Skip to main content

Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SPÉCIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME AU KOSOVO

01 Avril 1999


APRÈS-MIDI
HR/CN/99/19
1 avril 1999


La Haut-Commissaire aux droits de l'homme annonce l'envoi dans la région
d'une mission d'évaluation de la situation


La Commission des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, en présence de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, MmeMary Robinson, un débat spécial sur la situation au Kosovo, au cours duquel MmeRobinson a annoncé l'envoi, probablement dès la semaine prochaine, d'une mission d'évaluation de la situation confiée au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en ex-Yougoslavie, M.Jiri Dienstbier, accompagné de M.Michel Moussalli en tant que Représentant personnel de la Haut-Commissaire. Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en ex-Yougoslavie, M.Dienstbier a notamment déclaré que les bombardements contre la République fédérale de Yougoslavie étaient la plus grave erreur que l'on puisse faire car cela n'a fait que renforcer Slobodan Milosevic.

La Haut-Commissaire s'est dite indignée par les informations faisant état d'une campagne systématique de nettoyage ethnique menée par les militaires et les forces paramilitaires serbes au Kosovo et a indiqué qu'elle a pris des dispositions pour redéployer des fonctionnaires des droits de l'homme vers l'Albanie, l'ex-République yougoslave de Macédoine et le Monténégro. Elle en a appelé à toutes les parties et particulièrement aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie pour qu'elles prennent toutes les mesures nécessaires afin de protéger le droit à la vie et l'intégrité physique de toutes les personnes sous leur juridiction.

Le Haut-Commissaire adjoint des Nations Unies pour les réfugiés, M.Soren Jessen-Petersen, a pour sa part présenté la situation au Kosovo en particulier en ce qui concerne le flux massif de réfugiés au cours des dernières semaines. Il a notamment indiqué que, depuis le 10 mars dernier, 105000 réfugiés ont quitté le Kosovo.

Nombre de délégations ont dénoncé les violations des droits de l'homme perpétrées par les forces serbes au Kosovo et certaines ont souligné que les clefs de la résolution de cette crise sont entre les mains du Président Slobodan Milosevic, qui devrait mettre fin à son offensive au Kosovo, retirer ses forces et accepter les accords de Rambouillet. Plusieurs intervenants ont néanmoins estimé que les frappes de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) constituent une violation de la Charte des NationsUnies.

Les délégations des pays suivants ont pris la parole dans le cadre de ce débat spécial sur le Kosovo: États-Unis, Tunisie (au nom du Groupe africain), Inde, Fédération de Russie, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Bangladesh, Lettonie, Allemagne (au nom de l'Union européenne), France, Japon et Canada.

Poursuivant par ailleurs son débat sur la question de la violation des droits de l'homme partout dans le monde, la Commission a entendu le Représentant spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, M.Maurice Copithorne, qui a affirmé que l'exécutif iranien s'engage sur une voie qui, si elle se confirme, devrait mener à une légitimation populaire du gouvernement ainsi qu'à un nouveau respect pour la dignité des individus et pour les droits des citoyens.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Nigéria, M.Soli J. Sorabje a reconnu qu'une nette amélioration de la situation des droits de l'homme s'est produite dans le pays depuis juin 1998, mais a affirmé que beaucoup reste à faire pour assurer que les droits de l'homme fondamentaux sont effectivement protégés. Le représentant du Nigéria a ensuite fait une déclaration dans laquelle il a estimé que la Commission a désormais l'occasion de prendre acte des changements intervenus dans le pays en mettant fin au mandat du Rapporteur spécial.

Les représentants des pays suivants ont aussi fait des déclarations: Canada, Afrique du Sud, Égypte, Géorgie, Bélarus, Koweït, République arabe syrienne. Le représentant du Conseil de l'Europe a également pris la parole.

La Commission concluera dans la soirée son débat spécial sur le Kosovo, avant de reprendre le débat sur la question de la violation des droits de l'homme partout dans le monde.


Présentation de rapports sur la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise

M.MAURICE DANBY COPITHORNE, Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Iran, a déclaré que, depuis la soumission de son rapport, des développements importants ont eu lieu, notamment la tenue des premières élections locales depuis la Révolution. Ainsi, quelques 300 femmes ont été élues au niveau des conseils locaux. Malgré les doutes qui subsistent quant au taux de participation et aux pouvoirs dont les conseils locaux seront pourvus, cette élection est un pas décisif vers le développement des institutions démocratiques, a estimé M.Copithorne.

S'agissant de la situation des bahaïs, rien n'indique une réduction des pressions dont ils font l'objet, a déclaré M.Copithorne. Pour ce qui est des morts et des disparitions suspectes mentionnées dans le rapport, M.Copithorne a fait état d'un communiqué du Ministère de l'information indiquant l'implication dans ces meurtres de certains de ses agents et leur arrestation. À la suite de cela, le Ministre a démissionné. La violence semble être attribuée à quelques éléments extrémistes, y compris certains membres du ministère. Le Gouvernement doit faire davantage pour clarifier cette situation et traduire en justice les responsables de tels actes, a estimé le Représentant spécial. Enfin, en ce qui concerne la liberté d'expression, M.Copithorne a mentionné un certain nombre d'exemples illustrant les limitations qui lui sont imposées. En conclusion, le Représentant spécial a déclaré qu'il semble que l'exécutif iranien s'est engagé dans une voie qui, si elle réussit, devrait mener à une légitimation populaire du gouvernement ainsi qu'à un nouveau respect pour la dignité des individus et pour les droits des citoyens. Sur l'accomplissement de son mandat, M.Copithorne a indiqué qu'il n'avait toujours pas reçu d'invitation à se rendre en République islamique d'Iran.

Dans son rapport (E/CN.4/1999/41), M.Copithorne relève qu'au cours de la période à l'examen, soit du 1er septembre au 15 décembre 1998, la République islamique d'Iran a continué de progresser vers l'objectif du Président Khatami, celui d'une société civile tolérante, diverse et opérant dans les limites de l'état de droit. Les droits de l'homme, individuels et collectifs, ont été au coeur du processus. Des progrès sont enregistrés, surtout dans le domaine de la liberté d'expression, mais les résistances demeurent considérables. Le débat est caractérisé par un esprit d'ouverture remarquable qui montre bien l'approfondissement de la liberté d'expression dans le pays. Sur certains aspects du système juridique, les prémices de changement et de progrès commencent à apparaître. De même, on continue à faire grand cas de l'approfondissement de la démocratie en Iran.

D'autres domaines, la condition de la femme en particulier, retiennent beaucoup l'attention. Les partisans du changement s'expriment chaque jour plus ouvertement mais les progrès restent encore périphériques et l'on ne perçoit pas encore de volonté de s'attaquer aux aspects de fond. La condition des minorités continue de pâtir d'une certaine indifférence et la situation des bahaïs n'a guère évolué, sinon en pire. En outre, une vague de disparitions et de morts suspectes d'intellectuels et de militants politiques a créé une tension certaine et renforcé les craintes quant à la poursuite du développement d'une société respectueuse des lois.

Dans ces conclusions, le Représentant spécial recommande de concentrer les efforts sur la discrimination juridique et pratique dont les femmes font l'objet et de se pencher sur la condition des bahaïs, peut-être dans le cadre de la société civile qui commence à voir le jour. La réforme des tribunaux doit aller résolument de l'avant et le tribunal ecclésiastique devrait être supprimé, selon le Représentant spécial qui estime en outre urgent que le Gouvernement s'attaque au problème de la torture.

Présentant son rapport, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Nigéria, M.SOLI J. SORABJEE, a indiqué qu'il s'est rendu dans ce pays du 23 novembre au 1er décembre 1998. Il a exprimé son regret de constater que le décret 2/84, qui autorise la détention sans jugement pour une période indéterminée et hors de toute juridiction des tribunaux, reste en vigueur. Bien qu'il n'ait pas été appliqué depuis l'installation de l'administration actuelle, ce décret, par son existence même, est incompatible avec l'état de droit. M.Sorabjee a toutefois indiqué qu'il a reçu l'assurance que ce décret serait abrogé avant la fin du mois de mai 1999.

M.Sorabjee a affirmé que l'organisation du système judiciaire s'est améliorée dans le pays et a salué l'événement encourageant que constitue la nomination de six juges aux postes vacants de la Cour suprême ainsi que l'octroi de l'autonomie à cette Cour. Il a également salué les changements salutaires opérés dans l'attitude de l'administration à l'égard de la liberté d'expression et de la liberté de la presse. Certains décrets mentionnés dans le rapport et restreignant la liberté d'association et de rassemblement ont été abrogés, a indiqué le Rapporteur spécial. Toutefois, tous les décrets répressifs portant atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de la presse devraient être abrogés ou modifiés de telle sorte que la liberté de parole et d'expression et la liberté de la presse ne fassent pas l'objet de restrictions déraisonnables ou disproportionnées, a-t-il ajouté.

Tout en soulignant la dureté des conditions qui prévalent dans les prisons, M.Sorabjee a néanmoins rappelé qu'un Comité national sur la réforme des prisons a été établi et a relâché 500 détenus depuis décembre 1998 pour des raisons de santé. En outre, les pratiques discriminatoires à l'égard des femmes persistent. Si une amélioration prononcée de la situation des droits de l'homme s'est produite dans le pays depuis juin 1998, il n'en demeure pas moins que beaucoup reste à faire pour assurer que les droits de l'homme fondamentaux sont effectivement protégés. Il est donc nécessaire de consolider les institutions, a déclaré le Rapporteur spécial.

Dans son rapport (E/CN.4/1999/36), le Rapporteur spécial rappelle qu'après son arrivée au pouvoir en juin 1998, le général Abdul-Salami Abubakar a fait part de son engagement ainsi que de celui de son Gouvernement à l'égard d'un programme de transition qui devrait conduire le pays à un gouvernement civil en mai 1999. Le général Abubakar a libéré des prisonniers politiques, levé l'interdiction qui frappait les partis politiques, annoncé des réformes économiques et un programme de privatisation, retiré du pays Ogoni les troupes de sécurité intérieure et adopté des mesures de rapprochement avec la communauté internationale. Toutes ces mesures ont eu un effet positif évident sur le climat politique du pays et marquent le début d'une ère d'espoir pour le Nigéria. Le Rapporteur spécial pense que le processus d'élaboration de la Constitution devrait appeler la participation des divers éléments représentatifs de la société, dont l'armée est une composante, au lieu d'être confié au seul Conseil provisoire de gouve
rnement, qui est une entité militaire.

Le rapport recommande que le Gouvernement n'épargne aucun effort pour maintenir la dynamique qu'il a engagée à l'égard du passage à un gouvernement civil et de la restauration de la démocratie, tout en préservant un climat de transparence. Le Gouvernement devrait en outre s'assurer que le processus électoral est conforme, dans ses différentes phases, aux normes internationales garantissant le caractère égal et universel du suffrage et assurant la libre expression de la volonté des électeurs. La communauté internationale devrait répondre favorablement à l'invitation qui lui a été faite d'envoyer des observateurs suivre le bon déroulement des élections. Toutes les personnes détenues sans jugement devraient par ailleurs être libérées immédiatement ou jugées sans délai par des tribunaux ordinaires.

Le décret relatif à la sécurité de l'État (détention des personnes) devrait être abrogé et les clauses écartant dans divers décrets la compétence des tribunaux devraient être supprimées. Les décrets portant atteinte à la liberté de réunion et d'association devraient aussi être abrogés. Les conditions de détention devraient être améliorées de toute urgence, recommande le rapport. Des mesures devraient être prises sans tarder en vue d'améliorer le sort des Ogonis et un organe indépendant devrait être mis en place en vue de réaliser une étude sur tous les aspects des dommages infligés à l'environnement par les opérations d'extraction pétrolière et autres, ainsi que sur les questions relatives à la protection de l'environnement. Il y aurait lieu de doter la Commission nationale des droits de l'homme de ressources suffisantes et de respecter son indépendance tout en la renforçant par le biais d'une extension de sa compétence à toutes les affaires de violations des droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement devrait par ailleurs ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. P.I. AYEWOH(Nigéria) a souligné que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Nigéria a lui-même fait part des événements importants intervenus au Nigéria depuis qu'il s'y est rendu. En quelques mois, l'administration du Président Abubakar a pris des mesures importantes pour créer un environnement favorable au respect des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Le Gouvernement a libéré un grand nombre de détenus et a fait preuve de clémence. «Il n'existe plus actuellement de détenus politiques au Nigéria», a assuré le représentant nigérian. Il a affirmé que nombre de décrets limitant les libertés fondamentales et les droits de l'homme ont été abrogés ou amendés. Le Gouvernement nigérian s'est engagé à ce que, d'ici le mois de mai prochain, tous les décrets en vigueur dans le pays soient conformes à la Constitution. Rappelant que des élections démocratiques ont eu lieu dans le pays, le représentant a souligné que la Commission a désormais l'occasion de prendre acte des changements intervenus dans le pays en mettant fin au mandat du Rapporteur spécial.

Suite du débat sur la violation des droits de l'homme partout dans tous les pays

MME MARIE GERVAIS-VIDRICAIRE (Canada) s'est déclarée consternée par la prise délibérée de civils pour cible au Kosovo de la part des autorités serbes, lesquelles ont intensifié de manière dramatique leur campagne brutale de nettoyage ethnique. Elle a rappelé que les autorités de Belgrade sont tenues pour personnellement responsables de leurs crimes. La représentante a soutenu vigoureusement les travaux du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie qui est un élément essentiel de la paix dans la région. Nous demandons instamment à tous les gouvernements d'offrir leur pleine coopération au Tribunal pour ce qui est de traduire en justice les personnes inculpés, a-t-elle déclaré. À cet égard, la République fédérale de Yougoslavie doit honorer ses obligations aux termes des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les conflits survenus dans la région des Grands Lacs africains servent eux aussi de tristes exemples de violences contre des populations civiles. Des abus flagrants des droits des populations civiles sont commises par toutes les parties impliquées dans la guerre au Soudan. La représentante a déploré que l'Éthiopie et l'Érythrée n'aient pas accordé au Comité international de la Croix-Rouge un plein accès aux prisonniers. En Sierra Leone, plus d'un million de personnes sont réfugiées ou déplacées dans leur propre pays; elles doivent disposer d'un accès réel à la pleine protection des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne et du droit humanitaire.

Le Canada demande instamment au gouvernement iraquien de mettre fin aux exécutions arbitraires d'opposants politiques et religieux. Il demande à la Birmanie qu'elle manifeste une véritable volonté de réconciliation nationale. En outre, l'absence de respect des droits de la personne et la crise humanitaire en République populaire démocratique de Corée préoccupent le Canada. L'ampleur des violations de la personne en Afghanistan figurent parmi les pires au monde, a-t-elle noté. La représentante canadienne a également condamné les actes de terrorisme en Algérie. Elle a salué la progression des idées de tolérance en Iran, tout en se disant préoccupée par les discriminations visant la communauté bahaïe. Elle a accueilli avec satisfaction la signature par la Chine de deux pactes internationaux et a souhaité leur ratification dans les plus brefs délais. Enfin, la représentante s'est exprimée sur la situation en Indonésie, au Timor oriental, en Colombie, au Nigéria, en Haïti et au Sri Lanka.

Le représentant de l'Afrique du Sud a souligné que les violations des droits de l'homme qui se produisent dans certains pays ont un impact direct sur les pays voisins, déstabilisant souvent la région concernée. Les événements récemment survenus au Nigéria peuvent être décrits comme une victoire pour le peuple de ce pays dans sa lutte pour la démocratie. La communauté internationale devrait être prête à fournir au Nigéria l'assistance technique nécessaire pour restaurer une culture des droits de l'homme. La paix en Afrique est une urgente nécessité, a affirmé le représentant sud-africain. Il a souligné que sans paix, il ne saurait y avoir de développement ni de respect des droits de l'homme. Il a rappelé que les divergences politiques ne peuvent pas et ne doivent pas être résolues en utilisant la force. Il a lancé un appel à toutes les parties concernées par la situation au Soudan afin qu'elles mettent un terme à la guerre civile qui perdure dans ce pays.

Le représentant a par ailleurs déploré le fait que les autorités yougoslaves n'aient pas répondu positivement aux efforts diplomatiques visant à trouver une solution pacifique au conflit au Kosovo. L'Afrique du Sud se dit préoccupée que des bombardements aériens croissants aient entraîné une escalade de la violence qui menace la sécurité et la paix dans les Balkans. Le représentant a rappelé que c'est aux NationsUnies qu'il incombe en premier lieu d'assumer la responsabilité de maintien de la paix et de la sécurité sur le plan international.

Au Moyen-Orient, a poursuivi le représentant sud-africain, la récente opération militaire d'Israël au Sud-Liban ne peut que mener à une escalade de la violence dans la région. L'Afrique du Sud appuie le droit du peuple de Palestine à un État souverain ainsi que l'intégrité des frontières et des territoires de tous les pays du Moyen-Orient. S'agissant de l'Afghanistan, l'Afrique du Sud est préoccupée par les informations faisant état de violations des droits de l'homme et demande à toutes les parties de respecter ces droits, en particulier en ce qui concerne les questions sexospécifiques, d'appartenance ethnique et de religion. Le peuple de Cuba a le droit inaliénable de déterminer lui-même son propre destin, a par ailleurs souligné le représentant.

M.PIERRE-HENRI IMBERT, Directeur des droits de l'homme au Conseil de l'Europe, rappelant que les droits de l'homme constituent un pilier central de l'action du Conseil de l'Europe, a souligné la nécessité de compléter l'approche juridique en la matière par une approche et des moyens d'action plus politiques. À cet égard, il a noté qu'il est toujours important d'améliorer l'arsenal juridique existant et a mentionné un certain nombre d'innovations récentes dans les mécanismes de contrôle, tels que la possibilité pour tout individu de recourir à la Cour européenne des droits de l'homme, l'entrée en vigueur d'un protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives ou encore, l'entrée en vigueur de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Pour ce qui est de compléter cet arsenal juridique d'un volet politique, M.Imbert a évoqué la création prochaine d'un Commissariat aux droits de l'homme au sein du Conseil de l'Europe.

Ayant une vocation essentiellement préventive de sensibilisation du public, le Commissaire peut jouer un rôle important en tant qu'institution non-judiciaire pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Il coopérera également avec les institutions internationales pertinentes et, notamment le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Par ailleurs, le Conseil de l'Europe a pris conscience de la nécessité de créer un cadre permettant de débattre des situations spécifiques ce qui a débouché sur la mise en place de systèmes de surveillance du respect des engagements pris par les États Membres. À cet égard, M.Imbert a souligné l'importance d'une coopération étroite avec les institutions internationales dont l'expérience est bien plus vaste, en particulier dans le domaine des violations dites «structurelles» des droits de l'homme. Il a appelé à cet égard à un dialogue et une coopération renforcée entre l'ONU et les organisations régionales en général privilégiant l'action concrète.

M.MOUNIR ZAHRAN (Égypte) a refusé que les droits de l'homme soient utilisés à des fins politiques. Le représentant a demandé à Israël de respecter la souveraineté du Liban et d'effectuer un retrait inconditionnel et immédiat du sud Liban. Il a appelé Israël à mettre fin aux agressions contre les civils et à libérer les détenus libanais, car cela constitue une violation élémentaire des droits de l'homme, a-t-il déclaré.

Le représentant égyptien a souhaité qu'il soit mis fin au nettoyage ethnique de la population albanaise du Kosovo. Le retour volontaire des réfugiés du Kosovo, comme ceux de Bosnie-Herzégovine, est un préalable à la paix. De plus, les criminels de guerre doivent être traduits devant le tribunal pénal international. Le représentant a vivement condamné les actes de barbarie au Kosovo commis par les Serbes et a appelé les autorités serbes à respecter les accords qu'ils ont signés. Il a de plus lancé un appel à la communauté internationale pour aider les populations déplacées. En ce qui concerne la situation de la région des Grands lacs, le représentant s'est déclaré préoccupé par la situation difficile des personnes qui tentent de fournir une assistance aux populations qui en ont besoin.

M.MURAT SUNGAR (Turquie) a dénoncé le terrorisme comme étant le principal obstacle aux efforts de réforme des mécanismes de protection des droits de l'homme dans de nombreux pays. À cet égard, il a estimé que l'éradication du terrorisme devait être inscrite au premier rang des priorités dans le domaine des droits de l'homme. Il a appelé à une coopération internationale renforcée contre cette menace.

Le représentant turc s'est ensuite attaché à dénoncer l'attitude de la Grèce, un pays qui défie toutes les normes du droit international, dont les événements qui ont précédé la capture du chef du PKK ont révélé la complicité avec les actes de terrorisme du PKK et qui, à ce titre, peut être considéré comme un État terroriste. En effet les plus hautes autorités grecques ont sciemment et continuellement soutenu, planifié et organisé les organisations terroristes sur leur territoire dans le but d'atteindre la Turquie. Considérant ces faits, la Grèce n'est plus habilitée à se prononcer sur des sujets tels que les droits de l'homme ou la primauté du droit, a estimé M.Sungar. En conclusion, il a rappelé qu'un dialogue substantiel sur les droits de l'homme requiert bonne volonté, sincérité et esprit de coopération entre les États. Sans ces éléments de base, il ne sera jamais possible d'atteindre les plus hautes normes en matière de droits de l'homme.

M. ALEXANDER KARSADZE(Géorgie) a dénoncé, une fois de plus, les violations des droits de l'homme perpétrées en Abkhazie, Géorgie, par des mercenaires contre des réfugiés. Il a exprimé le souhait que la Commission réagira rapidement et de manière adéquate à cette situation. Il convient d'assurer le retour rapide des réfugiés et des personnes déplacées dans le pays, a-t-il affirmé. Il a dénoncé les méthodes utilisées par les séparatistes, lesquels déclarent sans cesse qu'ils sont prêts à favoriser le retour des réfugiés alors qu'ils sont les auteurs du génocide. Il ne saurait être question pour la Géorgie d'accepter le retour des personnes déplacées sans avoir obtenu auparavant des garanties de sécurité.

M.STANISLAV OGURTSOV (Bélarus) a souligné qu'aucun pays, y compris le Bélarus, ne peut déclarer que le respect des droits de l'homme est complètement assuré sur son territoire. Le Bélarus cherche à minimiser les conséquences sociales défavorables de la transition vers l'économie de marché, en essayant d'étendre au maximum les droits économiques, sociaux et culturels de la population. Le représentant a souligné que ces problèmes économiques étaient encore compliqués par les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour lesquelles le Bélarus dépense chaque année 25% de son budget. S'il est possible d'établir formellement les institutions démocratiques, il faudra une véritable révolution de la conscience humaine pour qu'elles fonctionnent vraiment.

Le représentant a reconnu qu'il existe quelques difficultés à assurer le plein respect des droits de l'homme dans son pays. À cet égard, il est important de mentionner le rôle crucial de l'assistance technique dans le but de développer de façon durable et efficace les capacités du pays dans le domaine des droits de l'homme. Il a salué l'expérience des organisations régionales européennes en matière d'assistance pour développer les institutions démocratiques. C'est la raison pour laquelle le Bélarus a accepté la coopération avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

M.DHARAR RAZZOOQI (Koweït) a estimé que la situation des droits de l'homme en Iraq était réellement déplorable. Cette situation tragique affecte tous les peuples de la région et représente une menace constante sur la paix et la sécurité internationales. S'agissant de la tragédie humaine que constitue la présence de plus de 600 prisonniers de guerre koweïtiens et d'autres nationalités dans les prisons iraquiennes, il a souligné que la majorité des détenus étaient des civils. En dépit de l'accord de Ryadh réaffirmant les dispositions des Conventions de Genève et demandant à l'Iraq de fournir une liste complète des personnes disparues pour préparer leur libération, le régime iraquien a fait preuve de mauvaise volonté et n'a pas coopéré avec la Commission tripartite. L'Iraq a une responsabilité morale et légale à la suite de l'invasion de 1990 et devrait libérer immédiatement tous les prisonniers de guerre et révéler les noms de ceux qui sont morts en détention. Ce problème n'étant toujours pas résolu, la communauté internationale doit prendre des mesures appropriées pour le régler, a estimé M.Razzooqi, appelant l'Iraq à coopérer de bonne foi avec la Commission tripartite dans ce sens.

M.GHASSAN NSEIR (République arabe syrienne) a souligné que l'occupation israélienne au Sud-Liban et dans la Bekaa occidentale est basée sur la doctrine expansionniste dont l'objectif est d'expulser les populations du Sud-Liban. Les détenus libanais sont torturés dans les prisons et centres de détention israéliens, a-t-il rappelé. Les habitants du Sud-Liban et de la Bekaa occidentale subissent quotidiennement des bombardements sur leurs foyers et leurs usines. Pourquoi l'autorité d'occupation israélienne refuse-t-elle d'entendre les appels lancés par les instances internationales, a demandé le représentant syrien. La Commission doit demander à Israël de se retirer sans condition de cette partie occupée du Liban et de respecter la légitimité internationale.

Présentation du rapport sur la situation des droits de l'homme dans l'ex-Yougoslavie

M.JIRI DIENSTBIER, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine, dans la République de Croatie et dans la République fédérale de Yougoslavie, a déclaré que ces pays ont un lourd héritage historique de communisme et de haine ethnique. Des failles dans les mécanismes internationaux au cours des dix dernières années ont joué un rôle essentiel dans les tragédies de l'ex-Yougoslavie, y compris dans la crise d'aujourd'hui du Kosovo, a-t-il estimé. Le Rapporteur a déclaré que la Croatie est le pays le plus stable de la région aujourd'hui. Il a néanmoins appelé le Gouvernement de Croatie à permettre la liberté de mouvement facilitant les formalités demandées pour permettre l'entrée sur son territoire des réfugiés. En Bosnie-Herzégovine, il ne faut pas sous-estimer les dangers que représente la dégradation de la situation dans la République Srpska.

En ce qui concerne la situation en Yougoslavie, les informations sont rares car il n'y a pas de sources indépendantes au Kosovo. Mais les informations existantes indiquent que la situation des droits de l'homme est terrible. Il est fait état d'exécutions massives, d'arrestations d'avocats, de destructions de villages, de villes, de monuments culturels. Le Rapporteur a déploré le meurtre du défenseur des droits de l'homme M.BajramKelmendi et de ses deux enfants. Il appelé instamment les autorités Yougoslaves à prendre toute les mesures pour protéger le droit de chaque personne à l'intégrité physique. Se sentant justifiées par l'état de guerre, les autorités serbes ont pris des mesures exceptionnelles au nom de la sécurité nationale. Mais même ceux qui se sont battus leur vie entière contre le régime en place pour la démocratie sont aujourd'hui dans l'obligation de soutenir leur Gouvernement et il serait indécent de critiquer des personnes qui se font bombarder, a fait observer le Rapporteur spécial. Le Rapporteur a toujours considéré que les bombardements étaient la plus grave erreur que l'on ait pu commettre car cela n'a fait que renforcer Milosevic. Il fallait agir sur le terrain, a-t-il conclu.

Le rapport de M. Dienstbier (E/CN.4/1999/42), ne porte que sur les faits qui se sont produits au mois de novembre et au début du mois de décembre 1998. Il a à cet égard souligné que cette pratique qui consiste à demander les rapports plus de trois mois avant la date prévue pour leur examen à la Commission ou à l'Assemblée générale est déraisonnable et fournit des arguments à ceux qui voudraient accuser l'ONU d'inefficacité et de bureaucratie excessive.

Á propos de la situation en Bosnie-Herzégovine, le Rapporteur spécial se voit une fois de plus dans l'obligation de conclure que si certaines améliorations peuvent être constatées dans la situation des droits de l'homme, les autorités au pouvoir continuent de compromettre les initiatives tendant à réaliser l'intégration du pays, qui est morcelé par les clivages ethniques. Le processus de retour continue d'être entravé de diverses manières et les résultats obtenus jusqu'ici sont insignifiants, a-t-il estimé. Une priorité spéciale doit être donnée au règlement de la situation des "flottants" (c'est-à-dire les personnes expulsées illégalement de leurs habitations pendant la guerre et restées à Banja Luka) à Banja Luka et dans d'autres communes de la Republika Srpska. Le règlement serait de nature à encourager les candidats au retour. Le Rapporteur spécial est convaincu que le processus de transition démocratique nécessitera pendant longtemps la présence et l'engagement de la communauté internationale. Par ailleurs, la poursuite et le châtiment des criminels de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie siégeant à La Haye doivent être accélérés. Le Rapporteur est d'avis que la mise sur pied d'une sorte de commission de la vérité favoriserait la réconciliation.

En ce qui concerne la République de Croatie, le Rapporteur spécial continue de se déclarer préoccupé par les progrès lents et inégaux des retours, ainsi que par le fait que les commissions du logement, élément essentiel du programme de retours, semblent inefficaces. Il invite instamment le Gouvernement à entreprendre la reconstruction et la revitalisation économique des projets qui profitent directement à toutes les ethnies. Il recommande au Gouvernement croate de commencer à fournir des ressources suffisantes à la magistrature et à pourvoir tous les postes vacants afin de réduire l'arriéré des affaires non-réglées. En outre, il note avec préoccupation le comportement adopté par certains membres de la magistrature à l'égard des observateurs internationaux. Il lance un appel pressant pour que toutes les procédures judiciaires soient ouvertes au public et qu'un entier concours soit prêté aux observateurs internationaux. Le processus d'engagement de poursuites contre les auteurs de crimes de guerre n'est pas conduit conformément aux normes internationales. Le Rapporteur a d'autre part exprimé sa préoccupation devant la domination des médias par le parti au pouvoir et invite instamment le Gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent pour que la radio télévision publique soit indépendante des intérêts politiques ou financiers.

Concernant la République fédérale de Yougoslavie, le Rapporteur spécial note que la situation des droits de l'homme reste grave. Il souligne que la crise au Kosovo n'est ni nouvelle ni isolée et qu'elle risque de compromettre la sécurité nationale et régionale. Dans la première semaine du mois de décembre 1998, la violence a atteint son plus haut niveau depuis l'accord du 13 octobre 1998. Après une longue période d'affrontements armés soutenus le long des lignes de front mouvantes, le conflit a repris la forme d'attaques et de représailles isolées, ponctuées d'affaires spectaculaires, d'enlèvements, de détentions arbitraires et d'informations faisant état d'exécutions sommaires. Au cours des derniers mois ont encore été découverts d'autres entassements de corps et traces de massacres, dont celui de civils. Pour l'ensemble de la République fédérale de Yougoslavie , le Rapporteur spécial a estimé que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie doit pouvoir s'acquitter pleinement de son mandat. Les personnes détenues devraient voir respecter leurs droits individuels. Toutes les allégations de torture devraient faire l'objet d'une enquête rigoureuse et les auteurs de torture devraient être poursuivis et châtiés.

Débat spécial sur la situation des droits de l'homme au Kosovo

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré que le Haut-Commissariat est pleinement conscient que la crise du Kosovo représente un moment grave pour l'humanité entière. Elle a rappelé qu'au mois de novembre dernier, elle a signé avec les autorités yougoslaves un mémorandum d'entente établissant un bureau en République fédérale de Yougoslavie. Ce bureau a rassemblé des informations sur la situation des droits de l'homme et est intervenu concernant diverses questions liées aux droits de l'homme des Serbes, des Albanais et des personnes ayant d'autres origines ethniques. MmeRobinson a rappelé qu'elle a, à plusieurs reprises, eu l'occasion d'exprimer sa profonde préoccupation face au manque de respect des droits de l'homme, en particulier au Kosovo. Elle a indiqué avoir suivi avec une profonde angoisse l'évolution des événements sur le terrain qui ont occasionné des violations massives du droit à la vie et ont causé d'immenses souffrances humaines. «Je regrette profondément la tourn
ure prise par les événements qui a mené aux actions militaires actuelles en Yougoslavie», a affirmé la Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

Dans cette tragédie, les défenseurs des droits de l'homme n'ont pas été épargnés, a-t-elle ajouté, rappelant que l'avocat albanais des droits de l'homme Bajram Kelmendi et ses deux fils ont été retrouvés morts après que des hommes non identifiées eurent pénétrés chez lui à Pristina, au matin du 25 mars dernier. MmeRobinson s'est dite indignée par les informations faisant état d'une campagne systématique de nettoyage ethnique menée par les militaires et les forces paramilitaires serbes au Kosovo. La gravité de ces informations souligne la nécessité de procéder à une vérification impartiale de ces allégations. L'étape suivante, pour laquelle la communauté internationale devrait assumer une responsabilité, sera d'assurer la responsabilité pour les violations avérées.

Mme Robinson a indiqué qu'elle a demandé au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en ex-Yougoslavie de se rendre dans la région pour procéder à une première évaluation de la situation. Elle a également demandé à M.Michel Moussali de l'accompagner en tant que Représentant personnel du Haut-Commissaire. Ils devraient se rendre dans la région dès la semaine prochaine, a-t-elle précisé. MmeRobinson a ajouté qu'elle a pris des dispositions pour redéployer des fonctionnaires des droits de l'homme à partir des bureau du Haut-Commissariat en ex-Yougoslavie ainsi qu'à partir de Genève vers l'Albanie, vers l'ex-République yougoslave de Macédoine et vers le Monténégro, afin que ces personnes interrogent les réfugiés et autres personnes déplacées et évaluent la situation des droits de l'homme au Kosovo.

Mme Robinson en a appelé à toutes les parties et particulièrement aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie pour qu'elles prennent toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit à la vie et l'intégrité physique de toutes les personnes sous leur juridiction.

M.SOREN JESSEN-PETERSEN, Haut-Commissaire adjoint des Nations Unies pour les réfugiés, a indiqué que depuis le 10 mars dernier, 105 000 personnes se sont enfuies du Kosovo, dont 100000 sont arrivés en Albanie. Les dernières informations confirment que les forces serbes forcent de façon délibérée la population du Kosovo à fuir. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'est jusqu'à présent concentré sur les conséquences humanitaires mais ce qui se produit aujourd'hui menace la stabilité de toute la région et doit être condamné sans appel car c'est la manifestation la plus flagrante de violations massives des droits de l'homme et d'une crise humanitaire majeure.

La situation s'aggrave plus vite qu'il n'est possible de réagir, a poursuivi M.Jessen-Petersen, et les infrastructures du HCR et de ses partenaires humanitaires sont encore insuffisantes, malgré le renforcement des capacités. Un plan d'accueil de 350 000 personnes est en place et devra être augmenté. La priorité la plus urgente est de fournir un abri aux réfugiés, mais l'aide alimentaire est aussi cruciale et le Programme alimentaire mondial est à l'oeuvre dans ce domaine. La situation sanitaire est également importante et un plan de l'Organisation mondiale de la santé et du Fonds des NationsUnies pour l'enfance (UNICEF) vise à prévenir les risques d'épidémie, a indiqué M.Jessen-Petersen. Mais avant tout il faut un appui international d'urgence. Le Haut Commissaire adjoint aux réfugiés a en outre appelé tous les pays à laisser leurs frontières ouvertes pour les réfugiés qui ont tout perdu et ont besoin d'une protection internationale.

M.HAROLD HONGJU KOH (États-Unis) a rappelé qu'au cours de la dernière décennie, les Albanais kosovars ont subi des restrictions de leurs droits fondamentaux et les harcèlements de la police. La campagne menée par le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie contre les personnes d'origine albanaise au Kosovo se fait chaque heure plus brutale. Désormais, les chars et l'artillerie serbes ont commencé leurs attaques contre des villages du Kosovo. Les Serbes, qui avaient préparé cette campagne, sont responsables de la tragédie humanitaire actuelle, a affirmé le représentant des États-Unis. Il appartient au Président Milosevic d'arrêter son offensive brutale contre le Kosovo dès maintenant, de retirer ses forces et d'accepter les accords de Rambouillet, a-t-il déclaré. De plus, la Commission doit condamner la tragédie au Kosovo. Hier, le Président Clinton a indiqué que les États-Unis débloquaient 50 millions de dollars supplémentaires pour venir en aide aux réfugiés. Les États-Unis, qui ont déjà envoyé une équipe d'aide humanitaire d'urgence dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, feront de même aujourd'hui en Albanie.

M.KAMEL MORJANE (Tunisie, au nom du Groupe africain) a regretté les refus successifs de la part des autorités Yougoslaves de répondre positivement aux efforts diplomatiques déployés par la communauté internationale. Il a profondément regretté l'usage de la force qui n'a jamais rien résolu et a condamné les actes de répression, de destruction et toutes violences, ainsi que les atrocités commises, y compris les actes de purification ethnique. Les efforts diplomatiques devraient recommencer sous les auspices des Nations Unies dans le but de trouver une solution juste, durable et pacifique à cette crise, a estimé le représentant tunisien. Il a souligné qu'il revient aux Nations Unies de s'occuper de maintenir la paix internationale. C'est parce qu'au cours des dernières années le continent africain a connu de nombreuses situations tragiques que le Groupe africain est particulièrement sensible à la souffrance de civils innocents.

MME SAVITRI KUNADI (Inde) a dénoncé les violations des droits de l'homme au Kosovo, mais a rappelé que le respect de la légalité internationale par tous les États est un facteur essentiel du système international basé sur le droit. À cet égard, les actions unilatérales contrevenant à la Charte des Nations unies, y compris l'usage massif de la force, l'ingérence dans les affaires internes et le mépris de l'intégrité territoriale et de la souveraineté des États auront pour conséquence une grave détérioration de l'environnement de coopération internationale en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. L'Inde réaffirme à ce sujet l'inviolabilité de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie. Elle est convaincue que la crise ne pourra être résolue que par des moyens pacifiques. MmeKunadi a noté qu'alors que l'intervention de l'OTAN était motivée par la volonté de prévenir les souffrances humaines, elle a eu pour conséquence une aggravation des violations des droits de l'homme. Il faut mettre fin immédiatement aux opérations militaires illégales car non autorisées par le Conseil de sécurité, à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie. Le Gouvernement serbe doit en retour assurer la protection des droits de l'homme de toute sa population y compris les droits de toutes les catégories de sa population au Kosovo, a-t-elle conclu.

M. VASSILY SREDINE(Fédération de Russie) a déclaré que l'impression laissée par les orateurs qui l'ont précédé, est que les frappes de l'OTAN n'ont pas eu encore lieu. Il serait souhaitable que l'on parle des frappes de l'OTAN qui ont déjà tué des milliers de civils, a-t-il dit. Ce que fait actuellement l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie constitue une agression ouverte et une violation grossière de la Charte des NationsUnies. Si nous ne nous hâtons pas de mettre un terme à cette agression, les salves qui frappent la République fédérale de Yougoslavie sonneront le glas des NationsUnies. On ne saurait accepter l'idée selon laquelle les frappes de l'OTAN visent à défendre les valeurs démocratiques. La catastrophe humanitaire au Kosovo s'est certes produite, mais après le commencement des bombardements de l'OTAN. La Commission n'a pas le droit de se taire en cette heure tragique. C'est pourquoi la Fédération de Russie propose à la Commission de lancer un appel pour qu'il soit mis fin aux actes de guerre.

M.MUNIR AKRAM (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a exprimé son indignation devant la politique en cours de purification ethnique mise en place par les serbes au Kosovo. Il s'est déclaré particulièrement troublé par le nombre croissant de réfugiés qui tentent de quitter le Kosovo. L'Organisation de la Conférence islamique a réitéré sa compassion et sa solidarité avec le peuple du Kosovo et a réaffirmé son total rejet de l'usage arbitraire de la force contre les civils. Elle appelle à un arrêt immédiat des crimes contre l'humanité par les forces serbes et le retrait de ces forces du Kosovo.

L'Organisation de la Conférence islamique a fait circuler un projet de résolution. Elle condamne fermement la politique de nettoyage ethnique perpétré par les autorités de Belgrade contre les Kosovars. Elle demande un arrêt immédiat des actions répressives commises par les autorités de Belgrade à l'encontre des Kosovars qui ont mené à un exode massif dans la région. Elle appelle à un retrait immédiat des forces militaires et paramilitaires du Kosovo. Cette résolution appelle aussi la communauté internationale à juger les criminels de guerre.

M.IFTEKAR AHMED CHOWDHURY (Bangladesh) a estimé que la rapacité des agents du régime serbe qui se livrent au génocide au Kosovo doit être condamnée dans les termes les plus fermes. Mais surtout, tout acte de brutalité doit être châtié de façon adéquate afin de dissuader de futures atrocités. La communauté internationale doit prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin aux souffrances des Kosovars. Les tueries doivent cesser et les responsabilités désignées et jugées de façon adéquate. Tous les Kosovars déplacés doivent pouvoir rentrer chez eux et être totalement réhabilités. Ils doivent en outre recevoir une indemnisation complète pour ce qu'ils ont subi. Il est impératif enfin que tout soit fait pour permettre aux Kosovars de vivre à l'avenir dans l'environnement politique et civique de leur choix, a déclaré M.Chowdhury.

M.ROMANS BAUMANIS (Lettonie) a souligné que les mesures répressives prises par l'armée yougoslave et par la police serbe contre des habitants albanais non armés du Kosovo a entraîné un flux de réfugiés tel que l'Europe n'en a pas connu depuis la seconde guerre mondiale. Le nombre de réfugiés est estimé à 500000, a-t-il indiqué, ce qui représente un quart de la population totale du Kosovo. Les habitants ont été chassés de leurs foyers, dévalisés et tués. Des villages entiers ont été vidés et détruits, ce qui révèle les véritables objectifs du régime de M.Milosevic. La Lettonie s'associe aux appels lancés par la communauté internationale afin que cesse immédiatement la campagne de nettoyage ethnique. Ceux qui sont coupables de crimes violents contre des civils devront être traduits devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. La terreur doit cesser et les pourparlers de paix reprendre le dessus. Slobodan Milosevic et la direction de la République fédérale de Yougoslavie ont entre leurs
mains la clef permettant de résoudre cette crise.

M.WILHELM HÖYNCK (Allemagne au nom de l'Union européenne et des pays associés d'Europe orientale et centrale) a expliqué que la politique actuelle de l'Union européenne n'est par dirigée contre la population serbe ou yougoslave, pas plus que contre la République fédérale de Yougoslavie ou la République de Serbie; elle est dirigée contre la politique irresponsable des autorités Yougoslaves. Le représentant a estimé que les accords de Rambouillet offrent les bases pour la reconstruction de ce pays. Il a condamné les crimes commis ces derniers jours et a souligné que les responsables doivent être traduits devant la justice.

M. Höynck a fermement appuyé le Rapporteur spécial qui a suggéré de déployer davantage d'observateurs des droits de l'homme dans la région, ainsi que sa proposition de retourner cette semaine en Yougoslavie. Le Président Milosevic a été constamment prévenu contre la continuation de sa politique d'expulsions forcées qui déstabilisent aussi les pays limitrophes. Le représentant allemand a souligné que la communauté internationale a déployé tous ses efforts pour aider les pays voisins qui ont été mis dans la difficulté en raison des événements du Kosovo. Il s'est déclaré vivement préoccupé par la situation des réfugiés.

M.PHILIPPE PETIT (France) a indiqué que son pays, de concert avec ses partenaires, avait fait tout ce qui était possible pour obtenir une issue politique à la crise, dans le cadre du processus de Rambouillet et en conformité avec la légalité internationale. Toutefois, le Président Milosevic a refusé de signer les accords et a fait le choix de la violence. Il a choisi de porter l'entière responsabilité de la situation actuelle. Les exactions au Kosovo ont déjà fait l'objet de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité qui ont toutes été ignorées par Belgrade. Devant les violations graves des droits de l'homme, l'action était inévitable. Mais l'action militaire n'est pas une fin en soi, a indiqué le représentant qui a appelé de ses voeux un Kosovo pacifié, où Serbes et Kosovars puissent cohabiter, une région des Balkans qui se développe et où la démocratie se renforce. Dans l'immédiat, la France achemine une aide humanitaire pour les réfugiés kosovars et elle se met à disposition pour participer à l'aide internationale et aux efforts du Haut Commissaire pour les réfugiés.

M.AKIRA CHIBA (Japon) a exprimé, sa vive préoccupation au sujet de la dégradation de la situation des droits de l'homme au Kosovo. Il a appelé le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie à accepter l'accord de paix qui lui a été proposé afin que le processus de paix puisse redémarrer. Le représentant du Japon a signalé que son Gouvernement a décidé ce matin de verser 15 millions de dollars aux réfugiés du Kosovo par le biais du Haut Commissariat aux réfugiés et de donner 1000 tentes pour satisfaire aux besoins immédiats des réfugiés sans abri. Il a déclaré que le Japon soutient l'action entreprise par la communauté internationale, en particulier la Haut-Commissaire, MmeMary Robinson, et le Rapporteur spécial, M.Jiri Dienstbier, et a appuyé les efforts menés par les autres organisations humanitaires.

MME MARIE GERVAIS-VIDRICAIRE (Canada) a indiqué que son pays est alarmé par les atrocités commises au Kosovo. Elle a estimé inacceptable la situation des réfugiés dont le nombre pourrait s'élever à 250 000 personnes. Déplorant que la diplomatie, parfois, ne peut fonctionner sans la menace de la force, elle a préconisé une approche en trois volets: renforcement de l'action militaire dans un premier temps, aide humanitaire aux réfugiés et renforcement du rôle du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie dont elle a rappelé qu'il est parfaitement habilité à enquêter sur les crimes contre l'humanité perpétrés au Kosovo.

VOIR CETTE PAGE EN :