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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA FINLANDE

09 Mai 2005

Comité contre la torture

9 mai 2005


Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du quatrième rapport périodique de la Finlande sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Arto Kosonen, Directeur au Ministère des affaires étrangères, a notamment souligné que s'il n'existe par de dispositions interdisant de façon expresse le recours à la torture dans le droit finlandais, l'ensemble des actes couverts par la Convention contre la torture sont punissables en droit interne. Il a ensuite fait état d'un grand nombre de mesures prises sur le plan juridique par son pays pour donner suite aux recommandations du Comité contre la torture, soulignant notamment les amendements à la législation relative à la liberté conditionnelle, à la détention provisoire, à la santé mentale ou encore au droit d'asile.

La délégation finlandaise était également composée d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur et du Ministère des affaires sociales et de la santé. Elle était également composée de représentants de la Commission du droit constitutionnel du Parlement finlandais.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport finlandais, M. Sayed El-Masry, a salué la qualité du rapport présenté par la délégation finlandaise et s'est félicité du nombre important de nouvelles lois adoptées sur la base des recommandations faites par le Comité lors de l'examen du précédent rapport de la Finlande. Il a toutefois exprimé des réserves s'agissant du délai limité à cinq jours ouvrés pour présenter un recours contre le rejet d'un demande d'asile.

Corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Finlande, M. Julio Prado Vallejo s'est pour sa part demandé quelles sont les garanties judiciaires de la détention provisoire et du placement en cellule d'isolement au cours de l'exécution d'une peine privative de liberté. Plusieurs experts ont par ailleurs encouragé la Finlande à se doter d'une législation réprimant de façon spécifique le crime de torture.


À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 16 heures, le Comité entendra les réponses de la Suisse, dont le rapport a été examiné le 6 mai dernier.


Présentation du rapport de la Finlande

M. ARTO KOSONEN, Directeur au Ministère des affaires étrangères de la Finlande, a notamment indiqué que s'il n'existe pas de dispositions interdisant de façon explicite le recours à la torture dans la législation finlandaise, tous les actes de cette nature couverts par la Convention contre la torture sont punissables en droit interne. Si un fonctionnaire chargé de l'application de la loi commet un délit qui s'apparente à un acte de torture, il sera démis de ses fonctions, poursuivi en justice et sanctionné. En outre, les aveux obtenus sous la torture sont soumis à la libre évaluation des tribunaux. M. Kosonen a déclaré que la nouvelle loi relative à l'application des peines, entrée en vigueur en 2001, a renforcé les voies de recours dont disposent les prisonniers, notamment en ce qui concerne l'appel pour sanctions disciplinaires. Il a par ailleurs précisé qu'une nouvelle loi sur la détention, qui prévoit notamment des mesures relatives à la liberté conditionnelle, entrera en vigueur en 2006. Cette nouvelle législation est fondée sur l'idée que les droits et obligations des prisonniers, ainsi que toutes restrictions à l'exercice de leurs libertés fondamentales, doivent être fondés sur la loi. À titre d'exemple, chaque personne frappée d'une peine privative de liberté bénéficiera d'un plan individualisé relatif à l'application de sa peine. M. Kosonen a souligné que la loi sur la détention prévoit la création de cinq nouveaux établissements pénitentiaires et d'un centre national pénitentiaire de santé. En outre, la loi relative aux mesures coercitives sera amendée afin de renforcer les garanties des personnes placées en détention provisoire.

M. Kosonen a insisté sur l'entrée en vigueur en 2001 de la loi relative au droit d'asile dont l'objectif est de renforcer l'intégration des immigrants à la vie du pays et de promouvoir la protection des demandeurs d'asile qui ont besoin d'une assistance temporaire. Un amendement entré en vigueur en 2002 permet de mieux tenir compte des besoins spécifiques des mineurs et des victimes d'actes de torture ou autres personnes vulnérables. Une nouvelle législation relative aux droits des étrangers est entrée en vigueur l'année dernière. Cette loi a pour objectif de renforcer la bonne gouvernance et la protection des étrangers, ainsi qu'une immigration maîtrisée. Cette législation délimite plus précisément les limites du pouvoir discrétionnaire des autorités. M. Kosonen a souligné que le Comité du droit constitutionnel a pu conclure à la constitutionnalité et au respect des exigences relatives aux droits de l'homme de la procédure accélérée de demande de droit d'asile, entrée en vigueur en 2000. M. Kosonen a ensuite souligné que des amendements ont été apportés à la loi relative à la santé mentale, visant notamment à renforcer les droits des personnes internées dans les hôpitaux psychiatriques. Un nouveau chapitre du Code pénal concernant la lutte contre le terrorisme est entré en vigueur en 2003. M. Kososnen a précisé que les nouvelles dispositions de lutte antiterroriste sont conformes à la décision cadre pertinente du Conseil l'Europe de juin 2002. Conformément au souhait exprimé par le Comité lors de l'examen du précédent rapport de la Finlande, le Code pénal a été amendé afin d'interdire et de réprimer les organisations incitant à la haine raciale. Par ailleurs, M. Kosonen a informé le Comité qu'une loi relative au traitement des personnes retenues dans les locaux de la police sera soumise au Parlement cette année. M. Kosonen a enfin souligné que des amendements à la loi relative à l'enfance soumis au Parlement l'an dernier ont permis de renforcer les garanties légales des enfants placés dans les centres de soins publics.

Le quatrième rapport périodique de la Finlande (CAT/C/67/Add.1) précise notamment qu'en mars 2001, le Ministère des affaires sociales et de la santé a fait réaliser un rapport sur les mesures nécessaires prises à l'égard de certaines personnes contre leur volonté et sur la restriction des droits de certaines personnes dans le cadre des systèmes de protection sociale et de santé, qui recommande notamment d'adopter des dispositions plus spécifiques en ce qui concerne les soins prodigués aux personnes handicapées et les cures de désintoxication fournies aux toxicomanes sans leur accord. Il faudrait que, dans la législation, soient indiqués les motifs acceptables pour restreindre les droits du patient, la forme, la nature et la durée d'une telle restriction, la procédure pour parvenir à une telle décision, ainsi que les garanties légales. Il a également été proposé que les différentes formes de traitement subi volontairement apparaissent plus clairement dans la loi, car il a été constaté que les bénéficiaires de la protection sociale et les patients pouvaient aussi percevoir ce type de traitement comme une contrainte. En outre, on a parfois recours à des traitements contre la volonté des intéressés et à des restrictions pour des motifs qui ne sont pas considérés comme acceptables. Selon le rapport, la prévention de tels cas devra faire partie intégrante des mesures destinées à améliorer la qualité et la disponibilité des services de protection sociale et de santé. Le Ministère des affaires sociales et de la santé a préparé, conjointement avec le Centre national de recherche et de développement pour la protection sociale et la santé et l'Association des autorités locales et régionales de Finlande, des recommandations sur les normes de qualité à appliquer dans le cadre des soins dispensés aux personnes âgées et aux malades mentaux.

Depuis la présentation du troisième rapport périodique, souligne le rapport, les listes de «pays d'origine sûrs» ont été supprimées dans le cadre des mesures d'éloignement des étrangers, pour la simple raison qu'il est impossible d'affirmer avec certitude qu'un pays donné est absolument sûr pour tout le monde, sans examiner chaque cas individuellement. En conséquence, la Direction de l'immigration doit étudier les demandes d'asile et de permis de résidence au cas par cas, en tenant compte des preuves apportées par le demandeur sur sa situation dans son pays d'origine lors de l'examen de sa demande, ainsi que de toute autre information à sa disposition sur la situation dans ce pays.

Examen du rapport de la Finlande

Répondant à une question du Comité sur le traitement des détenus, la délégation a souligné que les prisonniers bénéficient désormais de voies de recours contre les principales décisions affectant leurs droits et obligations. Les recours, exercés auprès du directeur de l'administration pénitentiaire régionale, sont susceptibles d'appel devant le tribunal administratif régional. La délégation a par ailleurs indiqué que les détenus doivent disposer d'un exemplaire du règlement intérieur afin d'être dûment informés de leurs obligations. La forme la plus courante d'atteinte aux droits des prisonniers est l'isolement. En pratique, a déclaré la délégation, la durée de l'isolement est comprise entre 3 et 5 jours. Il a été proposé de réduire à 14 jours la durée maximale de l'isolement, qui est actuellement de 20 jours. Il a par ailleurs été proposé que les enquêtes relatives à des petits délits soient confiées à la police lorsqu'il existe des motifs raisonnables de penser qu'un membre du personnel pénitentiaire est impliqué. La délégation a en outre déclaré que la nouvelle loi relative à l'administration pénitentiaire prévoit l'augmentation du personnel pénitentiaire afin d'assurer une plus grande proximité avec les détenus. L'augmentation du nombre de prisonniers impose la nécessité d'une telle augmentation. La délégation a précisé que 2,8 millions d'euros seront consacrés à la réforme du système pénitentiaire. Elle a ajouté que le nombre total de prisonniers s'élève à 3922 personnes au 1er mars 2005, parmi lesquels 0,08 % sont des mineurs. Une attention particulière est accordée aux mineurs placés en détention. La délégation a ajouté que la police ne dispose pas d'unités spéciales de détention pour mineurs. Mais la nouvelle loi relative à la détention provisoire contiendra une disposition d'après laquelle les mineurs ne doivent pas être détenus avec des prisonniers adultes.

Répondant à la question de savoir si une mesure d'expulsion peut être mise en œuvre alors même qu'un recours est intenté par un demandeur d'asile contre une décision de rejet de sa demande, la délégation a indiqué qu'en vertu de la législation finlandaise, chacun à droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent et indépendant dans un délai raisonnable. La délégation a confirmé que l'appel interjeté contre une décision de rejet d'une demande d'asile prononcée dans le cadre de la procédure accélérée ne suspend pas de façon automatique son exécution. La décision est exécutoire au terme d'un délai de huit jours et la personne dispose de cinq jours ouvrés pour faire appel. La délégation a souligné que le recours à la force par les agents de police est soumis au respect de dispositions légales strictes. Le recours à la force doit être justifié. L'usage de sédatifs et de médicaments ne doit pas être utilisé dans le cadre de la mise en œuvre de mesures d'expulsion. Toutefois, la médication est possible en cas de consentement de l'intéressé.

Fournissant des informations relatives à la détention provisoire, la délégation a indiqué qu'il n'est pas possible actuellement de séparer les prévenus des détenus. Toutefois, au terme de la nouvelle législation, il sera possible de prolonger la détention dans les locaux de la police pour une durée de quatre semaines. Les prévenus seront ensuite transférés dans des centres des détentions prévus à leur attention.

Répondant à une question relative au problème de la surpopulation carcérale, la délégation a fait valoir qu'un nouvel établissement pénitentiaire de 260 cellules serait ouvert dans le sud-ouest du pays en 2007. Toutefois, il existe toujours en Finlande quelques 750 cellules qui ne disposent pas de sanitaires. Ce problème devrait être résolu d'ici à l'horizon 2010, a assuré la délégation. D'ici là, des plans d'actions sont mis en œuvre pour pallier les inconvénients liés à l'absence de sanitaires dans les cellules.

S'agissant des mesures prises par la Finlande pour lutter contre la violence entre les prisonniers, la délégation a souligné que les personnels pénitentiaires bénéficient de formations spécifiques leur permettant d'identifier les risques de violence et les moyens d'y faire face. Par ailleurs, il est tenu compte de l'hostilité entre prisonniers lors de leur répartition. En outre, les recommandations du Comité de prévention contre la torture du Conseil de l'Europe sur les risques de violence liés à un espace insuffisant pour les détenus ont été transmises aux directeurs de l'établissement pénitentiaire de Sukeva.

La délégation a indiqué qu'en vertu de la législation finlandaise, une personne condamnée à une peine de réclusion criminelle à perpétuité peut obtenir l'examen d'une demande de libération sur parole après avoir purgé 12 ans d'emprisonnement. Ce délai est réduit à 10 ans en ce qui concerne les mineurs.

Répondant aux inquiétudes du Comité sur les enquêtes menées à la suite du décès de personnes placées en détention provisoire, la délégation a assuré que chaque cas de décès de personnes arrêtées ou détenues fait l'objet d'une enquête menée par des autorités différentes de celles qui sont impliquées dans le décès.

La délégation a par ailleurs souligné qu'aucun cas de torture ou de mauvais traitement impliquant des forces de police n'a été porté à la connaissance des autorités. Si de tels cas devaient se produire, le procureur serait compétent pour mener les investigations nécessaires à la découverte de la vérité.


Observations et questions de membres du Comité

M. SAYED EL-MASRY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Finlande, a déclaré que le rapport de la délégation finlandaise, présenté à temps et dans le respect des nouvelles directives du Comité, fait état d'un nombre important de nouvelles lois adoptées sur la base des recommandations faites par le Comité lors de l'examen du précédent rapport du Comité.

M. El-Masry a toutefois exprimé sa préoccupation en ce qui concerne l'absence de définition expresse de la torture en droit finlandais. Le Comité avait pourtant insisté sur la nécessité d'une telle définition lors de l'examen du précédent rapport de la Finlande et ne peut que réitérer son appel en faveur d'une définition précise de la notion de torture. On peut s'interroger sur le fait de savoir si la notion de mauvais traitement psychologique tombe bien sous le coup de la loi finlandaise. En effet, a ajouté le rapporteur, la torture ne résulte pas seulement d'une atteinte à l'intégrité physique des personnes.

Le rapporteur a par ailleurs demandé à la délégation de donner davantage de précisions en ce qui concerne le recours à la force en cas de mise en œuvre d'une mesure d'expulsion, en ce qui concerne notamment l'administration de médicaments. Les dispositifs d'électrochocs, l'utilisation de gaz paralysants sont-ils interdits ? À défaut d'interdiction, quelles sont les règles régissant leur utilisation ? Le rapporteur a par ailleurs douté que le délai de cinq jours ouvrés pour recourir contre un rejet de demande d'asile soit un délai suffisant pour assurer une pleine efficacité des procédures d'appel. M. El-Masry a demandé à la délégation si la nouvelle loi relative à l'immigration avait bien supprimé la liste de pays dits «sûrs». Une évaluation au cas par cas est préférable, a-t-il fait remarquer. M. El-Masry a demandé à la délégation de fournir au Comité des informations concernant le nombre de demandes d'asile dont la Finlande a été saisie.

M. JULIO PRADO VALLEJO, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Finlande, a salué la qualité du rapport présenté au Comité. Il s'est félicité des nombreux progrès réalisés par la Finlande au plan juridique en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture.

Le corapporteur a souhaité savoir si la nouvelle loi sur les détenus est entrée en vigueur en 2004 comme prévu. Il a par ailleurs demandé quelles sont les garanties judiciaires du placement en cellule d'isolement. Le rapporteur a par ailleurs demandé quelles mesures ont été prises pour protéger les détenus rom, souvent victimes de violence. Qu'en est-il par ailleurs de la grâce présidentielle en matière pénale ? À quelles conditions est-elle soumise ? M. Prado Vallejo s'est demandé si la loi relative à la détention préventive concernant les délits dangereux avait été abrogée. Il y a, certes, des aspects très positifs dans le rapport présenté par la délégation, comme notamment la création d'un ombudsman des minorités. Il a toutefois demandé à la délégation de préciser quelles sont les compétences de cet ombudsman en matière de droit d'asile. Le corapporteur s'est demandé pourquoi la nouvelle loi sur l'immigration prévoyait la détention des étrangers dans des unités dites spéciales. En outre, M. Vallejo a exprimé son inquiétude sur la possibilité de détenir des étrangers dans des postes de police pendant 4 jours. Il a aussi souhaité savoir si les demandeurs d'asile mineurs ont droit à une représentation légale, ajoutant qu'il ne semble pas que ce soit toujours le cas.

Si le contrôle de l'État sur les établissements psychiatriques paraît de bonne qualité, il semblerait que certaines personnes soient placées à l'isolement sans leur consentement, a relevé M. Prado Vallejo. Il semblerait par ailleurs que l'on puisse interner des enfants même si leur tuteur s'y oppose. Le corapporteur a d'autre part demandé quelles étaient les garanties judiciaires du placement en détention préventive.

Un membre du Comité a fait remarquer à la délégation que son rapport ne contenait aucune statistique ventilée par sexe. La délégation pourrait-elle par ailleurs informer le Comité sur d'éventuels cas de violence sexuelle entre détenus. Des mesures de protection sont-elles prévues à cet égard ?

Plusieurs experts ont encouragé la Finlande à se doter d'une législation réprimant de façon spécifique le crime de torture. Ils ont expliqué que la torture revêt une dimension plus large que celle de la seule violence physique. L'intimidation et la terreur sont des moyens plus destructeurs encore que le recours à la violence physique. Il serait bon de les prendre en compte de manière explicite. C'est en raison de sa nature même, de sa particularité, que la torture doit être définie de manière précise, a-t-il été souligné.

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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