Donner aux enfants victimes de trafic en Afrique de l’Ouest une chance de rentrer chez eux
02 juillet 2024
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Alors que Mamadou Diallo avait environ 13 ans, en République de Guinée, sa famille souhaitait qu'il reçoive une éducation pour un meilleur avenir et pour échapper à une vie de pauvreté. Originaires du village de Cogon à Wendou Mbour, à plus de 200 km de Conakry, ses parents l'ont envoyé au Sénégal, avec d'autres enfants de son village.
« À notre arrivée, nous avons été détournés de notre objectif par notre tuteur, qui nous a envoyés mendier dans les ruelles de la capitale, Dakar, et j'ai dû vivre dans la rue pendant plus de cinq mois », raconte M. Diallo.
Selon Aminata Kebe, officier des droits de l’Homme et coordinatrice du projet PAPEV au bureau régional du HCDH en Afrique de l’Ouest, « c'était une période difficile car elle s’est déroulée pendant la pandémie de COVID-19, qui a considérablement exacerbé la vulnérabilité des enfants de la rue ». Cela avait d’ailleurs incité le Gouvernement sénégalais, par l'intermédiaire du Ministère de la femme, de la famille et de la protection de l'enfant, à prendre des mesures urgentes pour protéger les enfants contre les dangers de la pandémie.
Selon l’UNICEF, les enfants représentent près d’un tiers des victimes de la traite des êtres humains à travers le monde.
Le cauchemar de Diallo s'est terminé lorsqu'il a été recueilli des rues de Dakar et qu'il a retrouvé sa famille en République de Guinée, grâce au soutien du HCDH, dans le cadre du projet PAPEV. En effet, à travers le projet, le HCDH permet aux enfants victimes de traite de retrouver leurs familles et leur fournit une chance de réinsertion sociale.
Grâce au soutien financier du projet PAPEV, sa famille a été retrouvée et contactée en Guinée par le biais du mécanisme transnational de protection des enfants en mobilité non accompagnée (RAO). Le RAO est un réseau de protection des enfants et jeunes en situation de vulnérabilité dans l'espace CEDEAO et en Mauritanie. Il s'agit d'un mécanisme transnational de coordination et de coopération piloté par des acteurs sociaux en partenariat avec des acteurs judiciaires et administratifs de différents pays pour l'orientation, la prise en charge et la protection des enfants vulnérables en déplacement en Afrique de l'Ouest.
« Lorsque nous avons informé ses parents des conditions déplorables dans lesquelles leur enfant était soumis, ils ont accueilli favorablement l'idée de son retour », a déclaré Raymond Diara Feindouno, coordinateur du projet PAPEV en Guinée.
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Le retour d’un enfant dans la famille ne se passe pas toujours aussi bien, car certains parents très pauvres préfèrent laisser leurs enfants mendier pour échapper au fardeau de subvenir à leurs besoins.
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Raymond Diara Feindouno, coordinateur national du projet PAPEV en Guinée.
Diallo avait 13 ans lorsqu’il est rentré en Guinée avec une vingtaine d'autres enfants, eux aussi victimes de trafic à l'insu de leurs parents. A leur arrivée, ils ont été accueillis par la Ministre de la Femme et des Affaires Sociales qui, en collaboration avec les partenaires nationaux, a placé les enfants dans un centre de transit géré par la Direction Nationale de l'Enfance (DNE).
Après une évaluation de sa situation scolaire et familiale par les assistants sociaux de la DNE, Diallo a été orienté vers une formation de mécanicien moto à Boké pour obtenir une qualification qui lui permettra d'obtenir un emploi à l'âge adulte. Grâce au soutien financier du PAPEV, il a aussi reçu un kit scolaire et du matériel d'une valeur de 350 dollars US pour son apprentissage.
Mamadou Bah avait 12 ans lorsqu’il a retrouvé sa famille, avec l'appui du PAPEV à Gueldhey/Sangarédi, à environ 400 km de la capitale Conakry. Il a ensuite intégré une place en apprentissage où il suit une formation d’électricien. Le projet l'a également soutenu en lui fournissant un kit scolaire et du matériel d'une valeur de 280 dollars US.
L'équipe des droits de l'homme de l'ONU et du PAPEV a rencontré à nouveau Diallo et Bah lors d'une visite de suivi en février 2024 à BoKé, à environ 300 km de Conakry. Ils ont pu constater la réinsertion sociale et familiale réussie des deux enfants qui poursuivent toujours leur formation.
Depuis 2019, le projet a aidé plus de 2 000 enfants identifiés au Sénégal (dont 175 enfants originaires des pays voisins), en assurant leur réinsertion dans leur famille. Le projet s'est particulièrement concentré sur l'assistance aux 175 enfants pour qu'ils rentrent en toute sécurité dans leur pays et dans leurs familles. Parmi eux, 146 enfants ont également bénéficié d'une formation professionnelle pour accompagner leur réinsertion professionnelle et économique.
Par ailleurs, 169 structures d'accueil et d'apprentissage des enfants ont été équipées (en denrées alimentaires, équipement et matériel pédagogique) dans les pays couverts par le projet, et 1050 acteurs juridiques et travailleurs sociaux ont été formés par des psychologues pour enfants et des experts judiciaires sur les questions juridiques et le soutien psychosocial aux enfants vulnérables.
Un nouveau départ
Le projet, financé par l'Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS), entame désormais une deuxième phase depuis janvier 2024, qui bénéficiera aux enfants de la Gambie, du Sénégal, de la Guinée, de la Guinée-Bissau et du Mali.
« La phase II contribuera à renforcer les mécanismes communautaires locaux protégeant les enfants et mettra l'accent sur les droits des filles et les droits des enfants vivant avec un handicap », a déclaré Aminata Kebe, coordinatrice régionale du projet. « Le travail que nous effectuons avec les acteurs gouvernementaux et la société civile renforcera à terme les systèmes de protection de l'enfance en Afrique de l'Ouest ».