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Déclarations Procédures spéciales

Discours de fin de mission en Côte d’Ivoire par le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires

09 octobre 2014

Abidjan, le 11 octobre 2014


Mesdames et Messieurs,

Au nom du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires, mon collègue Anton Katz et moi-même souhaitons remercier le Gouvernement de la Côte d’Ivoire pour son invitation et pour sa coopération durant la préparation et tout au long de notre visite. Nous sommes reconnaissants à tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés, les représentants du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que les représentants de la société civile ivoirienne, de la communauté diplomatique, de l’ONUCI et des agences onusiennes pour les discussions fructueuses que nous avons eues.

L’objectif de cette conférence de presse est de vous livrer quelques observations préliminaires avant la présentation de notre rapport détaillé au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en septembre 2015.

Le Groupe de travail félicite le Gouvernement de la Côte d’Ivoire pour sa volonté de faire avancer le processus de réconciliation, ainsi que pour les mesures concrètes qu’il a prises dans le but de restaurer une paix durable dans le pays. Parmi ces initiatives il convient de citer celle sur la création de l’Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration des ex-combattants ; celle de la Commission Nationale de Lutte contre la Prolifération et la Circulation Illicite des Armes Légères et de Petit Calibre ; l’établissement de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation ; et celui de la Commission nationale d’enquête et de la Cellule spéciale d’enquête.

Durant sa visite, le Groupe de travail a reçu des informations concordantes selon lesquelles les deux parties opposées pendant la crise de 2002 et la crise postélectorale de 2011 auraient utilisé des mercenaires, lesquels auraient commis des violations graves des droits de l’homme à l’encontre de la population civile.

En dépit des initiatives prises par le Gouvernement pour faire avancer le processus de réconciliation, le Groupe de travail a observé une certaine perception dans la population ivoirienne d’un manque de justice et de réparation aux victimes. Par ailleurs, le Groupe a noté un risque que l’action judicaire soit perçue par celle-ci comme ne s’appliquant pas avec la même efficacité aux deux parties opposées dans les crises de 2002 et de 2010.  A cet effet, le Groupe de travail encourage les autorités ivoiriennes à renforcer le processus d’enquêtes relatives aux violations des droits de l’homme commises pendant cette période, à poursuivre leurs auteurs et à s’assurer que les victimes obtiennent réparation. Le Groupe de travail insiste sur le fait que les auteurs présumés de violations des droits de l'homme doivent être poursuivis indépendamment de leur affiliation politique afin de mettre un terme au cercle vicieux de l'impunité.

L’élucidation des actes de violence commis par les différents acteurs étatiques et groupes armés en 2002 et 2010 est nécessaire pour assurer à la population civile un environnement stable dans lequel le droit à la sécurité de chacun soit respecté de manière impartiale. Par ailleurs, nous encourageons l’Etat ivoirien à lutter contre l’impunité et à renforcer les mécanismes de réparation afin d’aboutir à une véritable réconciliation et s’assurer que le processus électoral de 2015 puisse être mené à terme conformément à l’Etat de droit sans qu’il soit mis en danger par des éléments déstabilisateurs qui pourraient inclure des mercenaires, comme ce fut le cas en 2010.

A cet effet, le Groupe de travail encourage l’Etat ivoirien à renforcer la collecte et l’analyse des données relatives au processus de réparation, à adopter de manière urgente une loi de protection des témoins et des victimes, ainsi qu’à promulguer la loi sur les défenseurs des droits de l’homme.

Le Groupe de travail recommande au Gouvernement de renforcer sa coopération avec les organisations de la société civile et de les associer au processus d’enquêtes et de réconciliation, et ceci de manière transparente. Il l’encourage également à renforcer l’indépendance et l’autonomie financière de la Commission nationale des droits de l’homme afin d’accroître son efficacité et d’améliorer l’accès des victimes à la justice.

Le Groupe de travail a noté la nécessité de renforcer d’une manière transparente et équitable la politique de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants dont certains ont participé à des actions armées aux côtés de mercenaires. Il encourage le Gouvernement ivoirien à s’assurer que les personnes qui ont pris part à ces actions ne puissent pas accéder à des postes leur permettant de faire usage de la force. Par ailleurs, le Groupe est d’avis qu’il est nécessaire d’écarter des forces de sécurité policières et militaires les éléments qui ont commis des violations des droits de l’homme durant les crises de 2002 et 2010.

Nous recommandons également aux autorités ivoiriennes, ainsi qu’aux pays membres de la CEDEAO, de renforcer leur coopération régionale afin de lutter contre les mercenaires et leur impact négatif sur les droits de l’homme. Nous insistons sur le fait que le mercenariat est un phénomène transfrontalier qui ne peut être combattu qu’avec l’étroite coopération d’autres pays, en particulier les pays limitrophes.

Le Groupe de travail recommande enfin l’adoption de la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires.

Le mandat du Groupe de travail couvre également les activités des sociétés militaires et de sécurité privées. Durant sa visite, le Groupe a noté qu’en dépit du fait que celles-ci soient un objet de préoccupation pour les autorités ivoiriennes, il est nécessaire de renforcer le système d’octroi des licences et de contrôle des activités de ces sociétés. Le Groupe recommande également que celles-ci soient tenues responsables dans le cas où des membres de leur personnel commettraient des violations des droits de l’homme. Il recommande enfin la création de mécanismes de réparation auxquels puissent recourir d’éventuelles victimes de ces actes.

Je vous remercie de votre attention.

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