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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

« Faire face et répondre à la discrimination raciale au sein du système de justice pénale »

18 Mai 2022

À

Manifestation parallèle de haut niveau – Commission pour la prévention du crime et la justice pénale

Déclaration vidéo de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Excellences,

Chers collègues,

Je vous remercie de m’avoir invitée à cet événement.

Procès équitable. Accès égal à la justice. Procédure régulière. Voilà quelques-uns des droits de l’homme fondamentaux qui sont au cœur de la discussion d’aujourd’hui.

Ce sont des droits qui doivent être exercés par tous, sans discrimination.

Pourtant, dans le monde entier, ces droits sont en péril, menacés par des systèmes de justice pénale qui pratiquent la discrimination, le harcèlement et l’intimidation.

Les mécanismes des Nations Unies en matière de droits de l’homme recensent depuis longtemps les inquiétudes relatives aux politiques et pratiques en matière d’application de la loi et du système de justice pénale qui affectent divers groupes de manière disproportionnée, en particulier les minorités raciales et ethniques.

Les données à notre disposition montrent clairement que le profilage racial, le harcèlement, la violence verbale et les abus de pouvoir par les responsables de l’application des lois sont généralisés dans de nombreux pays. Il en va de même pour les mesures discriminatoires d’interpellation et de fouille, les mauvais traitements, les arrestations arbitraires et l’usage excessif de la force, qui peuvent parfois entraîner la mort.

Et trop souvent, ces violations des droits de l’homme s’accompagnent d’une large impunité et d’une absence totale de responsabilité.

Je salue la réaffirmation de l’engagement en faveur de la Déclaration de Doha de 2015 et la forte volonté politique des États à assurer des systèmes de justice pénale efficaces, équitables et responsables. La reconnaissance de la responsabilité des États de faire respecter les droits de l’homme, y compris pour les membres vulnérables de la société qui peuvent être soumis à des formes multiples et aggravées de discrimination, est une avancée importante.

Par la déclaration de Doha, les États s’engagent également à intensifier leurs efforts nationaux et internationaux pour éliminer toutes les formes de discrimination, dont le racisme. La Déclaration de Kyoto de 2021 a réaffirmé l’engagement à « garantir l’égalité d’accès à la justice et l’application de la loi pour tous et toutes [...] indépendamment de leur statut, notamment en prenant des mesures appropriées pour veiller à ce que les institutions de justice pénale traitent chacun et chacune avec respect et sans discrimination ni préjugé de quelque nature que ce soit ».

Les États se doivent de respecter ces engagements.

Certains États ont pris des mesures encourageantes pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale dans le système de justice pénale. Toutefois, des efforts supplémentaires sont nécessaires à tous les niveaux pour parvenir à la justice raciale et à l’égalité pour tous.

Excellences,

Comme nous le savons, le meurtre brutal de George Floyd en 2020 a suscité une indignation mondiale, déclenchant une vague de protestations et attirant l’attention sur la question du racisme systémique à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système de justice pénale.

Au mois de juin de l’année dernière, j’ai présenté un rapport au Conseil des droits de l’homme sur le racisme systémique et les violations du droit international des droits de l’homme commises par les forces de l’ordre contre des Africains et des personnes d’ascendance africaine. Au-delà de la justice pénale, le rapport met également en lumière une litanie de violations des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques dont sont victimes quotidiennement les personnes d’ascendance africaine dans le monde entier, violations qui trouvent leur origine dans l’histoire et l’héritage de l’esclavage, de la traite transatlantique des Africains réduits en esclavage et du colonialisme.

Le Programme de transformation pour la justice et l’égalité raciales, mentionné dans le rapport, définit 20 recommandations pratiques fournissant un plan d’action pour réaliser de véritables progrès.

Il est ancré dans les obligations des États en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme et de leurs engagements politiques.

Il s’appuie également sur le vécu des personnes d’ascendance africaine. Derrière les données et les rapports se cachent les visages et la vie quotidienne de personnes et de familles.

Des personnes et des familles qui souffrent de discrimination, de marginalisation et d’exclusion dans de nombreux États. Leurs expériences sont façonnées par des héritages historiques, aggravés par des cycles d’inégalités structurelles qui durent depuis des générations.

Cette discrimination est particulièrement visible dans l’application de la loi et le système de justice pénale. Nous constatons avec inquiétude l’impact disproportionné subi par les personnes d’ascendance africaine à l’échelle de tout le système dans certains pays. Nous voyons un nombre excessif d’Africains et de personnes d’ascendance africaine dans les populations carcérales. Nous voyons le fait d’être Noir(e) associé à la criminalité et à la délinquance.

C’est à la fois déshumanisant et profondément destructeur. Cette discrimination flagrante est aggravée par d’autres facteurs tels que la situation socioéconomique, professionnelle ou migratoire, le sexe, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, la religion et les handicaps psychosociaux.

L’absence d’établissement des responsabilités au sein des forces de l’ordre constitue également un énorme obstacle. Les enquêtes sont défectueuses. Les mécanismes de contrôle, de plainte et d’établissement des responsabilités manquent d’indépendance. La « présomption de culpabilité » à l’encontre des personnes d’ascendance africaine est largement répandue. Sauf rares exceptions, les enquêtes, les poursuites, les jugements et les décisions judiciaires ne tiennent pas compte du rôle que la discrimination raciale, les stéréotypes et les préjugés institutionnels peuvent avoir joué.

En outre, les familles des personnes décédées à la suite d’une interaction avec les forces de l’ordre ont exprimé un profond manque de confiance dans le système de justice pénale, ce qui met en évidence le manque de soutien qui leur a été apporté lors des procédures d’établissement des responsabilités.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés en continuant à regarder l’histoire se répéter.

J’exhorte les États à repenser et à réformer leurs systèmes de maintien de l’ordre et de justice pénale, et de placer les droits de l’homme au cœur de ces efforts. Les personnes d’ascendance africaine et les autres communautés doivent être impliquées dans ces discussions.

Les nouveaux modèles de justice doivent protéger et servir tout le monde, sans discrimination.

Ces nouveaux modèles doivent jouer un rôle crucial pour mettre fin à l’impunité, renforcer la confiance du public et favoriser des relations solides entre les forces de l’ordre et toutes les communautés qu’elles servent. Ils doivent s’attaquer à l’application discriminatoire du droit pénal.

J’appelle les États à réviser leurs politiques, leurs lois et leurs pratiques liées aux drogues pour les rendre conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme.

J’exhorte également les États à mettre en œuvre des réformes pour limiter le recours à la force et interdire le profilage racial. Les responsables de l’application des lois qui commettent des violations à l’encontre des Africains et des personnes d’ascendance africaine doivent répondre de leurs actes. Et les victimes et leurs familles doivent obtenir réparation.

Excellences,

La discrimination raciale dans l’application de la loi et le système de justice pénale ne peut être séparée du racisme systémique. Ce n’est qu’en nous attaquant à ces deux phénomènes – et à l’héritage sur lequel ils reposent – que nous pourrons réussir à les éliminer.

Le système des droits de l’homme des Nations Unies, y compris le nouveau mécanisme international d’experts indépendants, poursuivra son engagement à soutenir les États et d’autres acteurs pour parvenir à la justice raciale dans le système de justice pénale.

C’est une priorité et une responsabilité pour nous tous ici aujourd’hui.

Engageons-nous tous à faire en sorte que cela se produise.

Merci.

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