour déterminer le montant des indemnisations?

Le rapport de l'État partie reconnaît qu'un certain nombre de problèmes observés dans les lieux de détention est dû au manque de ressources et à un personnel démotivé du fait des bas salaires. Quelles mesures l'État partie a-t-il adoptées pour trouver une solution à ce problème, depuis la rédaction du rapport, en 2006?

Le corapporteur a aussi exprimé sa préoccupation à l'égard du harcèlement et des menaces proférées à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme et en particulier contre les militants pour l'avortement. Y a-t-il une définition spécifique, dans la loi, de la traite des femmes et des enfants, a encore souhaité savoir le corapporteur. Il a par ailleurs exprimé des préoccupations s'agissant de l'application de la justice au Nicaragua.

D'autres experts ont également posé des questions à la délégation du Nicaragua sur problème de la gestion du pluralisme ethnique, sur le respect du délai de détention préventive, sur les migrants en situation illégale, sur l'accès à tous les lieux de détention par l'organe de surveillance des droits de l'homme, sur la reconnaissance des compétences du Comité pour ce qui du traitement des plaintes individuelles. Une experte, citant le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les détentions arbitraires, a mentionné l'existence d'une catégorie de détenus nommés «les laissés pour compte» qui n'entretiennent aucun contact avec le monde extérieur et dont la situation semble en suspens depuis longtemps.


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