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Impunité

Des applications pour combattre l’impunité face aux violences sexuelles

10 Mai 2019

Selon Céline Bardet, fondatrice et présidente de l’ONG We are not Weapons of War, la technologie a un rôle prépondérant à jouer pour trouver des moyens novateurs d’aider les victimes de violences sexuelles pendant un conflit.

" La technologie fait accélérer les choses et elle nous permet d’atteindre des personnes ou des zones que nous ne pourrions pas atteindre autrement ", a déclaré Mme Bardet.

Son ONG lutte contre l’utilisation du viol comme arme dans les conflits. Son organisation a récemment créé l’application Back Up, qui permet aux victimes de viol de le signaler et d’obtenir de l’aide. L’application permet également de recueillir des données relatives aux viols, qui pourront être utilisés si une procédure judiciaire est ensuite ouverte.

Mme Bardet a indiqué que l’application a été testée en Libye, avec d’excellents résultats. Grâce aux informations recueillies et analysées par la suite sur le serveur externe sécurisé, l’ONG a pu déposer l’année dernière une plainte pour actes de torture et barbarie contre le commandant libyen Maréchal Haftar devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

" Nous avons pu déposer une plainte grâce aux informations que nous avons collectées sur le Back Up ", a expliqué Mme Bardet. " Cela a permis de valider ce processus. Beaucoup de gens se sont identifiés et nous ont raconté ce qui leur était arrivé. ... Nombre d’entre eux nous ont dit que cet outil les avait aidés à se reconstruire. "

La technologie, un outil utile pour les droits de l’homme

Selon Peggy Hicks, l’application Back Up montre que la technologie peut être un outil sûr et déterminant pour relever des défis en matière de droits de l’homme. Lors d’une récente table ronde sur l’utilisation de la technologie pour combattre la violence sexuelle liée aux conflits, des professionnels de la technologie et des experts dans le domaine de la violence sexuelle ont exploré les différentes manières dont la technologie peut soutenir les efforts menés pour prévenir et lutter contre ce type de violences.

Pour Mme Hicks, la technologie est utile pour l’étape cruciale consistant à enregistrer des informations exactes concernant ces crimes, afin de lutter contre l’impunité.

" La technologie aide de plus en plus à documenter ce que ces survivants de la violence sexuelle on vécu – ce qui est une étape déterminante vers la responsabilisation ", a-t-elle déclaré au cours de la table ronde.

Pourtant, la technologie ne servira pas à grand-chose si ceux qui en ont besoin n’y ont pas accès, comme l’a souligné Antonia Mulvey, directrice générale de Legal Action Worldwide, qui a coparrainé la table ronde. La fracture numérique entre les sexes est une réalité, la proportion d’hommes utilisant Internet étant toujours plus élevée que celle des femmes dans le monde, avec seulement une femme sur sept présente sur la toile dans les pays en développement. Pour Mme Mulvey, il est indispensable que toute technologie en rapport à la violence sexuelle liée aux conflits cherche à réduire cette fracture.

" Il existe tellement d’obstacles, comme le fait que beaucoup de personnes sont analphabètes et n’ont pas accès à des téléphones intelligents ni à Internet " a-t-elle expliqué durant la table ronde. " Comment peut-on y remédier ? Comment peut-on rendre cette technologie accessible aux survivants ? "  

Une technologie à l’image des personnes qui la conçoivent

" Les efforts visant à intégrer les nouvelles technologies pour résoudre les problèmes relatifs aux droits de l’homme ont été au cœur de notre travail ", a déclaré Scott Campbell, du HCDH. Au cours des dernières années, le HCDH s’est penché sur la question des nouvelles technologies à travers deux grands axes : celui de la technologie comme outil et celui de la technologie comme obstacle.

" Je pense que le Haut-Commissariat a réalisé ces dernières années que notre vie quotidienne et nos droits de l’homme sont de plus en plus affectés par l’utilisation des technologies, et ce à grande échelle et de différentes manières ", a-t-il indiqué.

Selon M. Campbell, pour rendre les technologies plus respectueuses des droits de l’homme, il est notamment nécessaire d’amener ceux qui les créent à intégrer les principes des droits de l’homme dans la conception et l’élaboration des produits et des politiques technologiques. Les algorithmes d’intelligence artificielle peuvent par exemple refléter les préjugés de ceux qui les créent, et l’utilisation de données biaisées peut notamment contribuer à des résultats discriminatoires.

" La technologie reflète les personnes qui la conçoivent, qui élaborent les politiques d’utilisation de la technologie et qui surveillent son utilisation une fois qu’elle est accessible ", a-t-il ajouté.

Mme Hicks a également expliqué que ce type d’amélioration des méthodes de documentation et de conservation des preuves fournies par les survivants est indispensable pour que la technologie puisse être utile aux victimes de la violence sexuelle.

" Nous devons utiliser les innovations technologiques pour aider ceux qui se trouvent dans les situations les plus vulnérables et pour changer les choses ", a-t-elle ajouté. 

10 mai 2019