Déclarations Organes conventionnels
Le Comité contre la torture examine le rapport du Bénin
03 mai 2019
GENEVE (3 mai 2019) - Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport du Bénin sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Priée de commenter les informations relatives à l’usage excessif de la force par la police lors de manifestations qui viennent de se dérouler dans le pays, la délégation béninoise a déclaré que le calme est maintenant revenu au Bénin. Elle s’est dite choquée par la mention d’un «usage excessif de la force» par la police, vu le niveau de violence utilisé par certains groupes d’opposition: des véhicules de l’armée ont été incendiés, des policiers pris en otage, et le siège de la commission électorale a brûlé, a-t-elle souligné. Ces poussées subversives n’avaient rien de manifestations pacifiques et visaient à renverser le Gouvernement, a-t-elle déclaré.
Présentant le rapport de son pays, M. Timothée Yabit, Directeur de cabinet adjoint du Ministre de la justice et de la législation du Bénin, a indiqué que, depuis la présentation de son dernier rapport, le Bénin avait ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui vise l’abolition de la peine de mort. Le Bénin a aussi adopté, en janvier 2019, un nouveau Code pénal qui introduit une définition nette de l’infraction autonome de torture, qui est qualifiée de crime conformément aux dispositions de la Convention contre la torture.
M. Yabit a aussi a attiré l’attention du Comité sur l’adoption en 2012 d’un nouveau Code de procédure pénale ainsi que sur la modification apportée, l’an dernier, à la loi d’organisation judiciaire aux fins d’une acception plus large des droits de la défense, de l’autonomie des organes d’enquête et de la création d’un juge des libertés et de la détention, entre autres progrès. M. Yabit a également informé le Comité que le Bénin s’était doté d’une Commission nationale des droits de l’homme conforme aux principes de Paris, institution habilitée à effectuer des visites régulières, inopinées ou notifiées, dans les lieux de détention et de rétention. D’autre part, la fusion de la police et de la gendarmerie a entraîné la création d’une Police républicaine en janvier 2018, dont le fonctionnement obéit à deux règles: la formation et la discipline, a fait savoir M. Yabit.
La délégation béninoise était également composée, entre autres, de M. Eloi Laourou, Représentant permanent du Bénin auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de la directrice de l’Administration pénitentiaire et de la protection des droits humains et de représentants du Ministère des affaires étrangères et de la coopération; de l’Agence pénitentiaire; et de la police judiciaire.
La délégation a répondu aux questions des membres du Comité concernant, notamment, la sanction du crime de torture; le mécanisme national de prévention de la torture et l’accès aux lieux de détention; les garanties procédurales; la durée de la détention provisoire; les conditions carcérales, y compris pour ce qui est de l’isolement en prison; la justice pour mineurs; la violence contre les enfants; ou encore les questions relatives à l’extradition et à l’accord bilatéral conclu entre le Bénin et les Etats-Unis en vertu duquel les ressortissants des États-Unis qui se trouvent sur le territoire béninois ne peuvent pas être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d’être jugés.
M. Abdelwahab Hani, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Bénin, a rappelé que le Comité recommande toujours aux États d’exclure du champ de la prescription les crimes graves commis par un agent de l’État et constitutifs de la torture. Il a demandé comment le Bénin entendait mettre en conformité la définition et la pénalisation de la torture dans son droit interne avec les exigences de la Convention. M. Hani a en outre regretté que les autorités béninoises mettent des obstacles à la surveillance des lieux de détention par des organisations de la société civile, en particulier par l’obligation faite à ces dernières de renouveler leur accréditation tous les trois mois. Il a par ailleurs suggéré que le Bénin réduise à une période de 48 heures – renouvelable une fois – la durée maximale de la garde à vue.
Le corapporteur a également prié la délégation de commenter les informations relatives à l’usage excessif de la force par la police lors de manifestations qui viennent de se dérouler au Bénin.
Mme Honghong Zhang, corapporteuse, a salué la volonté politique de l’État partie dans le domaine de la lutte contre la torture. Elle a ensuite pointé la persistance de problèmes tels que le recours excessif, et parfois abusif, à la détention préventive, y compris la détention préventive d’enfants. Dans certains cas, la durée de détention provisoire dépasse même la durée de la peine maximale encourue pour le délit présumé, a-t-elle fait observer.
S’agissant des conditions de détention, Mme Zhang a d’autre part constaté des lacunes s’agissant de la qualité et de la quantité des aliments servis en prison; de l’accessibilité des soins de santé; de la surpopulation; de l’approvisionnement en eau potable; et de l’hygiène, qui fait défaut.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Bénin et les rendra publiques à l'issue de la session, le 17 mai prochain.
Mardi 7 mai à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Royaume-Uni (CAT/C/GBR/6).
Présentation du rapport
Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique du Bénin (CAT/C/BEN/3), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.
Présentant ce rapport, M. TIMOTHÉE YABIT, Directeur de cabinet adjoint du Ministre de la justice et de la législation du Bénin, a notamment indiqué que, depuis la présentation de son dernier rapport, le Bénin avait ratifié et internalisé plusieurs instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui vise l’abolition de la peine de mort. Le Bénin a aussi adopté, en janvier 2019, un nouveau Code pénal dont l’article 523 introduit une définition nette de l’infraction autonome de torture, qui est qualifiée de crime conformément aux dispositions de la Convention contre la torture.
Ce Code pénal, a poursuivi M. Yabit, n’est que l’aboutissement d’un train de réformes allant dans le sens de l’enracinement des principes liés à la garantie d’un procès équitable. Il a attiré l’attention, à cet égard, sur l’adoption en 2012 d’un nouveau Code de procédure pénale ainsi que sur la modification apportée l’an dernier à la loi d’organisation judiciaire aux fins d’une acception plus large des droits de la défense, de l’autonomie des organes d’enquête et de la création d’un juge des libertés et de la détention, entre autres progrès.
M. Yabit a aussi fait savoir que six nouveaux tribunaux avaient été mis en service pour faciliter l’accès à la justice et que le nouveau Code de procédure pénale clarifiait les procédures d’extradition et de coopération avec la Cour pénale internationale, de même que l’accès des organismes indépendants aux lieux de privation de liberté, conformément à la Convention.
M. Yabit a ensuite informé le Comité que le Bénin s’était doté d’une Commission nationale des droits de l’homme conforme aux principes de Paris, institution habilitée à effectuer des visites régulières, inopinées ou notifiées, dans les lieux de détention et de rétention. La Commission assume ainsi le mandat du mécanisme national de prévention de la torture, a-t-il souligné. L’indépendance des membres de la Commission est garantie, a-t-il en outre assuré.
Le chef de la délégation béninoise a ensuite indiqué que son pays poursuivait les réformes tendant à améliorer les conditions d’existence des personnes privées de liberté, avec notamment la création de quatre nouveaux établissements pénitentiaires et d’un corps d’agents pénitentiaires spécialisés. Pour plus d’efficacité, la gestion des établissements pénitentiaires a été confiée à l’Agence pénitentiaire du Bénin, a-t-il indiqué.
D’autre part, la fusion de la police et de la gendarmerie a entraîné la création d’une Police républicaine en janvier 2018, dont le fonctionnement obéit à deux règles: la formation et la discipline, a poursuivi M. Yabit. Les mauvaises pratiques sont systématiquement réprimées, notamment en matière de garde à vue abusive, a-t-il ajouté. Le chef de la délégation béninoise a cependant admis que les conditions matérielles de la garde à vue restaient perfectibles.
S’agissant de l’application des conclusions et recommandations faites antérieurement par le Comité, M. Yabit a fait savoir que son Gouvernement s’attaquait à l’une des causes de la surpopulation carcérale en augmentant constamment le nombre des magistrats. L’accès universel à un avocat est également un des axes majeurs de la politique gouvernementale en matière de justice et les discussions sont en cours avec le barreau pour la mise en œuvre effective et prochaine de l’aide juridictionnelle, a-t-il indiqué.
Concernant la justice des mineurs, M. Yabit a précisé que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant commençait à être compris et accepté par tous, tandis que les juges pour enfants et leurs auxiliaires sont appelés à privilégier la pédagogie dans leur relation avec le mineur.
Le chef de la délégation a conclu sa présentation en faisant observer que la protection de l’enfant dans certaines régions du Bénin mettait quelquefois en opposition l’ordre ancien avec l’État moderne; c’est le cas notamment dans la lutte contre les mutilations génitales ou la persécution des enfants prétendument sorciers. Dans ce domaine, a estimé M. Yabit, la répression est une fausse bonne idée si elle ne s’accompagne pas d’un dialogue avec les autorités morales de la communauté – une démarche à laquelle les autorités béninoises s’emploient.
Examen du rapport
Questions et observations des membre du Comité
M. ABDELWAHAB HANI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Bénin, a salué la qualité et la transparence du rapport du Bénin, ainsi que les réponses données ce matin aux demandes urgentes faites par le Comité. Il a ensuite fait observer que le Bénin avait créé le mécanisme national de prévention (de la torture) – prévu par le Protocole facultatif à la Convention – avec un retard très important. M. Hani a ensuite relevé que le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture (SPT) avait effectué deux visites au Bénin et que le pays avait ensuite demandé la publication des rapports concernant ces visites, ce qui est incontestablement une bonne pratique. Le corapporteur s’est toutefois interrogé sur le statut légal du mécanisme béninois de prévention et sur la manière dont le Bénin entendait donner effet au caractère préventif – et non réactif – du mandat d’un tel mécanisme.
L’expert a par ailleurs voulu savoir si la notion de « traitements sauvages » (figurant au paragraphe 44 du rapport) pouvait être rapprochée de la notion de traitement cruel, inhumain ou dégradant; quelle est sa qualification pénale dans le droit béninois, a-t-il demandé ?
M. Hani a en outre rappelé que le Comité recommande toujours aux États d’exclure du champ de la prescription les crimes graves commis par un agent de l’État et constitutifs de la torture. Il a demandé comment le Bénin entendait mettre en conformité la définition et la pénalisation de la torture dans son droit interne avec les exigences de la Convention.
Le Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) avait relevé, à l’issue de sa deuxième visite dans le pays, quelques progrès s’agissant, notamment, de l’accès aux lieux de détention, a poursuivi le corapporteur. Mais le SPT avait aussi relevé des lacunes dans le respect des garanties procédurales, soit le droit de la personne d’être informée du motif de son arrestation; de consulter un avocat; de subir un examen médical; et d’informer sa famille ou des proches de son arrestation. M. Hani a suggéré que le Bénin réduise à une période de 48 heures – renouvelable une fois – la durée maximale de la garde à vue.
Le corapporteur a posé d’autres questions au sujet de la tenue des registres d’écrou et des registres de consultation médicale de personnes détenues - y compris de personnes détenues en vertu de jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Il a souligné que des registres bien tenus sont indispensables pour pouvoir, le cas échéant, déterminer les raisons d’un décès en détention. M. Hani a ensuite regretté que les autorités béninoises mettent des obstacles à la surveillance des lieux de détention par des organisations de la société civile, en particulier par l’obligation faite à ces dernières de renouveler leur accréditation tous les trois mois et de soumettre leurs rapports préalablement aux autorités.
D’autres questions de M. Hani ont porté sur le respect du principe de non-refoulement et sur le cadre juridique de l’extradition.
M. Hani a mentionné l’accord entre le Bénin et les États-Unis selon lequel les ressortissants des États-Unis qui se trouvent sur le territoire béninois ne peuvent être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d’être jugés pour des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. M. Hani a constaté que cet accord entravait directement les articles 6 et 8 de la Convention: toutes les dispositions de la Convention relatives à la compétence universelle, qui avaient été saluées sur le plan international au moment de l’adoption de la Convention, en 1984, se trouvent annihilées par cet accord bilatéral, a regretté l’expert.
MME HONGHONG ZHANG, corapporteuse pour l’examen du rapport du Bénin, a salué la volonté politique de l’État partie dans le domaine de la lutte contre la torture. Elle a cependant souhaité que le Bénin fournisse des informations plus détaillées et des statistiques pour que le Comité puisse évaluer les progrès accomplis.
Mme Zhang s’est ensuite félicitée des formations qui sont dispensées aux fonctionnaires béninois dans le domaine des droits des prisonniers, notamment. Elle a voulu savoir si ces formations, de même que les activités de sensibilisation mentionnées dans le rapport, portaient également sur les règles Nelson Mandela (Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus) et sur le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants). Mme Zhang a déploré l’absence de méthodes d’évaluation de ces formations.
S’agissant des garanties fondamentales (article 11 de la Convention), Mme Zhang a pointé la persistance de problèmes tels que le recours excessif, et parfois abusif, à la détention préventive, y compris la détention préventive d’enfants. Dans certains cas, la durée de détention provisoire dépasse même la durée de la peine maximale encourue pour le délit présumé, a-t-elle fait observer.
Mme Zhang a ensuite constaté que si des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de détention, des lacunes persistaient, s’agissant notamment de la qualité et de la quantité des aliments servis en prison; de l’accessibilité des soins de santé; de la surpopulation carcérale; de l’approvisionnement en eau potable; et de l’hygiène, qui fait défaut. Mme Zhang a aussi relevé que la séparation entre catégories de détenus – femmes, hommes, mineurs – ne semblait pas garantie dans les prisons. Elle a regretté, en particulier, que les mineurs interrogés dans la prison de Parakou aient déclaré être incarcérés dans les mêmes cellules que les adultes; elle a aussi fait état de violences exercées contre les mineurs dans les commissariats de police. Mme Zhang a insisté sur le fait que l’accès aux prisons par une ONG, à des fins de contrôle, ne devrait pas souffrir de procédures administratives dissuasives.
Mme Zhang a ensuite rappelé que le Comité avait déjà recommandé au Bénin d’enquêter sur les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis entre 1972 et 1990 et d’abroger la loi d’amnistie de 1999 afin de poursuivre et punir les auteurs de ces actes.
La corapporteuse a d’autre part prié la délégation de donner des informations sur le nombre de poursuites et de condamnations d’auteurs d’infanticides rituels. Elle a regretté que plusieurs cas aient été dénoncés sans que les coupables n’aient été traduits en justice.
D’autres questions ou observations de Mme Zhang ont porté sur les réparations octroyées aux victimes de torture ou de mauvais traitements; et sur la protection des enfants contre la torture et les mauvais traitements, y compris les pratiques traditionnelles néfastes. Mme Zhang a également regretté le taux alarmant de violence envers les femmes au Bénin.
Durant le dialogue avec la délégation, la corapporteuse a ensuite recommandé que les juges et procureurs évaluent systématiquement la pertinence du recours à la détention provisoire et qu’ils recherchent des mesures de substitution à cette pratique. Mme Zhang a aussi demandé quelles mesures efficaces le Gouvernement entendait prendre pour empêcher l’extorsion d’aveux par la torture.
D’autres membres du Comité ont demandé des éclaircissements sur la durée de la garde à vue au Bénin. Le problème de l’inéquitable répartition des avocats sur le territoire béninois a été évoqué – la région de la capitale étant à cet égard favorisée –, dans la mesure où cet état de fait restreint le droit de tous les justiciables de bénéficier de conseils juridiques.
Une experte a encouragé le Gouvernement dans ses efforts pour améliorer le fonctionnement du système judiciaire; elle a pointé les problèmes posés, à cet égard, par la corruption et par l’existence d’un système de justice traditionnelle parallèle.
D’autres questions ont porté sur les conditions juridiques à réunir pour permettre l’indemnisation d’une victime de la torture; sur la violence sexuelle à l’école et dans les « couvents vaudou »; et sur la répression de la traite des êtres humains, des mariages forcés et des mutilations génitales féminines.
Réponses de la délégation
La délégation a souligné qu’au Bénin, la Cour constitutionnelle peut être saisie directement par les citoyens en cas de violations des droits de l’homme; elle peut alors ordonner au juge judiciaire soit d’annuler les actes de procédure entachées par ces violations, soit de prononcer des sanctions pénales contre les auteurs des violations.
Le « traitement sauvage » mentionné dans le rapport n’est pas une notion de nature juridique, a ensuite précisé la délégation. Sa mention dans le rapport figure entre guillemets pour refléter le fait que la Cour constitutionnelle emploie généralement les termes invoqués par les plaideurs, a-t-elle expliqué.
S’agissant de la sanction du crime de torture, la délégation a ensuite indiqué que la torture est punie par des peines sévères allant de cinq à dix ans d’emprisonnement. En outre, la désobéissance à l’ordre donné est un devoir lorsque cet ordre tend à la violation d’un droit fondamental, a-t-elle souligné.
S’agissant du mécanisme national de prévention, la délégation a indiqué que les membres de la Commission béninoise des droits de l’homme avaient récemment prêté serment. La Commission assumera les fonctions du mécanisme de prévention: elle procédera à l’examen des conditions de détention lors des visites régulières qu’elle effectuera dans les lieux de détention et de rétention et elle émettra des recommandations à ce propos. Sa mission est plus généralement de veiller au respect des obligations du Bénin au titre des instruments internationaux des droits de l’homme, comme la Convention contre la torture. Le règlement intérieur de la Commission lui donne pleinement les moyens de remplir aussi le rôle de mécanisme de prévention, a assuré la délégation. La Commission a déjà effectué une visite inopinée dans une prison et a fait des recommandations, a-t-elle précisé.
Toujours au sujet de l’accès aux prisons, la délégation a par la suite ajouté que deux catégories d’acteurs associatifs peuvent aussi intervenir dans ce domaine: les unes agissant conformément aux dispositions de la loi octroyant un droit de visite aux personnes physiques et morales désignées comme telles par les conventions internationales, à l’image d’Amnesty International; les autres, en tant qu’associations qui se proposent d’animer la vie en milieu carcéral. Ces champs d’intervention nettement distincts obligent à des vérifications approfondies justifiant les restrictions évoquées par M. Hani.
La délégation a donné d’autres informations sur les commissions de surveillance des établissements pénitentiaires, indiquant en particulier qu’elles étaient chargées de la vérification des conditions générales de salubrité et d’hygiène.
Concernant précisément les conditions de détention, la délégation a indiqué que le taux d’occupation des onze établissements carcéraux au Bénin était de 161%, pour une capacité de 5290 places. Le nombre de décès en détention est tombé de 68 en 2017 à 56 en 2018, a-t-elle ajouté. Elle a indiqué que la livraison de repas aux détenus était confiée à des prestataires extérieurs, selon un cahier des charges précis. Elle a également assuré que l’accès à l’eau était garanti, mais a reconnu qu’une pénurie d’eau isolée avait affecté certains détenus le 22 février dernier.
S’agissant des garanties procédurales, la délégation a ensuite indiqué que l’existence du droit à un avocat est systématiquement portée à la connaissance des intéressés; dans la pratique, l’officier de police judiciaire doit suspendre l’interrogatoire jusqu’à l’arrivée de l’avocat. Le Gouvernement est conscient du fait que ce droit ne peut pas toujours être respecté du fait de l’absence d’avocat à proximité, a ajouté la délégation, précisant que le barreau du Bénin compte environ 206 avocats installés essentiellement à Cotonou et à Porto-Novo.
Le barreau aimerait avoir les mains entièrement libres s’agissant de l’aide juridictionnelle, mais l’État est soucieux de l’utilisation des deniers publics: cette pomme de discorde explique le retard apporté à ce chantier essentiel, a par ailleurs expliqué la délégation.
Pour ce qui concerne l’accès à un médecin, la loi garantit au gardé à vue l’accès à un praticien de son choix et cette disposition est scrupuleusement respectée, a affirmé la délégation. Les médecins jouissent d’une totale indépendance à l’égard des autorités policières, a-t-elle assuré.
D’autre part, la délégation a assuré que les policiers ont à cœur des respecter les conditions de la garde à vue, ne serait-ce que pour ne pas s’exposer aux sanctions en cas de manquement. Personne n’est gardé au secret au Bénin, a assuré la délégation. La durée de la garde à vue est définie par le procureur, dans la limite de huit jours, a-t-elle précisé.
Le Bénin œuvre à la création d’un registre central informatisé couvrant tous les services pénitentiaires. Concernant la tenue des registres d’écrou, la délégation a précisé qu’il s’agissait d’une priorité de l’Autorité pénitentiaire du Bénin, qui a édicté, entre autres, des instructions sur la manière de les remplir de manière uniforme. En outre, de nouveaux registres de plainte ont été ouverts dans toutes les prisons.
La délégation a en outre indiqué que des mesures contre la corruption avaient été prises pour assurer l’égalité de traitement entre tous les détenus de la maison d’arrêt de Cotonou.
Pour ce qui concerne les conditions de l’isolement en prison, la délégation a admis que le système souffrait de carences, notamment d’une durée trop longue et d’un manque de contrôle. Elle a fait valoir qu’une réforme en cours visait à mettre le dispositif en conformité avec les règles Nelson Mandela. En attendant l’aboutissement de ce processus, deux prisons ont engagé un réaménagement des cellules d’isolement; cet effort sera étendu à d’autres établissements pénitentiaires. Les procureurs de la République sont chargés du contrôle des conditions d’isolement, a ajouté la délégation.
En vertu d’un accord avec les Nations Unies passé en 1999, dix-sept Rwandais sont détenus au Bénin, dans la prison d’Apko-Missérété, pour l’exécution de peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Le régime de détention y est conforme aux exigences minimales de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré la délégation.
La délégation a confirmé que la durée de la détention provisoire est effectivement anormalement longue au Bénin. Cependant, la tendance est à l’amélioration: on est en effet passé d’une durée moyenne de 30 mois en 2015 à 17,27 mois en 2017. En avril 2019, sur 8538 personnes privées de liberté, 4354 se trouvaient en détention provisoire, a précisé la délégation. Elle a indiqué que la suppression de la Cour d’assises devrait favoriser une accélération des procédures d’instruction et permettre par conséquent de raccourcir les délais de détention. En outre, la Chancellerie s’efforce de promouvoir le contrôle judiciaire comme alternative à la détention, avec un succès cependant limité étant donné l’indépendance des magistrats.
Un juge pour mineurs est nommé auprès de chacun des quatorze tribunaux de justice, a d’autre part indiqué la délégation, avant d’ajouter que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) contribue au fonctionnement de cinq « tribunaux amis des enfants » au Bénin. Toutes les juridictions sont formées pour assurer aux enfants, victimes ou auteurs de délits, une justice accessible et équitable. En outre, dix unités de police adaptées aux enfants accompagnent les juges des enfants dans leur action.
Les mineurs détenus ont systématiquement droit à deux repas par jour, a ensuite précisé la délégation. En ce 3 mai 2019, la délégation a affirmé pouvoir garantir que les mineurs de sexe masculin sont séparés des adultes au sein de tous les établissements pénitentiaires. Mais il n’existe pas d’infrastructures spécifiques pour les treize jeunes filles détenues au Bénin: elles sont donc détenues avec les femmes.
Il n’y a aucune tolérance à l’égard de violence envers les enfants au Bénin, a d’autre part assuré la délégation: au contraire, le Gouvernement insiste pour l’application stricte de la loi contre les auteurs de ce type de violence. Trois centres de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence existent au Bénin et un autre en milieu fermé, a ajouté la délégation.
Le risque de torture dans le pays de destination constitue un motif de rejet d’une demande d’extradition, a ensuite fait savoir la délégation. Elle a cependant ajouté que le droit positif ne tenait pas compte du risque de torture dans l’appréciation de l’opportunité d’une expulsion administrative sous le régime de la loi sur le statut des étrangers au Bénin.
Il a été précisé que le Bénin n’envisageait pas de réviser son accord bilatéral avec les États-Unis (ndlr: accord bilatéral mentionné par le corapporteur, M. Hani, en vertu duquel les ressortissants des États-Unis qui se trouvent sur le territoire béninois ne peuvent être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d’être jugés).
L’abrogation de la loi d’amnistie de 1999 est une question politique difficile, car cette amnistie est le socle de l’état de droit au Bénin, a par ailleurs indiqué la délégation. Il n’est pas envisagé de revenir sur un des acquis de la Conférence nationale des forces vices de la Nation (1990), a-t-elle ajouté, avant de mentionner l’existence d’un fonds d’indemnisation des victimes de l’ancienne dictature.
Le corapporteur, M. Hani, ayant prié la délégation de commenter les informations relatives à l’usage excessif de la force par la police lors de manifestations qui viennent de se dérouler au Bénin, la délégation a déclaré que le calme est maintenant revenu au Bénin. Elle s’est dite choquée par la mention d’un «usage excessif de la force» par la police, vu le niveau de violence utilisé par certains groupes d’opposition: des véhicules de l’armée ont été incendiés, des policiers pris en otage, et le siège de la commission électorale a brûlé. Et, chose terrible, on a agressé des personnes sous prétexte qu’elles étaient proches du chef de l’État, a insisté la délégation. Ces poussées subversives n’avaient rien de manifestations pacifiques et visaient à renverser le Gouvernement, a-t-elle déclaré.
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