Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Manifestation parallèle de haut niveau : les défis futurs de la participation, des droits de l’homme et de la gouvernance
25 septembre 2020
Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
75e session de l’Assemblée générale des Nations Unies
Le 25 septembre 2020
Excellences, chers amis,
Cette Assemblée générale très particulière – marquant le 75e anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, alors que nous affrontons une pandémie mondiale et une crise économique croissante – nous rappelle que le principal objectif des Nations Unies est d’appuyer la gouvernance dans l’intérêt de tous les États et de tous les peuples, conformément à la Charte et aux droits de l’homme.
Seule la gouvernance la plus compétente – aux niveaux national et multilatéral – peut réussir à relever les défis auxquels le monde et toutes les nations sont aujourd’hui confrontés. Le discours d’ouverture du Secrétaire général a placé « la participation » au cœur de ce défi lié à la gouvernance. La participation est un droit de l’homme qui fait partie du mandat du HCDH. Protéger et respecter le droit à la participation est une obligation légale de tous les États membres, mais c’est aussi un atout majeur pour les gouvernements, même s’il n’est pas toujours reconnu comme tel.
Pour être « significative et efficace », la participation ne peut pas simplement être formelle ou symbolique, mais doit avoir un impact réel sur les décisions et être opportune et durable. Et, ce qui est crucial, la participation doit être inclusive, s’étendant en particulier aux groupes marginalisés et vulnérables.
Permettez-moi de soulever cinq points importants.
Premièrement, la participation est un principe essentiel de la gouvernance. En tant qu’ancienne chef de gouvernement, je suis consciente qu’il est parfois difficile de prendre en compte des points de vue multiples et critiques. Toutefois, la participation garantit des politiques et des résultats meilleurs. Elle permet aux gens d’exprimer leurs griefs et de les faire comprendre, ce qui aide à panser les plaies et à réparer les injustices. Elle donne aux communautés à force d’agir et favorise les compromis et les partenariats. Elle garantit aux communautés une place dans la formulation, la planification, la mise en œuvre et de suivi des politiques. Elle renforce la confiance.
Deuxièmement, la participation est essentielle pour atteindre les principaux objectifs des Nations Unies. Elle est cruciale pour le développement durable et pour la prévention des conflits et des violations des droits de l’homme, en réduisant les tensions et en augmentant la résilience. La participation est inhérente à la garantie du principe fondamental de « ne laisser personne de côté » du Programme 2030. Les minorités, les plus pauvres et beaucoup d’autres ont le droit de participer à l’élaboration des décisions qui nous affectent tous ; et lorsqu’ils le font, leurs communautés et l’ensemble de la société en bénéficient. La participation est au cœur du combat pour réaliser les droits économiques, sociaux et culturels et contre les inégalités qui sont à l’origine des crises actuelles de la gouvernance.
Troisièmement, je tiens à souligner que non seulement la participation est en elle-même un droit de l’homme, mais elle soutient et dépend également d’autres droits qui ensemble sont essentiels pour garantir une gouvernance efficace, le développement et la paix. La participation est ancrée dans la liberté d’expression et d’association et dans le droit de réunion pacifique. La participation est au cœur du droit à la non-discrimination, qui est indispensable pour surmonter les inégalités et l’incapacité à réaliser les droits économiques, sociaux et culturels qui sont à l’origine des crises actuelles de la gouvernance.
Quatrièmement, lorsque la population est incapable de participer aux décisions qui la concerne, les conséquences pour la gouvernance peuvent être graves.
Dans toutes les régions, nous constatons que des peuples autochtones et des minorités ethniques et religieuses marginalisées sont exclus des décisions concernant l’économie, les services vitaux auxquels ils ont droit, les systèmes judiciaires et les services de police. Cela les enferme dans des cycles générationnels de services défaillants, d’emplois de mauvaise qualité, de systèmes judiciaires inadéquats et de police répressive et punitive, ce qui crée des griefs de plus en plus profonds et nuit à l’ensemble de la société.
Lorsque la participation des jeunes, en personne ou en ligne, n’est pas reconnue et ne conduit pas à des décisions politiques de lutte contre le chômage des jeunes, qui peut atteindre 30 % voire plus, cela creuse encore davantage les fractures observées à plus grande échelle dans les sphères sociales, économiques et politiques des pays.
Lorsque les femmes et les filles ne peuvent pas participer de manière significative à la politique nationale, aux conseils d’administration des entreprises, à la direction des communautés ou à toute autre forme de prise de décision sociétale, ce sont les économies, le développement et la paix qui en pâtissent.
De la COVID-19 aux changements climatiques, nos sociétés sont face à un ultimatum : nous devons absolument transformer nos économies et la manière dont nous offrons nos services essentiels. Et toute transformation réussie passe forcément par la participation significative des personnes dont la vie sera affectée.
Cela m’amène à mon cinquième et dernier point : le renforcement de la participation est un problème particulièrement urgent à l’échelle mondiale. Notre monde est à la croisée des chemins en ce qui concerne la gouvernance. La pandémie a concentré, exposé et alimenté les inégalités résultant d’une faible gouvernance en matière de développement, de changements climatiques et de paix et sécurité. L’augmentation continue des mouvements de protestation dans le monde entier reflète ces crises socioéconomiques et politiques, ainsi que les possibilités de participation insuffisantes. Aucun gouvernement ne peut se permettre d’ignorer ces puissants appels au changement.
J’attire votre attention sur le travail mené de longue date par le HCDH et de nombreux autres organismes des Nations Unies au service de la participation. Nous avons fourni des orientations sur la participation aux affaires publiques, ainsi qu’en ligne et en ce qui concerne les nouvelles technologies, et dans le cadre de la COVID-19. Je salue également le rôle des institutions nationales des droits de l’homme et les contributions précieuses reçues de la part de centaines de milliers de groupes de la société civile.
Par-dessus tout, j’appelle les chefs de gouvernement à renforcer la participation significative et efficace, qui est élément essentiel pour surmonter les problèmes de gouvernance auxquels nous sommes tous confrontés.
Merci.