Communiqués de presse Commission des droits de l'homme
LA COMMISSION EXAMINE LA SITUATION AU LIBÉRIA, AU CAMBODGE, EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ET AU TCHAD
19 avril 2005
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Commission des droits de l'homme
MATIN
19 avril 2005
Elle termine ses débats sur les services consultatifs et l'assistance technique
dans le domaine des droits de l'homme et sur le fonctionnement
des mécanismes des droits de l'homme
La Commission des droits de l'homme a tenu, ce matin, son débat sur les questions relatives aux services consultatifs et à l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme, dans le cadre duquel elle a été saisie de quatre rapports portant respectivement sur la situation des droits de l'homme au Tchad, en République démocratique du Congo, au Cambodge et au Libéria. Elle a également entendu les derniers orateurs dans le cadre du débat sur le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme.
S'agissant de la situation des droits de l'homme au Tchad, l'Experte indépendante sur la question, Mme Monica Pinto, a souligné que la crise au Darfour a mis le Tchad à l'épreuve et que son accueil généreux de réfugiés soudanais a mis en relief que les conditions de vie dans les camps sont meilleures que celles dont jouissent les populations locales. Elle a par ailleurs déploré la reprise de l'application de la peine de mort après 10 ans de moratoire. Mme Pinto a présenté des recommandations s'agissant notamment de l'indispensable réforme du pouvoir judiciaire, du traitement des détenus, de l'équité entre hommes et femmes, de la protection des enfants, de la non-ingérence des autorités dans les médias. Le Ministre de la justice du Tchad, M. Kalzeube Payimi Deubet a fait une déclaration qui a été suivie d'un débat interactif entre deux délégations et l'Experte indépendante.
La situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo a été présentée par l'Expert indépendant, M. Titinga Frédéric Pacéré, qui s'est dit très sérieusement préoccupé par les difficultés et les retards de la transition, la catastrophe humanitaire et l'état de détresse et d'abandon dans lequel se trouve le peuple congolais. Il s'est dit tout particulièrement troublé par les crimes commis contre les femmes congolaises et leurs enfants. Il a souligné la nécessité de protéger efficacement les populations civiles, faire cesser l'ensemble des violences et en arrêter les auteurs. Il demande au Gouvernement de pratiquer la bonne gouvernance et la bonne gestion des ressources du pays et de lutter contre la corruption et l'impunité. La délégation de la République démocratique du Congo est intervenue au sujet du rapport et deux délégations ont participé à un dialogue interactif avec l'Expert.
Le Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge Situation des droits de l'homme au Cambodge, M. Peter Leuprecht, a affirmé que le nouveau gouvernement cambodgien est arrivé au pouvoir en juillet dernier ne montre pas de volonté de respecter la loi. Le Gouvernement exerce une forme autocrate de pouvoir concentré dans les mains du Premier Ministre. Deux phénomènes sont fortement enracinés au Cambodge; l'impunité et la corruption, a ajouté le représentant spécial. Au titre des faits positifs, le Représentant spécial a mentionné le procès des Khmers rouges qui devrait commencer prochainement. La délégation du Cambodge est intervenue pour estimer que ce rapport ne reflète pas la véritable situation au Cambodge. Trois délégations ont ensuite participé au dialogue interactif avec le Représentant spécial.
Mme Charlotte Abaka, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Libéria, a déclaré que de nombreux progrès avaient été réalisés au Libéria depuis l'établissement de son rapport. Les programmes de désarmement et de démobilisation ont abouti le 31 octobre 2004, ce qui a mené à la paix et à la sécurité, à la liberté de mouvement à travers le pays, à la reprise économique et à la restauration de l'autorité de l'État. Mais malgré la fin de la guerre civile, l'appui de la communauté internationale pour le respect de la primauté du droit est toujours nécessaire et un véritable engagement des Nations Unies sera indispensable pendant beaucoup de temps encore. Un bref échange interactif a suivi la présentation du rapport.
La Commission a ensuite tenu son débat général sur les questions relatives aux services consultatifs et à l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme en entendant les représentants des pays suivants: Égypte, Luxembourg (au nom de l'Union européenne), Roumanie, Cuba, Inde et États-Unis.
Ont également pris la parole les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1); Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2); Amnesty International; Association internationale des juristes démocrates; et United Nations Watch.
La Commission a également entendu ce matin les derniers orateurs dans le cadre du débat sur le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme. Il s'agit des sept organisations non gouvernementales suivantes: Mouvement international d'apostolat des milieux sociaux indépendants; National Association of Criminal Defense Lawyers; Asian Legal Resource Centre; Agence internationale pour le développement; United Nations Watch; Foundation for Aboriginal and Islander Research Action; et la Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme.
La Commission doit examiner cet après-midi, à partir de 12h45, l'examen de la question de la rationalisation de ses travaux avant de se prononcer sur des projets de résolution qui lui sont soumis au titre des droits civils et politiques, de l'intégration des droits fondamentaux des femmes et de l'approche sexospécifique et la question de la violence contre les femmes, ainsi que les questions relatives aux droits de l'enfant.
Fin du débat sur le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme
M. DANIEL DEFAGO (Mouvement international d'apostolat des milieux sociaux indépendants) a mis l'accent sur la solidarité suscitée par les terribles événements de décembre 2004 dans le sud de l'Asie. L'humanité a le devoir de se doter des moyens de faire face aux catastrophes naturelles futures, a-t-il affirmé. Le représentant a ainsi plaidé en faveur d'un impôt de solidarité universel. Le don relève de la charité, l'impôt de la justice, a-t-il dit. Ce prélèvement permettrait la mise sur pied d'une force humanitaire internationale mobile et faciliterait la mise en œuvre d'un système mondial d'alerte.
MME NANCY HOLLANDER (National Association of Criminal Defense Lawyers) a déclaré qu'il faut réaliser les promesses de fonctionnement effectif de la Commission et s'occuper de la violation des droits de l'homme dans toutes les régions du monde, y compris aux États-Unis. Au prétexte de la campagne antiterroriste, ce pays procède à des transferts de personnes vers des États étrangers parfois connus pour leur pratique de la torture. Ceci représente une violation du principe du non-refoulement stipulé dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La représentante a demandé en conclusion à la Commission des droits de l'homme de faire la lumière sur les pratiques d'extradition des États-Unis au nom de la lutte antiterroriste.
M. MICHAEL ANTHONY (Asian Legal Resource Centre) a déclaré que la pratique de la torture est généralisée dans les commissariats de police de Thaïlande. Les mauvais traitements ne sont pas punis dans ce pays qui n'a pas ratifié la Convention contre la torture, a souligné le représentant. La Commission nationale des droits de l'homme n'a pas les moyens de mener de véritables enquêtes. Elle ne peut que saisir les autorités, dont certains responsables ont pu déclarer à la télévision que la torture était nécessaire. Les Thaïlandais ne disposent pas de voies de recours effectif pour lutter contre la torture. Le représentant a appelé de ses vœux la promulgation d'une loi qui permette aux victimes de recourir contre les actes de torture. Enfin, le représentant demande à la Thaïlande de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. HENRI RANAIVOSON (Agence internationale pour le développement) a attiré l'attention de la Commission sur les diasporas, une composante de la société qui n'a pas encore été prise en compte au sein de la Commission. Les diasporas sont de véritables partenaires du développement, a-t-il dit, citant l'organisation internationale pour les migrations. Les réseaux-diasporas ont pour la plupart des activités de création de lien entre les expatriés, telles que l'aide aux étudiants venant du pays d'origine et l'établissement d'un réseau de communication et d'information via l'internet entre les membres. Il a demandé à la Commission s'il n'était pas temps d'examiner la possibilité de prendre des dispositions en faveur de la reconnaissance juridique des diasporas, afin de leur permettre de participer pleinement aux travaux de la Commission relatifs notamment à la promotion et à la protection universelle des droits de l'homme.
M. MICHAEL INLANDER (United Nations Watch) s'est félicité de l'initiative du Secrétaire général proposant la création d'un conseil des droits de l'homme. Il a estimé que les experts indépendants doivent conserver leur place au sein de ce Conseil. Cependant, il a regretté que l'attention des experts soit trop centrée sur certains cas particuliers, notamment Israël et les États-Unis, alors que de nombreux autres pays ont des bilans bien pires en matière de violations des droits de l'homme. Le représentant a en particulier regretté le fait que la Commission ne condamne pas le terrorisme palestinien. Seule une approche équilibrée peut assurer la paix, a-t-il conclu.
M. LES MALEZER (Foundation for Aboriginal and Islander Research Action) a estimé que la Commission des droits de l'homme n'accorde pas suffisamment d'attention à la question de l'amélioration des organes conventionnels. En 1999 et en 2000, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a pu conclure à trois reprises que le Gouvernement de l'Australie était coupable de discrimination raciale contre la population aborigène, et d'atteintes à son droit à la terre et aux ressources naturelles. L'Australie ne tient pas compte des observations du Comité, a estimé le représentant. Partant, il a demandé à la Commission de déployer des efforts plus importants pour renforcer l'autorité des organes conventionnels. Pourquoi l'Australie refuse-t-elle de se conformer à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ? Pourquoi l'Australie a-t-elle refusé d'inviter les mécanismes spéciaux des droits de l'homme, conformément aux résolutions de la Commission.
MME DJÉLY KARIFA SAMOURA (Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme) a affirmé que des progrès substantiels avaient été accomplis en matière de droits de l'homme à travers le monde, particulièrement en Afrique, malgré sa situation de continent économiquement faible. Elle a ainsi mis en évidence le lancement en 2001 d'un projet de la société civile africaine novateur et audacieux pour la longue durée en faveur de la paix et de la concorde, connu sous le nom d'Académie africaine pour la paix. Le but principal de cet instrument panafricain est de servir de cadre pour la promotion des idéaux de paix et de concorde en Afrique, et de centre d'excellence pour la recherche et le développement d'une doctrine africaine de la paix.
Présentations de rapports au titre des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme
La Commission a été saisie ce matin de quatre rapports au titre du point relatif aux services consultatifs et à l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme, portant respectivement sur le Tchad, la République démocratique du Congo, le Cambodge et le Libéria. La présentation des trios premiers rapports a été suivie de l'intervention de la délégation concernée, puis d'un dialogue interactif entre la Commission et l'expert. D'autres rapports sur les services consultatifs et l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme ont été présentés hier matin et vendredi après-midi.
Situation des droits de l'homme au Tchad
MME MÓNICA PINTO, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Tchad, a rappelé que le Tchad est classé parmi les pays les plus pauvres du monde et aussi les plus endettés. La crise au Darfour a mis le Tchad à l'épreuve. Il s'est ouvert généreusement aux réfugiés soudanais mais cette situation a mis en relief que les conditions de vie dans les camps sont meilleures que celles dont jouissent les populations locales. Le Gouvernement doit agir en vue d'assurer un développement humain durable. Si, par le passé, l'économie du Tchad dépendait de l'agriculture et de l'élevage, le Tchad est aujourd'hui un pays pétrolier. Il a la possibilité d'envisager l'exploitation pétrolière future à la lumière des politiques qui aient un impact maximal sur la réduction de la pauvreté. Au Tchad, a poursuivi l'Experte indépendante, une légalité cohabite avec une réalité de coutumes locales auxquelles il est fait appel pour trancher les différends. En outre, une répartition inégale des juges sur le territoire complique l'accès à la justice et tend à dissuader la population de s'en servir.
Le Tchad a repris les exécutions sans donner d'explications après dix ans de moratoire de fait sur l'application de la peine de mort, a déploré la représentante, une évolution qui s'ajoute à la violence régnante. Il faut également procéder à l'édification d'un État de droit où l'administration nationale soit capable de gérer les affaires publiques, où la volonté du peuple s'exprime par des élections libres, périodiques et régulières afin de consolider le pouvoir législatif. La réforme du pouvoir judiciaire est indispensable. Le Gouvernement doit aussi garantir le traitement humain, la qualité de nourriture et la santé aux détenus et leur apprendre des activités génératrices de revenus. L'intégration de la société tchadienne ne peut être retardée. Le Tchad doit incorporer l'équité entre hommes et femmes et reconnaître aux femmes la citoyenneté qui leur manque. Des initiatives doivent être prises pour assurer la protection des enfants. Une campagne d'alphabétisation est urgente au Tchad, a-t-elle ajouté. Les médias publics et privés doivent être à même d'exercer leur métier sans ingérence des autorités. La société civile ne doit plus faire l'objet de harcèlements. En conclusion, l'experte indépendante a estimé que l'initiative d'allégement de la dette des pays très endettés doit jouer en faveur du Tchad et que des programmes de développement à visage humain doivent être mis en place avec l'aide de la coopération internationale.
Le rapport sur la situation des droits de l'homme au Tchad (E/CN.4/2005/121) indique que l'Experte indépendante s'est rendue pour la première fois en République du Tchad du 7 au 17 octobre 2004. Elle a visité la capitale, N'Djamena, ainsi que la partie orientale du pays, près de la frontière avec le Darfour soudanais, les villes d'Abéché et d'Adré ainsi que les camps de réfugiés de Farchana et Bredjing. Elle s'est entretenue avec les autorités nationales et locales, des membres du corps diplomatique et des représentants des églises au Tchad, des membres de la société civile organisée ainsi que des particuliers. Elle conclut que le Tchad est un pays où l'identité nationale passe après l'identité ethnique ou même clanique. Les dichotomies y sont à l'ordre du jour notamment, nordistes et sudistes, musulmans/chrétiens, nomades/sédentaires, Arabes/Africains. Toutefois, ces différences, parfois très irréelles, ne sont pas insurmontables. Le problème est que personne ne s'investi pour essayer d'améliorer la situation. Au contraire, les différences à l'intérieur de la société tchadienne sont manipulées afin d'approfondir les tensions entre les différents groupes. Un manque de confiance généralisé fait passer les institutions après les traditions et les coutumes locales. Par ailleurs, la crise au Darfour a mis le Tchad à l'épreuve. Deux cent mille personnes ont trouvé refuge dans un pays où les populations locales jouissent d'une qualité de vie inférieure à celle des réfugiés.
Le Tchad est un pays pauvre très endetté mais a, en même temps, d'immenses richesses naturelles, notamment du pétrole, à présent exploité par le consortium composé d'Exxon-Mobil, Chevron et Petronas qui, légalement, prend la plus grande partie des bénéfices. L'Experte indépendante considère que les Tchadiens ont un droit inaliénable au développement et que leur gouvernement a la responsabilité première de créer des conditions favorables à la réalisation de ce droit. L'État doit pratiquer la bonne gouvernance. Il doit adopter toutes mesures afin que la législation formellement en vigueur devienne la règle effective. Dans cette perspective, la décentralisation peut jouer un grand rôle pour la bonne gouvernance. Il faut procéder à l'édification d'un État de droit à partir d'une réforme de l'administration nationale, de la consolidation du parlement en tant que représentant du peuple et gardien des droits de l'homme, de la réforme du pouvoir judiciaire afin que les magistrats soient nommés parmi les meilleurs, les plus indépendants et impartiaux. Il faut donner un sens de reclassement social au régime pénitentiaire. En outre, les harcèlements doivent être épargnés à la société civile. Elle construit le tissu social et facilite les mouvements sociaux pour le développement économique et social. Il faut préparer des cadres engagés dans le développement économique, social et politique du pays. Il faut profiter de la présence sur place des institutions des Nations Unies pour construire la démocratie au Tchad, ce qui suppose bonne gouvernance, développement et respect des droits de l'homme.
Pays concerné
M. KALZEUBE PAYIMI DEUBET, Ministre de la justice du Tchad, a déclaré que la mission de l'experte indépendante a permis de mettre en évidence l'urgente nécessité de la formation et de l'éducation aux droits de l'homme. Il est toutefois établi qu'il n'existe pas de politique délibérée de violation systématique des droits de l'homme au Tchad. La situation des droits de l'homme dans le pays se caractérise par un contraste entre le fait et le droit, a estimé le Ministre. Ce contraste s'explique par le poids des traditions, les décennies de guerre et les années de dictature qui ont favorisé l'émergence d'une culture de violence défavorable aux droits de l'homme, contrairement au cadre institutionnel, favorable aux droits humains. Reconnaissant que des efforts considérables restent à accomplir en matière de droits de l'homme, le Tchad envisage de mettre en œuvre une réforme visant à renforcer l'efficacité des services judiciaires, dynamiser les organes chargés du contrôle afin de moraliser les acteurs judiciaires, favoriser une meilleure formation des magistrats. Un Comité de suivi de la réforme a été mis en place ainsi qu'un plan d'action. Le ministre a par ailleurs fait état de la création de commissions techniques chargées de la préparation et de l'organisation des états généraux des armées.
Le Ministre tchadien de la justice a en outre évoqué les mesures adoptées par le Président de la République en faveur des droits de la femme. Il a par ailleurs souligné la mise en œuvre de réformes institutionnelles axées sur la décentralisation. Le ministère chargé de ce dossier a pris toutes les mesures nécessaires pour s'assurer de la pleine participation des populations à la définition et à la mise en œuvre de cette réforme majeure. En outre, le Ministre a rappelé que son pays met l'accent sur la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, conscient qu'un pays ne pourra véritablement jouir du statut d'État de droit tant que son peuple ne sera pas libéré de la misère.
Dialogue interactif
M. SÉRGIO CERDA (Argentine) a demandé à l'Experte indépendante, s'agissant du paragraphe 83 sur le renforcement de la réforme judiciaire, dans quelle mesure la Commission pourrait assurer un suivi. S'agissant de la société civile tchadienne, il a demandé quelle était la véritable situation des organisations non gouvernementales et comment la Commission pouvait les aider afin qu'elles puissent jouer pleinement leur rôle.
MME ELSA KUNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a noté que le moratoire sur la peine capitale a été levé en 2003 et a manifesté la préoccupation de l'Union européenne que 19 personnes seraient susceptibles de subir ce châtiment. Que peut faire la communauté internationale pour empêcher ces exécutions, a-t-elle demandé. Au sujet du droit des enfants, elle a demandé quels étaient les moyens d'améliorer l'accès à la scolarisation des enfants.
Répondant à l'Argentine, l'Experte indépendante, MME PINTO, a affirmé, s'agissant de la réforme du pouvoir judiciaire, que le Haut Commissariat a entamé un programme devant permettre, par l'affectation d'un fonctionnaire des droits de l'homme sur place, d'assurer un suivi de la réforme judiciaire que le Tchad s'est engagé à mettre en œuvre. La société civile organisée au Tchad est petite, a par ailleurs ajouté l'Experte indépendante. Les organisations non gouvernementales ont une marge de manœuvre étroite du fait de la faiblesse de leurs ressources. La société civile fait souvent l'objet de harcèlements, a-t-elle souligné. Répondant au Luxembourg, elle a indiqué que le Tchad n'avait pas donné d'explications sur l'interruption du moratoire sur la peine capitale. Elle a espéré que les pressions internationales feront prendre conscience au Tchad que cette forme de châtiment n'améliore en rien l'efficacité de la justice. Un programme de scolarisation avec l'aide des institutions internationales comme l'UNICEF pourra beaucoup améliorer la lutte contre l'analphabétisme et la façon dont les gens se conduisent en société.
Situation des droits en République démocratique du Congo
M. TITINGA FRÉDÉRIC PACÉRÉ, Expert indépendant sur la situation des droits en République démocratique du Congo, s'est dit très sérieusement préoccupé par les difficultés et les retards de la transition, la catastrophe humanitaire et l'état de détresse et d'abandon dans lequel se trouve le peuple congolais. Selon l'organisation non gouvernementale International Rescue Committee des États-Unis, le conflit au Congo a déjà fait quatre millions de morts, et ferait encore près de mille morts chaque jour. L'Expert indépendant s'est dit «tout particulièrement ulcéré» par les crimes commis contre les femmes congolaises et leurs enfants. Le Gouvernement et la communauté internationale doivent conjuguer leurs efforts pour protéger efficacement les populations civiles, faire cesser l'ensemble des violences et en arrêter les auteurs. Le combat doit être poursuivi contre la violence armée sur l'ensemble du pays. L'Expert indépendant demande particulièrement au Gouvernement de contribuer à la sécurisation du pays, d'assurer le respect des droits économiques, sociaux et culturels en pratiquant la bonne gouvernance, la bonne gestion des ressources du pays et en luttant contre la corruption. Il demande aussi au Gouvernement de mettre en état de fonctionnement le système de santé du pays et de lancer immédiatement une campagne nationale de promotion des droits humains. Il faut aussi que le Gouvernement accentue ses efforts dans le domaine de la lutte contre l'impunité et adopte toutes les mesures nécessaires pour le bon fonctionnement sans entrave de la Cour pénale internationale.
M. Pacéré demande à la communauté internationale d'apporter le soutien suffisant au processus de transition, de reconstruction et de pacification durable du pays. Elle doit en outre coopérer avec l'État congolais afin de mettre un terme à l'exploitation illicite des ressources naturelles et au trafic d'armes. L'Expert indépendant a aussi demandé à la communauté internationale de placer la protection des populations et le respect des droits humains sur l'ensemble du territoire au centre de la prochaine résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, de porter la force militaire de la Mission d'observation des Nations Unies au Congo (MONUC) à au moins 80 000 hommes pendant toute la transition. Elle doit aussi instituer un tribunal pénal international compétent pour connaître les crimes commis au cours des conflits successifs depuis 1994.
Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo (E/CN.4/2005/120), l'Expert indépendant relève qu'une enquête menée par une organisation non gouvernementale indique que le conflit en République démocratique du Congo est le plus meurtrier au monde depuis la seconde guerre mondiale et à présent ferait près de 1 000 morts chaque jour. L'Expert indépendant dénonce la politique de l'autruche et de la langue de bois pratiquée par la communauté internationale vis-à-vis des tsunamis commis par les hommes, et exprime sa crainte que, si cette situation venait à perdurer, l'idée d'élections serait compromise, tout espoir d'aboutissement positif de la transition serait balayé et l'aspiration légitime des Congolais à vivre dans un État de droit démocratique respectueux des droits humains encore une fois reportée sine die.
L'Expert indépendant demande à toutes les parties intéressées d'œuvrer conformément aux impératifs d'humanité et aux obligations découlant du droit international humanitaire, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des instruments internationaux applicables en matière de droits humains, pour arrêter immédiatement la violence, rétablir la sécurité, consolider l'État de droit démocratique et le développement durable. Il demande à toutes les parties au conflit d'appliquer avec honnêteté les accords et à la communauté internationale de ne plus tolérer que la population congolaise soit la victime d'intérêts privés scélérats. Il demande au Conseil de sécurité de donner le mandat et les moyens nécessaires à la Mission d'observation des Nations Unies au Congo (MONUC) pour protéger la sécurité et les droits des populations civiles, enquêter sur les crimes et recueillir des preuves contre leurs auteurs, afin que tous les Congolais de bonne volonté puissent mener à bien le processus de transition et l'organisation d'élections libres; d'instituer un tribunal pénal international pour connaître des crimes tant décriés en République démocratique du Congo. Il demande que les responsables avérés de crimes contre l'humanité soient écartés de la vie politique et de l'armée, arrêtés, et jugés par une justice nationale et/ou internationale dotée de moyens et capacités conséquents.
Pays concerné
M. ANTOINE MINDUA KESIA-MBE (République démocratique du Congo) a déclaré que son pays déploie tous les efforts possibles pour s'acquitter de ses obligations en matière de droits de l'homme en dépit de la guerre et des affrontements. Le Gouvernement n'épargne aucun effort pour assurer le succès du processus électoral. Le représentant a souligné que l'exercice des droits et libertés des défenseurs des droits de l'homme en République démocratique du Congo se fait parfois au mépris des règles déontologiques applicables à leur statut. Le représentant a par ailleurs déclaré que les raisons de la violence et de l'insécurité sont à rechercher dans l'exploitation illégale des ressources naturelles et dans le trafic illicite d'armes. La communauté internationale ne doit pas se voiler la face sur ces réalités évidentes qui empêchent le peuple congolais de bénéficier pleinement de ses ressources naturelles. Les tensions inter ethnique sont combattues avec force, a par ailleurs déclaré le représentant, parce qu'elles sont contraires à la tradition de coexistence pacifique.
Le représentant de la République démocratique du Congo a reconnu que les femmes ont été les principales victimes des années de guerre. Toutefois, le Gouvernement a adopté des mesures importantes qui ont permis d'améliorer sensiblement leur participation aux processus politiques, économiques et sociaux. S'agissant des viols, le représentant a souligné qu'ils sont commis par des éléments appartenant à des groupes armés ou à des groupes étrangers. Ces femmes violées sont prises en charge par les autorités, a-t-il assuré. Le représentant a en outre précisé que son gouvernement a déployé des efforts importants en matière d'administration de la justice. Nous avons saisi la Cour pénale internationale afin qu'elle statue sur les crimes internationaux commis dans le pays. Des enquêtes sont en cours, a-t-il précisé. Il a également rappelé que son pays a toujours demandé la création d'un tribunal spécial pour juger des crimes commis avant l'entrée en fonctions de la Cour pénale internationale, mais en vain. Toutes les mesures sont prises pour lutter contre l'impunité, source grave de violation des droits de l'homme, a conclu le représentant.
Dialogue interactif
MME KATHERINE VERRIER-FRÉCHETTE (Canada) a demandé à l'Expert indépendant, concernent la situation des femmes et des jeunes filles, notamment des graves violences sexuelles qu'elles subissent, quelles actions concrètes pourrait prendre la communauté internationale pour aboutir à une prise de conscience de la part du Gouvernement de la République démocratique du Congo afin qu'il assure la protection physique des femmes.
MME ELSA KÜNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a demandé à l'Expert indépendant des précisions concernant la recommandation faite au Conseil de sécurité de créer un tribunal pénal international. Elle a également évoqué la tenue des prochaines élections qui devaient avoir lieu en juin, demandant à l'Expert si, en raison de la situation de la sécurité, notamment dans l'est du pays, celles-ci pourraient avoir lieu cette année.
L'Expert indépendant, M. PACÉRÉ, répondant à la question posée par le Canada, a affirmé qu'il était nécessaire d'assurer la sécurité dans le pays. Sans sécurité, la femme sera toujours laissée pour compte, a-t-il dit. Si on voit la présence des femmes dans la vie civile, elles ne sont que trop rares à occuper des postes de responsabilité politique, a-t-il ajouté. Au-delà de l'effort du Gouvernement, qui doit être salué, il faut lutter pour rétablir l'équilibre. Répondant au Luxembourg, il a souligné que le pays ne comptait qu'environ 300 juges du siège pour 52 millions d'habitants. La justice nationale n'est pas assez outillée pour assurer la justice, surtout face aux seigneurs de la guerre. Il faut l'aider. Si on n'arrête pas le crime, on ne pourra pas avoir la paix en République démocratique du Congo, a-t-il dit. Concernant les élections, il a indiqué qu'il y avait lieu de soutenir ce processus électoral, un minimum de délais pouvant encore êtres respectés pour que les élections aient lieu cette année.
Situation des droits de l'homme au Cambodge
M. PETER LEUPRECHT, Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, a rappelé qu'après l'impasse politique qui a duré près d'un an, un nouveau gouvernement cambodgien est arrivé au pouvoir en juillet dernier. Cependant, ce dernier ne montre pas de volonté de respecter la loi. La liberté de réunion pacifique et l'espace public disparaissent comme une peau de chagrin. Aucun progrès n'a été réalisé dans le domaine de la démocratie. Le Gouvernement exerce une forme autocrate de pouvoir concentré dans les mains du Premier Ministre. Deux phénomènes sont fortement enracinés au Cambodge; l'impunité et la corruption. Le Gouvernement persiste à nier les faits et à dire que ce phénomène n'existe pas au Cambodge, mais la primauté du droit est une notion qui continue d'être illusoire. L'impunité entraîne la corruption. En outre, la politique néo-coloniale de concession est un échec et ne montre aucun égard pour les droits de l'homme.
Au titre des faits positifs, le Représentant spécial a mentionné le procès des Khmers rouges qui devrait commencer prochainement. Le tribunal chargé de ce dossier doit être un modèle de respect du droit à un procès équitable. Les structures corrompues et opaques, l'impunité et la corruption, l'absence de transparence et d'obligation redditionnelle sont autant d'obstacles à la jouissance des droits de l'homme. Le Gouvernement ne doit pas se contenter de rhétorique s'il souhaite améliorer la situation. En conclusion, le Représentant spécial a souhaité que la résolution sur le Cambodge qui sera proposée se fonde sur les faits tels qu'ils sont et non pas tels que l'on souhaiterait qu'ils soient.
Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Cambodge (E/CN.4/2005/116), le Représentant spécial se dit particulièrement préoccupé par la persistance de l'impunité, qui est devenue structurelle et à laquelle il faut mettre un terme. Le Cambodge doit encore se doter d'organismes publics neutres, de mécanismes de contrôle du pouvoir exécutif et des moyens de faire respecter les droits garantis par la loi et la Constitution. Le pouvoir judiciaire n'agit pas et ne peut pas agir en toute indépendance et impartialité lorsqu'il doit faire face aux intérêts de ceux qui disposent du pouvoir et de l'influence économiques et politiques. Il ne pourra y avoir de progrès dans le secteur de la justice sans un appui politique des échelons les plus élevés du Gouvernement.
Le rapport rappelle qu'en octobre 2004, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi portant approbation de la ratification de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et le Gouvernement cambodgien sur la création au sein des tribunaux cambodgiens de chambres extraordinaires pour juger les auteurs des crimes commis à l'époque du Kampuchea démocratique et ont modifié la loi de 2001 portant création des chambres extraordinaires. Des problèmes de budget et de financement ont empêché que des progrès ne soient réalisés et devront être surmontés de toute urgence. Le Représentant spécial reste en outre préoccupé par l'existence de restrictions à la liberté de réunion et d'association, qui sont régulièrement imposées depuis les émeutes antithaïlandaises de janvier 2003. La corruption endémique demeure en outre un obstacle à la mise en place de l'état de droit et à la réalisation du développement économique et social.
Pays concerné
M. VUN CHHEANG (Cambodge) a déclaré que depuis l'effondrement du mouvement Khmer rouge, dont les dirigeants devront bientôt répondre de leurs crimes, le Gouvernement a déployé d'importants efforts en faveur du renforcement de l'État de droit, de la promotion de la démocratie et du respect des droits de l'homme. L'émergence du pluralisme se fait dans la société entière et le Gouvernement cambodgien a encouragé toutes les sphères de la société civile à participer activement à la vie politique, économique et sociale. Des associations indépendantes se sont multipliées, des journaux de toutes opinions sont imprimés et les points de vue les pus divers et parfois les plus extrêmes, s'expriment. C'est avec la participation de tous que la démocratie se construit.
Le représentant cambodgien a estimé que le rapport du Représentant spécial ne reflète pas la véritable situation au Cambodge. Ce rapport n'a pas su replacer le Cambodge dans le contexte historique qui explique la complexité de la situation et les difficultés auxquelles le pays doit faire face pour résoudre les problèmes. On ne peut pas demander à un pays presque totalement ruiné par près de trois décennies de conflits armés de réaliser l'impossible du jour au lendemain. Le Gouvernement du Cambodge fait preuve d'un attachement sans faille au développement économique et social, à la démocratie libérale et pluraliste, à la liberté d'expression, à la réforme profonde du système judiciaire et de l'administration publique ainsi qu'au renforcement de l'État de droit. C'est pourquoi nous regrettons l'impatience, le manque de tolérance et de réalisme du Représentant spécial. Il est décevant de trouver dans son rapport qu'aucun progrès notable n'a été réalisé. Or, la démocratie cambodgienne a beaucoup progressé. Le système démocratique et pluraliste est devenu adulte. On ne saurait parler d'une norme internationale de démocratie et aucun pays au monde ne saurait se prévaloir d'être un maître en la matière, ni prétendre donner des leçons à un autre pays. La démocratie ne s'applique que dans le contexte particulier d'un pays.
Dialogue interactif
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé au Représentant spécial si, dans le cadre du respect de la Convention relative au statut de réfugiés, un accord était à espérer entre les Gouvernements vietnamien et cambodgien sur les réfugiés montagnards. Comment considérer la sécurité juridique des tribunaux cambodgiens en matière d'adoption face au trafic des personnes ou d'orphelinats corrompus, a-t-il par ailleurs demandé.
MME ELSA KÜNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a demandé, concernant la persistance de l'impunité au Cambodge, quels instruments il convenait d'adopter pour assurer la primauté du droit dans le pays, et comment améliorer les instruments politiques. Elle a en outre demandé des précisions sur les concessions de terres et leurs conséquences négatives pour la jouissance des droits de l'homme.
M. HENRI-PAUL NORMANDIN (Canada) a demandé au Représentant spécial que devrait faire le Gouvernement du Cambodge face à l'intervention de l'exécutif dans le judiciaire.
Le Représentant spécial, M. LEUPRECHT répondant au représentant du Cambodge, a réaffirmé sa profonde sympathie et son attachement pour le peuple cambodgien. Il lui a assuré que son rapport représentait la situation réelle. Ses rapports avec le Premier Ministre sont en dents de scie, a-t-il reconnu, mais beaucoup de membres du Gouvernement sont conscients des problèmes que rencontre le pays. Répondant à la délégation suisse, le Représentant spécial a indiqué avoir soulevé à plusieurs reprises le problème des réfugiés montagnards. Il a souligné notamment qu'il faudra également suivre de près la situation des personnes renvoyées au Vietnam. Le Représentant spécial a par ailleurs constaté qu'il y avait énormément de prostitution forcée au Cambodge, notamment de jeunes filles, le tourisme nourrissant ce phénomène. S'agissant des adoptions, plusieurs pays y ont mis un terme en raison de la situation actuelle. Répondant au Luxembourg, sur une question portant sur la primauté du droit, il a souligné qu'il fallait assurer l'indépendance des tribunaux qui n'est pas effective aujourd'hui. Il faut appliquer la loi telle qu'elle est, a-t-il ajouté, précisant qu'il restait beaucoup à faire à cet égard. Au représentant du Canada, il a affirmé qu'il n'y avait pas de séparation des pouvoirs au Cambodge. Il faudrait une série de réformes pour l'assurer, a-t-il dit, notamment la réforme du Conseil suprême de la magistrature, lequel n'est pas indépendant aujourd'hui.
Situation des droits de l'homme au Libéria
MME CHARLOTTE ABAKA, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Libéria, a déclaré que de nombreux progrès avaient été réalisés au Libéria depuis l'établissement de son rapport. Les programmes de désarmement et de démobilisation ont abouti le 31 octobre 2004, ce qui a mené à la paix et à la sécurité, à la liberté de mouvement à travers le pays, à la reprise économique et à la restauration de l'autorité de l'État. Cependant, bon nombre de gouverneurs sont toujours à Monrovia faute d'appui et d'infrastructures. Les progrès accomplis ont permis d'instaurer une atmosphère de sécurité qui a encouragé les Libériens de parler des diverses formes de violations de droits de l'homme. La loi sur la Commission nationale des droits de l'homme a notamment été adoptée le 21 mars 2005. Cependant, il subsiste encore de sérieux problèmes.
L'Experte indépendante a souligné que, malgré la fin de la guerre civile, l'appui de la communauté internationale pour le respect de la primauté du droit est toujours nécessaire. Un véritable engagement des Nations Unies sera indispensable pendant beaucoup de temps encore. L'Experte indépendante a en particulier recommandé une réforme judiciaire pour combattre l'impunité. Des juges et des magistrats expérimentés doivent être nommés et chargés d'accomplir leur tâche avec toute l'autorité qui s'impose pendant une période de trois ans. Un contrôle exercé par la société civile est également indispensable en matière de droits de l'homme. Le Gouvernement doit dispenser une formation aux droits de l'homme et coopérer avec les organisations non gouvernementales dans ce domaine. Cependant, Mme Abaka a estimé que le plus grand problème qui se pose est la mise en œuvre des programmes de réhabilitation et de réintégration des anciens combattants. En la matière, les ressources sont exclusivement volontaires et les promesses de dons ne se sont pas matérialisées. Le risque est grand de voir les anciens combattants qui ont déposé les armes être recrutés dans les pays voisins. C'est pourquoi l'Experte indépendante a encouragé en conclusion les donateurs à fournir des ressources supplémentaires.
Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Libéria (E/CN.4/2005/119), l'Experte indépendante souligne que cette situation s'est améliorée. La sécurité a été accrue avec le déploiement de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), mais la situation dans les districts, en particulier dans le sud-est du Libéria, où la MINUL n'a pas encore été déployée, et dans d'autres secteurs où elle n'effectue pas de patrouilles régulières, demeure précaire. L'amélioration de la situation des droits de l'homme est attestée par l'absence de violations des droits de l'homme et d'atteintes à ces droits commanditées par l'État. La répression des minorités Gio, Krahn et Mandingo s'est également calmée. Cependant, l'effondrement du système de justice pénale demeure un problème et entrave la jouissance effective des droits de l'homme. Dans la plupart des régions du pays, les tribunaux ne fonctionnent pas et le petit nombre de ceux qui sont opérationnels à Monrovia et dans les environs sont gênés par le manque de ressources.
Au moment où le Libéria achève la première moitié d'un programme de transition qui doit durer deux ans, plusieurs défis restent à relever. Les plus urgents sont le rétablissement du système de justice pénale, la mise en place d'une police nationale professionnelle et efficace et le déploiement des forces de maintien de la paix de l'ONU dans tout le pays. Le Cadre de transition axé sur les résultats fournit un schéma stratégique pour la reconstruction du Libéria et la remise sur pied des institutions nationales défaillantes. Il est absolument nécessaire que la communauté internationale verse les contributions qui ont été annoncées à la Conférence internationale pour la reconstruction du Libéria, qui s'est tenue à New York les 5 et 6 février 2004. Sans cela, le succès du programme de transition et le rétablissement d'une société fondée sur l'état de droit et le respect des droits de l'homme resteront des objectifs difficiles à atteindre.
Dialogue interactif
MME ELSA KÜNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) s'est demandé quels sont les moyens de lutter contre le phénomène de l'exploitation sexuelle imputable aux fonctionnaires chargés du maintien de la paix. Par ailleurs, quelles mesures pourraient être adoptées pour promouvoir la participation effective des organisations non gouvernementales dans l'élaboration de normes relatives aux droits de l'homme.
Répondant à la question posée par la représentante du Luxembourg, l'Experte indépendante, MME ABAKA, a notamment déclaré que l'exploitation sexuelle est le fait d'anciens militaires mais également de responsables des opérations de maintien de la paix. Un émissaire du Secrétaire général s'est rendu sur le terrain et cela permettra sans doute de juguler ce phénomène. Il est vrai que l'aide des organisations non gouvernementales nationales est nécessaire pour dénoncer de telles pratiques et lutter contre cette habitude de résignation bien ancrée dans la population. Il faut faire comprendre à la population que cette exploitation sexuelle est une violation grave des droits de la femme. Malheureusement, les victimes ne disposent pas encore des voies de recours nécessaires en raison de la faiblesse du système judiciaire.
Débat général sur les services consultatifs et la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme
M. MOHAMED LOUTFY (Égypte) a affirmé que son pays attachait une grande importance à ce point de l'ordre du jour sur les services consultatifs et la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme, car il correspond à l'approche la mieux à même d'assurer la promotion des droits de l'homme. Les guerres civiles et les crises politiques ont un effet considérable sur la jouissance des droits de l'homme, a souligné le représentant, précisant que les pays qui les subissaient ne pouvaient pas remplir leurs engagements à cet égard. On ne peut pas jouir des droits de l'homme dans le vide, a-t-il observé. Au lieu de critiquer les États qui ont besoin d'aide dans le domaine des droits de l'homme, il serait bon de les aider et de relever les évolutions positives. Une coopération entre le système des Nations Unies et les pays en développement est le moyen le plus efficace d'améliorer le respect des droits de l'homme dans ces pays. Le représentant égyptien a réitéré l'appel lancé aux États qui présentent des projets de résolution sur la situation des droits de l'homme dans les pays en développement de revoir leurs méthodes inefficaces et d'adopter une approche plus constructive avec ces pays, permettant d'avoir une incidence positive sur la vie des citoyens. L'Égypte croit fermement dans l'indivisibilité des droits de l'homme et attend des pays soucieux des droits de l'homme qu'ils apportent leur soutien dans tous les domaines des droits de l'homme. Cela doit se faire grâce à un dialogue constructif et à l'assistance technique, a-t-il insisté.
M. MARC GODEFROID (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a noté avec satisfaction le nombre croissant de demandes de services consultatifs et de coopération technique dans le domaine des droits de l'homme. À cet égard, l'Union européenne se félicite de la désignation d'un point focal pour la démocratie au sein du Haut Commissariat aux droits de l'homme. L'assistance technique et la coopération ne sont toutefois qu'un élément parmi d'autres du renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme. Une approche globale permet de prendre conscience de la nature non seulement technique mais aussi sociale et politique de ce processus. L'Union européenne est elle-même fortement engagée dans l'assistance technique en faveur de tous les États disposés à coopérer. En 2005, 118 millions d'euros seront disponibles pour des projets de droits de l'homme. Le soutien de l'Union européenne au Haut Commissariat aux droits de l'homme se manifeste dans le financement de programmes d'assistance du Haut Commissariat dans des pays particuliers.
L'Union européenne accueille avec satisfaction le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre du programme de services consultatifs et de coopération technique. L'Union européenne encourage tous les États à contribuer à augmenter les ressources mises à disposition par le budget général des Nations Unies et à augmenter leurs contributions au Fonds de contributions volontaires pour la coopération technique du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Il est en outre essentiel d'établir des liens plus étroits entre les équipes de pays agissant sur le terrain et les mécanismes de défense des droits de l'homme de l'ONU. L'Union européenne encourage le Haut Commissariat à continuer à renforcer ses liens avec les organisations régionales de défense des droits de l'homme et avec les autres organisations intergouvernementales compétentes et à tirer parti de ses relations avec les autres organes des Nations Unies. L'Union européenne souligne aussi la nécessité d'assurer que les Nations Unies disposent d'un programme de droits de l'homme unique, intégré et cohérent. Enfin, le représentant de l'Union européenne a fait un appel à la communauté internationale pour qu'elle continue de fournir des ressources adéquates pour financer la continuation du programme de coopération technique au Timor-Leste.
M. DORU COSTEA (Roumanie) a déclaré qu'il est urgent de saisir de la question de l'assistance concrète que nous pouvons tous fournir en matière de renforcement des infrastructures nationales et régionales relatives aux droits de l'homme. À cet égard, la Roumanie est à la fois un exemple d'État bénéficiaire de programmes d'assistance technique mais également de fournisseur d'aide. Sa coopération avec les Nations Unies lui a permis de traduire en actions concrètes les recommandations faites par les différents mécanismes des droits de l'homme. La Roumanie souhaite partager avec les autres l'expérience qu'elle a acquise et c'est la raison pour laquelle, notamment, elle a mené , à la demande du gouvernement de la Géorgie, une Mission internationale d'experts dans ce pays, sous les auspices de la Communauté des démocraties. Le but de cette Mission était de fournir une aide aux institutions du Gouvernement géorgien et aux organisations de la société civile en matière de démocratie. Nous avons ainsi pu échanger sur les moyens de renforcer les institutions démocratiques et la bonne gouvernance dans le pays.
M. JORGE FERRER RODRÍGUEZ (Cuba) a affirmé que la question des services d'aide et de coopération technique était devenue, par le fait des pays industrialisés, une extension du point 9 de l'ordre du jour de la Commission concernant la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elles se produisent dans le monde. Jamais on a, au sein de la Commission, approuvé une résolution sur l'assistance technique à un pays en développement, a-t-il fait remarquer. Le représentant a indiqué que ce point était souvent utilisé par les pays développés comme un élément de pression sur les pays en développement qui se voient menacés de subir une résolution au titre du point 9 s'ils n'acceptent pas l'ouverture d'un Bureau du Haut Commissaire des droits de l'homme. Les programmes d'assistance technique se sont métamorphosés en des outils permettant d'imposer les programmes de pays développés. Le représentant cubain a affirmé que de nombreux rapports soumis à la Commission n'étaient pas cohérents avec les principes d'universalité, d'indivisibilité et d'interdépendance de tous les droits de l'homme. La coopération internationale doit se faire en respectant les buts et principes de la Charte des Nations Unies. Il ne saurait exister une coopération portant atteinte aux principes fondamentaux des Nations Unies, a-t-il conclu.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a fait remarquer que le nombre de résolutions de la Commission des droits de l'homme ne fait que se multiplier, de même que le nombre de mécanismes spéciaux. Le nombre de mécanismes de suivi n'est pas négligeable non plus. Cependant, ce qui compte avant tout, a estimé le représentant, c'est le succès de ces programmes. Les programmes de coopération technique doivent notamment être ancrés dans les programmes de développement des pays. Le renforcement des capacités et la mise sur pied d'institutions nationales chargées de promouvoir la démocratie et le respect des droits de l'homme est indispensable. Il faut dans le même temps vérifier les mécanismes nationaux qui existent: comment leur présence sur le terrain a-t-elle fonctionné?; ont-elles permis d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays concerné? Il faut se pencher sur les mécanismes de suivi existants pour mesurer leur efficacité, a affirmé le représentant en conclusion.
MME GOLI AMERI (États-Unis) a appuyé fermement le renforcement des capacités du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Le rôle potentiel du Haut Commissariat en matière de contrôle et de prévention des violations des droits de l'homme sur le terrain est aussi important que son action en matière d'assistance technique. Les États-Unis ont travaillé sans relâche, à travers leur action diplomatique et les résolutions du Conseil de sécurité, en faveur d'une présence de membres du Haut Commissariat au Darfour. La bureaucratie de l'ONU, y compris à New York, a mis un temps incroyable avant d'envoyer des personnels du Haut-Commissariat sur le terrain, a regretté la représentante. Poursuivant, Mme Ameri a estimé que la capacité du Haut Commissariat à mener à bien son activité de conseil, à fournir une assistance technique, à délivrer des formations en matière de droits de l'homme et de construction de l'État de droit après les conflits, et la surveillance des violations graves des droits de l'homme, doivent être au cœur des préoccupations de l'ONU.
M. FABIO PIANA (Commission européenne) a affirmé que l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme était l'un des principaux instruments dont disposait l'Union européenne pour faire progresser les droits de l'homme, avec un budget annuel d'environ 118 millions d'euros. Ses campagnes porteront essentiellement les principales priorités de l'Union européenne, notamment le soutien à la justice internationale, la lutte contre la torture, le racisme et la promotion des processus démocratiques. Une attention particulière sera accordée aux droits des enfants dans le cadre de la plate-forme de l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme, a ajouté le représentant, mettant l'accent sur la nécessité de traduire dans les faits les obligations et les engagements qui ont été pris par la communauté internationale.
MME ALICE MIRIMO KABETSI (Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1) a déclaré que l'état de guerre et de conflit persistant en République démocratique du Congo a entraîné une crise généralisée dans tout le pays caractérisée par la pauvreté extrême, l'analphabétisme des filles et des enfants, la délinquance juvénile, la prostitution forcée des jeunes filles, le chômage, la propagation du VIH/sida, la dissolution des mœurs. Il existe encore des prisonniers politiques en détention dans la prison centrale malgré l'Accord global et inclusif de Sun City, de la Constitution de transition et de la loi d'amnistie adoptée par le Parlement. Plusieurs défenseurs des droits de l'homme sont en outre soit en exil, soit en détention irrégulière. La représentante a demandé que le viol et les abus sexuels commis en République démocratique du Congo soient considérés comme des crimes contre l'humanité. Il faut également mettre fin à l'impunité et déclarer l'embargo sur les pays qui fournissent des armes lourdes ou légères aux milices. Il faut aussi réprimer les crimes commis par les casques bleus de la MONUC et faire pression sur le Gouvernement afin d'organiser des élections dans les délais impartis. La représentante a aussi demandé qu'il soit mis fin au trafic illicite du diamant en renforçant le système de certification de Kimberley.
MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2) a déclaré que la capacité à identifier suffisamment tôt les problèmes et leurs évolutions sont des éléments déterminants pour apporter des réponses efficaces aux crises. Les services consultatifs et de coopération technique du Haut-Commissariat peuvent être des mécanismes essentiels en matière d'alerte précoce. Poursuivant, la représentante a déploré que, trop souvent, les institutions consacrées à la promotion de l'égalité entre les sexes, parce qu'elles dépendent de la volonté politique du pouvoir en place, disparaissent ou sont affaiblies au gré de l'alternance politique. Il est donc essentiel que ces institutions bénéficient d'une légitimité constitutionnelle, ce qui permettrait d'assurer leur pérennité et de garantir leur indépendance.
MME GWYNETH WILLIAMS (Amnesty International) a affirmé que le point 19 de l'ordre du jour actuellement à l'examen constitue le moyen d'aider les pays qui émergent des violations graves des droits de l'homme. Mais les lacunes qui caractérisent les travaux de la Commission mènent à un examen insuffisant des situations. La représentante a mis l'accent sur la situation dans la province soudanaise du Darfour, où des civils continuent d'être la cible des milices et où la violence sexuelle contre les femmes se poursuit. Pourtant, a-t-elle dit, des Gouvernements hésitent encore devant cette Commission à traiter de ces violations graves. Cette incapacité à agir de concert ne contribue pas à la crédibilité de la Commission, a estimé la représentante.
M. YORIO SHIOKAWA (Association internationale des juristes démocrates) a fait remarquer que le Japon n'est qu'au seizième rang des contributeurs au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Pourquoi la deuxième puissance économique du monde se contente-t-elle d'un rang aussi modeste? On attend davantage du Japon, a conclu le représentant.
M. HILLEL C. NEUER (United Nations Watch) a demandé à la Commission de ne pas voter de motion de non-action en ce qui concerne le projet de résolution concernant la situation des droits de l'homme au Soudan. Le représentant, notant que des négociations sont actuellement en cours concernant ce projet de résolution, a estimé que la crédibilité et la capacité de la Commission à s'acquitter de son mandat sont en jeu à cette occasion. Le représentant a lancé un appel aux membres de la Commission afin qu'ils montrent que cette instance peut condamner les crimes les plus graves en matière de droits de l'homme.
Droit de réponse
M. SUNU MAHDI SOEMARNO (Indonésie), faisant référence à l'intervention du Luxembourg au nom de l'Union européenne, a indiqué que son pays et le Timor-Leste s'étaient engagés dans un processus de réconciliation à travers des accords bilatéraux. Il a ainsi mis l'accent sur la création de la Commission sur l'amitié, qui constitue une expérience nouvelle et unique permettant aux pays de tirer les leçons du passé. Il a prié l'Union européenne et la communauté internationale d'appuyer la mise en place de relations bilatérales fondées sur le respect et le bon voisinage.
* *** *
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
1Déclaration conjointe: Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles; Femmes Africa Solidarité; Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud; Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples; Alliance internationale des femmes; Société africaine de droit international et comparé; Conseil international des femmes juives; Conseil international des femmes; et la Coalition contre le trafic des femmes.
2Déclaration conjointe: Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Association des femmes du pacifique et de l'asie du sud-est; Conseil international des femmes; Conseil international des femmes juives; Femmes Africa Solidarité; Organisation internationale des femmes sionistes; Comité Inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique; et la Fédération Internationale des Femmes pour la Paix
MATIN
19 avril 2005
Elle termine ses débats sur les services consultatifs et l'assistance technique
dans le domaine des droits de l'homme et sur le fonctionnement
des mécanismes des droits de l'homme
La Commission des droits de l'homme a tenu, ce matin, son débat sur les questions relatives aux services consultatifs et à l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme, dans le cadre duquel elle a été saisie de quatre rapports portant respectivement sur la situation des droits de l'homme au Tchad, en République démocratique du Congo, au Cambodge et au Libéria. Elle a également entendu les derniers orateurs dans le cadre du débat sur le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme.
S'agissant de la situation des droits de l'homme au Tchad, l'Experte indépendante sur la question, Mme Monica Pinto, a souligné que la crise au Darfour a mis le Tchad à l'épreuve et que son accueil généreux de réfugiés soudanais a mis en relief que les conditions de vie dans les camps sont meilleures que celles dont jouissent les populations locales. Elle a par ailleurs déploré la reprise de l'application de la peine de mort après 10 ans de moratoire. Mme Pinto a présenté des recommandations s'agissant notamment de l'indispensable réforme du pouvoir judiciaire, du traitement des détenus, de l'équité entre hommes et femmes, de la protection des enfants, de la non-ingérence des autorités dans les médias. Le Ministre de la justice du Tchad, M. Kalzeube Payimi Deubet a fait une déclaration qui a été suivie d'un débat interactif entre deux délégations et l'Experte indépendante.
La situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo a été présentée par l'Expert indépendant, M. Titinga Frédéric Pacéré, qui s'est dit très sérieusement préoccupé par les difficultés et les retards de la transition, la catastrophe humanitaire et l'état de détresse et d'abandon dans lequel se trouve le peuple congolais. Il s'est dit tout particulièrement troublé par les crimes commis contre les femmes congolaises et leurs enfants. Il a souligné la nécessité de protéger efficacement les populations civiles, faire cesser l'ensemble des violences et en arrêter les auteurs. Il demande au Gouvernement de pratiquer la bonne gouvernance et la bonne gestion des ressources du pays et de lutter contre la corruption et l'impunité. La délégation de la République démocratique du Congo est intervenue au sujet du rapport et deux délégations ont participé à un dialogue interactif avec l'Expert.
Le Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge Situation des droits de l'homme au Cambodge, M. Peter Leuprecht, a affirmé que le nouveau gouvernement cambodgien est arrivé au pouvoir en juillet dernier ne montre pas de volonté de respecter la loi. Le Gouvernement exerce une forme autocrate de pouvoir concentré dans les mains du Premier Ministre. Deux phénomènes sont fortement enracinés au Cambodge; l'impunité et la corruption, a ajouté le représentant spécial. Au titre des faits positifs, le Représentant spécial a mentionné le procès des Khmers rouges qui devrait commencer prochainement. La délégation du Cambodge est intervenue pour estimer que ce rapport ne reflète pas la véritable situation au Cambodge. Trois délégations ont ensuite participé au dialogue interactif avec le Représentant spécial.
Mme Charlotte Abaka, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Libéria, a déclaré que de nombreux progrès avaient été réalisés au Libéria depuis l'établissement de son rapport. Les programmes de désarmement et de démobilisation ont abouti le 31 octobre 2004, ce qui a mené à la paix et à la sécurité, à la liberté de mouvement à travers le pays, à la reprise économique et à la restauration de l'autorité de l'État. Mais malgré la fin de la guerre civile, l'appui de la communauté internationale pour le respect de la primauté du droit est toujours nécessaire et un véritable engagement des Nations Unies sera indispensable pendant beaucoup de temps encore. Un bref échange interactif a suivi la présentation du rapport.
La Commission a ensuite tenu son débat général sur les questions relatives aux services consultatifs et à l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme en entendant les représentants des pays suivants: Égypte, Luxembourg (au nom de l'Union européenne), Roumanie, Cuba, Inde et États-Unis.
Ont également pris la parole les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1); Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2); Amnesty International; Association internationale des juristes démocrates; et United Nations Watch.
La Commission a également entendu ce matin les derniers orateurs dans le cadre du débat sur le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme. Il s'agit des sept organisations non gouvernementales suivantes: Mouvement international d'apostolat des milieux sociaux indépendants; National Association of Criminal Defense Lawyers; Asian Legal Resource Centre; Agence internationale pour le développement; United Nations Watch; Foundation for Aboriginal and Islander Research Action; et la Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme.
La Commission doit examiner cet après-midi, à partir de 12h45, l'examen de la question de la rationalisation de ses travaux avant de se prononcer sur des projets de résolution qui lui sont soumis au titre des droits civils et politiques, de l'intégration des droits fondamentaux des femmes et de l'approche sexospécifique et la question de la violence contre les femmes, ainsi que les questions relatives aux droits de l'enfant.
Fin du débat sur le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme
M. DANIEL DEFAGO (Mouvement international d'apostolat des milieux sociaux indépendants) a mis l'accent sur la solidarité suscitée par les terribles événements de décembre 2004 dans le sud de l'Asie. L'humanité a le devoir de se doter des moyens de faire face aux catastrophes naturelles futures, a-t-il affirmé. Le représentant a ainsi plaidé en faveur d'un impôt de solidarité universel. Le don relève de la charité, l'impôt de la justice, a-t-il dit. Ce prélèvement permettrait la mise sur pied d'une force humanitaire internationale mobile et faciliterait la mise en œuvre d'un système mondial d'alerte.
MME NANCY HOLLANDER (National Association of Criminal Defense Lawyers) a déclaré qu'il faut réaliser les promesses de fonctionnement effectif de la Commission et s'occuper de la violation des droits de l'homme dans toutes les régions du monde, y compris aux États-Unis. Au prétexte de la campagne antiterroriste, ce pays procède à des transferts de personnes vers des États étrangers parfois connus pour leur pratique de la torture. Ceci représente une violation du principe du non-refoulement stipulé dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La représentante a demandé en conclusion à la Commission des droits de l'homme de faire la lumière sur les pratiques d'extradition des États-Unis au nom de la lutte antiterroriste.
M. MICHAEL ANTHONY (Asian Legal Resource Centre) a déclaré que la pratique de la torture est généralisée dans les commissariats de police de Thaïlande. Les mauvais traitements ne sont pas punis dans ce pays qui n'a pas ratifié la Convention contre la torture, a souligné le représentant. La Commission nationale des droits de l'homme n'a pas les moyens de mener de véritables enquêtes. Elle ne peut que saisir les autorités, dont certains responsables ont pu déclarer à la télévision que la torture était nécessaire. Les Thaïlandais ne disposent pas de voies de recours effectif pour lutter contre la torture. Le représentant a appelé de ses vœux la promulgation d'une loi qui permette aux victimes de recourir contre les actes de torture. Enfin, le représentant demande à la Thaïlande de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. HENRI RANAIVOSON (Agence internationale pour le développement) a attiré l'attention de la Commission sur les diasporas, une composante de la société qui n'a pas encore été prise en compte au sein de la Commission. Les diasporas sont de véritables partenaires du développement, a-t-il dit, citant l'organisation internationale pour les migrations. Les réseaux-diasporas ont pour la plupart des activités de création de lien entre les expatriés, telles que l'aide aux étudiants venant du pays d'origine et l'établissement d'un réseau de communication et d'information via l'internet entre les membres. Il a demandé à la Commission s'il n'était pas temps d'examiner la possibilité de prendre des dispositions en faveur de la reconnaissance juridique des diasporas, afin de leur permettre de participer pleinement aux travaux de la Commission relatifs notamment à la promotion et à la protection universelle des droits de l'homme.
M. MICHAEL INLANDER (United Nations Watch) s'est félicité de l'initiative du Secrétaire général proposant la création d'un conseil des droits de l'homme. Il a estimé que les experts indépendants doivent conserver leur place au sein de ce Conseil. Cependant, il a regretté que l'attention des experts soit trop centrée sur certains cas particuliers, notamment Israël et les États-Unis, alors que de nombreux autres pays ont des bilans bien pires en matière de violations des droits de l'homme. Le représentant a en particulier regretté le fait que la Commission ne condamne pas le terrorisme palestinien. Seule une approche équilibrée peut assurer la paix, a-t-il conclu.
M. LES MALEZER (Foundation for Aboriginal and Islander Research Action) a estimé que la Commission des droits de l'homme n'accorde pas suffisamment d'attention à la question de l'amélioration des organes conventionnels. En 1999 et en 2000, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a pu conclure à trois reprises que le Gouvernement de l'Australie était coupable de discrimination raciale contre la population aborigène, et d'atteintes à son droit à la terre et aux ressources naturelles. L'Australie ne tient pas compte des observations du Comité, a estimé le représentant. Partant, il a demandé à la Commission de déployer des efforts plus importants pour renforcer l'autorité des organes conventionnels. Pourquoi l'Australie refuse-t-elle de se conformer à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ? Pourquoi l'Australie a-t-elle refusé d'inviter les mécanismes spéciaux des droits de l'homme, conformément aux résolutions de la Commission.
MME DJÉLY KARIFA SAMOURA (Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme) a affirmé que des progrès substantiels avaient été accomplis en matière de droits de l'homme à travers le monde, particulièrement en Afrique, malgré sa situation de continent économiquement faible. Elle a ainsi mis en évidence le lancement en 2001 d'un projet de la société civile africaine novateur et audacieux pour la longue durée en faveur de la paix et de la concorde, connu sous le nom d'Académie africaine pour la paix. Le but principal de cet instrument panafricain est de servir de cadre pour la promotion des idéaux de paix et de concorde en Afrique, et de centre d'excellence pour la recherche et le développement d'une doctrine africaine de la paix.
Présentations de rapports au titre des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme
La Commission a été saisie ce matin de quatre rapports au titre du point relatif aux services consultatifs et à l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme, portant respectivement sur le Tchad, la République démocratique du Congo, le Cambodge et le Libéria. La présentation des trios premiers rapports a été suivie de l'intervention de la délégation concernée, puis d'un dialogue interactif entre la Commission et l'expert. D'autres rapports sur les services consultatifs et l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme ont été présentés hier matin et vendredi après-midi.
Situation des droits de l'homme au Tchad
MME MÓNICA PINTO, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Tchad, a rappelé que le Tchad est classé parmi les pays les plus pauvres du monde et aussi les plus endettés. La crise au Darfour a mis le Tchad à l'épreuve. Il s'est ouvert généreusement aux réfugiés soudanais mais cette situation a mis en relief que les conditions de vie dans les camps sont meilleures que celles dont jouissent les populations locales. Le Gouvernement doit agir en vue d'assurer un développement humain durable. Si, par le passé, l'économie du Tchad dépendait de l'agriculture et de l'élevage, le Tchad est aujourd'hui un pays pétrolier. Il a la possibilité d'envisager l'exploitation pétrolière future à la lumière des politiques qui aient un impact maximal sur la réduction de la pauvreté. Au Tchad, a poursuivi l'Experte indépendante, une légalité cohabite avec une réalité de coutumes locales auxquelles il est fait appel pour trancher les différends. En outre, une répartition inégale des juges sur le territoire complique l'accès à la justice et tend à dissuader la population de s'en servir.
Le Tchad a repris les exécutions sans donner d'explications après dix ans de moratoire de fait sur l'application de la peine de mort, a déploré la représentante, une évolution qui s'ajoute à la violence régnante. Il faut également procéder à l'édification d'un État de droit où l'administration nationale soit capable de gérer les affaires publiques, où la volonté du peuple s'exprime par des élections libres, périodiques et régulières afin de consolider le pouvoir législatif. La réforme du pouvoir judiciaire est indispensable. Le Gouvernement doit aussi garantir le traitement humain, la qualité de nourriture et la santé aux détenus et leur apprendre des activités génératrices de revenus. L'intégration de la société tchadienne ne peut être retardée. Le Tchad doit incorporer l'équité entre hommes et femmes et reconnaître aux femmes la citoyenneté qui leur manque. Des initiatives doivent être prises pour assurer la protection des enfants. Une campagne d'alphabétisation est urgente au Tchad, a-t-elle ajouté. Les médias publics et privés doivent être à même d'exercer leur métier sans ingérence des autorités. La société civile ne doit plus faire l'objet de harcèlements. En conclusion, l'experte indépendante a estimé que l'initiative d'allégement de la dette des pays très endettés doit jouer en faveur du Tchad et que des programmes de développement à visage humain doivent être mis en place avec l'aide de la coopération internationale.
Le rapport sur la situation des droits de l'homme au Tchad (E/CN.4/2005/121) indique que l'Experte indépendante s'est rendue pour la première fois en République du Tchad du 7 au 17 octobre 2004. Elle a visité la capitale, N'Djamena, ainsi que la partie orientale du pays, près de la frontière avec le Darfour soudanais, les villes d'Abéché et d'Adré ainsi que les camps de réfugiés de Farchana et Bredjing. Elle s'est entretenue avec les autorités nationales et locales, des membres du corps diplomatique et des représentants des églises au Tchad, des membres de la société civile organisée ainsi que des particuliers. Elle conclut que le Tchad est un pays où l'identité nationale passe après l'identité ethnique ou même clanique. Les dichotomies y sont à l'ordre du jour notamment, nordistes et sudistes, musulmans/chrétiens, nomades/sédentaires, Arabes/Africains. Toutefois, ces différences, parfois très irréelles, ne sont pas insurmontables. Le problème est que personne ne s'investi pour essayer d'améliorer la situation. Au contraire, les différences à l'intérieur de la société tchadienne sont manipulées afin d'approfondir les tensions entre les différents groupes. Un manque de confiance généralisé fait passer les institutions après les traditions et les coutumes locales. Par ailleurs, la crise au Darfour a mis le Tchad à l'épreuve. Deux cent mille personnes ont trouvé refuge dans un pays où les populations locales jouissent d'une qualité de vie inférieure à celle des réfugiés.
Le Tchad est un pays pauvre très endetté mais a, en même temps, d'immenses richesses naturelles, notamment du pétrole, à présent exploité par le consortium composé d'Exxon-Mobil, Chevron et Petronas qui, légalement, prend la plus grande partie des bénéfices. L'Experte indépendante considère que les Tchadiens ont un droit inaliénable au développement et que leur gouvernement a la responsabilité première de créer des conditions favorables à la réalisation de ce droit. L'État doit pratiquer la bonne gouvernance. Il doit adopter toutes mesures afin que la législation formellement en vigueur devienne la règle effective. Dans cette perspective, la décentralisation peut jouer un grand rôle pour la bonne gouvernance. Il faut procéder à l'édification d'un État de droit à partir d'une réforme de l'administration nationale, de la consolidation du parlement en tant que représentant du peuple et gardien des droits de l'homme, de la réforme du pouvoir judiciaire afin que les magistrats soient nommés parmi les meilleurs, les plus indépendants et impartiaux. Il faut donner un sens de reclassement social au régime pénitentiaire. En outre, les harcèlements doivent être épargnés à la société civile. Elle construit le tissu social et facilite les mouvements sociaux pour le développement économique et social. Il faut préparer des cadres engagés dans le développement économique, social et politique du pays. Il faut profiter de la présence sur place des institutions des Nations Unies pour construire la démocratie au Tchad, ce qui suppose bonne gouvernance, développement et respect des droits de l'homme.
Pays concerné
M. KALZEUBE PAYIMI DEUBET, Ministre de la justice du Tchad, a déclaré que la mission de l'experte indépendante a permis de mettre en évidence l'urgente nécessité de la formation et de l'éducation aux droits de l'homme. Il est toutefois établi qu'il n'existe pas de politique délibérée de violation systématique des droits de l'homme au Tchad. La situation des droits de l'homme dans le pays se caractérise par un contraste entre le fait et le droit, a estimé le Ministre. Ce contraste s'explique par le poids des traditions, les décennies de guerre et les années de dictature qui ont favorisé l'émergence d'une culture de violence défavorable aux droits de l'homme, contrairement au cadre institutionnel, favorable aux droits humains. Reconnaissant que des efforts considérables restent à accomplir en matière de droits de l'homme, le Tchad envisage de mettre en œuvre une réforme visant à renforcer l'efficacité des services judiciaires, dynamiser les organes chargés du contrôle afin de moraliser les acteurs judiciaires, favoriser une meilleure formation des magistrats. Un Comité de suivi de la réforme a été mis en place ainsi qu'un plan d'action. Le ministre a par ailleurs fait état de la création de commissions techniques chargées de la préparation et de l'organisation des états généraux des armées.
Le Ministre tchadien de la justice a en outre évoqué les mesures adoptées par le Président de la République en faveur des droits de la femme. Il a par ailleurs souligné la mise en œuvre de réformes institutionnelles axées sur la décentralisation. Le ministère chargé de ce dossier a pris toutes les mesures nécessaires pour s'assurer de la pleine participation des populations à la définition et à la mise en œuvre de cette réforme majeure. En outre, le Ministre a rappelé que son pays met l'accent sur la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, conscient qu'un pays ne pourra véritablement jouir du statut d'État de droit tant que son peuple ne sera pas libéré de la misère.
Dialogue interactif
M. SÉRGIO CERDA (Argentine) a demandé à l'Experte indépendante, s'agissant du paragraphe 83 sur le renforcement de la réforme judiciaire, dans quelle mesure la Commission pourrait assurer un suivi. S'agissant de la société civile tchadienne, il a demandé quelle était la véritable situation des organisations non gouvernementales et comment la Commission pouvait les aider afin qu'elles puissent jouer pleinement leur rôle.
MME ELSA KUNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a noté que le moratoire sur la peine capitale a été levé en 2003 et a manifesté la préoccupation de l'Union européenne que 19 personnes seraient susceptibles de subir ce châtiment. Que peut faire la communauté internationale pour empêcher ces exécutions, a-t-elle demandé. Au sujet du droit des enfants, elle a demandé quels étaient les moyens d'améliorer l'accès à la scolarisation des enfants.
Répondant à l'Argentine, l'Experte indépendante, MME PINTO, a affirmé, s'agissant de la réforme du pouvoir judiciaire, que le Haut Commissariat a entamé un programme devant permettre, par l'affectation d'un fonctionnaire des droits de l'homme sur place, d'assurer un suivi de la réforme judiciaire que le Tchad s'est engagé à mettre en œuvre. La société civile organisée au Tchad est petite, a par ailleurs ajouté l'Experte indépendante. Les organisations non gouvernementales ont une marge de manœuvre étroite du fait de la faiblesse de leurs ressources. La société civile fait souvent l'objet de harcèlements, a-t-elle souligné. Répondant au Luxembourg, elle a indiqué que le Tchad n'avait pas donné d'explications sur l'interruption du moratoire sur la peine capitale. Elle a espéré que les pressions internationales feront prendre conscience au Tchad que cette forme de châtiment n'améliore en rien l'efficacité de la justice. Un programme de scolarisation avec l'aide des institutions internationales comme l'UNICEF pourra beaucoup améliorer la lutte contre l'analphabétisme et la façon dont les gens se conduisent en société.
Situation des droits en République démocratique du Congo
M. TITINGA FRÉDÉRIC PACÉRÉ, Expert indépendant sur la situation des droits en République démocratique du Congo, s'est dit très sérieusement préoccupé par les difficultés et les retards de la transition, la catastrophe humanitaire et l'état de détresse et d'abandon dans lequel se trouve le peuple congolais. Selon l'organisation non gouvernementale International Rescue Committee des États-Unis, le conflit au Congo a déjà fait quatre millions de morts, et ferait encore près de mille morts chaque jour. L'Expert indépendant s'est dit «tout particulièrement ulcéré» par les crimes commis contre les femmes congolaises et leurs enfants. Le Gouvernement et la communauté internationale doivent conjuguer leurs efforts pour protéger efficacement les populations civiles, faire cesser l'ensemble des violences et en arrêter les auteurs. Le combat doit être poursuivi contre la violence armée sur l'ensemble du pays. L'Expert indépendant demande particulièrement au Gouvernement de contribuer à la sécurisation du pays, d'assurer le respect des droits économiques, sociaux et culturels en pratiquant la bonne gouvernance, la bonne gestion des ressources du pays et en luttant contre la corruption. Il demande aussi au Gouvernement de mettre en état de fonctionnement le système de santé du pays et de lancer immédiatement une campagne nationale de promotion des droits humains. Il faut aussi que le Gouvernement accentue ses efforts dans le domaine de la lutte contre l'impunité et adopte toutes les mesures nécessaires pour le bon fonctionnement sans entrave de la Cour pénale internationale.
M. Pacéré demande à la communauté internationale d'apporter le soutien suffisant au processus de transition, de reconstruction et de pacification durable du pays. Elle doit en outre coopérer avec l'État congolais afin de mettre un terme à l'exploitation illicite des ressources naturelles et au trafic d'armes. L'Expert indépendant a aussi demandé à la communauté internationale de placer la protection des populations et le respect des droits humains sur l'ensemble du territoire au centre de la prochaine résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, de porter la force militaire de la Mission d'observation des Nations Unies au Congo (MONUC) à au moins 80 000 hommes pendant toute la transition. Elle doit aussi instituer un tribunal pénal international compétent pour connaître les crimes commis au cours des conflits successifs depuis 1994.
Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo (E/CN.4/2005/120), l'Expert indépendant relève qu'une enquête menée par une organisation non gouvernementale indique que le conflit en République démocratique du Congo est le plus meurtrier au monde depuis la seconde guerre mondiale et à présent ferait près de 1 000 morts chaque jour. L'Expert indépendant dénonce la politique de l'autruche et de la langue de bois pratiquée par la communauté internationale vis-à-vis des tsunamis commis par les hommes, et exprime sa crainte que, si cette situation venait à perdurer, l'idée d'élections serait compromise, tout espoir d'aboutissement positif de la transition serait balayé et l'aspiration légitime des Congolais à vivre dans un État de droit démocratique respectueux des droits humains encore une fois reportée sine die.
L'Expert indépendant demande à toutes les parties intéressées d'œuvrer conformément aux impératifs d'humanité et aux obligations découlant du droit international humanitaire, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des instruments internationaux applicables en matière de droits humains, pour arrêter immédiatement la violence, rétablir la sécurité, consolider l'État de droit démocratique et le développement durable. Il demande à toutes les parties au conflit d'appliquer avec honnêteté les accords et à la communauté internationale de ne plus tolérer que la population congolaise soit la victime d'intérêts privés scélérats. Il demande au Conseil de sécurité de donner le mandat et les moyens nécessaires à la Mission d'observation des Nations Unies au Congo (MONUC) pour protéger la sécurité et les droits des populations civiles, enquêter sur les crimes et recueillir des preuves contre leurs auteurs, afin que tous les Congolais de bonne volonté puissent mener à bien le processus de transition et l'organisation d'élections libres; d'instituer un tribunal pénal international pour connaître des crimes tant décriés en République démocratique du Congo. Il demande que les responsables avérés de crimes contre l'humanité soient écartés de la vie politique et de l'armée, arrêtés, et jugés par une justice nationale et/ou internationale dotée de moyens et capacités conséquents.
Pays concerné
M. ANTOINE MINDUA KESIA-MBE (République démocratique du Congo) a déclaré que son pays déploie tous les efforts possibles pour s'acquitter de ses obligations en matière de droits de l'homme en dépit de la guerre et des affrontements. Le Gouvernement n'épargne aucun effort pour assurer le succès du processus électoral. Le représentant a souligné que l'exercice des droits et libertés des défenseurs des droits de l'homme en République démocratique du Congo se fait parfois au mépris des règles déontologiques applicables à leur statut. Le représentant a par ailleurs déclaré que les raisons de la violence et de l'insécurité sont à rechercher dans l'exploitation illégale des ressources naturelles et dans le trafic illicite d'armes. La communauté internationale ne doit pas se voiler la face sur ces réalités évidentes qui empêchent le peuple congolais de bénéficier pleinement de ses ressources naturelles. Les tensions inter ethnique sont combattues avec force, a par ailleurs déclaré le représentant, parce qu'elles sont contraires à la tradition de coexistence pacifique.
Le représentant de la République démocratique du Congo a reconnu que les femmes ont été les principales victimes des années de guerre. Toutefois, le Gouvernement a adopté des mesures importantes qui ont permis d'améliorer sensiblement leur participation aux processus politiques, économiques et sociaux. S'agissant des viols, le représentant a souligné qu'ils sont commis par des éléments appartenant à des groupes armés ou à des groupes étrangers. Ces femmes violées sont prises en charge par les autorités, a-t-il assuré. Le représentant a en outre précisé que son gouvernement a déployé des efforts importants en matière d'administration de la justice. Nous avons saisi la Cour pénale internationale afin qu'elle statue sur les crimes internationaux commis dans le pays. Des enquêtes sont en cours, a-t-il précisé. Il a également rappelé que son pays a toujours demandé la création d'un tribunal spécial pour juger des crimes commis avant l'entrée en fonctions de la Cour pénale internationale, mais en vain. Toutes les mesures sont prises pour lutter contre l'impunité, source grave de violation des droits de l'homme, a conclu le représentant.
Dialogue interactif
MME KATHERINE VERRIER-FRÉCHETTE (Canada) a demandé à l'Expert indépendant, concernent la situation des femmes et des jeunes filles, notamment des graves violences sexuelles qu'elles subissent, quelles actions concrètes pourrait prendre la communauté internationale pour aboutir à une prise de conscience de la part du Gouvernement de la République démocratique du Congo afin qu'il assure la protection physique des femmes.
MME ELSA KÜNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a demandé à l'Expert indépendant des précisions concernant la recommandation faite au Conseil de sécurité de créer un tribunal pénal international. Elle a également évoqué la tenue des prochaines élections qui devaient avoir lieu en juin, demandant à l'Expert si, en raison de la situation de la sécurité, notamment dans l'est du pays, celles-ci pourraient avoir lieu cette année.
L'Expert indépendant, M. PACÉRÉ, répondant à la question posée par le Canada, a affirmé qu'il était nécessaire d'assurer la sécurité dans le pays. Sans sécurité, la femme sera toujours laissée pour compte, a-t-il dit. Si on voit la présence des femmes dans la vie civile, elles ne sont que trop rares à occuper des postes de responsabilité politique, a-t-il ajouté. Au-delà de l'effort du Gouvernement, qui doit être salué, il faut lutter pour rétablir l'équilibre. Répondant au Luxembourg, il a souligné que le pays ne comptait qu'environ 300 juges du siège pour 52 millions d'habitants. La justice nationale n'est pas assez outillée pour assurer la justice, surtout face aux seigneurs de la guerre. Il faut l'aider. Si on n'arrête pas le crime, on ne pourra pas avoir la paix en République démocratique du Congo, a-t-il dit. Concernant les élections, il a indiqué qu'il y avait lieu de soutenir ce processus électoral, un minimum de délais pouvant encore êtres respectés pour que les élections aient lieu cette année.
Situation des droits de l'homme au Cambodge
M. PETER LEUPRECHT, Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, a rappelé qu'après l'impasse politique qui a duré près d'un an, un nouveau gouvernement cambodgien est arrivé au pouvoir en juillet dernier. Cependant, ce dernier ne montre pas de volonté de respecter la loi. La liberté de réunion pacifique et l'espace public disparaissent comme une peau de chagrin. Aucun progrès n'a été réalisé dans le domaine de la démocratie. Le Gouvernement exerce une forme autocrate de pouvoir concentré dans les mains du Premier Ministre. Deux phénomènes sont fortement enracinés au Cambodge; l'impunité et la corruption. Le Gouvernement persiste à nier les faits et à dire que ce phénomène n'existe pas au Cambodge, mais la primauté du droit est une notion qui continue d'être illusoire. L'impunité entraîne la corruption. En outre, la politique néo-coloniale de concession est un échec et ne montre aucun égard pour les droits de l'homme.
Au titre des faits positifs, le Représentant spécial a mentionné le procès des Khmers rouges qui devrait commencer prochainement. Le tribunal chargé de ce dossier doit être un modèle de respect du droit à un procès équitable. Les structures corrompues et opaques, l'impunité et la corruption, l'absence de transparence et d'obligation redditionnelle sont autant d'obstacles à la jouissance des droits de l'homme. Le Gouvernement ne doit pas se contenter de rhétorique s'il souhaite améliorer la situation. En conclusion, le Représentant spécial a souhaité que la résolution sur le Cambodge qui sera proposée se fonde sur les faits tels qu'ils sont et non pas tels que l'on souhaiterait qu'ils soient.
Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Cambodge (E/CN.4/2005/116), le Représentant spécial se dit particulièrement préoccupé par la persistance de l'impunité, qui est devenue structurelle et à laquelle il faut mettre un terme. Le Cambodge doit encore se doter d'organismes publics neutres, de mécanismes de contrôle du pouvoir exécutif et des moyens de faire respecter les droits garantis par la loi et la Constitution. Le pouvoir judiciaire n'agit pas et ne peut pas agir en toute indépendance et impartialité lorsqu'il doit faire face aux intérêts de ceux qui disposent du pouvoir et de l'influence économiques et politiques. Il ne pourra y avoir de progrès dans le secteur de la justice sans un appui politique des échelons les plus élevés du Gouvernement.
Le rapport rappelle qu'en octobre 2004, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi portant approbation de la ratification de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et le Gouvernement cambodgien sur la création au sein des tribunaux cambodgiens de chambres extraordinaires pour juger les auteurs des crimes commis à l'époque du Kampuchea démocratique et ont modifié la loi de 2001 portant création des chambres extraordinaires. Des problèmes de budget et de financement ont empêché que des progrès ne soient réalisés et devront être surmontés de toute urgence. Le Représentant spécial reste en outre préoccupé par l'existence de restrictions à la liberté de réunion et d'association, qui sont régulièrement imposées depuis les émeutes antithaïlandaises de janvier 2003. La corruption endémique demeure en outre un obstacle à la mise en place de l'état de droit et à la réalisation du développement économique et social.
Pays concerné
M. VUN CHHEANG (Cambodge) a déclaré que depuis l'effondrement du mouvement Khmer rouge, dont les dirigeants devront bientôt répondre de leurs crimes, le Gouvernement a déployé d'importants efforts en faveur du renforcement de l'État de droit, de la promotion de la démocratie et du respect des droits de l'homme. L'émergence du pluralisme se fait dans la société entière et le Gouvernement cambodgien a encouragé toutes les sphères de la société civile à participer activement à la vie politique, économique et sociale. Des associations indépendantes se sont multipliées, des journaux de toutes opinions sont imprimés et les points de vue les pus divers et parfois les plus extrêmes, s'expriment. C'est avec la participation de tous que la démocratie se construit.
Le représentant cambodgien a estimé que le rapport du Représentant spécial ne reflète pas la véritable situation au Cambodge. Ce rapport n'a pas su replacer le Cambodge dans le contexte historique qui explique la complexité de la situation et les difficultés auxquelles le pays doit faire face pour résoudre les problèmes. On ne peut pas demander à un pays presque totalement ruiné par près de trois décennies de conflits armés de réaliser l'impossible du jour au lendemain. Le Gouvernement du Cambodge fait preuve d'un attachement sans faille au développement économique et social, à la démocratie libérale et pluraliste, à la liberté d'expression, à la réforme profonde du système judiciaire et de l'administration publique ainsi qu'au renforcement de l'État de droit. C'est pourquoi nous regrettons l'impatience, le manque de tolérance et de réalisme du Représentant spécial. Il est décevant de trouver dans son rapport qu'aucun progrès notable n'a été réalisé. Or, la démocratie cambodgienne a beaucoup progressé. Le système démocratique et pluraliste est devenu adulte. On ne saurait parler d'une norme internationale de démocratie et aucun pays au monde ne saurait se prévaloir d'être un maître en la matière, ni prétendre donner des leçons à un autre pays. La démocratie ne s'applique que dans le contexte particulier d'un pays.
Dialogue interactif
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé au Représentant spécial si, dans le cadre du respect de la Convention relative au statut de réfugiés, un accord était à espérer entre les Gouvernements vietnamien et cambodgien sur les réfugiés montagnards. Comment considérer la sécurité juridique des tribunaux cambodgiens en matière d'adoption face au trafic des personnes ou d'orphelinats corrompus, a-t-il par ailleurs demandé.
MME ELSA KÜNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a demandé, concernant la persistance de l'impunité au Cambodge, quels instruments il convenait d'adopter pour assurer la primauté du droit dans le pays, et comment améliorer les instruments politiques. Elle a en outre demandé des précisions sur les concessions de terres et leurs conséquences négatives pour la jouissance des droits de l'homme.
M. HENRI-PAUL NORMANDIN (Canada) a demandé au Représentant spécial que devrait faire le Gouvernement du Cambodge face à l'intervention de l'exécutif dans le judiciaire.
Le Représentant spécial, M. LEUPRECHT répondant au représentant du Cambodge, a réaffirmé sa profonde sympathie et son attachement pour le peuple cambodgien. Il lui a assuré que son rapport représentait la situation réelle. Ses rapports avec le Premier Ministre sont en dents de scie, a-t-il reconnu, mais beaucoup de membres du Gouvernement sont conscients des problèmes que rencontre le pays. Répondant à la délégation suisse, le Représentant spécial a indiqué avoir soulevé à plusieurs reprises le problème des réfugiés montagnards. Il a souligné notamment qu'il faudra également suivre de près la situation des personnes renvoyées au Vietnam. Le Représentant spécial a par ailleurs constaté qu'il y avait énormément de prostitution forcée au Cambodge, notamment de jeunes filles, le tourisme nourrissant ce phénomène. S'agissant des adoptions, plusieurs pays y ont mis un terme en raison de la situation actuelle. Répondant au Luxembourg, sur une question portant sur la primauté du droit, il a souligné qu'il fallait assurer l'indépendance des tribunaux qui n'est pas effective aujourd'hui. Il faut appliquer la loi telle qu'elle est, a-t-il ajouté, précisant qu'il restait beaucoup à faire à cet égard. Au représentant du Canada, il a affirmé qu'il n'y avait pas de séparation des pouvoirs au Cambodge. Il faudrait une série de réformes pour l'assurer, a-t-il dit, notamment la réforme du Conseil suprême de la magistrature, lequel n'est pas indépendant aujourd'hui.
Situation des droits de l'homme au Libéria
MME CHARLOTTE ABAKA, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme au Libéria, a déclaré que de nombreux progrès avaient été réalisés au Libéria depuis l'établissement de son rapport. Les programmes de désarmement et de démobilisation ont abouti le 31 octobre 2004, ce qui a mené à la paix et à la sécurité, à la liberté de mouvement à travers le pays, à la reprise économique et à la restauration de l'autorité de l'État. Cependant, bon nombre de gouverneurs sont toujours à Monrovia faute d'appui et d'infrastructures. Les progrès accomplis ont permis d'instaurer une atmosphère de sécurité qui a encouragé les Libériens de parler des diverses formes de violations de droits de l'homme. La loi sur la Commission nationale des droits de l'homme a notamment été adoptée le 21 mars 2005. Cependant, il subsiste encore de sérieux problèmes.
L'Experte indépendante a souligné que, malgré la fin de la guerre civile, l'appui de la communauté internationale pour le respect de la primauté du droit est toujours nécessaire. Un véritable engagement des Nations Unies sera indispensable pendant beaucoup de temps encore. L'Experte indépendante a en particulier recommandé une réforme judiciaire pour combattre l'impunité. Des juges et des magistrats expérimentés doivent être nommés et chargés d'accomplir leur tâche avec toute l'autorité qui s'impose pendant une période de trois ans. Un contrôle exercé par la société civile est également indispensable en matière de droits de l'homme. Le Gouvernement doit dispenser une formation aux droits de l'homme et coopérer avec les organisations non gouvernementales dans ce domaine. Cependant, Mme Abaka a estimé que le plus grand problème qui se pose est la mise en œuvre des programmes de réhabilitation et de réintégration des anciens combattants. En la matière, les ressources sont exclusivement volontaires et les promesses de dons ne se sont pas matérialisées. Le risque est grand de voir les anciens combattants qui ont déposé les armes être recrutés dans les pays voisins. C'est pourquoi l'Experte indépendante a encouragé en conclusion les donateurs à fournir des ressources supplémentaires.
Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Libéria (E/CN.4/2005/119), l'Experte indépendante souligne que cette situation s'est améliorée. La sécurité a été accrue avec le déploiement de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), mais la situation dans les districts, en particulier dans le sud-est du Libéria, où la MINUL n'a pas encore été déployée, et dans d'autres secteurs où elle n'effectue pas de patrouilles régulières, demeure précaire. L'amélioration de la situation des droits de l'homme est attestée par l'absence de violations des droits de l'homme et d'atteintes à ces droits commanditées par l'État. La répression des minorités Gio, Krahn et Mandingo s'est également calmée. Cependant, l'effondrement du système de justice pénale demeure un problème et entrave la jouissance effective des droits de l'homme. Dans la plupart des régions du pays, les tribunaux ne fonctionnent pas et le petit nombre de ceux qui sont opérationnels à Monrovia et dans les environs sont gênés par le manque de ressources.
Au moment où le Libéria achève la première moitié d'un programme de transition qui doit durer deux ans, plusieurs défis restent à relever. Les plus urgents sont le rétablissement du système de justice pénale, la mise en place d'une police nationale professionnelle et efficace et le déploiement des forces de maintien de la paix de l'ONU dans tout le pays. Le Cadre de transition axé sur les résultats fournit un schéma stratégique pour la reconstruction du Libéria et la remise sur pied des institutions nationales défaillantes. Il est absolument nécessaire que la communauté internationale verse les contributions qui ont été annoncées à la Conférence internationale pour la reconstruction du Libéria, qui s'est tenue à New York les 5 et 6 février 2004. Sans cela, le succès du programme de transition et le rétablissement d'une société fondée sur l'état de droit et le respect des droits de l'homme resteront des objectifs difficiles à atteindre.
Dialogue interactif
MME ELSA KÜNTZIGER (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) s'est demandé quels sont les moyens de lutter contre le phénomène de l'exploitation sexuelle imputable aux fonctionnaires chargés du maintien de la paix. Par ailleurs, quelles mesures pourraient être adoptées pour promouvoir la participation effective des organisations non gouvernementales dans l'élaboration de normes relatives aux droits de l'homme.
Répondant à la question posée par la représentante du Luxembourg, l'Experte indépendante, MME ABAKA, a notamment déclaré que l'exploitation sexuelle est le fait d'anciens militaires mais également de responsables des opérations de maintien de la paix. Un émissaire du Secrétaire général s'est rendu sur le terrain et cela permettra sans doute de juguler ce phénomène. Il est vrai que l'aide des organisations non gouvernementales nationales est nécessaire pour dénoncer de telles pratiques et lutter contre cette habitude de résignation bien ancrée dans la population. Il faut faire comprendre à la population que cette exploitation sexuelle est une violation grave des droits de la femme. Malheureusement, les victimes ne disposent pas encore des voies de recours nécessaires en raison de la faiblesse du système judiciaire.
Débat général sur les services consultatifs et la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme
M. MOHAMED LOUTFY (Égypte) a affirmé que son pays attachait une grande importance à ce point de l'ordre du jour sur les services consultatifs et la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme, car il correspond à l'approche la mieux à même d'assurer la promotion des droits de l'homme. Les guerres civiles et les crises politiques ont un effet considérable sur la jouissance des droits de l'homme, a souligné le représentant, précisant que les pays qui les subissaient ne pouvaient pas remplir leurs engagements à cet égard. On ne peut pas jouir des droits de l'homme dans le vide, a-t-il observé. Au lieu de critiquer les États qui ont besoin d'aide dans le domaine des droits de l'homme, il serait bon de les aider et de relever les évolutions positives. Une coopération entre le système des Nations Unies et les pays en développement est le moyen le plus efficace d'améliorer le respect des droits de l'homme dans ces pays. Le représentant égyptien a réitéré l'appel lancé aux États qui présentent des projets de résolution sur la situation des droits de l'homme dans les pays en développement de revoir leurs méthodes inefficaces et d'adopter une approche plus constructive avec ces pays, permettant d'avoir une incidence positive sur la vie des citoyens. L'Égypte croit fermement dans l'indivisibilité des droits de l'homme et attend des pays soucieux des droits de l'homme qu'ils apportent leur soutien dans tous les domaines des droits de l'homme. Cela doit se faire grâce à un dialogue constructif et à l'assistance technique, a-t-il insisté.
M. MARC GODEFROID (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a noté avec satisfaction le nombre croissant de demandes de services consultatifs et de coopération technique dans le domaine des droits de l'homme. À cet égard, l'Union européenne se félicite de la désignation d'un point focal pour la démocratie au sein du Haut Commissariat aux droits de l'homme. L'assistance technique et la coopération ne sont toutefois qu'un élément parmi d'autres du renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme. Une approche globale permet de prendre conscience de la nature non seulement technique mais aussi sociale et politique de ce processus. L'Union européenne est elle-même fortement engagée dans l'assistance technique en faveur de tous les États disposés à coopérer. En 2005, 118 millions d'euros seront disponibles pour des projets de droits de l'homme. Le soutien de l'Union européenne au Haut Commissariat aux droits de l'homme se manifeste dans le financement de programmes d'assistance du Haut Commissariat dans des pays particuliers.
L'Union européenne accueille avec satisfaction le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre du programme de services consultatifs et de coopération technique. L'Union européenne encourage tous les États à contribuer à augmenter les ressources mises à disposition par le budget général des Nations Unies et à augmenter leurs contributions au Fonds de contributions volontaires pour la coopération technique du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Il est en outre essentiel d'établir des liens plus étroits entre les équipes de pays agissant sur le terrain et les mécanismes de défense des droits de l'homme de l'ONU. L'Union européenne encourage le Haut Commissariat à continuer à renforcer ses liens avec les organisations régionales de défense des droits de l'homme et avec les autres organisations intergouvernementales compétentes et à tirer parti de ses relations avec les autres organes des Nations Unies. L'Union européenne souligne aussi la nécessité d'assurer que les Nations Unies disposent d'un programme de droits de l'homme unique, intégré et cohérent. Enfin, le représentant de l'Union européenne a fait un appel à la communauté internationale pour qu'elle continue de fournir des ressources adéquates pour financer la continuation du programme de coopération technique au Timor-Leste.
M. DORU COSTEA (Roumanie) a déclaré qu'il est urgent de saisir de la question de l'assistance concrète que nous pouvons tous fournir en matière de renforcement des infrastructures nationales et régionales relatives aux droits de l'homme. À cet égard, la Roumanie est à la fois un exemple d'État bénéficiaire de programmes d'assistance technique mais également de fournisseur d'aide. Sa coopération avec les Nations Unies lui a permis de traduire en actions concrètes les recommandations faites par les différents mécanismes des droits de l'homme. La Roumanie souhaite partager avec les autres l'expérience qu'elle a acquise et c'est la raison pour laquelle, notamment, elle a mené , à la demande du gouvernement de la Géorgie, une Mission internationale d'experts dans ce pays, sous les auspices de la Communauté des démocraties. Le but de cette Mission était de fournir une aide aux institutions du Gouvernement géorgien et aux organisations de la société civile en matière de démocratie. Nous avons ainsi pu échanger sur les moyens de renforcer les institutions démocratiques et la bonne gouvernance dans le pays.
M. JORGE FERRER RODRÍGUEZ (Cuba) a affirmé que la question des services d'aide et de coopération technique était devenue, par le fait des pays industrialisés, une extension du point 9 de l'ordre du jour de la Commission concernant la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elles se produisent dans le monde. Jamais on a, au sein de la Commission, approuvé une résolution sur l'assistance technique à un pays en développement, a-t-il fait remarquer. Le représentant a indiqué que ce point était souvent utilisé par les pays développés comme un élément de pression sur les pays en développement qui se voient menacés de subir une résolution au titre du point 9 s'ils n'acceptent pas l'ouverture d'un Bureau du Haut Commissaire des droits de l'homme. Les programmes d'assistance technique se sont métamorphosés en des outils permettant d'imposer les programmes de pays développés. Le représentant cubain a affirmé que de nombreux rapports soumis à la Commission n'étaient pas cohérents avec les principes d'universalité, d'indivisibilité et d'interdépendance de tous les droits de l'homme. La coopération internationale doit se faire en respectant les buts et principes de la Charte des Nations Unies. Il ne saurait exister une coopération portant atteinte aux principes fondamentaux des Nations Unies, a-t-il conclu.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a fait remarquer que le nombre de résolutions de la Commission des droits de l'homme ne fait que se multiplier, de même que le nombre de mécanismes spéciaux. Le nombre de mécanismes de suivi n'est pas négligeable non plus. Cependant, ce qui compte avant tout, a estimé le représentant, c'est le succès de ces programmes. Les programmes de coopération technique doivent notamment être ancrés dans les programmes de développement des pays. Le renforcement des capacités et la mise sur pied d'institutions nationales chargées de promouvoir la démocratie et le respect des droits de l'homme est indispensable. Il faut dans le même temps vérifier les mécanismes nationaux qui existent: comment leur présence sur le terrain a-t-elle fonctionné?; ont-elles permis d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays concerné? Il faut se pencher sur les mécanismes de suivi existants pour mesurer leur efficacité, a affirmé le représentant en conclusion.
MME GOLI AMERI (États-Unis) a appuyé fermement le renforcement des capacités du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Le rôle potentiel du Haut Commissariat en matière de contrôle et de prévention des violations des droits de l'homme sur le terrain est aussi important que son action en matière d'assistance technique. Les États-Unis ont travaillé sans relâche, à travers leur action diplomatique et les résolutions du Conseil de sécurité, en faveur d'une présence de membres du Haut Commissariat au Darfour. La bureaucratie de l'ONU, y compris à New York, a mis un temps incroyable avant d'envoyer des personnels du Haut-Commissariat sur le terrain, a regretté la représentante. Poursuivant, Mme Ameri a estimé que la capacité du Haut Commissariat à mener à bien son activité de conseil, à fournir une assistance technique, à délivrer des formations en matière de droits de l'homme et de construction de l'État de droit après les conflits, et la surveillance des violations graves des droits de l'homme, doivent être au cœur des préoccupations de l'ONU.
M. FABIO PIANA (Commission européenne) a affirmé que l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme était l'un des principaux instruments dont disposait l'Union européenne pour faire progresser les droits de l'homme, avec un budget annuel d'environ 118 millions d'euros. Ses campagnes porteront essentiellement les principales priorités de l'Union européenne, notamment le soutien à la justice internationale, la lutte contre la torture, le racisme et la promotion des processus démocratiques. Une attention particulière sera accordée aux droits des enfants dans le cadre de la plate-forme de l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme, a ajouté le représentant, mettant l'accent sur la nécessité de traduire dans les faits les obligations et les engagements qui ont été pris par la communauté internationale.
MME ALICE MIRIMO KABETSI (Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1) a déclaré que l'état de guerre et de conflit persistant en République démocratique du Congo a entraîné une crise généralisée dans tout le pays caractérisée par la pauvreté extrême, l'analphabétisme des filles et des enfants, la délinquance juvénile, la prostitution forcée des jeunes filles, le chômage, la propagation du VIH/sida, la dissolution des mœurs. Il existe encore des prisonniers politiques en détention dans la prison centrale malgré l'Accord global et inclusif de Sun City, de la Constitution de transition et de la loi d'amnistie adoptée par le Parlement. Plusieurs défenseurs des droits de l'homme sont en outre soit en exil, soit en détention irrégulière. La représentante a demandé que le viol et les abus sexuels commis en République démocratique du Congo soient considérés comme des crimes contre l'humanité. Il faut également mettre fin à l'impunité et déclarer l'embargo sur les pays qui fournissent des armes lourdes ou légères aux milices. Il faut aussi réprimer les crimes commis par les casques bleus de la MONUC et faire pression sur le Gouvernement afin d'organiser des élections dans les délais impartis. La représentante a aussi demandé qu'il soit mis fin au trafic illicite du diamant en renforçant le système de certification de Kimberley.
MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2) a déclaré que la capacité à identifier suffisamment tôt les problèmes et leurs évolutions sont des éléments déterminants pour apporter des réponses efficaces aux crises. Les services consultatifs et de coopération technique du Haut-Commissariat peuvent être des mécanismes essentiels en matière d'alerte précoce. Poursuivant, la représentante a déploré que, trop souvent, les institutions consacrées à la promotion de l'égalité entre les sexes, parce qu'elles dépendent de la volonté politique du pouvoir en place, disparaissent ou sont affaiblies au gré de l'alternance politique. Il est donc essentiel que ces institutions bénéficient d'une légitimité constitutionnelle, ce qui permettrait d'assurer leur pérennité et de garantir leur indépendance.
MME GWYNETH WILLIAMS (Amnesty International) a affirmé que le point 19 de l'ordre du jour actuellement à l'examen constitue le moyen d'aider les pays qui émergent des violations graves des droits de l'homme. Mais les lacunes qui caractérisent les travaux de la Commission mènent à un examen insuffisant des situations. La représentante a mis l'accent sur la situation dans la province soudanaise du Darfour, où des civils continuent d'être la cible des milices et où la violence sexuelle contre les femmes se poursuit. Pourtant, a-t-elle dit, des Gouvernements hésitent encore devant cette Commission à traiter de ces violations graves. Cette incapacité à agir de concert ne contribue pas à la crédibilité de la Commission, a estimé la représentante.
M. YORIO SHIOKAWA (Association internationale des juristes démocrates) a fait remarquer que le Japon n'est qu'au seizième rang des contributeurs au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Pourquoi la deuxième puissance économique du monde se contente-t-elle d'un rang aussi modeste? On attend davantage du Japon, a conclu le représentant.
M. HILLEL C. NEUER (United Nations Watch) a demandé à la Commission de ne pas voter de motion de non-action en ce qui concerne le projet de résolution concernant la situation des droits de l'homme au Soudan. Le représentant, notant que des négociations sont actuellement en cours concernant ce projet de résolution, a estimé que la crédibilité et la capacité de la Commission à s'acquitter de son mandat sont en jeu à cette occasion. Le représentant a lancé un appel aux membres de la Commission afin qu'ils montrent que cette instance peut condamner les crimes les plus graves en matière de droits de l'homme.
Droit de réponse
M. SUNU MAHDI SOEMARNO (Indonésie), faisant référence à l'intervention du Luxembourg au nom de l'Union européenne, a indiqué que son pays et le Timor-Leste s'étaient engagés dans un processus de réconciliation à travers des accords bilatéraux. Il a ainsi mis l'accent sur la création de la Commission sur l'amitié, qui constitue une expérience nouvelle et unique permettant aux pays de tirer les leçons du passé. Il a prié l'Union européenne et la communauté internationale d'appuyer la mise en place de relations bilatérales fondées sur le respect et le bon voisinage.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
1Déclaration conjointe: Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles; Femmes Africa Solidarité; Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud; Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples; Alliance internationale des femmes; Société africaine de droit international et comparé; Conseil international des femmes juives; Conseil international des femmes; et la Coalition contre le trafic des femmes.
2Déclaration conjointe: Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Association des femmes du pacifique et de l'asie du sud-est; Conseil international des femmes; Conseil international des femmes juives; Femmes Africa Solidarité; Organisation internationale des femmes sionistes; Comité Inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique; et la Fédération Internationale des Femmes pour la Paix
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