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Un rapport des Nations Unies détaille une litanie de violations et d’abus au milieu du chaos libyen

25 Février 2016

Un nouveau rapport des Nations Unies détaille des violations et abus généralisés en Libye depuis le début de l’année 2014 et recommande la prise urgente de mesures pour lutter contre l’impunité et pour renforcer et réformer le secteur de la justice.

« En dépit de la situation des droits de l’homme en Libye, le pays ne fait qu’occasionnellement la une des journaux. Une multitude d’acteurs – étatiques et non étatiques – sont accusés de très graves violations et abus qui pourraient, dans certains cas, constituer des crimes de guerre », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein.

Parmi les violations et abus documentés figurent des :

  • Homicides illégaux: Des cas ont été signalés dans toutes les zones de conflit et comme étant le fait de la plupart des principaux groupes armés depuis 2014, y compris des exécutions de personnes détenues en captivité, emprisonnées, kidnappées ou perçues comme exprimant une opinion divergente.
  • Attaques indiscriminées: Depuis 2014, de nombreuses attaques indiscriminées par nature auraient eu lieu, avec un impact particulier dans des zones résidentielles densément peuplées, notamment à Benghazi, Tripoli, Warshafana. Les zones montagneuses de Nafusa et le sud du pays sont aussi concernés. Les précautions nécessaires et suffisantes n’ont pas été prises pour protéger les civils et les personnes et objets bénéficiant d’une protection en vertu du droit international humanitaire, dont les établissements de santé, les ambulances, les professionnels de la santé et les travailleurs humanitaires.
  • Torture et mauvais traitements: Le recours à la torture est généralisé, en particulier dans les lieux de détention. Des rapports font état de coups portés avec des tuyaux en plastique ou des câbles électriques, de suspensions prolongées dans des positions douloureuses, d’isolement cellulaire, d’électrocution, de privation d’eau et de nourriture, de menaces d’ordre sexuel et d’extorsion. La torture a conduit à la mort de détenus dans plusieurs lieux de détention, notamment dans des locaux de la police et du renseignement militaires.
  • Détention arbitraire:Depuis le conflit armé de 2011, des milliers de personnes sont toujours en détention, la grande majorité d’entre elles en l’absence d’un examen approprié de leurs cas. Certaines sont détenues dans des locaux secrets ou non reconnus qui sont gérés par des groupes armés. Etant donné le fonctionnement limité des cours, peu de recours existent pour obtenir un examen de la légalité de ces détentions et, lorsque des ordres de libération sont prononcés par une cour, ils ne sont pas toujours mis en œuvre.
  • Enlèvements et disparitions:Un certain nombre de disparitions ont été attribuées aux forces étatiques et aux groupes armés. 
  • Violence et discrimination à l’égard des femmes: Depuis 2014, une série d’attaques contre des femmes militantes par des groupes armés a eu lieu en Libye. L’assassinat de militantes réputées, telles que Salwa Bugaighis, Fareeha Al-Berkawi et Intissar Al-Hasaeri, et les menaces, le harcèlement et les agressions contre de nombreuses autres militantes semblent être destinés à envoyer un message plus général signifiant que les femmes ne devraient pas s’exprimer dans la sphère publique. Les informations sur des violences sexuelles se sont avérées très difficiles à documenter en raison de la crainte de représailles, de la stigmatisation, des pressions familiales ou des traumatismes subis. Dans un cas précis, une femme a déclaré avoir été enlevée à Tripoli par des membres d’un groupe armé et avoir été droguée et violée de manière répétée pendant six mois. Elle a aussi déclaré que six filles,  dont certaines âgées d’à peine 11 ans, avaient aussi subi des violences sexuelles de la part de membres appartenant  à ce groupe armé.
  • Défenseurs des droits de l’homme et journalistes: Depuis 2014, des défenseurs des droits de l’homme ont été pris pour cible et victimes notamment d’assassinats, de tentatives de meurtres, d’enlèvements, de menaces, de surveillance et de raids contre leurs maisons ou leurs bureaux. La peur suscitée par ces actes, la notoriété des personnes visées et l’impunité dont bénéficient leurs agresseurs ont contraint de nombreux défenseurs des droits de l’homme à se cacher ou à fuir. Des journalistes ont aussi été victimes d’assassinats, de menaces de mort, de détention arbitraire et d’enlèvements.
  • Migrants: Particulièrement vulnérables au risque d’exploitation et d’abus de la part des autorités, des groupes armés et des passeurs, de nombreux migrants font l’objet de détentions arbitraires prolongées, de travail forcé, d’extorsion, de trafic et de violence sexuelle. Les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne sont particulièrement exposées et les femmes migrantes sont confrontées à des violences et à de l’exploitation sexuelles à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des lieux de détention. Un grand nombre de migrants restent en détention sans que la légalité de leur détention puisse être contrôlée, parmi lesquelles 3 245 personnes pour la seule partie occidentale de la Libye.
  • Enfants: Des cas de recrutement forcé et d’utilisation d’enfants dans le cadre des hostilités par des groupes ayant prêté allégeance à l’EIIL ont aussi été documentés. Certains auraient été forcés à suivre une formation religieuse et militaire et à regarder des vidéos montrant des décapitations; certains ont aussi dit avoir été abusés sexuellement.

« L’un des éléments les plus frappants de ce rapport tient dans l’impunité complète qui continue à prévaloir en Libye et aux défaillances systémiques du système judiciaire », a déclaré Zeid Ra'ad Al Hussein.

« Ce rapport montre clairement que le système judiciaire n’a ni les moyens ni la capacité de mener des enquêtes rapides, indépendantes et crédibles, ou de  poursuivre les individus responsables de violations et abus des droits de l’homme », a ajouté le Haut-Commissaire.

Depuis 2014, des juges et des procureurs ont été l’objet d’assassinats, d’agressions et d’enlèvements et des cours visées par des attentats. De ce fait, les cours de Derna, Syrte et Benghazi ont cessé leurs activités en 2014. En 2015, des cours dans certains parties de Benghazi ont recommencé à fonctionner de manière partielle. Les victimes ont donc peu de recours pour obtenir une protection ou des réparations effectives. Cette impunité facilite la commission d’autres abus.

Le rapport précise qu’en l’absence d’une protection adéquate, le système judicaire ne peut pas rendre la justice. Il note aussi que le système destiné à protéger les acteurs du système judiciaire est inadéquat et biaisé, des milliers de membres des groupes armés ayant été intégrés au sein de la police judiciaire, après des vérifications limitées.

Tout en reconnaissant les importants défis auxquelles sont confrontées  les autorités, le rapport recommande une action urgente pour arrêter la prolifération des groupes armés par le biais de leur désarmement, démobilisation, réintégration et par un programme de vérification pour annuler ou empêcher le recrutement de personnes responsables de violations ou abus des droits de l’homme.

Le rapport demande aussi à la communauté internationale de garantir que la Cour pénale internationale, dont la compétence s’exerce sur la Libye, dispose des moyens nécessaires pour mener ses enquêtes et poursuites.

Le rapport suggère aussi un certain nombre d’actions prioritaires, parmi lesquelles :

  • résoudre la menace sécuritaire qui pèse sur l’administration de la justice
  • réformer la police judiciaire
  • établir un programme solide de protection des victimes et des témoins
  • mettre en place une structure judiciaire spécialisée au sein des cours libyennes pour se concentrer sur les crimes au regard du droit international
  • organiser une réunion de haut niveau comprenant des acteurs libyens et des partenaires internationaux pour renforcer la lutte contre l’impunité en Libye
  • établir une liste des personnes responsables de la planification, direction ou commission d’actes violant le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire ou d’actes qui constituent des abus des droits de l’homme, sous le régime de sanctions du Conseil de sécurité, tout en s’assurant que toute sanction imposée soit accompagnée de mesures garantissant des procédurales rigoureuses en termes de respect de la légalité.

*Le rapport a été préparé sur la base de l’enquête établie par le Haut-Commissariat en vertu de la résolution 28/30 du Conseil des droits de l’homme

26 février 2016

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