Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Conférence de presse de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, à la fin de sa visite en Malaisie
05 octobre 2019
Kuala Lumpur, le 5 octobre 2019
« Bon après-midi et merci de votre présence. Je souhaite tout d'abord remercier le Gouvernement de la Malaisie de m'avoir invitée à découvrir ce pays magnifique et d'une grande diversité. Je suis fière d'être la première personne à la tête du HCDH à se rendre officiellement en Malaisie. Ma visite a été courte, mais j'ai grandement apprécié les échanges ouverts, francs et réceptifs que j'ai pu avoir durant toutes mes rencontres – avec le Premier Ministre Tun Mahathir Mohamad et plusieurs ministres du Gouvernement, ainsi qu'avec les institutions nationales des droits de l'homme, la SUHAKAM et un large éventail d'organisations de la société civile.
Nous avons discuté de plusieurs problèmes relatifs aux droits de l'homme rencontrés en Malaisie, des efforts entrepris pour mettre en place des réformes, ainsi que des progrès accomplis et des obstacles rencontrés en chemin. Je crois fermement que le Gouvernement est déterminé à faire avancer la question des droits de l'homme. Pourtant, en tant que Haute-Commissaire et ancien chef d'État, je comprends aussi la complexité et les obstacles auxquels il doit faire face.
La Malaisie est une société diversifiée, multiethnique et multiconfessionnelle comptant plusieurs systèmes juridiques parallèles et un système fédéral dans lequel les États jouissent de pouvoirs considérables et ont des approches divergentes. Ce pays aspire à des changements positifs, mais s'inquiète de la manière dont ces changements auront une incidence sur les intérêts des différents secteurs de la société.
Je salue les efforts continus du Gouvernement pour promouvoir l'unité et l'harmonie interconfessionnelle, et je m'intéresse à la proposition d'établir une commission de l'harmonie et de la réconciliation nationales. L'une des principales difficultés consiste à lutter contre les discours haineux, en prenant soin de faire la distinction entre un discours admissible et un discours pouvant constituer une incitation. Le Plan d'action de Rabat*, adopté en 2012 et fondé sur le droit international des droits de l'homme, fournit des directives utiles à cet égard, et j'ai offert l'assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et d'autres mécanismes des Nations Unies pour explorer davantage cette question.
Je salue également les mesures prises pour établir une nouvelle commission indépendante chargée d'étudier les plaintes contre la police, ce qui constituera une étape importante afin de résoudre les problèmes de longue date relatifs aux cas de torture, de mauvais traitements et de décès en détention, et permettra de rénover certaines des prisons les plus archaïques. J'encourage le Gouvernement à faire preuve de transparence en suivant les importantes recommandations formulées par le Comité des réformes institutionnelles.
Je salue la mise en place des politiques et des stratégies de promotion de la femme et j'ai cru comprendre qu'un certain nombre de lois sont en cours d'élaboration, notamment sur le harcèlement sexuel au travail. Concernant la question des mariages d'enfants, nous avons discuté comment instaurer une norme harmonisée à l'échelle du pays, augmenter l'âge minimum de la scolarité obligatoire et lutter contre les facteurs contribuant à ces situations, tels que les grossesses précoces. J'encourage également le Gouvernement à faire avancer le projet de loi global sur l'égalité des sexes pour lutter contre la discrimination.
Hier, j'ai eu l'occasion de visiter un centre d'apprentissage pour les réfugiés rohingya. J'espère sincèrement que la reconnaissance juridique des réfugiés sera renforcée et que le droit à l'éducation et l'accès au marché du travail seront assurés pour tous les réfugiés – Rohingya ou autres.
Nous avons discuté des efforts du Gouvernement pour ratifier les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, et de la nécessité de clarifier auprès des diverses communautés en Malaisie que les réformes concernant les droits de l'homme ne s'attaquent pas à un groupe ou une religion en particulier, mais qu'elles profiteront à l'ensemble de la société et qu'elles sont nécessaires pour atteindre le Programme de développement durable à l'horizon 2030. À travers ses 17 objectifs de développement durable, le Programme 2030 fournit une approche globale pour parvenir à un développement durable pour tous et ne laisser personne de côté.
Je salue la détermination du Gouvernement à réaliser des progrès concernant les objectifs de développement durable à plusieurs niveaux. Je pense que ces objectifs peuvent former la base d'un nouveau pacte social et fournir l'occasion d'offrir un soutien plus large et véritablement inclusif en matière de droits de l'homme. J'ai été particulièrement impressionnée par la vision d'un « islam à visage humain », qui est dans la lignée des objectifs de développement durable et les renforce.
J'ai également souligné que l'impératif consistant à ne laisser personne de côté nécessite d'identifier et de traiter efficacement la situation des plus vulnérables, et de cibler des politiques d'action positive déterminées selon le besoin, en utilisant des données ventilées fiables pour identifier la situation de communautés spécifiques.
Ne laisser personne de côté implique également de veiller à ce que le droit à la liberté de religion soit pleinement respecté, y compris pour ceux appartenant à des religions minoritaires.
Il s'agit de protéger les droits des populations autochtones, y compris leurs droits à la terre, grâce à un véritable processus de consultation, et de s'assurer que les efforts en matière de développement, d'échange et de droits de l'homme sont menés de concert. Les modifications proposées à la loi de 1954 sur les peuples autochtones et la Convention nationale sur les Orang Asli sont des mesures positives qu'il faut faire avancer.
Il s'agit également de prendre des mesures pour promouvoir l'égalité des sexes, lutter contre la violence à l'égard des femmes et mettre fin aux pratiques préjudiciables, y compris l'excision, tel que recommandé par le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
Il s'agit de veiller à ce que les gens ne soient pas privés de leurs droits de l'homme et ne soient pas victimes de violence à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Il s'agit de s'attaquer aux problèmes de l'apatridie et de s'assurer que les réfugiés et les migrants en situation irrégulière ont accès à leurs droits économiques et sociaux, y compris leur droit à l'éducation, à la santé et à des moyens de subsistance.
Il s'agit de donner la priorité à l'action climatique, en engageant un dialogue avec les personnes les plus touchées, telles que les communautés côtières de pêcheurs et les agriculteurs, ainsi qu'avec le secteur des entreprises, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Je salue les discussions en cours concernant le projet de loi sur les changements climatiques et les mesures nationales d'adaptation et d'atténuation.
J'espère que le Gouvernement abandonnera certaines des lois qui ont longtemps entravé la liberté d'expression et le débat public, notamment la loi sur la sédition, la loi de 1998 sur les communications et le multimédia, la loi sur le droit de réunion pacifique et la loi sur les secrets d'État.
J'encourage le Gouvernement à maintenir le moratoire sur la peine de mort et je salue l'annonce le mois dernier d'un groupe de travail spécial chargé d'examiner d'autres formes de condamnation pour remplacer la peine de mort obligatoire. Le Haut-Commissariat est prêt à fournir plusieurs études de cas provenant d'autres pays – aussi bien de pays ayant conservé la peine de mort que de pays l'ayant abolie.
Lors de plusieurs rencontres avec des représentants de la société civile travaillant dans une variété de domaines liés aux droits économiques, sociaux, culturels et politiques, j'ai pu m'apercevoir que ces groupes étaient très engagés et informés, et qu'ils avaient de grandes attentes à l'égard du Gouvernement concernant ses obligations et ses engagements en matière de droits de l'homme. C'est ainsi que cela devrait se passer, et j'encourage le Gouvernement à collaborer avec les acteurs de la société civile, les chefs religieux et des dirigeants locaux et d'État pour promouvoir les droits de l'homme de tous les Malaisiens. Il est crucial que les défenseurs des droits de l'homme soient protégés de tout harcèlement et de toute menace dans le cadre de leur important travail.
Il existe une forte volonté de faire changer les choses et de grands espoirs sont placés dans l'administration actuelle – j'espère que le Gouvernement sera en mesure de garantir que cet élan soit maintenu et renforcé.
Dans un pays où la population est si jeune et étant donné l'abaissement du droit de vote de 21 à 18 ans en juillet de cette année, je demande aux jeunes Malaisiens de tous horizons de s'impliquer dans les processus politiques et décisionnels, de tenir leurs institutions publiques responsables et de s'assurer que les décisions sont prises au moyen d'un véritable processus de consultation.
Je souhaite terminer en demandant à tous les Malaisiens de célébrer la grande diversité d'identités, notamment ethniques, linguistiques et religieuses, qui font de la Malaisie un pays exceptionnel où les droits de tous sont défendus, quelles que soient leurs croyances ou leurs origines.
Par ailleurs, et cela est crucial, soyez méfiants à l'égard de tout effort d'attiser la haine raciale ou religieuse, en ligne et hors ligne. Il est facile de créer des divisions dans la société, mais il est très difficile de réparer le tissu social une fois qu'il est endommagé. C'est seulement en cherchant à protéger les droits de l'homme de chacun que nous pouvons espérer atteindre une stabilité durable et la prospérité.
Le Haut-Commissariat, notamment grâce au représentant régional en Thaïlande, est prêt à soutenir, conseiller et accompagner le Gouvernement et le peuple malaisiens en soutenant les droits de l'homme.
Merci. »
FIN
* Pour lire le Plan d'action de Rabat, consultez : https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Opinion/SeminarRabat/Rabat_draft_outcome.pdf
Voir aussi la Déclaration sur la foi pour les droits : https://www.ohchr.org/EN/Issues/FreedomReligion/Pages/FaithForRights.aspx
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À Kuala Lumpur pour la durée de la visite :
Todd Pitman : +66 6 3216 9080 / todd.pitman@un.org
Ravina Shamdasani : +41 79 201 0115 / rshamdasani@ohchr.org
À Genève à partir du lundi 7 octobre 2019 :
Rupert Colville : + 41 22 917 9767 / rcolville@ohchr.org
Marta Hurtado : + 41 22 917 9466 / mhurtado@ohchr.org
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