Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Conférence Prince Mahidol Award 2022 - Le monde que nous voulons : agir pour une société plus durable, plus juste et plus saine
26 janvier 2022
Prononcé par
Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Bonjour. Je tiens à remercier la fondation Prince Mahidol Award et ses partenaires d’avoir organisé cet événement. C’est pour moi un réel plaisir d’y participer.
Le monde traverse une période critique. La pandémie de COVID-19 entre dans sa troisième année et, à mi-parcours du Programme de développement durable à l’horizon 2030, nous nous heurtons à de sérieuses difficultés.
Le triple défi planétaire des changements climatiques, de la pollution et de la perte de la biodiversité nuit aux communautés – et aux droits de l’homme – du monde entier. La pandémie a déchiré les sociétés, privé des millions de personnes de leurs proches et exposé et exacerbé les inégalités existantes.
Dans le même temps, nous pouvons, et devons, faire de ces crises l’occasion d’explorer un avenir plus juste, plus sain et plus durable.
Pour assurer notre survie, et pour mieux nous remettre de cette crise, nous devons tirer les leçons de la pandémie et des dégâts environnementaux qui nous affectent. La plus importante d’entre elles est que les droits de l’homme offrent aux États et aux sociétés un ensemble d’outils efficaces pour répondre aux menaces et aux crises.
En tant qu’ancienne cheffe d’État, j’ai pu voir de mes propres yeux que les politiques fondées sur les droits de l’homme produisent de meilleurs résultats. Les droits de l’homme protègent les populations, en particulier les plus marginalisées et les plus discriminées, qui sont souvent les plus touchées par les crises.
Nous avons trop souvent été témoins du coût effroyable de l’inaction et du non-respect des droits de l’homme. Les inégalités mondiales dans l’accès aux vaccins contre la COVID-19 reflètent des inégalités et des discriminations profondes et systémiques. Cela est profondément injuste et totalement contre-productif.
Les inégalités face aux vaccins entraînent également d’importants écarts dans les taux de guérison, aggravant encore davantage le retard accusé par les régions et les pays les moins développés.
Il est nécessaire que les États donnent de toute urgence la priorité aux mesures permettant à tout le monde d’accéder aux vaccins, grâce à COVAX. Les obstacles, notamment ceux liés aux procédures d’autorisation lourdes et restrictives et aux interdictions d’exportation qui empêchent le flux nécessaire de vaccins, doivent être identifiés et, autant que possible, éliminés. Les démarches en vue de la levée de l’Accord ADPIC sont les bienvenues et j’encourage les États à poursuivre les discussions à ce sujet au sein de l’Organisation mondiale du Commerce.
Les États et les parties prenantes concernées doivent également s’efforcer d’intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme dans la convention, l’accord ou tout autre futur instrument international adopté par l’Organisation mondiale de la Santé en matière de prévention, de préparation et de réponse face aux pandémies.
Les approches nationales égoïstes et étriquées ne feront que prolonger la crise. Comme nous l’a rappelé le docteur Tedros, « aucun pays ne peut sortir de la pandémie par lui-même ».
Nous avons besoin d’une action collective pour le bien commun.
Les effets de la COVID-19, et des changements climatiques, ont montré à quel point nos vies et nos droits étaient reliés les uns les autres. Aucun pays ne peut surmonter seul ces obstacles. Nous avons besoin de renforcer la solidarité et les partenariats mondiaux, entre les États, les organisations internationales, la société civile et le secteur privé.
Comme le Secrétaire général des Nations Unies l’a expliqué l’année dernière, Notre programme commun appelle à une solidarité renouvelée entre les peuples et les générations futures – un nouveau contrat social ancré dans les droits de l’homme.
Ce nouveau contrat social vise à rétablir la confiance du public et à jeter les bases nécessaires pour que les sociétés partagent plus équitablement le pouvoir, les ressources et les possibilités.
Le monde que nous voulons se caractérise par une économie qui renforce les droits de l’homme et fonctionne pour tout le monde. Nous devons réinvestir dans les droits économiques et sociaux. Nous devons créer des mesures de protection sociale plus efficaces et plus inclusives, assurer un accès universel aux soins de santé et garantir la jouissance des droits à l’éducation et au travail.
Grâce à ces mesures, nous pouvons inverser les inégalités en matière de développement, réduire la pauvreté et améliorer le statut des femmes et des filles.
Les politiques de santé publique d’aujourd’hui et de demain doivent placer les droits de l’homme au premier plan, et doivent intégrer les besoins des personnes les plus vulnérables et défavorisées et leur donner la priorité.
Les gouvernements doivent garantir un espace civique et démocratique beaucoup plus large, afin que chacun puisse faire entendre sa voix, y compris les voix critiques, et participer à la création des solutions les plus efficaces et les plus pertinentes pour leurs communautés et leurs nations. Je déplore profondément la réaction brutale que nous avons observée dans certains États à l’encontre de groupes de la société civile et de présumés détracteurs.
Le monde est à la croisée des chemins. Pouvons-nous nous unir pour changer de cap ?
Si, ensemble, nous faisons le bilan de nos échecs en matière de gestion de la pandémie et tirons les leçons de nos erreurs, nous pourrons en sortir plus forts pour affronter la prochaine crise.
J’invite instamment les États à faire reposer leurs politiques d’intervention et de redressement actuelles sur la base solide du droit et des normes relatives aux droits de l’homme.
Car la prochaine catastrophe n’attendra pas que nous le fassions.
Nous pouvons encore sortir de cette crise grâce à des mesures qui préparent et assurent un monde plus équitable, durable et résilient.
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