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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DU NICARAGUA

01 Mai 2009

Comité contre la torture
1 mai 2009

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Nicaragua aux questions qui lui ont été adressées hier après-midi par les membres du Comité s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation du Nicaragua, dirigée par l'ambassadeur Carlos Robelo Raffone, a d'emblée souligné le manque de moyens dont dispose le pays, l'un des plus pauvres de la planète. S'agissant de la définition juridique de la torture, la délégation a reconnu qu'en vertu du droit interne, le «sujet actif» d'un tel acte peut désigner toute personne et non seulement des fonctionnaires de l'État, pour lesquels des circonstances aggravantes sont toutefois prévues. La délégation a encore apporté des précisions au Comité s'agissant du fonctionnement du système pénitentiaire, de la formation des fonctionnaires représentant l'autorité, de la prévention de la violence contre les femmes. Un important effort de sensibilisation a été accompli pour influer sur les comportements sexistes et machistes et pour faciliter l'accès des femmes à la justice, a déclaré la délégation. Répondant à une question sur l'interdiction de l'avortement, la délégation a affirmé que ce n'était pas l'influence religieuse qui avait motivé la loi, mais le respect de la volonté de la majorité qui, au Nicaragua, est favorable à la criminalisation de l'avortement; la loi établit que l'avortement ne peut être utilisé comme moyen de planification familiale, a précisé la délégation.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Nicaragua, Mme Nora Sveaass a exprimé son appréciation pour les informations fournies par la délégation en ce qui concerne, notamment, la situation qui prévaut dans les établissements pénitentiaires. Revenant sur la question de l'avortement, Mme Sveaass a déclaré qu'il existait une marge entre l'accès trop facile à l'avortement et l'interdiction absolue de cette pratique. Elle a cité à nouveau le cas d'une fillette de 12 ans, enceinte des suites d'un inceste et n'ayant pas été autorisée à avorter; on se trouve ici dans une situation bien différente du recours à l'avortement comme méthode de planification familiale, a souligné l'experte. Mentionnant les chiffres cités dans le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées, le corapporteur, M. Luis Gallegos Chiriboga, a constaté que seule une minorité de cas de disparitions forcées avait été élucidée et a invité le Nicaragua à faire toute la lumière sur ce phénomène. Tout en reconnaissant la problématique fondamentale du manque de moyens dont dispose le Nicaragua, il a recommandé à l'État partie d'accorder la priorité, dans l'affectation des dépenses, aux problèmes qui touchent aux droits de l'homme.

Les observations finales du Comité sur le rapport du Nicaragua seront rendues publiques vendredi 15 mai, à la fin de la session.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Nouvelle-Zélande.


Réponses de la délégation du Nicaragua

La délégation du Nicaragua a regretté de n'avoir pu fournir en temps utile toutes les informations requises par le Comité et s'est inquiétée que celui-ci pourrait par conséquent n'avoir qu'une vision partielle de la situation qui prévaut dans le pays. Elle a en outre souligné l'état de grande pauvreté du pays qui oblige le gouvernement à établir des priorités. Elle a affirmé que des efforts devaient encore être menés en vue de la modernisation des institutions publiques et d'une adaptation des pratiques aux dispositions légales. Tout est question de restrictions budgétaires, a déclaré la délégation, assurant le Comité qu'il ce ne s'agissait pas d'un manque de volonté politique. Le Comité doit prendre conscience de la réalité que nous traversons, a-t-elle ajouté. La délégation a précisé que les réponses fournies aujourd'hui reposent en grande partie sur les informations fournies par les organisations non gouvernementales, qu'elle a tenu à remercier en passant.

S'agissant de la définition juridique de la torture, la délégation a déclaré qu'il existe une définition caractérisant la torture comme un délit. Néanmoins, a-t-elle reconnu, il est vrai qu'en vertu du droit interne, le «sujet actif» de ces actes peut désigner toute personne et non seulement des fonctionnaires de l'État pour lesquels il y a toutefois des circonstances aggravantes. La délégation a indiqué que depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, personne n'a été jugé pour un acte de torture.

Répondant aux questions des experts relatives à la composition du Comité interinstitutionnel, la délégation a mentionné la présence, au sein de cette institution, d'une dizaine d'organisations non gouvernementales nationales et internationales.

À la question de savoir s'il y a prescription pour des délits de torture, la délégation a répondu que le Code pénal prévoit que ces délits ne sont pas prescriptibles.

En ce qui concerne la question de savoir si la Commission nationale des droits de l'homme dispose de moyens pour accomplir sa mission, la délégation a reconnu qu'aucun budget n'avait spécifiquement été prévu pour ce travail.

La délégation a confirmé que le droit à l'assistance à un médecin privé était prévu dans les procédures. En outre, toute personne arrêtée peut disposer d'une assistance juridique pendant la détention préventive, l'accusé ne pouvant rester sans défense dans une procédure.

Répondant à diverses questions relatives au fonctionnement du système pénitentiaire, en particulier la question de la visite par les juges et les mesures adoptées pour améliorer les conditions de détention, le Nicaragua a relevé que le système pénitentiaire souffrait d'un manque de moyens et que le Gouvernement Ortega avait hérité d'infrastructures en très mauvais état du fait de l'absence d'investissements consentis dans ce domaine par le précédent gouvernement néo-libéral.

La désignation, dans le rapport nicaraguayen, de certains détenus en tant que «laissés pour compte» concerne les personnes qui sont détenues et ont été abandonnées par leur famille ou n'ont pas reçu de visites d'organisations non gouvernementales, a précisé la délégation. Cette appellation a été créée dans le cadre de campagne de recherche de fonds, prioritaire pour ces personnes. Il ne s'agit donc pas d'un abandon de la part de la justice, mais par la famille et les proches, a souligné la délégation.

La délégation a informé le Comité qu'un plan d'amélioration et de renforcement des infrastructures pénitentiaires a été établi en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement et qu'un plan a moyen terme a été élaboré, de même qu'un cadre budgétaire pour la période allant de 2008 à 2012. Dans ce cadre, la construction de plusieurs centres de rétention est prévue, de même que la réfection de prisons existantes.

La délégation a précisé qu'il y avait à ce jour 5853 détenus au Nicaragua, dont 21% sont en détention préventive. Et 69% du total de prisonniers purgent des peines suite à des condamnations. Sur les 20% qui sont encore en jugement, 53% sont détenus depuis moins de trois mois, 10% depuis trois à six mois et 5% depuis une période de cinq à douze mois – ces derniers ont toutefois pour la plupart déjà fait l'objet d'une condamnation en première instance. 98% sont des adultes et 1% sont des adolescents. Le 1% restant concerne des cas particuliers, à savoir des enfants qui n'avaient pas 18 ans au moment de leur arrestation. La délégation a encore cité des chiffres sur la formation dispensée aux prisonniers. Les femmes et les mineurs qui purgent leurs peines dans les structures régionales vivent dans des espaces entièrement séparés des hommes et des adultes, a encore déclaré la délégation. Elle a encore dit que le budget pour l'alimentation des détenus avait été augmenté de 20% cette année.

S'agissant de la question de l'obéissance aux ordres dans les cas de torture, la délégation a affirmé que la loi prévoit que l'obéissance aux ordres ne peut justifier l'exécution d'un acte illégal.

Répondant à une question relative aux migrations et aux allégations faisant état de la détention illégale de migrants chinois, le Nicaragua a indiqué qu'il n'y avait pas, actuellement, de migrants de ce pays sur le territoire nicaraguayen. Pour ce qui est de la réhabilitation et de l'indemnisation, la délégation du Nicaragua a indiqué que, bien que ce droit est établi, il n'y a pas eu de cas dans lesquels l'État a recouru à de telles mesures.

S'exprimant sur l'interdiction de l'avortement, la délégation a affirmé que l'adoption de la loi n'est pas le résultat d'une influence religieuse, mais du respect de la volonté de la majorité qui, au Nicaragua, est favorable à la criminalisation de l'avortement. Les médecins sont également acquis à ce principe et ne sont donc pas confrontés à un dilemme, a assuré la délégation, précisant que la loi détermine trois cas: l'avortement, l'avortement sans consentement et l'avortement par imprudence. Elle établit aussi que l'avortement ne peut être utilisé comme moyen de planification familiale, a précisé la délégation.

La délégation a aussi démontré, chiffres à l'appui, que la criminalité au Nicaragua se situe à un taux bien inférieur à la moyenne d'Amérique centrale.

En 2006, 76,39% de plaintes pour abus de la part de représentants de l'autorité ont donné lieu à une enquête suivie d'effet. Des mesures administratives ont été prises dans les cas les plus graves. Une coordination très étroite a été entretenue avec les organisations non gouvernementales pour établir des programmes de formation et de sensibilisation aux droits de l'homme, a indiqué la délégation, qui a attiré l'attention sur un petit manuel à l'intention des membres des forces de maintien de l'ordre résumant les principes des droits de l'homme.

S'agissant des questions relatives au fonctionnement de la Police nationale, la délégation a indiqué que le nombre de bureaux du Procureur des droits de l'homme dans les commissariats a été augmenté. En 2008, en collaboration avec une organisation non gouvernementale, 12 séminaires ont par ailleurs été organisés sur le thème du respect des droits de l'homme et l'accès à la justice.

Face à la violence, et en particulier la violence contre les femmes et les jeunes filles, a expliqué la délégation, une politique de parité a été mise en œuvre au sein de la police. Sept femmes occupent des postes élevés au sein de la police et le poste de Directeur général de la police est occupé par une femme, a également fait valoir la délégation. Un gros effort de sensibilisation a été accompli pour influer sur les comportements sexistes et machistes et pour faciliter l'accès des femmes à la justice, mentionnant également la création d'un Observatoire de la violence auprès de la Cour suprême.

La délégation a fourni des statistiques sur la violence familiale pour la période 2005-2008. Quatre campagnes sur la violence ont été lancées, fondées sur le message que si les femmes se portent mal, la société dans son ensemble va mal.


Complément d'examen

MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Nicaragua, a pris acte du fait que le Comité ne disposait pas de toutes les informations actualisées. Elle a exprimé son appréciation pour les statistiques présentées par la délégation en ce qui concerne, notamment, la situation qui prévaut dans les établissements pénitentiaires.

L'experte a cependant souhaité connaître la raison pour laquelle le Nicaragua prévoit que «tout sujet» peut être rendu responsable d'actes de torture alors que la responsabilité d'assurer que ces pratiques ne se produisent pas relève essentiellement de l'État; quelles sont les conséquences que cela peut avoir dans les procédures d'enquête, a-t-elle souhaité savoir.
Se référant au programme qui existe apparemment pour la prise en charge des détenus «laissés pour compte», l'experte a demandé si une assistance juridique est aussi prévue pour ces personnes qui semblent vivre des situations particulièrement difficiles. Est-ce que les conditions de vie dans les prisons, notamment le droit à l'alimentation, sont tributaires de l'aide extérieure, a demandé l'experte.

La rapporteuse a demandé quelles mesures sont prises pour réduire la période de détention préventive, qui peut aller jusqu'à 12 mois. Est-ce que des migrants se trouvent parmi les personnes détenues depuis plus de trois mois, a aussi demandé l'experte.

Mme Sveaass a mentionné le problème d'alcoolisme aigu qui semble prévaloir dans le pays et a évoqué ses possibles conséquences sur la violence familiale et sur les accidents de la route. Elle a recommandé que le Nicaragua se penche sur ce problème.

Revenant sur la question de l'avortement, Mme Sveaass a déclaré qu'il existait une marge entre l'accès trop facile à l'avortement et l'interdiction absolue de cette pratique. Il faut être conscient des conséquences désastreuses que l'interdiction de l'avortement peut avoir, a dit l'experte. Elle a cité à nouveau le cas d'une fillette de 12 ans, enceinte des suites d'un inceste, et n'ayant pas été autorisée à avorter; on se trouve ici dans une situation bien différente du recours à l'avortement comme méthode de planning familial, a fait observer l'experte.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, corapporteur pour l'examen du rapport du Nicaragua, a noté avec appréciation une volonté nette de du Gouvernement de combattre la culture de violence qui prévaut au Nicaragua, à la fois au sein de la police que de la famille. Il est important que cette lutte se généralise dans la société, a déclaré M. Gallegos.

M. Gallegos s'est référé aux recommandations émises à l'intention du Nicaragua par le Comité des droits de l'enfant, engageant le pays à prendre les dispositions qui s'imposent. Il a aussi mentionné la problématique de la traite de personnes.

Citant les chiffres mentionnés dans le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées, l'expert a constaté que seule une minorité de cas avait été élucidée et a invité le Nicaragua à faire toute la lumière sur ce phénomène.

Le corapporteur a estimé que dans beaucoup de domaines, les objectifs exprimés par l'État partie vont au-delà de la situation concrète. Tout en reconnaissant la problématique fondamentale du manque de moyens dont dispose le Nicaragua, il lui a recommandé de donner la priorité, dans l'affectation des dépenses, aux problèmes qui touchent aux droits de l'homme.

Le corapporteur a enfin encouragé l'État partie à solliciter l'assistance du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et du Comité pour mettre en œuvre les changements requis par l'adhésion du Nicaragua aux traités internationaux.

D'autres membres du Comité ont encore posé des questions sur le droit du Procureur chargé des prisons à se rendre dans les prisons militaires, sur les personnes jugées maintenues en détention préventive, sur la violence perpétrée à l'encontre des femmes, sur le nombre peu élevé d'avocats commis d'office, sur l'accès des organisations non gouvernementales aux lieux de détention, sur la juridiction des militaires.


Réponses complémentaires de la délégation

S'agissant de la procédure de détention préventive, la délégation a assuré le Comité que pour toutes les personnes concernées, la justice suivait son cours. La délégation a confirmé qu'il peut y avoir des situations où des migrants se trouvent en détention préventive, notamment lors de soupçons de trafic de substances illégales.

S'agissant de la question posée par la rapporteuse en rapport avec le phénomène de l'alcoolisme, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement avait imposé des taxes sur l'alcool pour lutter contre ce phénomène.

Le Nicaragua se trouve encore dans une phase de transition, a insisté la délégation, ce qui explique que tous les mécanismes de surveillance et de contrôle ne sont pas encore entièrement opérationnels.

La délégation a enfin assuré le Comité de l'importance que le Nicaragua accorde aux questions relatives à la protection des enfants, faisant valoir qu'une Coalition nationale sur la traite d'êtres humains avait été créée et qu'il existe un plan de lutte contre le problème de l'exploitation des enfants et des femmes.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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