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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU ROYAUME-UNI

17 Novembre 2004


17 novembre 2004

Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du quatrième rapport périodique du Royaume-Uni sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation du Royaume-Uni a notamment indiqué que le pays a toujours été animé par la volonté d'inscrire ses actions en Iraq et en Afghanistan dans le strict respect du droit international et, en particulier de la Convention contre la torture. Le Gouvernement estime avoir pleinement respecté ces exigences, a-t-elle insisté. Tous les cas de décès de civils iraquiens, de blessures, d'allégations de mauvais traitements impliquant les forces armées britanniques font l'objet d'enquêtes, a-t-elle assuré. La délégation a indiqué que la législation antiterroriste adoptée à la suite des événements du 11 septembre 2001 constitue une arme vitale et nécessaire dans l'arsenal législatif britannique pour lutter contre la menace terroriste. La délégation a précisé que cet article de loi est réexaminé annuellement par le Parlement et expirera en novembre 2006.

La délégation a par ailleurs déclaré que les troupes britanniques présentes en Iraq et en Afghanistan sont tenues au respect de la législation nationale relative à l'interdiction de la torture. Les militaires, a-t-elle souligné, sont dûment tenus informés de leurs responsabilités en matière de droit national et international et tenus informés de la nécessité de traiter les détenus et les civils avec dignité et respect.

L'importante délégation britannique est dirigée par M. Jonathan Spencer, Directeur général au Département des affaires constitutionnelles. Il est accompagné d'autres représentants du département, ainsi que de représentants du Ministère de l'intérieur (Home Office), du Ministère des affaires étrangères et du Office (Foreign and Commonwealth Office), du Ministère de la défense, et du Service pénitentiaire. Étaient également présents des représentants des autorités de l'Écosse, de l'Irlande du Nord, de l'Île de Man et d'Anguilla.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, Mme Felice Gaer, a salué la ratification par le Royaume-Uni du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, tout en se demandant si les institutions nationales compétentes pour effectuer des visites dans des centres de détention avaient d'ores et déjà été désignées? Mme Gaer s'est en outre demandée si le caractère d'urgence ayant aboutit à l'adoption d'une législation antiterroriste en 2001 était réellement fondé. M. Fernando Mariño Menéndez, corapporteur pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, s'est pour sa part interrogé sur le statut de la Convention contre la torture en droit interne. Il semblerait que le cadre législatif pourrait permettre l'entrée en vigueur d'une loi dérogeant à la Convention.

La délégation britannique présentera des renseignements complémentaires au Comité demain après midi, jeudi 18 novembre.

Le Comité se réunira de nouveau cet après-midi à 16 heures pour entendre la délégation de l'Argentine, qui présentera des renseignements complémentaires concernant le rapport qu'elle a présenté hier.


Présentation du rapport

M. JONATHAN SPENCER, Directeur au Département des affaires constitutionnelles du Royaume-Uni, a déclaré que le pays a toujours été animé par la volonté d'inscrire ses actions en Iraq et en Afghanistan dans le strict respect du droit international et de la Convention contre la torture. Nous estimons avoir pleinement respecté ces exigences, a estimé le représentant. Le Royaume-Uni condamne, sans aucune réserve, tout acte de torture et continue d'œuvrer avec ses partenaires internationaux, y compris les Nations Unies, en vue de combattre ce phénomène, où qu'il se produise. M. Spencer a rappelé que son pays a ratifié le 10 décembre 2003 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ((instituant un système de visites sur les lieux de détention) et déploie des efforts importants afin de parvenir à l'abolition de cette pratique dans le monde entier. Le Royaume-Uni condamne donc sans équivoque la pratique de la torture, une condamnation concrète, qui ne se résume pas à une aspiration ou à une position théorique, a-t-il précisé.

Toutefois, comme tous les pays, le Royaume-Uni est régulièrement amené à prendre des décisions difficiles en s'attachant à concilier les droits de ses nationaux et des citoyens d'autres pays, ainsi que les nécessités de la sécurité publique. Ceci étant, en prenant des mesures en vue de protéger la sécurité publique, le Royaume-Uni demeure pleinement conscient de ses obligations, nationales ou internationales. M. Spencer a ensuite déclaré que son pays estime que sa législation en matière de torture est pleinement compatible avec les exigences de l'article 2 de la Convention contre la torture (qui stipule notamment qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture). En outre, tout acte de torture impliquant une autorité publique, où qu'il soit commis dans le monde, fait l'objet d'une incrimination pénale au Royaume-Uni.

Le chef de la délégation britannique a ensuite abordé la question des détentions prononcées sur le fondement de la législation antiterroriste adoptée par le Royaume-Uni à la suite des attaques de septembre 2001 à New York et à Washington. De telles attaques, a-t-il souligné, ont montré que les terroristes sont capables d'infliger des pertes massives en vies humaines. Depuis lors, le Royaume-Uni a fait l'objet d'une série de menaces concrètes et, en novembre 2003, le consulat du Royaume-Uni à Istanbul a fait l'objet d'une attaque au cours de laquelle plusieurs personnes, dont le Consul général, ont trouvé la mort.

La loi antiterroriste adoptée par le Royaume-Uni en 2001 a conféré des pouvoirs exceptionnels aux autorités afin de leur permettre de faire face aux risques résultant de l'activité terroriste, notamment en matière d'immigration. Ses dispositions permettent de détenir des nationaux étrangers suspectés d'implication dans des activités terroristes internationales et font peser un risque sur la sécurité nationale mais ne pouvant être expulsés pour des raisons liées à l'article 3 de la Convention contre la torture. Le Gouvernement a décidé de ne mettre en œuvre ces dispositions exceptionnelles en matière d'immigration que dans les seuls cas de menaces liées à Al-Qaïda et à ses groupes. Ces droits constituent une arme essentielle et nécessaire dans l'arsenal législatif britannique pour lutter contre les terroristes étrangers dont l'activité fait peser une menace grave et constante pour la sécurité nationale. Le représentant a précisé que cet article de loi est réexaminé annuellement par le Parlement et expirera en novembre 2006. Au mois d'octobre 2004, 17 personnes étaient visées par cet article de loi, 12 d'entre eux restant aujourd'hui en détention. Ces personnes bénéficient d'un droit d'appel devant la Commission spéciale des appels en matière d'immigration. Ils ont le droit de communiquer avec leurs familles et leurs amis, peuvent passer des coups de téléphone, écrire et recevoir du courrier et bénéficient de soins de santé. Le représentant a ajouté que toute personne faisant l'objet d'une détention de cette nature est libre de quitter le territoire britannique à tout moment. Ainsi, deux personnes ont récemment choisi de quitter le Royaume-Uni pour se rendre en France et au Maroc.

M. MARTIN HOWARD, Directeur général de la politique opérationnelle au Ministère de la défense, a déclaré que les troupes britanniques présentes en Iraq et en Afghanistan sont tenues au respect de la législation nationale relative à l'interdiction de la torture. Les militaires, a-t-il souligné, sont dûment tenus informés de leurs responsabilités en matière de droit national et international. Tous les militaires déployés en Iraq sont tenus informés de la nécessité de traiter les détenus et les civils avec dignité et respect et ne sauraient en aucun cas être soumis à des abus, à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants.

M. Howard a souligné que si les troupes britanniques présentes en Iraq et en Afghanistan respectent les obligations découlant de la Convention contre la torture, il n'est pas possible d'affirmer que ces obligations sont pleinement respectées dans des endroits qui ne sont pas placés sous la responsabilité du Irlande. Toutefois, le Irlande fait tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir les droits de l'homme dans ces pays. S'agissant des centres de détention, M. Howard a notamment déclaré que depuis le 15 décembre 2003, les personnes faites prisonnières par les forces britanniques en Iraq sont détenues dans un centre de détention temporaire à Shaibah dans le sud de l'Iraq. C'est le seul centre de détention en Iraq placé sous la responsabilité du Irlande, a précisé M. Howard, soulignant que le Comité international de la Croix-Rouge s'est dit satisfait des conditions de détention. Dix personnes sont actuellement détenues, parmi lesquelles on ne trouve aucune femme, ni aucune personne âgée de moins de 18 ans. M. Howard a précisé que lorsque des criminels sont appréhendés par les forces britanniques, ils sont remis aux autorités iraquiennes dès que possible.

En Afghanistan, le Irlande dispose d'un petit centre de détention à Camp Souter à Kaboul qui est actuellement vide. Depuis sa construction, ce centre n'a pas été utilisé plus d'une quinzaine de fois.

M. Howard a ensuite déclaré que tous les cas de décès de civils iraquiens, de blessures, d'allégations de mauvais traitements impliquant les forces armées britanniques font l'objet d'enquêtes menées par le service de la police. 156 cas font ainsi l'objet d'enquêtes, a précisé le représentant. Seuls 17 cas ont pu être qualifiés de torture ou de traitements cruels inhumains ou dégradants. Un de ces cas a provoqué le déclenchement d'une poursuite en justice. Le procès n'étant pas encore ouvert, il n'est pas possible de délivrer des informations sur les infractions alléguées. M. Howard a enfin déclaré que l'encagoulage est une pratique interdite lors des interrogatoires depuis 1972.

MME AUDREY GLOVER, représentante des territoires d'outre mer du Irlande, a notamment a déclaré que les territoires d'outre mer déploient des efforts importants pour avancer dans la mise en œuvre de la Convention contre la torture. À cet égard, elle a fait état des mesures prises en ce sens à Anguilla, aux Bermudes, dans les Îles vierges britanniques, dans les Îles Falkland, à Montserrat et à Pitcairn.

Le quatrième rapport périodique du Irlande (CAT/C/67/Add.2) précise qu'à la suite des événements du 11 septembre 2001, il a été adopté une loi intitulée Antiterrorism, Crime and Security Act (loi de 2001 relative à l'antiterrorisme, à la criminalité et à la sécurité afin de résoudre le problème créé par la présence de personnes soupçonnées d'être des terroristes internationaux qui n'ont pu être renvoyées dans leur pays d'origine parce qu'existe un accord international, par exemple la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit d'expulser toute personne exposée au risque de torture ou bien parce qu'existent certaines difficultés pratiques dans leur pays d'origine, par exemple une guerre ou un état d'instabilité grave. Les pouvoirs conférés par la loi de 2001 ci-dessus relative à l'antiterrorisme, à la criminalité et à la sécurité autorisent à placer en détention en attente d'expulsion, même quand l'expulsion n'est pas possible dans un avenir prévisible, toute personne soumise au contrôle de l'immigration dont le ministre de l'intérieur atteste qu'elle est soupçonnée de terrorisme, constitue une menace pour la sécurité nationale et dont il a décidé qu'elle devait être expulsée du Irlande. Lesdits pouvoirs sont conçus pour n'être utilisés que dans le cadre de l'immigration et toute personne placée en détention en vertu de ces pouvoirs peut quitter le Irlande à tout moment. Il est parfaitement possible de faire appel de l'attestation ministérielle et de la décision d'expulsion. Jusqu'à présent, ces pouvoirs n'ont été utilisés que de façon limitée. Quinze personnes ont été placées en détention au titre de la loi en question. Le rapport souligne en outre qu'en Angleterre et au Pays de Galles, tous les interrogatoires de personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction grave font désormais l'objet d'un enregistrement sonore dans les commissariats et postes de police.

Le rapport précise en outre que les services de police ont pris sur tout le territoire de l'Angleterre et du Pays de Galles une série de mesures pour réduire le nombre des décès en garde à vue. Cela a consisté notamment à rendre plus sûres les installations utilisées pour la garde à vue, à améliorer la formation, à assurer un contrôle par la télévision en circuit fermé et à améliorer surtout la prise en charge, l'évaluation et le contrôle des détenus. Des fonctionnaires de police ayant été mis en cause à la suite d'un certain nombre de décès constatés en garde à vue, les inquiétudes suscitées à cette occasion ont abouti en 1998 à l'organisation d'une enquête indépendante sur les modalités des recherches et enquêtes menées par le ministère public et la fiabilité de la prise de décisions de la part de celui-ci face aux cas de décès en garde à vue constatés en Angleterre et au Pays de Galles. Le surpeuplement carcéral, souligne le rapport, représente un problème grave que les pouvoirs publics cherchent à résoudre en offrant de nouvelles places d'hébergement dans les établissements pénitentiaires et en réformant le système de justice pénale. Dans le cadre d'une stratégie à long terme qui est actuellement mise au point pour gérer les problèmes liés à ce surpeuplement, les pouvoirs publics ont fait savoir qu'ils allaient consacrer 60 millions de livres sterling à la création de 740 nouvelles places d'hébergement pénitentiaire en mars 2004 au plus tard. Il a également été prévu de créer deux nouveaux établissements pénitentiaires à Ashford dans le Middlesex et Peterborough.

Le rapport britannique contient également des informations relatives aux territoires dépendants de la Couronne et aux territoires d'Outre-mer du Irlande.


Observations et questions des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Irlande s'est félicitée de la qualité des réponses fournies par la délégation britannique. Elle a salué la ratification par le Irlande du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (instituant un système de visites sur les lieux de détention) et a demandé à la délégation de fournir des précisions sur son expérience à cet égard jusqu'à présent. Des institutions nationales compétentes pour effectuer des visites dans des centres de détentions ont-elles été désignées? Peuvent-elles se rendre notamment à la prison des femmes à High Bank et dans les centres de détention des jeunes.

Mme Gaer s'est ensuite demandé si une excuse légitime pourrait être invoquée pour justifier d'un acte de torture commis sous la juridiction du Irlande en Iraq. La rapporteuse s'est interrogée sur le statut de la Convention contre la torture en droit interne et a demandé à la délégation de bien vouloir fournir des éclaircissements sur ce point.

Quelle serait la valeur de preuves qui auraient été obtenues sous le coup de méthodes prohibées par la Convention? Par ailleurs, Mme Gaer s'est demandée si les militaires britanniques ou autres membres présents au cours des interrogatoires ont reçu une formation en ce qui concerne la Convention contre la torture et particulièrement, concernant l'article 3. Existe-t-il des enquêtes internes en cas de violences commises sur des personnes arrêtées ou détenues? Mme Gaer a par ailleurs demandé à la délégation des éclaircissements sur le régime applicable aux demandeurs d'asile. Par ailleurs, elle s'est demandée si le caractère d'urgence ayant abouti à l'adoption d'une législation antiterroriste était réellement fondé et a voulu savoir quelle était la nature de l'urgence justifiant l'adoption d'une telle loi. Mme Gaer a ensuite fait état d'informations selon lesquelles serait intervenu un renversement de la charge de la preuve en ce qui concerne l'appartenance de personnes à des organisations interdites, sous l'effet des dispositions antiterroristes.

M. FERNANDO MARIñO MENÉNDEZ, corapporteur pour l'examen du rapport du Irlande, s'est interrogé sur le statut de la Convention contre la torture en droit interne. Il semblerait qu'une loi dérogeant à la Convention pourrait entrer en vigueur. Le corapporteur a par ailleurs demandé des détails sur la législation applicable au droit d'asile, et notamment sur le fait que les personnes arrivant au Irlande sans papiers d'identité constituerait un délit selon la législation du Irlande. M. Menéndez s'est ensuite demandé quel sera l'organe chargé d'appliquer au Irlande le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, qui instaure un système de visites dans des centres de détention. La Commission des droits de l'homme de l'Irlande du Nord sera-t-elle cet organe? Quelle sera l'étendue de la compétence de cet organe chargé d'effectuer des visites dans les prisons. Le corapporteur a ensuite demandé des éclaircissements sur les conséquences juridiques d'une disposition législative relative au retrait de la nationalité britannique.

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