Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Haut-Commissaire Volker Türk : « Nous devons doubler notre budget »
14 juin 2023
Prononcé par
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Lieu
Geneva
Présentation du rapport du HCDH de 2022
Excellences,
Nous vous remercions de votre présence et de votre soutien à notre travail. J’ai le plaisir de présenter mon premier rapport annuel sur les activités et les réalisations du HCDH en 2022.
Cela fait huit mois que j’ai pris mes fonctions de Haut-Commissaire, dans un contexte marqué par des défis de plus en plus nombreux.
Il serait impossible de décrire l’étendue et l’impact de notre travail en une seule brève déclaration. Notre rapport de 2022 dresse un tableau plus complet et montre à quel point ce travail est utile, non seulement dans certains pays, mais aussi parce qu’il contribue grandement à préserver la stabilité mondiale, à promouvoir le développement et à soutenir les efforts de paix.
Pour donner vie à ce travail, j’aimerais vous présenter quelques exemples dans trois domaines clés.
Premièrement, il est absolument essentiel de soutenir des politiques et des lois conformes aux droits humains, pour permettre à chaque État de répondre aux griefs de la population et de renforcer la confiance de celle-ci dans ses institutions.
En 2022, le HCDH a soutenu la mise en place du Mécanisme international d’experts indépendants chargé de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte du maintien de l’ordre, doté d’un mandat de portée mondiale. Cet organisme composé d’experts examine les lois, les politiques et les pratiques concernant le recours à la force par les forces de l’ordre et recommande des mesures concrètes pour remédier à l’usage discriminatoire et excessif de la force, ainsi qu’à d’autres violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, et pour accorder des réparations.
Nos présences sur le terrain ont également effectué un travail considérable dans de nombreux pays afin de prévenir les violations des droits de l’homme dans le cadre de l’application de la loi et de la justice.
En République centrafricaine, en Guinée équatoriale et en Zambie, nous avons contribué avec succès à l’abolition de la peine de mort.
Nous avons permis de faire progresser les cadres juridiques et sociaux des droits des femmes et des filles dans de nombreux pays. Nous avons aidé la Macédoine du Nord à rédiger sa loi sur l’égalité des genres, qui reconnaît pour la première fois les diverses identités de genre. Nous avons également contribué à l’élaboration d’une nouvelle loi en Libye sur la violence à l’égard des femmes.
Par ailleurs, nous avons également aidé le Monténégro à adopter une nouvelle stratégie de protection des personnes handicapées. Nos activités de plaidoyer ont aussi grandement contribué à l’adoption de la loi sur le handicap en Jamaïque.
Excellences,
Un deuxième volet de notre travail, qui est particulièrement important, consiste à soutenir les victimes et promouvoir la responsabilité des auteurs de violations des droits de l’homme et des atteintes à ces droits.
En 2022, les subventions accordées par notre Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture et notre Fonds de contributions volontaires pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage ont permis de venir en aide à plus de 46 000 victimes de la torture en 2022 et à 13 000 survivants de l’esclavage dans le monde.
En Guinée, notre assistance a été cruciale pour soutenir l’enquête des autorités nationales sur le massacre du stade de Conakry en 2009. Onze hommes sont aujourd’hui jugés, ce qui constitue une étape importante dans la longue quête de justice de plus de 100 filles et femmes victimes d’agressions sexuelles.
En Ukraine, nous jouons un rôle crucial en recueillant des preuves de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme, avec l’aide de la Commission d’enquête internationale indépendante du Conseil des droits de l’homme. Ces éléments contribueront à orienter les futurs efforts en matière de responsabilité et de justice pour les victimes. Entre le 24 février 2022 et le 4 juin 2023, grâce à la méthodologie rigoureuse développée par le HCDH au cours de dizaines d’enquêtes dans le monde, notre personnel a pu confirmer plus de 8 900 décès de civils en Ukraine, et plus de 15 400 civils blessés.
En Colombie, notre présence sur le terrain a pu confirmer 83 cas de massacres et 112 meurtres de défenseurs des droits humains en 2022. Nous continuons de contribuer au renforcement de la présence et de la capacité des institutions civiles de l’État afin de garantir une meilleure protection des défenseurs des droits humains, y compris les militants écologistes, et de veiller à ce que toute attaque fasse l’objet d’une enquête et de poursuites.
Troisièmement, l’impact de notre travail d’intégration des droits de l’homme dans toutes les opérations des Nations Unies s’accroît et il est urgent d’accélérer cet impact.
L’ONU existe pour prévenir les crises et les conflits, tout en faisant progresser la justice. Les droits de l’homme sont le meilleur outil de prévention dont nous disposons. Sans eux, il ne peut y avoir de paix durable ni de prospérité sur le long terme.
Nous devons veiller à ce que chaque équipe de pays des Nations Unies fasse progresser les droits humains dans l’ensemble de ses activités.
En 2022, 50 analyses communes de pays et processus du plan-cadre de coopération des Nations Unies pour le développement durable ont intégré nos analyses et recommandations spécifiques en matière de droits de l’homme.
Excellences,
Ce travail a un impact sur les sociétés et les individus. Plus généralement, des personnes du monde entier bénéficient de nos activités de plaidoyer, de notre aide à la réforme des lois et de nos interventions directes dans de nombreux domaines. Rien de tout cela ne serait possible sans votre soutien. Mais nous devons redoubler d’efforts.
Nous avons besoin de plus de personnes sur le terrain pour prévenir les violations des droits de l’homme, afin que le monde n’ait pas à faire face à des retombées plus catastrophiques par la suite.
Nous devons constamment affiner nos outils, notamment proposer des orientations solides sur les moyens concrets de faire progresser les politiques économiques et fiscales qui favorisent les droits humains et s’attaquent aux inégalités et à l’exploitation.
Face au besoin généralisé de protéger les droits humains, le HCDH est devenu de plus en plus opérationnel. Nous avons désormais plus d’une centaine de présences sur le terrain dans le monde entier, qui réalisent des progrès mesurables en faveur des droits humains dans les pays où elles travaillent.
Nous avons agrandi notre bureau régional en Afrique de l’Est et mis en place sept équipes d’intervention d’urgence dans le monde.
En étant proche de nos partenaires et des personnes que nous servons, le HCDH peut mieux remplir son mandat.
Mais pour que nos présences sur le terrain disposent des bonnes personnes détenant les bonnes compétences, il faut des fonds.
À l’heure actuelle, moins de 20 % de nos présences sur le terrain bénéficient d’un financement au titre du budget ordinaire. Ils reçoivent bien des contributions volontaires, mais celles-ci ne sont pas à la hauteur des exigences croissantes qui leur sont imposées.
Si nous avions l’assurance d’un financement pluriannuel prévisible et flexible, de nombreux endroits dans le monde pourraient et devraient bénéficier d’une aide bien plus importante, y compris dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Pendant des années, nous avons fait le plus possible avec très peu.
Mais défendre les droits humains, notamment en prévenant les abus, en garantissant le respect et en obtenant justice pour les victimes, n’est pas facultatif.
Les droits de l’homme sont l’un des trois piliers sur lesquels l’ONU a été fondée. La paix, la sécurité et le développement ne peuvent être réalisés sans les droits humains.
Je suis sûr que vous connaissez tous la sculpture géante de la chaise cassée, qui se trouve face à l’entrée du Palais. Elle est issue d’une campagne visant à interdire les mines terrestres et les bombes à fragmentation, mais je pense souvent qu’elle illustre également l’importance des droits humains dans le système des Nations Unies et dans le monde.
Contrairement à cette statue ingénieusement conçue, dans le monde réel, une chaise avec un pied cassé ne peut pas tenir.
Bien qu’il s’agisse d’un des piliers essentiels des Nations Unies, le montant global approuvé que nous recevrons en 2023 ne représente qu’un peu plus de 5 % du budget ordinaire de l’ONU. Ce n’est tout simplement pas suffisant dans un monde où les droits de l’homme sont de plus en plus menacés, et nous devrons continuer à compter sur votre soutien pour obtenir des fonds extrabudgétaires.
Lorsque mon mandat a été établi il y a 30 ans, il soutenait les mécanismes existants en matière de droits de l’homme.
Aujourd’hui, il est le premier bureau mondial des droits de l’homme. Et il devrait être financé comme tel. Nous avons besoin d’une structure adéquate qui nous permette d’être là où nous devons être, de faire le travail qui nous est demandé. De remplir notre mandat dans l’intérêt de tous et toutes.
L’année dernière, nous avons perçu un peu plus de 392 millions de dollars en budget ordinaire et contributions volontaires. Nous vous en sommes reconnaissants. Toutefois, pour pouvoir œuvrer, partout, à la défense des droits humains dont nous avons tant besoin, nous devons doubler notre budget.
Cette année, nous célébrons le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’un des documents les plus importants des temps modernes.
Je vous demande de vous servir de ce 75e anniversaire pour aider à renouer avec la promesse selon laquelle toute personne doit pouvoir exercer ses droits humains.
En lisant notre rapport annuel 2022, qui montre les réalisations rendues possibles par vos contributions, je suis sûr que vous comprendrez l’intérêt d’investir dans le HCDH.
Nous comptons sur votre soutien pour nous aider à bâtir des fondations solides pour assurer un monde stable.
Merci.