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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Déclaration à la Troisième Commission par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra'ad Al Hussein

Faire respecter les droits sur le terrain

16 Octobre 2017

16 octobre 2017

Monsieur le Président,
Excellences, collègues,

J'ai l'honneur de présenter le rapport des travaux accomplis par mon Bureau entre août 2016 et juillet 2017.

Dans un contexte d’instabilité croissante, je suis fier que mon bureau et mes collègues aient pu faire une vraie différence dans plusieurs pays, en aidant les autorités nationales, les institutions démocratiques et la société civile à défendre la dignité et les droits humains. Je vous propose aujourd'hui de mettre en lumière certains exemples des travaux menés par nos 57 présences sur le terrain partout dans le monde, à savoir: 15 bureaux de pays, 13 composantes droits de l'homme au sein d'opérations de maintien de la paix, 12 bureaux ou centres régionaux et 17 conseillers des droits de l'homme auprès des équipes de pays des Nations Unies.

Les institutions garantes de l'État de droit au Cambodge

Le Bureau de Pays du Haut-Commissariat pour le Cambodge est notre présence sur le terrain la plus ancienne et ses travaux au fur et à mesure des années illustrent comment une coopération technique manifestement utile et bien ciblée permet d’établir la confiance avec nos partenaires en nous basant sur un suivi en profondeur. Par exemple, des projets initiés avec nos partenaires en 2008 afin de réaliser des améliorations essentielles des infrastructures dans un certain nombre de prisons se sont progressivement transformés en soutien à des initiatives de réformes des prisons plus larges – qui ont ensuite alimenté un dialogue plus global sur la justice pénale et sur les politiques de l'état de droit dans tout le pays.

Nous soutenons actuellement les autorités afin qu'elles puissent agrandir leur base de données sur les cas pénaux pour en garantir la couverture nationale d'ici à 2019, et faciliter ainsi la gestion des affaires au sein des tribunaux et entre les prisons et les tribunaux ; nous formons des juges et des avocats à la législation sur les droits de l'homme et nous contribuons à l'amélioration sur le long terme des conditions de détention notamment par le biais d’un travail de plaidoyer sur la réduction de la détention provisoire et en apportant une assistance technique pour élaborer une politique d'aide juridique et résorber l'arriéré des prisonniers en attente d'un jugement en appel. J’ai bon espoir qu'en nous basant sur cette expérience de coopération solide, nous serons capables de prendre en considération les préoccupations liées aux droits civils et politiques au Cambodge à l'approche des élections en 2018 et au-delà.

Le féminicide en Amérique centrale

En 2010, la question des meurtres liés au genre à El Salvador et au Panama a été jugée prioritaire par notre Bureau régional de l'Amérique centrale. Dans l'année qui a suivi, nous avons élaboré un protocole spécifique pour les enquêtes liées aux féminicides à El Salvador, avec l'aide de juges, de procureurs, d'avocats, de la police, d'experts scientifiques, de victimes et de la société civile. En s'appuyant sur l'utilité du protocole à El Salvador, notre bureau régional a ensuite lancé une consultation en profondeur à l'échelle de la région, et avec ONU Femmes nous avons soutenu le développement d'un protocole modèle pour les enquêtes sur les décès des femmes liés au genre. Ce protocole modèle a été très largement adopté par les officiers de justice dans toute la région et est étudié dans les programmes de formation et dans les programmes d'études administratives dans de nombreux pays, notamment en Argentine, au Costa Rica, à El Salvador et au Panama. En coopération avec le PNUD, nous avons également créé une formation virtuelle sur le protocole modèle; la première session en ligne a eu lieu en Argentine en mars 2017 et une deuxième session est actuellement en cours pour 220 fonctionnaires chargés des cas de féminicides en Amérique centrale.

La protection des droits des migrants

Mon Bureau est profondément engagé dans la promotion d'approches de la migration basées sur les droits humains, aux niveaux mondial, régional et aussi national. Nous avons joué un rôle de figure de proue pour soutenir la négociation historique d'un pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Avec nos agences soeurs au sein des Nations Unies, nous avons développé des directives et compilé les bonnes pratiques pour aider les États et autres parties prenantes à répondre de façon plus efficace et plus appropriée aux besoins des personnes vulnérables qui se déplacent et qui ne peuvent pas bénéficier des normes liées aux réfugiés mais qui, quoi qu'il en soit, nécessitent une protection de leurs droits fondamentaux.

Mon Bureau a organisé des missions de surveillance sur le terrain à de nombreuses frontières européennes et zones de transit, notamment en Bulgarie, France, Grèce, Italie et en ancienne République yougoslave de Macédoine, pour évaluer les besoins des migrants en matière de protection des droits de l'homme, sur la base des Principes et directives recommandés sur les droits de l'homme aux frontières internationales qui ont été développées par le HCDH en 2014. Mon bureau régional pour l'Europe continue d'offrir une assistance technique à l'UE et à ses Etats membres, pour renforcer l'intégration des droits de l'homme dans leurs actions externes et internes, notamment dans le contexte du récent examen à mi-parcours de l'Union européenne de son programme migratoire. D'autres travaux récents ont porté sur le respect des processus et des normes internationales dans les procédures de retour des migrants. Nous avons offert des formations aux intervenants en première ligne, aux représentants des gouvernements et aux institutions nationales des droits de l'homme sur des aspects spécialisés et pratiques des droits de l'homme, ainsi qu'aux membres des forces navales de l'UE dans la Méditerranée sur les droits humains des migrants et les droits de l'homme dans le cadre du maintien de l'ordre.

Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec des partenaires des Nations Unies et des autorités nationales dans d'autres régions pour intégrer la question des droits humains des migrants dans leurs programmes. La semaine dernière nous avons conclus une mission pour évaluer les besoins de protection des migrants à El Salvador, au Guatamala, au Honduras et au Mexique. En Tunisie nous avons aidé à organiser une consultation nationale pour évaluer les indicateurs servant à jauger le respect des droits des migrants dans les domaines de la santé, de l'éducation et du travail décent. Avec la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL), nous avons publié récemment un rapport sur les abus choquants et les graves violations dont sont victimes les migrants en Libye – j'ai abordé ce sujet avec les autorités à Tripoli la semaine dernière – afin qu’il soit un document de référence pour guider les politiques et la pratique. Nous avons aussi organisé une mission de surveillance à Nauru et avons rencontré des migrants coincés à Naura et sur l'île de Manus en Papouasie Nouvelle Guinée, tout en continuant de faire part de nos préoccupations et de nos recommandations au Gouvernement australien.

Une réponse rapide au Bangladesh

À deux reprises cette année, en réponse aux mouvements massifs des membres de la Communauté rohingya du Myanmar vers le Bangladesh, j'ai envoyé des équipes rapides d'experts pour s’entretenir avec des réfugiés au Bangladesh, établir des rapports sur les violations et évaluer leur situation actuelle et les défis à relever. Même si les autorités du Myanmar refusent systématiquement l'accès à la région à tous les enquêteurs pour les droits de l'homme, nos rapports continuent de fournir des informations opportunes et essentielles aux États membres et au Conseil de sécurité. Dans le même temps, la mission de collecte de faits internationale et indépendante sur le Myanmar, établie par le Conseil des droits de l’homme, est opérationnelle et est actuellement en train d'oeuvrer. Sur le plus long terme, mon personnel continuera à chercher à prévenir davantage les violations des droits de l'homme et à établir les responsabilités pour ces actes et travaillera en coordination avec les autorités du Bangladesh et les acteurs humanitaires pour veiller à ce que les droits de l'homme soient correctement intégrés dans les opérations humanitaires en cours.

Au cours de l'année dernière, j'ai aussi déployé une équipe en Angola pour interroger des réfugiés fuyant les attaques violentes dans les provinces du Kasaï de la République démocratique du Congo. Ces travaux ont mené le Conseil des droits de l’homme à confier un mandat à une nouvelle équipe d'experts internationaux pour enquêter plus en profondeur sur la situation. En l'absence d'accès, j'ai également mis en place une équipe pour réaliser un suivi à distance de la situation des droits de l'homme au Venezuela dans le contexte de manifestations nationales.

Le droit à l'alimentation et l'accès aux terres au Malawi

La pleine intégration des recommandations acceptées en matière de droits de l'homme dans les Plans-cadres pour l'Aide au Développement des Nations Unies fournit un important effet de levier pour les préoccupations liées aux droits de l'homme et garantit un suivi cohérent et conséquent. Ainsi, au Malawi, d'importants travaux ont été menés par le conseiller des droits de l'homme et par l'équipe pays des Nations Unies pour promouvoir la mise en oeuvre de recommandations émanant du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation. Celles-ci soutiennent l'examen et la révision du Projet de loi sur la nourriture et la nutrition, à travers des avis techniques et juridiques, des briefings pour les membres du parlement et des consultations au niveau national. Nous aidons aussi le gouvernement à promouvoir la mise en oeuvre d'une législation nationale historique adoptée récemment qui a pour objectif de renforcer l'accès aux terres des femmes.

Le maintien de la paix et la lutte contre l'extrémisme violent au Mali

La paix ne peut être établie et maintenue en l'absence d'une protection des droits de l'homme, et les droits de l'homme constituent un élément pivot des travaux de toutes les composantes des missions de maintien de la paix des Nations Unies. Au Mali, dans un contexte particulièrement volatile, en raison notamment d'attaques de nombreux groupes armés, la Division des droits de l'homme de la MINUSMA veille à ce que des enquêtes soient diligentées en cas de sérieuses allégations de violations, notamment du droit humanitaire international; elle surveille les conditions de vie des détenus en raison des conflits; elle appuie la mise en place de mécanismes nationaux de justice transitionnel et elle conseille les parties à l’accord de paix de 2015. En outre, la Division des droits de l'homme se concentre sur la promotion d'opérations de contre-terrorisme ciblées et proportionnées, conformément aux obligations juridiques internationales et aux politiques de diligence raisonnable des droits de l'homme des Nations Unies, et elle conseille les autorités sur les manières de mettre fin au traitement discriminatoire envers des communautés spécifiques, qui a contribué à la montée de l'extrémisme violent. Afin de soutenir davantage les efforts portant sur la reddition de comptes et la justice transitionnelle, un rapport cartographiant les violations qui auraient été commises au Mali entre 2012 et 2014 sera publié dans les mois à venir.

La reddition de compte en Syrie

Le conflit en Syrie reste l'un des conflits les plus dévastateurs de notre époque, une tragédie aux proportions historiques. Mon bureau continue de soutenir les travaux sans précédents de la Commission indépendante internationale d'enquête émanant du Conseil des droits de l’homme, qui documente et établit des rapports sur les violations et les abus depuis 2011.
Face au refus du gouvernement de nous accorder un accès à la Syrie, mon bureau a également établi une équipe Syrie – c'est en fait un bureau pays essentiellement virtuel situé à Beyrouth, Gaziantep, Amman et Genève, incluant les équipes de surveillance et les conseillers des droits de l'hommes dans les équipes pays des Nations et dans les opérations humanitaires.

Cette année, mon bureau a soutenu la création et la mise en marche d'un mécanisme international, impartial et indépendant pour permettre d'aider les enquêtes et les poursuites contre les responsables des crimes les plus graves commis en République arabe syrienne, au titre du droit international – c'est un nouvel organe unique approuvé par l'Assemblée générale pour réunir, consolider, préserver et analyser des preuves sur des crimes qui auraient été commis en Syrie et faciliter les procédures pénales ultérieures.

Mesdames, messieurs,

Par ces illustrations de nos travaux sur le terrain, j'espère avoir réussi à vous donner un aperçu de l’ampleur et de l'importance de l'impact pratique des travaux de mes collègues sur le terrain et en particulier lorsque notre présence sur le terrain est bien établie depuis plusieurs années.

En plus de s'appuyer sur l'expertise développée par mon bureau en matière de suivi et de conseils, ces travaux puisent profondément dans les recommandations des mécanismes des droits de l'homme – notamment les organes de traité et les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et l'Examen périodique universel (EPU). Mon bureau souhaite faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la pleine mise en œuvre des recommandations émanant de tous les mécanismes des droits de l'homme, notamment lors du troisième cycle de l'EPU et en suggérant des lignes d'intervention.

Dans le contexte du processus de renforcement des organes de traités, l'Assemblée générale a déjà reconnu qu'il fallait que ces organes se rapprochent du terrain, ainsi des collègues spécialisés déployés dans nos bureaux régionaux dans ce contexte ont été en mesure d'aider les États à s'acquitter de leurs obligations. Notre soutien à la création de mécanismes nationaux de rapport et de suivi est un autre outil pour un suivi optimisé et nous continuerons à collaborer avec les équipes de pays des Nations Unies et d'autres pour nous assurer que les recommandations contribuent à leurs travaux. Les efforts de réforme du Secrétaire général et son engagement en faveur de la prévention et du Programme à l'horizon 2030 offrent des possibilités sans précédent pour nous assurer que les droits humains ne sont plus seulement perçus comme des éléments accessoires mais qu'ils sont bien reconnus comme une partie intégrante et centrale du développement durable de la paix et de la sécurité.

Ici, à New York, notre bureau s'est légèrement agrandi et œuvre avec les États membres et d'autres collègues des Nations Unies pour aider à introduire une perspective des droits de l'homme dans les deux autres piliers de l'organisation : la paix et la sécurité; et le développement. Des progrès ont été enregistrés à cet égard. Le Directeur de notre bureau à New York, Andrew Gilmour, a aussi une fonction de coordination à l'échelle du système des efforts des Nations Unies pour aborder et prévenir les représailles contre les personnes qui coopèrent avec les Nations Unies. Il a présenté le rapport du Secrétaire général sur ce sujet important au Conseil des droits de l’homme le mois dernier.

Les normes internationales des droits de l'homme peuvent et doivent continuer à être traduites en programmes sur le terrain. Aujourd'hui, la population mondiale réclame plus de justice, plus de responsabilité, plus de respect pour les droits civils, culturels, économiques, sociaux et politiques ainsi que pour le droit au développement. Avec votre soutien, nous continuerons à aider les gouvernements, les institutions régionales et nationales, les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l'homme à défendre les droits de tous les peuples.

Je vous remercie.