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La traversée des frontières : un espace dangereux pour des millions de personnes en mouvement

10 Avril 2012

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) concentre son action sur la protection des droits de tous les migrants, quel que soit leur statut juridique. La stratégie du HCDH reconnaît que les migrants en situation irrégulière risquent davantage de subir la discrimination, l’exclusion, l’exploitation et la violence, et qu’ils auront probablement moins de possibilités de demander réparation des violations de leurs droits, par crainte d’être repérés et expulsés.

En 2010, un groupe interinstitutions, le Groupe mondial sur la migration, a affirmé que « si les États ont des intérêts légitimes dans la sécurisation de leurs frontières et l’exercice de contrôles de l’immigration, ces préoccupations ne peuvent pas, et encore moins au regard du droit international, les dispenser des obligations faites aux États de respecter les droits internationalement garantis de toutes les personnes, de protéger ces droits contre les abus et de faire appliquer les droits qui leur sont nécessaires pour jouir de la vie dans la dignité et la sécurité ».

Lors d’une récente réunion d’experts à Genève, organisée pour déterminer les lacunes en matière de protection des migrants aux frontières internationales, un haut fonctionnaire du HCDH, Craig Mokhiber, a noté qu’au cours des dernières années le Haut-Commissariat a intensifié son travail sur la migration et se concentre désormais aussi sur ce que l’on appelle les « flux mixtes » de personnes qui se déplacent avec des motivations et des profils juridiques divers, comme les réfugiés et les demandeurs d’asile, les enfants non accompagnés, les victimes de la traite, les migrants en situation irrégulière et les migrants clandestins.

« La stratégie relève, a déclaré Craig Mokhiber, le développement d’une crise des droits de l’homme aux frontières internationales… où la violence, la discrimination, l’interception illégale, le refoulement (renvoi de personnes dans un pays où elles sont exposées à l’emprisonnement, à la torture ou à l’exécution) et même la perte de la vie sont de plus en plus courants. » Le HCDH considère que tous les migrants sont admis à bénéficier sans aucune discrimination de tous les droits de l’homme, quels que soient leur motivation ou leur mode d’arrivée, leur pays d’origine, leur genre, leur âge ou leur nationalité.

Un document d’analyse juridique commandé pour la réunion décrit une situation dans laquelle les mesures de protection et la surveillance se sont renforcées de manière spectaculaire au cours des dernières années, en réponse aux craintes du public et des milieux politiques concernant l'augmentation des flux migratoires et la perte de contrôle des frontières.

Pourtant, dans la réalité, les experts ont reconnu lors de cette réunion que la population totale des migrants internationaux était restée remarquablement stable au cours des 60 dernières années autour de 3 pour cent de la population mondiale, et que le nombre des arrivées irrégulières à la plupart des frontières internationales ne représentait qu’une fraction relativement réduite du total des arrivées. Des préoccupations ont été exprimées concernant l’impact disproportionné des contrôles frontaliers sur les droits de l’homme des migrants.

« Les contrôles de plus en plus stricts effectués aux frontières internationales ont accru les risques et fait monter les enjeux du mouvement, contraignant de nombreux migrants à adopter des modes de déplacement dangereux », a déclaré Craig Mokhiber.

Selon une étude effectuée par le HCDH en 2011, plus de 1400 personnes ont perdu la vie en mer après avoir quitté l’Afrique du Nord et en tentant d’atteindre l’Europe au cours des huit premiers mois de l’année.

Un récent rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a constaté « un catalogue d’erreurs » de la part des États qui a conduit à la mort de 63 personnes qui fuyaient le conflit libyen par mer en mars 2011. Parmi ces erreurs figurait l’absence de réaction aux appels de détresse et un « vide en termes de responsabilités » pour la recherche et le sauvetage.

Particulièrement préoccupante est la pratique des expulsions collectives de migrants qui arrivent aux frontières en situation irrégulière. En accueillant avec satisfaction le récent jugement de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme dans l’affaire Hirsi Jamaa et autres c. Italie, le HCDH a appelé tous les États à reconnaître et à respecter les droits fondamentaux de tous les migrants, tels qu’ils sont garantis par le droit international, quels que soient leur statut d’immigrants ou autres. Dans sa présentation à la Cour, le HCDH a fait valoir qu’une personne interceptée en mer ne devait être renvoyée dans aucun autre État sans « un examen préalable raisonnable et objectif des circonstances spécifiques de son cas individuel particulier ».

« En établissant que tous les migrants ont droit à une évaluation individuelle de leur situation au regard des droits de l’homme, qu’ils soient ou non censés avoir besoin d’une protection internationale, cette affaire a constitué un précédent important », a estimé Craig Mokhiber.

La réunion a conclu qu’il restait des lacunes notables dans les législations, les politiques et les pratiques, en route comme aux frontières, et elle a suggéré des moyens pouvant permettre de combler ces lacunes, y compris l’apport d’éléments d’orientation faisant autorité en matière de droits de l’homme sur la situation aux frontières internationales.

10 avril 2012

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