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Le Conseil se penche sur le droit à la santé et sur les droits des personnes touchées par la lèpre

24 Juin 2019

SOIR

GENEVE (24 juin 2019) - Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, un débat interactif groupé avec le Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Dainius Pūras, et avec la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, Mme Alice Cruz, qui ont présenté leurs rapports respectifs.

M. Pūras a indiqué que son rapport, qui traite de la santé mentale, se concentrait sur les relations sociales et le lien social dans ce contexte, par opposition aux modèles qui tendent à trop compter sur des explications biomédicales. Le rapport explique pourquoi le fait de donner effet à l'ensemble des droits de l'homme doit être compris comme un facteur essentiel de la promotion de la santé mentale. M. Pūras a également présenté les rapports concernant les visites qu’il a effectuées en 2018 au Kirghizistan et au Canada.  Directement concernés par le rapport du Rapporteur spécial, le Canada et l’institution nationale des droits de l'homme de ce pays ont fait des déclarations.

Mme Cruz a pour sa part souligné que son rapport montrait que les personnes touchées par la lèpre et les membres de leur famille sont victimes de discrimination systématique dans différents contextes culturels, plus de cinquante pays maintenant en effet des lois discriminatoires à l’encontre de ces personnes, tandis que les pratiques discriminatoires dans les services publics n’ont toujours pas disparu. La Rapporteuse spéciale a précisé avoir porté son attention, dans le présent rapport, sur l’expérience des femmes et des enfants touchés par la lèpre. 

De très nombreuses délégations* sont ensuite intervenues dans le cadre du débat qui a suivi la présentation de ces rapports. 

En fin de séance, plusieurs pays – Turquie, Azerbaïdjan, Brésil, Espagne, Colombie, Chine, Arménie – ont exercé leur droit de réponse.

Demain matin, à 9 heures, le Conseil tiendra un débat général sur la mise à jour orale présentée ce matin par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme.

Débat interactif groupé sur le droit à la santé et sur les droits des personnes touchées par la lèpre

Présentation de rapports

Le Conseil était saisi du rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (A/HRC/41/34), M. Dainius Pūras, ainsi que des additifs au rapport concernant les visites du Rapporteur spécial au Kirghizistan (Add.1 et Add.3) et au Canada (Add.2, à paraître).

M. DAINIUS Pūras a expliqué que son présent rapport thématique traite du rôle des déterminants de la santé dans la promotion du droit à la santé mentale. Ce rapport se concentre sur les relations et le lien social, par opposition aux modèles individuels qui tendent à trop compter sur des explications biomédicales et qui détournent l'attention politique des actions fondées sur les droits. Le rapport explique pourquoi donner effet à l'ensemble des droits de l'homme doit être compris comme un facteur essentiel de la promotion de la santé mentale. La qualité des relations sociales est importante et les liens entre les individus, les familles et les communautés, entre les générations, entre le gouvernement et les peuples, entre les différentes nations et entre l'homme et la nature sont essentiels à la santé mentale, a précisé le Rapporteur spécial.

M. Pūras a indiqué développer dans son rapport un certain nombre de recommandations telles que l'impératif d'éliminer la discrimination dans les établissements de soins de santé mentale et ailleurs. Le Rapporteur spécial souligne aussi l’importance de la protection de l'enfance et la nécessité de soutenir les familles grâce à une infrastructure efficace qui améliore la qualité des relations entre parents et enfants. Il faut éliminer les soins en institution pour les enfants, a-t-il insisté. La dépression et le suicide devraient être évités grâce à des approches modernes de santé publique valorisant et favorisant des relations non violentes et évitant une médicalisation excessive. Malheureusement, trop souvent, le système de soins de santé mentale, au travers des établissements résidentiels et des hôpitaux psychiatriques, engendre des cultures de violence, de stigmatisation et d’impuissance. Les efforts devraient être recentrés sur des alternatives non coercitives qui traitent du bien-être global et placent les individus au centre des préoccupations, a insisté M. Pūras. Enfin, le Rapporteur spécial a invité les États à échanger sur les bonnes pratiques et les défis à relever en vue de développer des mesures relatives au droit à la santé mentale

M. Pūras a ensuite présenté les rapports des deux visites qu’il a effectuées en 2018 au Kirghizistan et au Canada. Il a expliqué que le principal défi au Kirghizistan résidait dans la mise en œuvre efficace de la législation (en matière de santé) et a insisté sur la nécessité pour le pays de s'attaquer aux pratiques de corruption. Une stratégie de soins de santé à long terme, appuyée par des investissements nationaux, est nécessaire pour que les bons efforts déjà en cours se poursuivent, a-t-il souligné.

S’agissant du Canada, après avoir mis en exergue le système de santé publique fort qui existe dans ce pays, le Rapporteur spécial a souligné qu’un défi en suspens consiste à promouvoir une approche de la santé publique fondée sur les droits de l'homme. Les autres défis à relever concernent notamment les services qui ne sont pas couverts par l’assurance maladie publique (comme les médicaments), les disparités d'accès aux soins de santé entre les différents territoires et provinces, ou encore l’accès limité aux soins de santé pour les personnes en situation de vulnérabilité, y compris les peuples autochtones et les migrants.
Le Conseil était également saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille (A/HRC/41/47), Mme Alice Cruz.

MME ALICE CRUZ a indiqué que son rapport montrait que les personnes touchées par la lèpre et les membres de leur famille ont été victimes de discrimination systématique dans différents contextes culturels, et que la stigmatisation dont ces personnes sont victimes était ancrée dans l’architecture (législative) de certains États : plus de cinquante pays maintiennent en effet des lois discriminatoires à l’encontre des personnes touchées par la lèpre, tandis que les pratiques discriminatoires dans les services publics n’ont toujours pas disparu, a regretté la Rapporteuse spéciale.

Conformément au projet de principes et lignes directrices pour l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes affectées par la lèpre et des membres de leur famille – projet qui appelle à ce qu’une attention particulière soit accordée aux groupes particulièrement exposés aux violations de leurs droits –, la Rapporteuse spéciale a indiqué avoir porté son attention, dans le présent rapport, sur l’expérience des femmes et des enfants. Mme Cruz a notamment relevé que les femmes et les enfants atteints de la lèpre subissent non seulement une discrimination institutionnalisée en tant que tels, mais aussi les effets de leur statut social subordonné.

Dans son rapport, Mme Cruz recommande notamment aux États d’amender leurs lois pour faire en sorte qu’elles soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme et d’abroger tous les textes discriminatoires, conformément aux termes de l’observation générale n°5 du Comité des droits des personnes handicapées, concernant le droit à l’autonomie et l’indépendance et à être inclus dans la communauté.  La Rapporteuse spéciale recommande aussi que les États appliquent le projet de principes et lignes directrices en tant que feuille de route pour appliquer les droits de l’homme consacrés au niveau international et parvenir à une équité de fond, conformément à l’observation générale n° 20 du Comité de droits économiques, sociaux et culturels, relative à la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Pays concerné

Le Canada s’est félicité du rapport et des recommandations de M. Pūras et a souligné travailler sans relâche pour combattre les disparités en matière d’accès aux services de santé – qui opèrent au détriment, entre autres, des peuples autochtones. Le Canada envisage de créer une agence du médicament, de créer un compendium des médicaments et de prendre des mesures pour faire baisser les prix des médicaments contre les maladies rares, a en outre indiqué la délégation canadienne. Elle a en outre souligné que le Gouvernement canadien prenait aussi des mesures dans le domaine de la santé mentale et en faveur d’une meilleure prise en charge de la démence sénile.  Le Canada est engagé à appliquer la Déclaration sur les droits de peuples autochtones, de même qu’à faire en sorte que la relation entre le Canada et les peuples autochtones soit basée sur la reconnaissance et l’application des droits de ces peuples, a ajouté la délégation. 

L’institution nationale des droits de l’homme du Canada a déclaré que des millions de personnes au Canada n’ont pas les mêmes chances (que les autres) de progresser et de réussir, ni de jouir du meilleur état de santé possible, pour des raisons systémiques. Les peuples autochtones, en particulier, sont confrontés au problème persistant de l’obtention de soins adéquats qui soient adaptés à leur culture, a relevé l’institution. Une approche basée sur la coopération entre toutes les parties concernées, y compris les administrations autochtones, est indispensable, a-t-elle insisté, recommandant aux autorités canadiennes de tenir compte des recommandations du Rapporteur spécial.

Aperçu du débat

S’agissant du droit à la santé, les délégations ont, à l’instar du Rapporteur spécial, convenu que l’environnement et les relations sociales étaient très importants dans le cadre de la promotion de la santé mentale. Il est important de mettre en œuvre le principe de la vie dans la dignité pour tous, a souligné une délégation.  Plusieurs intervenants ont attiré l’attention sur l’importance de la solidarité internationale afin d’aider les pays à faire face aux besoins en matière de santé mentale. Une délégation a insisté sur le fait que seule la volonté politique permettra d’accomplir des progrès dans le domaine de la santé mentale.

Certaines délégations ont fait observer que la santé mentale était souvent liée à des questions touchant aux inégalités, à la précarité et, plus particulièrement, aux femmes et aux filles.

Une délégation s’est enquise des conseils que pouvait donner le Rapporteur spécial afin d’aider les États à passer d’une approche biomédicale de la santé mentale à une approche axée sur les droits de l’homme.  Certains intervenants se sont inquiétés de la persistance de l’approche médicale (de la santé mentale) partout dans le monde. Une délégation a affirmé que le modèle biomédical des soins (de santé mentale) avait désormais atteint ses limites et qu’il fallait maintenant passer à une approche communautaire, holistique et centrée sur l’être humain. 

Une délégation a demandé ce que le Rapporteur spécial entendait par « valeurs familiales traditionnelles », tandis que plusieurs délégations ont défendu leur modèle familial qui, selon elles, permet une meilleure inclusion des personnes.

Plusieurs délégations ont décrit les mesures prises par leurs pays afin de promouvoir une politique de soins de santé mentale transversale et basée sur les droits de l’homme, ainsi qu’afin de prévenir le suicide et la maladie mentale. Une délégation a insisté sur l’importance de soutenir les populations les plus vulnérables et de faire un effort supplémentaire en matière de prévention. Le Rapporteur spécial a été prié de dire s’il connaît des bonnes pratiques d’approche intersectorielle de la santé mentale.

Certains pays ont indiqué que l’accès aux médicaments et la formation de personnel qualifié dans le domaine de la santé mentale restent des défis très importants pour eux.

Un groupe de pays s’est dit inquiet par la prolifération des pratiques qui contreviennent au droit international relatif aux droits de l’homme dans le contexte de la lutte contre la consommation de stupéfiants, alors que c’est davantage une approche axée sur les droits de l’homme qui devrait être mise en œuvre dans ce domaine.

Une délégation a attiré l’attention sur les risques liés aux conséquences du changement climatique sur la santé mentale, surtout pour ce qui est des petits pays insulaires en développement.  Un intervenant a insisté sur l’importance de faire le lien entre la santé mentale et les conflits.

S’agissant de l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, certaines délégations ont critiqué la commercialisation de la santé qui ne permet pas à toutes les personnes touchées par la lèpre d’avoir accès aux traitements nécessaires.

Une délégation a demandé aux États de garantir aux personnes touchées par la lèpre l’accès à l’éducation, à la santé, à l’alimentation, au logement, aux transports, à la sécurité sociale et à la protection de l’enfance, ainsi que la non-discrimination, en tant que droits sociaux fondamentaux. Elle a fait observer qu’aucun de ces objectifs ne serait atteint faute de financement adéquat, sans utilisation rationnelle des deniers publics et, si nécessaire, sans financement complémentaire par la communauté internationale.

Une délégation s’est enquise de la stratégie préconisée pour permettre aux enfants touchés par la lèpre d’avoir accès à l’école inclusive.  Une autre a demandé à la Rapporteuse spéciale comment la coopération internationale pouvait permettre de lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes touchées par la lèpre.

Une délégation a souscrit plus particulièrement à la recommandation de la Rapporteuse spéciale visant à consulter les personnes atteintes de la lèpre. Une autre délégation a expliqué qu’il fallait abolir les lois discriminatoires à l’encontre des femmes touchées par la lèpre et plusieurs délégations ont appelé les États à se doter d’une stratégie pour lutter contre les violences dont ces femmes sont victimes.

La Rapporteuse spéciale a été priée de dire quelles mesures il faudrait prendre pour renforcer l’action de la communauté internationale en vue d’éradiquer la lèpre dans tous les pays du monde.

Plusieurs délégations ont fait le lien entre les situations de pauvreté et la lèpre et l’une d’entre elles a demandé à la Rapporteuse spéciale comment les programmes de lutte contre la pauvreté pouvaient contribuer à éradiquer cette maladie.

Réponses et conclusions des experts

M. PŪRAS a remercié le Canada pour sa collaboration et sa volonté affichée de suivre ses recommandations. Il s’est félicité de constater que les États membres du Conseil reconnaissent l’importance de la santé mentale, comme en témoignent les résolutions adoptées sur cette question ces dernières années. Le Rapporteur spécial a fait remarquer aux délégations que, s’agissant de la santé mentale, on peut considérer que tous les États sont « en développement », compte tenu de la persistance du modèle de soins biomédical, caractérisé en particulier par des prescriptions exagérées de médicaments psychotropes, surtout dans les pays riches.

Rappelant qu’il y a vingt ans encore, la Faculté (de médecine) elle-même préconisait des interventions chirurgicales pour remédier aux problèmes de santé mentale, M. Pūras a recommandé des approches fondées tant sur les droits de l’homme que sur les preuves scientifiques. L’expert a cité des expériences de soins alternatives, fondées sur des interventions médicales professionnelles aussi bien que non professionnelles et s’intéressant aux patients en tant qu’individus. Le Rapporteur spécial a recommandé aux États de protéger, dans le contexte de la santé mentale, les droits de tous les membres de la famille, parents comme enfants, et a mis en garde contre les politiques publiques qui risquent de justifier les violences commises contre les membres les plus vulnérables de la famille que sont les femmes et les enfants.

Le Rapporteur spécial a aussi recommandé aux États de travailler avec les organisations de la société civile en tant que partenaires à part entière et de ne pas se reposer exclusivement sur l’aide internationale. Les bonnes pratiques, si elles sont nombreuses à l’échelle internationale, dépendent trop souvent de l’aide de la communauté internationale, a-t-il regretté.

MME CRUZ a, quant à elle, insisté sur l’importance de tenir compte des besoins particuliers des femmes touchées par la lèpre. Elle a dit partager l’avis de certaines délégations s’agissant de la nécessaire coopération internationale – coopération qui constitue précisément l’un des Objectifs de développement durable, a-t-elle rappelé.  La communauté internationale dispose donc déjà d’un cadre pour agir, ce qui est un aspect crucial compte tenu de la négligence qui entoure encore la lèpre.  La lutte contre cette maladie, qui engendre de nombreuses souffrances pour les enfants, devrait être envisagée dans le contexte de l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant, a recommandé Mme Cruz. Elle a rappelé que, la maladie n’étant plus contagieuse dès le début du traitement, il n’y avait alors aucune raison d’exclure les enfants lépreux de l’école. La Rapporteuse spéciale s’est en outre félicitée de la tendance actuelle à la désinstitutionalisation des enfants.

Mme Cruz a par ailleurs demandé aux États de réfléchir aux problèmes que constituent la dangerosité de certains médicaments et la stigmatisation particulière des femmes touchées par la lèpre.

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* Délégations ayant participé au débat: Équateur; Arabie saoudite; Djibouti ; Indonésie; République of Corée; ICRC; Afrique du Sud; Iraq; Islande; Maroc; Chili; Bolivie; Chine; Iran ; Royaume-Uni; Népal; Grèce; Éthiopie; Fonds des Nations Unies pour la Population; Chypre; Nigéria; et Bangladesh.

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