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Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Rapport de l’ONU : Sri Lanka risque de commettre à nouveau de graves violations des droits de l’homme

27 janvier 2021

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GENÈVE (27 janvier 2021) – Un rapport de l’ONU publié mercredi dernier indique que l’incapacité de Sri Lanka à faire face aux violations du passé a considérablement accru le risque que de graves violations des droits de l’homme se reproduisent. Il met en évidence des tendances inquiétantes au cours de l’année passée, telles que l’aggravation de l’impunité, la militarisation croissante des fonctions gouvernementales, les discours ethnonationalistes et les actes d’intimidation à l’encontre de la société civile.

Selon ce rapport, rédigé en vertu de la résolution 401 du Conseil des droits de l’homme, indique que près de 12 ans après la fin du conflit armé sri-lankais, l’impunité pour les graves violations des droits de l’homme et les abus commis par toutes les parties est plus ancrée que jamais, le Gouvernement actuel faisant activement obstruction aux enquêtes et aux procès, et inversant le peu de progrès réalisés précédemment.

Le rapport préconise une surveillance accrue et une action préventive forte de la part de la communauté internationale, avertissant que « la trajectoire actuelle de Sri Lanka laisse présager une récurrence des politiques et pratiques qui ont donné lieu à de graves violations des droits de l’homme ».

Parmi les signes avant-coureurs mentionnés, le rapport cite l’accélération de la militarisation des fonctions gouvernementales civiles, l’annulation d’importantes garanties constitutionnelles, l’obstruction politique au principe de responsabilité, les discours d’exclusion, l’intimidation de la société civile et le recours aux lois antiterroristes.

Le rapport montre que depuis 2020, le président a nommé au moins 28 militaires et agents de renseignement, en exercice ou ayant quitté leur fonction, à des postes administratifs clés. Fait particulièrement alarmant, plusieurs hauts responsables militaires recrutés récemment auraient été impliqués, selon de précédents rapports de l’ONU, dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pendant les dernières années du conflit. Parmi eux, Shavendra Silva a été nommé chef d’état-major de l’armée en août 2019 et Kamal Gunaratne, Secrétaire à la défense en novembre 2019.

Selon le rapport, le Gouvernement a créé des équipes spéciales et des commissions militaires parallèles qui empiètent sur les fonctions civiles, et a renversé d’importants mécanismes de vérification et de contrepoids institutionnels, menaçant les acquis démocratiques, l’indépendance du pouvoir judiciaire et d’autres institutions clés.

Le rapport fait également état d’une intensification de la surveillance et du harcèlement des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des victimes, ainsi que d’un rétrécissement de l’espace réservé aux médias indépendants. Plus de 40 organisations de la société civile ont signalé des actes de harcèlement de la part de divers services de sécurité, notamment le département des enquêtes criminelles, la division des enquêtes sur le terrorisme et le service de renseignement de l’État.

« La Haute-Commissaire exhorte les autorités à mettre immédiatement fin à toutes les formes de surveillance, y compris les visites d’intimidation d’agents de l’État et le harcèlement des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des journalistes, des acteurs sociaux et des victimes de violations des droits de l’homme et leurs familles, et à s’abstenir d’imposer de nouvelles mesures juridiques restrictives aux activités légitimes de la société civile », indique le rapport.

Il avertit que malgré l’engagement officiel du Gouvernement en faveur du Programme 2030, les minorités tamoule et musulmane sont de plus en plus marginalisées et exclues dans les déclarations sur la vision nationale et la politique du Gouvernement. Les discours de division et de discrimination des plus hauts responsables de l’État risquent d’engendrer une polarisation et une violence accrues. La communauté musulmane à Sri Lanka est de plus en plus souvent érigée en bouc émissaire, à la fois dans le cadre de la COVID-19 et à la suite des attentats du dimanche de Pâques d’avril 2019.

Le rapport note que le conflit armé sri-lankais est apparu dans un contexte d’aggravation progressive de la discrimination et de la marginalisation des minorités du pays, en particulier des Tamouls. Les graves violations des droits de l’homme et les abus commis par toutes les parties ont été recensés dans les rapports successifs des Nations Unies, notamment les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la détention arbitraire, la torture et les violences sexuelles touchant les Sri-lankais de toutes les communautés.

Le rapport révèle que les nombreuses commissions d’enquête nommées par les gouvernements successifs n’ont pas réussi à établir de manière crédible la vérité et à faire en sorte que les responsables des violations répondent de leurs actes. Le Gouvernement a nommé une nouvelle commission d’enquête pour examiner les conclusions des commissions précédentes, mais sa composition manque de diversité et d’indépendance, et son mandat ne laisse pas espérer des résultats significatifs.

Une commission présidentielle chargée d’enquêter sur les allégations de « victimisation politique » des fonctionnaires, des forces de sécurité et d’autres entités a compromis les enquêtes de police et les procédures judiciaires liées à plusieurs affaires de corruption et de droits de l’homme très médiatisées.

Un ancien chef de la division des enquêtes criminelles, qui a enquêté sur plusieurs affaires emblématiques des droits de l’homme, a été arrêté alors qu’un autre inspecteur de la division a quitté Sri Lanka, craignant des représailles pour son rôle d’enquêteur principal dans plusieurs affaires symboliques, et fait à présent l’objet d’accusations criminelles.

Le rapport stipule : « Si le système de justice pénale sri-lankais a longtemps fait l’objet d’interférences, le Gouvernement actuel a activement fait obstruction ou cherché à arrêter les enquêtes et les procès criminels en cours afin d’empêcher que les responsables de crimes passés n’aient à rendre des comptes ».

La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet a souligné que l’incapacité à faire face au passé continue d’avoir des effets dévastateurs sur des dizaines de milliers de familles de toutes les communautés qui persistent à demander justice, réparation et la vérité sur le sort de leurs proches.

« J’exhorte la communauté internationale à écouter les appels déterminés, courageux et persistants des victimes et de leurs familles pour obtenir justice, et à tenir compte des signes avant-coureurs de nouvelles violations à venir », a déclaré Mme Bachelet, appelant les États Membres des Nations unies à prendre des mesures fermes.

« Étant donné l’incapacité et le manque de volonté affichés par le Gouvernement pour faire progresser la responsabilité au niveau national, il est temps d’agir à l’échelle internationale afin de garantir la justice pour les crimes internationaux commis. Les États devraient également poursuivre les enquêtes et les actions en justice devant leurs tribunaux nationaux – en vertu des principes acceptés de compétence extraterritoriale ou universelle – pour les crimes internationaux commis par toutes les parties à Sri Lanka », a déclaré Michelle Bachelet.

« Les États peuvent envisager des sanctions ciblées, comme le gel d’actifs et l’interdiction de voyager, à l’encontre des auteurs présumés de graves violations des droits de l’homme et d’abus. » Les contributions de Sri Lanka aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies doivent être suivies de près, a ajouté la Haute-Commissaire. Elle a également exhorté le Conseil à soutenir une procédure spécifique de collecte et de préservation des preuves pour de futurs processus d’établissement des responsabilités.

Mme Bachelet a souligné que Sri Lanka ne parviendra à un développement et à une paix durables que s’il s’attaque efficacement à l’impunité systémique et garantit un espace civique.

Sans cela, il risque des violations répétées des droits de l’homme et des conflits potentiels à l’avenir », a-t-elle déclaré.

Lors de la préparation du rapport, le HCDH a envoyé des questions détaillées au Gouvernement et a reçu des réponses écrites. Elle a ensuite participé à une réunion de fond virtuelle avec les représentants du Gouvernement le 7 janvier 2021. Le Gouvernement a également formulé des observations sur le rapport.

Ce dernier sera officiellement présenté au Conseil des droits de l’homme le 24 février et sera suivi d’un dialogue interactif.

FIN

Lien vers le rapport : https://www.ohchr.org/Documents/Countries/LK/Sri_LankaReportJan2021.docx*

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