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L'islamophobie résulte en grande partie d'une discrimination structurelle découlant de stéréotypes négatifs sur les musulmans et leur religion, affirme devant le Conseil des droits de l’homme le Rapporteur spécial sur la liberté de religion
04 mars 2021
4 mars 2021
L'islamophobie résulte, en grande partie, d'une discrimination structurelle découlant de stéréotypes négatifs sur les musulmans et leur religion, a déclaré M. Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, alors qu’il présentait ce matin, devant le Conseil des droits de l’homme, son rapport thématique intitulé « Combattre la haine contre les musulmans ».
M. Shaheed a par ailleurs souligné que les expressions de discrimination, d'hostilité et de violence motivées par des préjugés antimusulmans constituent de sérieux obstacles à l'exercice du droit aux libertés de pensée, de conscience et de religion ou de conviction.
Le Rapporteur spécial a en outre indiqué que son rapport confirme la montée alarmante des groupes d'extrême droite qui colportent les théories du complot ciblant les musulmans et qui transcendent de plus en plus les frontières en propageant la haine en ligne, en particulier durant la pandémie de COVID-19. La diffusion des récits islamophobes ne se limite pas à la propagande extrémiste mais s’étend également aux médias, aux universités, aux écoles, aux établissements de santé et aux organes parlementaires, a fait observer M. Shaheed.
Suite à la présentation de ce rapport, de nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec le Rapporteur spécial, qui se poursuivra demain matin. Il a notamment été relevé qu’après le 11 septembre 2001, l'islamophobie est devenue plus omniprésente et systématique.
En début de matinée, le Conseil a par ailleurs achevé – en entendant les déclarations de plusieurs délégations* – son dialogue avec l’Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, Mme Yuefen Li.
Cet après-midi à 15 heures, le Conseil doit achever son dialogue – entamé hier – avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, avant de tenir son dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme.
Dialogue avec l’Experte indépendante sur les effets de la dette extérieure
Aperçu du dialogue
Plusieurs délégations ont appelé à une réforme immédiate du système des agences de notation, suivant la recommandation en ce sens faite par l’Experte indépendante dans son rapport, présenté hier matin, sur le rôle des agences de notation de crédit dans l’allégement de la dette, la prévention des crises de la dette et les droits de l'homme.
La COVID-19 menace les droits à la vie et à la santé et aggrave les inégalités, a-t-il été souligné. De nombreuses délégations ont fait observer que les pays les moins avancés (PMA) sont les plus touchés par la crise sanitaire mondiale et ses conséquences économiques. Exacerbés par la COVID-19, l'encours de la dette extérieure et le service de la dette de nombreux pays africains ont considérablement augmenté, entraînant un surendettement pour certains Etats, a-t-il été expliqué. Les partenaires du développement doivent prendre des mesures efficaces pour réduire les niveaux d'endettement insoutenables des PMA, notamment par l'annulation ou la restructuration de la dette, a-t-on plaidé. Dans le contexte de cette pandémie, il faut que la communauté internationale prenne immédiatement des mesures pour soutenir les PMA, ont insisté plusieurs pays.
Pour toute aide à l’étranger, il faut respecter la souveraineté des Etats et ne pas associer à cette aide des conditionnalités qui pourraient s’apparenter à une ingérence dans les affaires intérieures du pays que l’on entend aider, a-t-il en outre été affirmé.
Plusieurs délégations ont expliqué que les annonces relatives aux notations de crédit (émanant des agences de notation de crédit) peuvent avoir des effets énormes sur la capacité des Etats à s'acquitter de leurs obligations en matière de droits de l’homme. La pandémie de COVID-19 a une fois de plus rappelé à la communauté internationale la nécessité urgente de réformer les agences de notation de crédit afin de réduire les risques de crises de la dette, a souligné une délégation.
Une organisation non gouvernementale a appelé la communauté internationale à mettre fin aux « fonds vautours » et à permettre aux pays en voie de développement de ne pas rembourser les prêts accordés dans le cadre de ces fonds.
*Liste des intervenants : Indonésie, Maldives, Îles Marshall, Venezuela, Iran, Afrique du Sud, Pakistan, Egypte, Cameroun, Chine, Tchad, Fidji, Botswana, Ethiopie, Soudan, Cuba, Saint-Siège, Angola, Tunisie, Caritas International, Action Canada pour la population et le développement, Human Rights Advocates, China Society for Human Rights Studies, Center for China & Globalization Limited, World Barua Organization.
Réponses et remarques de conclusion de l’Experte indépendante
MME YUEFEN LI, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, a souligné que les agences de notation ont un rôle important à jouer dans le domaine de la prévention des crises de la dette. Elles peuvent influer sur la qualité des emprunts privés et publics et elles ont aussi un effet sur l’état d’esprit des marchés, a-t-elle précisé. En aval, lorsqu’il y a une crise de la dette, les notations et les prévisions vont influencer les prêteurs et les emprunteurs ; a-t-elle ajouté. L’impact des agences de notation varie selon les pays, a indiqué Mme Li : pour les pays les plus avancés, qui ont des réserves, cet impact est moindre, alors que pour les pays les plus pauvres, il est très important. Il faut bien prendre conscience du fait que les agences de notation font partie intégrante de l’architecture de la dette et qu’il est donc très important de les réformer, a insisté l’Experte indépendante. Les gouvernements doivent demander aux agences de notation de revoir leur méthodologie et leurs normes d’évaluation et ils doivent par ailleurs réduire leur dépendance vis-à-vis de ces agences, a plaidé Mme Li.
S’agissant du fardeau de la dette des pays les plus pauvres dans le contexte de la COVID-19, l’Experte indépendante a estimé que dans une situation de crise de ce type, il ne peut y avoir de retour à la normale que si la dette est annulée ou restructurée. Il est important de se rendre compte qu’aujourd’hui, il y a un énorme niveau de dette privée et publique, qui est devenu un cercle vicieux causant de plus en plus de problèmes et ayant un impact sur les dépenses sociales et de santé. Il faut alléger le fardeau pour que les pays puissent se relever du cycle de la dette, a insisté Mme Li.
L’ONU devrait contribuer à jouer un rôle important dans la réforme de l’architecture de la dette et des mécanismes y associés, en présentant des options mises à disposition des différents gouvernements, a conclu l’Experte indépendante.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction
Le Conseil est saisi du rapport thématique du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction intitulé « Combattre la haine contre les musulmans » (A/HRC/46/30, à paraître en français).
Présentation du rapport
M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a souligné que les expressions de discrimination, d'hostilité et de violence motivées par des préjugés antimusulmans constituent de sérieux obstacles à l'exercice du droit aux libertés de pensée, de conscience et de religion ou de conviction. Les dangers de l'islamophobie se sont manifestés de manière frappante par des attaques odieuses et violentes contre les musulmans du monde entier, qui ont fait la une des journaux et retenu l'attention internationale, a-t-il poursuivi ; cependant, a-t-il ajouté, la majorité des violations des droits humains et des abus engendrés par l'islamophobie attirent souvent peu d'attention des médias et, selon certaines estimations, ne sont en grande partie pas signalés.
Le Rapporteur spécial a indiqué que son rapport confirme la montée alarmante des groupes d'extrême droite qui colportent les théories du complot ciblant les musulmans et qui transcendent de plus en plus les frontières en propageant la haine en ligne, en particulier durant la pandémie de COVID-19. La diffusion des récits islamophobes ne se limite pas à la propagande extrémiste mais s’étend également aux médias, aux universités, aux écoles, aux établissements de santé et aux organes parlementaires, a poursuivi M. Shaheed. Les hommes musulmans sont présentés comme violents, déloyaux, machistes et intolérants, alors que les stéréotypes dominants sur les femmes musulmanes oscillent entre la victime qui a besoin d’être sauvée et la terroriste cachée derrière un voile, a déploré le Rapporteur spécial. Ces stéréotypes sont particulièrement dangereux lorsqu'ils trouvent leur expression dans des lois et des politiques restreignant les droits des musulmans, qui aboutissent à leur exclusion économique, sociale et politique et qui justifient l'impunité dont bénéficient la violence et la haine contre les musulmans et ceux qui sont perçus comme tels.
L'islamophobie résulte, en grande partie, d'une discrimination structurelle découlant de stéréotypes négatifs sur les musulmans et leur religion, a observé M. Shaheed. Dans un monde où le sectarisme s’intensifie contre tous ceux qui sont « différents » des normes préférées des puissants, il faut tenir pour responsables ceux qui cherchent à diviser et il faut affirmer l'égalité de tous, quelle que soit la religion ou la croyance, a-t-il conclu.
Aperçu du dialogue
Un groupe de pays a repris à son compte les préoccupations du Rapporteur spécial selon lesquelles après le 11 septembre 2001 l'islamophobie est devenue plus omniprésente et systématique. L’hostilité et la phobie infondées à l'égard de l'islam et des musulmans se renforçant mutuellement, il est impératif de lutter contre la diffamation de la religion et contre le dénigrement des personnalités et symboles religieux, a affirmé ce groupe de pays. La liberté d'expression n'autorise pas à diffuser des discours de haine, ni à insulter délibérément la religion, les personnalités et les symboles religieux d'autrui, a ajouté le même groupe de pays. Un autre État a déploré, dans certains pays, « une approche absolutiste de la liberté d'expression (…) entraînant (…) une haine interreligieuse [pouvant] dégénérer en conflit ». Le Conseil a ainsi été appelé à encourager « une pratique saine de la liberté d'expression ».
Un pays a soutenu la recommandation du Rapporteur spécial en faveur de mesures destinées à éliminer la discrimination [envers les musulmans] dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, de l'accès à la justice, du logement convenable, des soins de santé et de l'immigration.
Plusieurs délégations ont indiqué partager le constat de M. Shaheed selon lequel les femmes et les filles musulmanes souffrent quotidiennement de violence verbale et physique dans de nombreuses sociétés occidentales. D’autres ont condamné le lien qui est fait entre terrorisme et islam. Les États ont été appelés à lutter contre les groupes extrémistes qui attisent la haine contre les musulmans.
Contre l’islamophobie, des délégations ont insisté sur l'importance de promouvoir la compréhension et le respect mutuel entre les religions, grâce à l’éducation, par exemple ; elles ont par ailleurs insisté sur la nécessité de lutter contre la propagation d'idéologies, d'enseignements et de pratiques trompeuses qui s'écartent du véritable sens de l'islaM. Un intervenant a estimé que mettre un terme à certains conflits prolongés contribuerait à atténuer l'islamophobie.
Pour un intervenant, les sociétés qui cherchent à respecter les droits humains de tous doivent non seulement s'opposer au sectarisme religieux mais aussi « garantir la liberté d'expression (…) consacrée par le droit international des droits de l'homme ». Le Rapporteur spécial a été prié de suggérer comment il serait possible de lutter contre la haine à l’encontre des musulmans tout en protégeant la liberté d'expression ; la résolution 16/18 du Conseil (2011) a été citée comme outil à la disposition des gouvernements pour ce faire.
Le Rapporteur spécial a en outre été prié de suggérer comment les États pourraient travailler avec les communautés musulmanes pour prévenir la haine antimusulmane. Pour une délégation, la lutte contre la discrimination et la haine à l'égard des musulmans doit être un élément essentiel des efforts déployés pour faire respecter les droits de l'homme et protéger la dignité humaine, les États ayant le devoir de lutter contre la discrimination indirecte et directe, de même que contre la violence et la persécution fondées sur la religion ou les convictions des personnes.
Il a par ailleurs été conseillé d’aborder le problème de l'islamophobie en déconstruisant les stéréotypes selon lesquels, par exemple, l’islam serait incapable de s'adapter à une démocratie fondée sur la liberté d'expression. Pour une organisation non gouvernementale, « la campagne contre le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie et les attaques antichrétiennes sera infiniment plus efficace si elle est unie. Les chrétiens doivent prendre la tête de la défense des juifs et des musulmans ; les musulmans doivent prendre la tête de la défense des chrétiens et des juifs ; et les juifs doivent prendre la tête de la défense des musulmans et des chrétiens ».
Certains intervenants ont regretté que le rapport de M. Shaheed ait compromis son objectif en réduisant la question de la liberté de religion ou de conviction à une religion particulière ; tous les actes de haine, de discrimination et de persécution religieuses, y compris à l'encontre des musulmans, doivent être condamnés avec véhémence, a-t-il été rappelé.
Des pays cités dans le rapport du Rapporteur spécial ont rejeté ce qu’ils ont qualifié d’« accusations infondées ».
* Liste des intervenants : Canada, Union européenne, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Brésil (au nom d'un groupe de pays), Islande (au nom des pays nordiques et baltes), Libye (au nom du Groupe des États arabes), Qatar, Israël, Grèce, Jordanie, Malaisie, Slovénie, État de Palestine, France, Ordre souverain de Malte, Togo, Libye, Fédération de Russie, Iraq, Indonésie, Arabie saoudite, Arménie, Pays-Bas, Venezuela, Inde, Maroc, Iran, Malte, États-Unis, Égypte, Bahreïn, Sénégal, Cameroun, Népal, Algérie, Chine, Algérie, Croatie, Albanie, Émirats arabes unis, Ukraine, Azerbaïdjan, Italie, Pologne, Liban, Sierra Leone, Fidji, Royaume-Uni, Soudan, Cuba, Turquie, Bangladesh, Irlande, Géorgie, Bulgarie, Saint-Siège, Slovaquie, Hongrie, Belgique, Cambodge, Pakistan, Ouzbékistan, Mauritanie, Syrie, République populaire démocratique de Corée, Sri Lanka et Érythrée.
Trois organisations non gouvernementales ont aussi pris part au dialogue : Congrès juif mondial, Christian Solidarity Worldwide et International Fellowship of Reconciliation.
Réponses du Rapporteur spécial
Selon M. SHAHEED, il n’existe pas de contradiction entre la protection de la liberté de religion et la liberté d’expression. Le rapport ne « traite pas de caricatures » et ne remet pas en cause les dispositions du cadre des droits de l’homme concernant la liberté d’expression, a-t-il insisté. Le Rapporteur spécial a expliqué qu’il qualifie de « discours de haine » tout discours visant à rejeter, diaboliser ou exclure d’autres personnes. Pour lutter efficacement contre l’islamophobie, il faut admettre qu’elle est ancrée dans la discrimination, au-delà des discours entendus dans la rue, a poursuivi le Rapporteur spécial, avant d’ajouter que cette discrimination est elle-même ancrée dans les politiques de lutte contre le terrorisme et dans les politiques d’immigration, par exemple, qui visent des groupes spécifiques.
M. Shaheed a par ailleurs assuré que les informations contenues dans son rapport proviennent de sources crédibles, conformément au code de conduite des procédures spéciales.
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