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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport du Royaume-Uni

08 Mai 2013

8 mai 2013

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport du Royaume-Uni sur l'application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport du Royaume-Uni était présenté par M. Mark Sweeney, Directeur aux affaires juridiques et internationales au Ministère de la justice du Royaume-Uni. Il a affirmé que peu de pays se sont dotés de mécanismes aussi forts et équilibrés que ceux du Royaume-Uni pour la surveillance ministérielle et juridique de l'application de la Convention. Abordant des questions ayant attiré l'attention du Comité par le passé, le chef de la délégation a notamment indiqué que son gouvernement estime que l'octroi des garanties diplomatiques constitue une manière adéquate de protéger la population tout en respectant ses obligations internationales. Le Gouvernement a par ailleurs chargé un ancien juge de la Cour d'appel d'enquêter sur les allégations relatives à la participation du Royaume-Uni dans le transfèrement extrajudiciaire de prisonniers. M. Sweeney a aussi attiré l'attention sur la stratégie de prévention de la torture appliquée par le Foreign Office dans le cadre desa politique de coopération internationale, qui poursuit trois objectifs: adoption et application des dispositions juridiques nécessaires; développement de la volonté et de la capacité politiques; et renforcement des capacités d'action des organisations sur le terrain.

La délégation du Royaume-Uni était également composée de responsables et fonctionnaires des Ministères des affaires étrangères, de l'intérieur, de la justice et de la défense, ainsi que de deux représentants des gouvernements de l'Irlande du Nord et de l'Écosse. Elle a répondu aux nombreuses questions des membres du Comité portant, en particulier, sur les garanties matérielles offertes aux justiciables et aux requérants d'asile expulsés, sur les enquêtes menées concernant les allégations de transfèrements extrajudiciaires, sur la loi de 2013 relative à la justice et la sécurité, sur les conditions de détention, sur les règles applicables aux agents de l'État dans les zones où sont menées des opérations militaires britanniques. Elle a aussi fourni des précisions sur les modalités spécifiques de l'application de la Convention en Irlande du Nord et en Écosse.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, M. Alessio Bruni, a observé que les assurances diplomatiques, qui sont prises en compte par les autorités britanniques dans les cas d'extradition, ne sont pas toujours synonymes d'assurance contre la torture. Il a aussi relevé que, si la torture est interdite par la loi du Royaume-Uni, il semble que les textes prévoient nombre d'échappatoires; ainsi, les agents de l'État exerçant à l'étranger sous le contrôle du Ministère de la défense peuvent déroger à la loi dans certains cas. M. Bruni a pris note de l'élaboration du projet de loi sur la justice et la sécurité qui, entre autres, soumet l'examen des activités des services de renseignements au contrôle du Parlement, mais a observé toutefois que des organisations non gouvernementales signalent que le même projet de loi autorise les tribunaux à se déterminer, dans certains cas, sur des éléments de preuve secrets, voire obtenus par la torture.

Le Comité présentera des observations finales sur le rapport du Royaume-Uni à la fin de la session, qui se termine le vendredi 31 mai.

Le Comité tiendra vendredi 10 mai, à 10 heures, une réunion avec les États parties. La délégation de la Mauritanie présentera dans l'après-midi les réponses aux questions qui lui ont été posées ce matin par les membres du Comité. Le jeudi 9 mai est férié.

Présentation du rapport

Présentant le rapport du Royaume-Uni (CAT/C/GBR/5), M. MARK SWEENEY, Directeur aux affaires internationales et juridiques au Ministère de la justice, a indiqué que le suivi de l'application de la Convention est assuré par plusieurs administrations en raison de la décentralisation administrative britannique. Il a souligné que le Gouvernement du Royaume-Uni estime que rien ne justifie l'usage de la torture et a ajouté que peu de pays se sont dotés de mécanismes aussi forts et équilibrés que ceux du Royaume-Uni pour la surveillance ministérielle et juridique de l'application de la Convention.

Le chef de la délégation britannique a ensuite abordé des questions ayant déjà attiré l'attention du Comité. Pour ce qui est de la sécurité des personnes suspectées de terrorisme expulsées depuis le Royaume-Uni vers d'autres pays, le Gouvernement estime que l'octroi des garanties diplomatiques constitue une manière adéquate d'assurer la protection de sa population tout en respectant ses obligations internationales. D'autre part, le Gouvernement a chargé Sir Peter Gibson, ancien juge de la Cour d'appel, d'enquêter sur les allégations relatives à la participation du Royaume-Uni dans le transfèrement extrajudiciaire de prisonniers. Pour assurer la transparence de l'action de l'État, le Parlement a récemment adopté la Loi sur la justice et la sécurité, qui accroît les pouvoirs de la commission parlementaire chargée des services de renseignement et de sécurité, et instaure des procédures à huis-clos dans les procédures civiles, permettant aux tribunaux de recueillir tous les éléments d'information dont ils ont besoin dans les cas mettant en jeu des informations sensibles.

M. Sweeney a également fourni des informations sur les mesures prises par les autorités décentralisées du Royaume-Uni pour appliquer la Convention. L'Écosse a ainsi créé une commission d'enquête indépendante chargée de proposer des mesures pour améliorer la situation des femmes détenues. L'Écosse a reçu, l'an dernier, la visite du Comité du Conseil de l'Europe pour la prévention de la torture, laquelle a émis des observations positives et des suggestions pour améliorer les conditions de détention. Le gouvernement du Pays de Galles a pour sa part intégré les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme dans sa charte fondamentale. L'Assemblée galloise a adopté en 2011 une loi obligeant l'État à protéger les enfants contre la torture, contre la traite des êtres humains et d'autres formes d'exploitation. L'Irlande du Nord se consacre, quant à elle, à une réforme du système de justice pénale et des services de police tenant compte du cadre imposé par les droits de l'homme.

La stratégie globale de prévention de la torture du Foreign Office (Ministère des affaires étrangères) a maintenant deux ans, a également indiqué le chef de la délégation. Dans ce cadre, et jusqu'en 2015, le Royaume-Uni poursuivra trois objectifs: adoption et application des dispositions juridiques nécessaires; renforcement de la volonté et de la capacité politiques pour l'éradication de la torture; et amélioration des capacités d'action des organismes œuvrant sur le terrain. Le Royaume-Uni participe, enfin, aux activités de prévention de la torture au niveau de l'Europe, par le biais de sa coopération avec le Groupe de travail et le Comité européen pour la prévention de la torture.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. ALESSIO BRUNI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, s'agissant de l'enquête sur la détention de personnes dans le cadre des opérations militaires antiterroristes du Royaume-Uni, a demandé quand le rapport de la Commission Gibson serait publié. Cette information serait utile, car le Gouvernement britannique avait dit qu'il se pencherait sur la révision de la loi contre la torture à la lumière des résultats de cette enquête. La Cour européenne des droits de l'homme et le Comité estiment que les forces militaires britanniques à l'étranger exercent un contrôle juridique de facto sur leurs zones d'opérations. Le Gouvernement du Royaume-Uni n'est pas d'accord avec cette interprétation. Dans ces conditions, quelles autorités sont-elles responsables de l'application de la Convention en Afghanistan, par exemple, a demandé l'expert. M. Bruni a par la suite insisté pour savoir qui détient la compétence juridique dans les régions où le Royaume-Uni mène des opérations militaires.

Le rapporteur a aussi demandé à la délégation quelle serait la durée du moratoire sur les transfèrements extrajudiciaires décidé par le Gouvernement britannique. Il a aussi souligné que les «assurances diplomatiques» ne sont pas toujours synonymes d'assurance contre la torture.

La torture est certes interdite par la législation du Royaume-Uni, mais il semble que les textes prévoient nombre d'échappatoires, a regretté M. Bruni. Par exemple, il est prévu que les agents de l'État exerçant à l'étranger sous le contrôle du Ministère de la défense puissent déroger dans certains cas à la loi. De même, il est dit que les services britanniques de renseignement ne doivent pas coopérer avec des services étrangers s'ils ont des raisons de croire que des actes de torture pourraient être commis dans le pays partenaire «à moins que cela n'entraîne une aggravation de la situation»; cette précision semble constituer une autre manière d'autoriser la torture. Le Gouvernement envisage-t-il de revoir d'autres dispositions qui autorisent au niveau international des comportements interdits par le droit national? M. Bruni a demandé si la torture commise par des citoyens britanniques est sanctionnée où qu'elle soit commise.

Le rapporteur a pris note de l'élaboration du projet de loi sur la sécurité et la justice qui, entre autres, soumet l'examen des activités des services de renseignements au contrôle du Parlement. Mais des organisations non gouvernementales signalent que le même projet de loi autorise les tribunaux à se déterminer, dans certains cas, sur des éléments de preuve secrets voire obtenus par la torture. Parallèlement, le Gouvernement du Royaume-Uni a créé en 2011 une Commission de neuf experts chargés de proposer une réforme de la loi sur les droits de l'homme. Mais la Commission n'a pas su se mettre d'accord et a repoussé ses travaux jusqu'après 2014, l'Écosse et le Pays de Galles étant favorables à la loi actuelle. Le nouveau projet affaiblirait le champ d'application de la Convention contre la torture, en compliquant les modalités d'indemnisation des victimes de la torture.

Le rapporteur a aussi posé à la délégation des questions relatives au recours à des mesures autres que carcérales pour les personnes condamnées pour des délits mineurs; aux conditions différentes de détention dans les prisons d'État et les prisons privées; aux raisons de la surpopulation de ces dernières; sur les dispositions réglementaires autorisant l'utilisation, contre des personnes détenues, de moyens de coercition pouvant entraîner des souffrances physiques. Il s'est aussi interrogé sur la politique du Royaume-Uni concernant le renvoi de Tamouls à Sri Lanka. Il a par ailleurs demandé des précisions et sur le relèvement de l'âge de la responsabilité pénale au Royaume-Uni, actuellement fixé à 10 ans, regrettant en outre que les peines infligées par les tribunaux à certains enfants de dix ans ne sont pas adaptées à cet âge.

M. Bruni a enfin rappelé que le droit des citoyens d'adresser des communications au Comité (article 22 de la Convention), qui n'est pas reconnu par le Royaume-Uni, permettrait un examen de la manière d'appliquer au mieux la Convention sur la base de cas concrets; c'est un moyen supplémentaire de vérifier la cohérence entre le droit national et le droit international. Si le Comité relève une incohérence, l'État partie doit prendre des mesures sur le plan juridique.

M. GEORGE TUGUSHI, corapporteur pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, a relevé que malgré la création de nouvelles prisons, 59% des détenus au Royaume-Uni vivent en situation de surpopulation. Il n'est pas certain que l'ouverture de nouveaux établissements soit une solution durable au problème de la surpopulation carcérale, comme en témoigne l'expérience d'autres pays. Dans ces conditions, le Gouvernement entend-il adopter des mesures alternatives à l'emprisonnement? D'autre part, des questions se posent sur l'accès de certaines personnes détenues aux garanties juridiques et formelles prévues par le droit international: ont-elles accès à un médecin et à un avocat, ont-elles le droit d'informer leurs proches de leur détention? Il semble qu'en Écosse, les détenus n'ont pas toujours le droit de consulter un médecin, tandis que de nombreuses plaintes portent sur l'accès à l'aide juridictionnelle. D'autre part, le taux de suicide et d'automutilation dans les prisons du Royaume-Uni est élevé. Comment remédier à toutes ces lacunes?

L'expert a ajouté que des informations dont le Comité est saisi font état de la détention de migrants mineurs à l'aéroport de Heathrow dans des conditions inhumaines. D'autres informations indiquent que de nombreux très jeunes mineurs sont détenus temporairement dans des commissariats. L'expert a rappelé la recommandation européenne visant une modification de la loi britannique pour que les personnes âgées de 16 à 17 ans soient désormais considérées comme mineures.

Le corapporteur a enfin demandé des éclaircissements sur les conditions de détention des migrants. La loi autorise leur détention pour une durée indéterminée pouvant s'étendre, en pratique, sur plusieurs mois. Certains immigrants sont retenus dans les locaux de la police sans bénéficier des mesures de protection prévues par la Convention. Le Royaume-Uni prévoit-il un mécanisme d'identification et de protection des migrants victimes de torture? Les agents de l'immigration devraient être formés à la détection des victimes de la traite des personnes, a suggéré M. Tugushi.

À l'instar de M. Bruni, le corapporteur a demandé des informations sur le résultat des enquêtes concernant les allégations de torture et de mauvais traitements commis par l'armée britannique en Iraq: le Gouvernement a-t-il l'intention de publier le rapport de la Commission Gibson et, si oui, à quelle date?


Un autre membre du Comité a observé que le problème de la surpopulation carcérale semble généralisé sur l'ensemble du territoire du Royaume-Uni. Il est aussi possible qu'il soit lié au problème des suicides en détention. D'autres membres du Comité se sont inquiétés des modalités d'emploi de pistolets à impulsion électrique (taser), ou de gaz incapacitants, ou encore de «projectiles à létalité réduite» par les forces de police britanniques, observant que ces armes ont causé la mort d'au moins une personne et estimant que le recours à de telles armes devrait être réglementé et assorti de garanties pour les justiciables.

Une experte a souligné que la pratique des «assurances diplomatiques» peut offrir un lacune juridique autorisant des abus. Elle a demandé quelles mesures sont prises pour contrôler le sort des personnes transférées. L'experte a relevé que les autorités du Royaume-Uni estiment que les allégations de torture après des retours forcés à Sri Lanka sont «sans motif». Or, le Comité a reçu des informations contraires de la part d'organisations non gouvernementales. Au final, combien d'accusations ont-elles été considérées crédibles par les autorités britanniques? Quelles leçons ont-elles tiré de ces cas?

Des experts ont observé que les enquêtes sur les responsabilités de l'État dans l'assassinat de M. Patrick Finucane à Belfast dans les années 1980, et dans les abus commis contre des enfants placés dans des institutions spécialisées, notamment les couvents de la Madeleine, également en Irlande, n'avaient pas donné de réponses satisfaisantes pour toutes les parties. Il a aussi été relevé que le militaire britannique responsable de la mort brutale de M. Baha Mousa, en 2003 en Iraq, a été condamné à une peine de prison d'un an: la délégation a été priée de dire si cette peine était proportionnelle au crime commis.

Une experte du Comité s'est inquiétée que le Procureur de l'Irlande du Nord ait le pouvoir d'ordonner la suppression du jury populaire lors de certains procès d'assises, une forme de déni de justice, selon elle. D'autres questions ont porté sur le traitement des mineurs non accompagnés; sur l'absence de législation en matière de châtiment corporel; sur la situation dans les établissements de prise en charge sociale et psychiatrique; et sur le nombre de demandeurs d'asile placés en détention et soumis à des mauvais traitements ou actes de torture.

Des membres du Comité ont relevé des divergences de point de vue avec la délégation du Royaume-Uni, par exemple s'agissant des raisons pour lesquelles le Royaume-Uni ne reconnaît pas la compétence du Comité pour recevoir des plaintes individuelles.

Une experte a pour sa part estimé qu'il importe de sensibiliser les enfants et leurs parents à la question des effets de la violence, même quand elle s'exerce de manière apparemment anodine au sein de la famille.

Le Président du Comité a demandé à la délégation de dire si le Royaume-Uni entendait ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

D'autrees questions avaient été adressées par écrit au Royaume-Uni (CAT/C/GBR/Q/5), auxquelles l'État partie a fourni des réponses, également par écrit (CAT/C/GBR/Q/5/Add.1 – en anglais).

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que son gouvernement n'est pas convaincu de l'intérêt d'étendre plus avant le système des communications individuelles au Comité, compte tenu de la solidité des lois du pays et de l'expérience peu concluante avec d'autres comités. Elle a rappelé que seules trois communications aux organes conventionnels ont été présentées s'agissant du Royaume-Uni, toutes jugées ensuite irrecevables.

Le Royaume-Uni rejette en effet l'interprétation selon laquelle il exerce la souveraineté juridique sur les parties de l'Afghanistan où il déploie des forces militaires. Le Gouvernement négocie avec le Gouvernement de l'Afghanistan les modalités de transfert de personnes détenues. Cette négociation implique également l'institution nationale de droits de l'homme afghane. Les centres de détention en Afghanistan gérés par le Royaume-Uni sont visités régulièrement par le Comité international de la Croix-Rouge.

La délégation a fait valoir que les allégations de torture et de mauvais traitement commis par les forces armées britanniques sont signalées désormais de manière électronique; chaque cas est examiné pour déterminer s'il porte bien sur un cas de torture. En Iraq, des cas de mauvais traitements sont en effet à déplorer, malgré le comportement globalement irréprochable des troupes.

Le Gouvernement ne peut commenter une décision de justice: il relève toutefois que la peine d'un an de prison prononcée contre le militaire responsable de la mort de Baha Mousa n'a pas été remise en cause par le ministère public.

Le Royaume-Uni attend des sociétés militaires et de sécurité privées qu'elles respectent les droits de l'homme partout où elles opèrent. Le Royaume-Uni les encourage à observer les lignes directrices internationales volontaires en la matière. Le Royaume-Uni ne demande jamais à des tiers de commettre des actes de torture en son nom, a assuré la délégation.

Selon la Common Law, tout acte qui n'est pas régi par une disposition contraire est légal. Les tribunaux tiennent largement compte des circonstances spécifiques dans lesquelles les faits interviennent. Les dispositions des cours supérieures ont force légale. Les preuves d'actes de torture peuvent être considérées comme recevables sur la base de la Common Law. Il n'est donc pas nécessaire de légiférer en la matière. La définition de la torture du Royaume-Uni est plus large que celle donnée par la Convention et n'admet pas de circonstances atténuantes. La torture au sens de la définition de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ne sera jamais considérée comme légale au Royaume-Uni. Elle est érigée en infraction dans le droit national. La loi protège d'ailleurs la désobéissance à un ordre manifestement illicite.

Les aveux obtenus par la torture sont ne sont pas recevables en justice; la décision à cet égard appartient aux magistrats. La loi a pour objet d'interdire les actes de torture et non de les tolérer, a insisté la délégation. Il a été précisé en outre que les personnes chargées des interrogatoires de prisonniers suivent une formation tous les cinq ans.

La délégation a précisé que la loi de l'Irlande du Nord permet, en effet, la tenue de procès sans jury, mais seulement dans des circonstances limitées, notamment s'il existe un risque de sécurité spécifique. Cette loi doit être prorogée tous les deux ans. La mesure peut faire l'objet de recours.

La Loi sur la justice et la sécurité (2013) autorise les tribunaux à siéger à huis clos pour examiner des éléments de preuves sensibles, ce qui était impossible auparavant. C'est la manière idéale de juger des cas impliquant des éléments de preuve relevant de la sécurité de l'État. L'objectif n'est pas du tout de cacher des informations potentiellement embarrassantes, a assuré M. Sweeney.

L'Organisme national de prévention de la torture, créé en vertu du Protocole facultatif à la Convention, fédère 18 institutions publiques, chacune dotée d'un financement autonome. Une réduction de son budget n'est pas prévue. Les autorités estiment que les échanges entre les organismes de prévention et le secteur qu'ils régissent sont fructueux et susceptibles de faire apparaître des bonnes pratiques.

Le Royaume-Uni est persuadé que sa législation est pleinement conforme aux dispositions de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il procède à une évaluation d'une éventuelle ratification de cet instrument.

Le nouveau système de traitement accéléré des demandes d'asile a une incidence positive sur les requérants les plus vulnérables, notamment en termes d'information, de respect de la vie privée et de mise en contact avec les organisations de soutien. Le placement en détention pour un juste motif - notamment pour établir la validité de la demande d'asile - peut être envisagé «pour une durée raisonnable», les décisions à cet égard étant toujours prises au cas par cas. La décision de mise en détention incombe aux instances chargées du traitement des demandes d'asile; elle peut faire l'objet d'un recours. La détection des requérants ayant subi des actes de torture est régie par un règlement explicite relatif aux conditions de détention (Rule 35 des Règles relatives aux centres de détention). Par ailleurs, en 2012, le Ministère de l'intérieur a élaboré une procédure accordant aux apatrides un statut leur permettant de rester sur le sol britannique, en marge de la procédure d'asile. Le Gouvernement ne place en détention de mineurs non accompagnés que dans des cas exceptionnels, notamment pour faciliter une mesure d'expulsion. La détention d'un migrant mineur est aussi possible s'il pose un problème de sécurité publique. Le centre de détention de Heathrow ne peut héberger d'enfants de moins de neuf ans. Il est prévu d'améliorer les installations d'accueil des familles notamment.

La loi de 1993 permet à un policier de placer une personne semblant avoir besoin d'une aide psychique en détention pendant 24 heures, dans un établissement de santé. Les commissariats ne peuvent abriter ces personnes que de manière exceptionnelle.

De manière générale, les détenus mineurs bénéficient d'un traitement différent de celui réservé aux adultes. Le Gouvernement du Royaume-Uni n'a pas l'intention de modifier l'âge de la responsabilité pénale, qui est de 10 ans. Les enfants âgés de moins de 18 ans sont condamnés, par principe, à des peines de substitution. Leur mise en détention est possible, mais doit être justifiée par le juge qui la prononce. Aucun enfant ne doit être sujet à la violence ou aux mauvais traitements: la loi sur le châtiment corporel a été quelque peu durcie. Le Gouvernement ne souhaite cependant pas incriminer les parents qui donnent une gifle à leur enfant. Il a créé un nouvel organe consultatif chargé de suivre les femmes et filles délinquantes, pour veiller à ce que leurs besoins spécifiques soient pris en compte dans le système de justice.

La récidive est la plaie du système répressif. Plus de la moitié des personnes détenues commettront d'autres délits et crimes à leur sortie de prison. Le Gouvernement a donc décidé de modifier son approche. Il soutiendra les anciens détenus aux taux de récidive les plus élevés par des mesures renforcées de soutien à la réintégration, des récompenses étant accordées en fonction des résultats obtenus. La récidive des jeunes délinquants, encore plus élevée que celle des adultes, sera combattue par un effort très important dans le domaine de l'éducation et de la formation.

La surpopulation carcérale sévit surtout dans les établissements les plus anciens. Elle concerne les établissements publics et privés dans une mesure comparable. Les autorités s'efforcent de contrôler les personnes détenues au moyen d'un système proportionné de «contrôle et maîtrise» qui a fait ses preuves. Le taser n'est pas utilisé dans les prisons du Royaume-Uni, a précisé la délégation.

Le Gouvernement du Royaume-Uni avait accordé la plus grande attention aux suites de l'affaire Finucane. L'État, reconnaissant la collusion de certains de ses agents avec des forces paramilitaires en Irlande du Nord, a décidé que l'enquête sur cette affaire devait être rendue publique aussi rapidement que possible. Desmond Lorenz de Silva, chargé de l'enquête, a eu accès à la documentation publique et aux archives de la commission Stevens. Quant au rapport de la commission Gibson, il identifie des points devant être examinés plus avant par les autorités.

La délégation a indiqué que le Royaume-Uni étudie attentivement chaque cas de renvoi vers Sri Lanka, partant du principe que la protection n'est pas automatiquement due à tous les demandeurs d'asile de ce pays, une position confirmée par la Cour européenne des droits de l'homme. Provisoirement, le Royaume-Uni ne renvoie pas les requérants tamouls déboutés, en attente d'un jugement de la Haute Cour concernant Sri Lanka.

Quant aux garanties diplomatiques, elles sont accordées au terme d'un processus bilatéral complexe et qui donne lieu à vérification. Le Royaume-Uni évalue ces garanties selon des critères systématiques, notamment l'assurance que la personne renvoyée ne sera pas soumise à un traitement incompatible avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'Irlande du Nord a initié une réforme de ses services pénitentiaires, actuellement en consultation. Il a été décidé d'ouvrir rapidement une nouvelle prison de 800 places et d'un autre établissement réservé aux femmes. L'affaire des «blanchisseries Madeleine» fait l'objet d'une enquête par l'ancien président de la Cour suprême. Il rendra ses travaux en 2016. Son équipe a d'ores et déjà lancé un appel public aux témoins et victimes.

L'Écosse, pour sa part, a chargé une commission de formuler des recommandations pour une meilleure prise en compte des besoins des femmes détenues. Le Gouvernement a adopté une stratégie de prise en charge différenciée des délinquants souffrant de troubles psychiatriques. Les autorités ont en outre lancé une réflexion sur la proportionnalité des moyens de maîtrise des justiciables et suspects.

Répondant à des questions complémentaires, notamment s'agissant de la ratification du Protocole facultatif, la délégation a indiqué que le droit d'accès au mécanisme de plainte individuelle entraîne des effets pour les États parties, de même qu'il influence le contenu des rapports soumis aux organes conventionnels. Le Royaume-Uni a en particulier examiné la procédure relative à Convention pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, constatant qu'il n'est pas établi que ce mécanisme apporte une valeur ajoutée suffisamment importante.

Contrairement à l'article 1 de la Convention, la loi britannique sur la torture n'est pas orientée sur la notion de souffrance mais de réparation. Cette différence n'est pas une manière d'introduire une échappatoire au principe d'interdiction de la torture. La délégation a ajouté que tous les agents de l'État, où qu'ils se trouvent, sont soumis au droit britannique, y compris les militaires. Le fait qu'ils sont à l'étranger ne peut donc être invoqué pour dédouaner un agent de l'État accusé de torture. En outre, il est impossible d'obliger un subordonné à exécuter un ordre illégal. La délégation n'a pas connaissance d'un justiciable britannique invoquant un droit étranger pour justifier un acte de torture. Il n'est pas du ressort du Royaume-Uni de déterminer la responsabilité pour l'application de la Convention en Afghanistan, a confirmé la délégation. La Convention s'applique également en Afghanistan, ce pays étant partie à l'instrument. L'inspection des centres de détention gérés par le Royaume-Uni en Afghanistan est régie par les autorités afghanes. L'accès du Comité international de la Croix-rouge dépend donc de l'accord de ces autorités. Les techniques médicales appliquées à des fins de torture sont évidemment interdites, a assuré la délégation.

L'utilisation du pistolet à impulsion électrique (taser) au Royaume-Uni est contrôlée dans le cadre des mesures normales de supervision des activités de la police. Le Gouvernement n'a pas l'intention d'augmenter le nombre de policiers utilisant ces armes. Les centres de détention anglais et gallois n'emploient, pour la maîtrise des situations violentes, ni taser ni gaz, mais une substance chimique brièvement incapacitante. Les techniques de maîtrise douloureuses ne doivent pas être appliquées si d'autres mesures de contrôle sont à disposition, par exemple pour la maîtrise d'un incident violent entre jeunes. La délégation a décrit plusieurs techniques de maîtrise physique à cet égard.

La délégation a précisé que les Tamouls expulsés vers Sri Lanka puis revenus au Royaume-Uni pour y redéposer une demande d'asile, mentionnés par un expert du Comité, ont tous obtenu le statut de réfugié politique.

Le droit britannique ne connaît pas la double incrimination. Le droit d'appel est garanti même lors d'un procès sans jury.

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