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Déclarations Procédures spéciales

Groupe de Travail du Conseil des droits de l’homme sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique

17 Avril 2015


DAKAR (17 avril 2015) – A la fin d’une mission de 9 jours au Sénégal, Emna Aouij, Présidente-Rapporteur du Groupe de Travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique a prononcé la déclaration suivante:

"Je souhaiterais exprimer, au nom du Groupe du Travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique, notre profonde gratitude à l’Etat du Sénégal pour nous avoir invitées à réaliser cette visite officielle au cours de laquelle je me suis rendue à Dakar, Yeumbeul, Pikine, Kaolack, Diourbel, Fandène et Thiès. Je remercie tous nos interlocuteurs, les fonctionnaires de l’Etat au niveau national et local, les représentants de la société civile et des entités onusiennes pour tous ces échanges fructueux. Je souhaiterais également remercier les différents groupes et associations de femmes qui ont partagé leurs expériences avec nous.

Cadre légal, institutionnel et politiques

Je souhaiterais, avant tout, saluer les efforts déployés par le Sénégal pour renforcer son cadre légal concernant la promotion et la protection des droits humains des femmes et l’égalité de genre notamment la loi de 1999 réprimant différentes formes de violences basées sur le genre, y compris les mutilations génitales féminines, la loi de 2008 sur l’égalité de traitement fiscal, la loi de 2010 sur la Parité et la loi de 2013 sur la nationalité ainsi que les stratégies et programmes développés en ce sens comme la Stratégie Nationale d’Equité et de l’Egalité de Genre. Le Groupe de Travail regrette cependant que dans son Plan Sénégal Emergent, le Gouvernement n’ait pas adopté des objectifs visant explicitement l’égalité de genre. Le Groupe a pu constater par ailleurs que les préoccupations relatives aux droits des femmes ne sont pas toujours prises en compte dans les lignes budgétaires tant au niveau national que dans les collectivités locales.

Le Sénégal a ratifié, sans aucune réserve, presque tous les instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme et a réaffirmé sa volonté d’assurer l’application effective de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) par la ratification en 2000 de son Protocole Facultatif.  Le Groupe regrette toutefois qu’entre 1994 et 2013 le Sénégal n’ait pas présenté ses rapports périodiques au Comité pour l’Elimination de la discrimination à l’égard des femmes.

Nous saluons par ailleurs les diverses initiatives entreprises par le Ministère de la Femme, de l’Enfant et de la Famille qui conduit la politique de promotion et protection des droits de la femme et de lutte contre les discriminations à l’égard des femmes ainsi que d’autres ministères comme, par exemple, les Ministères de la Santé, Education, Formation Professionnelle mais également par des instances de veille comme l’Observatoire National de la Parité. Le Groupe de Travail se félicite de la création de cellules genre dans les ministères mais regrette que celles-ci n’aient pas eu de budgets additionnels spécifiquement attribués à cet effet, étant actuellement absorbés par les budgets des ministères, et que les fonctionnaires les composant n’aient pas tous reçu la formation nécessaire.

Développement et inégalités

Malgré les efforts investis par l’Etat et la communauté internationale, le pays enregistre un indice de développement humain encore faible (163/187) et de fortes inégalités, en particulier relatives au genre (119/187 selon l’indice d’inégalité de genre du PNUD).

Les disparités géographiques restent prononcées, le taux de pauvreté dans les zones rurales étant estimé à 57% par rapport à un taux de 26 % à Dakar. Malgré les efforts consentis, le taux d’analphabétisme reste encore élevé (58,2%) et touche davantage les femmes (63%). La plupart des Objectifs du Millénaire pour le Développement ne seront pas atteints.

Tous les acteurs rencontrés ont affirmé de manière unanime que le Sénégal ne pouvait aspirer au développement sans une véritable participation inclusive des femmes, mais l’inégale répartition des rôles et des responsabilités dans la division du travail ainsi que le maigre pouvoir économique des femmes accentue la féminisation croissante de la pauvreté. De nombreuses contraintes légales mais surtout socio-culturelles représentent un frein à la réalisation de l’égalité des genres.

Bien que le Sénégal se soit engagé sur le plan international et régional à respecter pleinement les droits des femmes, la mise en application et transposition de ces textes en lois nationales, reste insuffisante. Les dispositions de la nouvelle Constitution de 2001 qui prône l’égalité entre les hommes et les femmes ne se sont pas encore totalement traduites en une réalité.

Vie familiale

La grande majorité des acteurs rencontrés ont reconnu que le Code de la Famille est le berceau de graves discriminations à l’égard des femmes qui s’étendent sur tous les aspects de leur vie (travail, éducation, santé, sécurité etc.) et empêchent la pleine réalisation de leurs droits. Il établit par exemple la puissance maritale  et la puissance paternelle exercée par le père en tant que chef de famille, portant ainsi gravement atteinte aux possibilités d’épanouissement et d’autonomisation des femmes, ayant des répercussions sur la gestion conjointe du ménage ou des enfants. Avant de récentes réformes légales , l’homme était, par exemple, le seul à pouvoir bénéficier des allocations familiales et à pouvoir prendre en charge les enfants. Le choix du domicile conjugal accordé au mari présente également des difficultés à la femme, en particulier pour la femme salariée mais aussi dans le cadre de mariages polygames.

Au Sénégal, 35,2% des mariages enregistrés sont polygames (un chiffre qui ne tient pas compte des grands nombres de mariages coutumiers non constatés). Le Code de la Famille établit qu’ « en l’absence d’une option au moment du mariage ou postérieurement, l’homme peut avoir simultanément quatre épouses ». Le Groupe de Travail partage l’opinion du Comité sur l’Elimination de la discrimination à l’égard des femmes et du Comité des droits de l’enfant, selon laquelle la polygamie est contraire à la dignité des femmes et des filles et porte atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur liberté, y compris l’égalité et la protection au sein de la famille. Elle a notamment pour effet de causer des dommages à la santé physique et mentale des épouses et à leur bien-être social, des dommages matériels et des privations aux épouses et des préjudices émotionnels et matériels aux enfants, avec souvent de graves conséquences pour leur bien-être.  Les États parties à la CEDEF ont des obligations précises de décourager et d’interdire la polygamie, qui est contraire à la Convention. Par ailleurs, le Comité estime que la polygamie a des conséquences importantes sur le bien-être économique des femmes et de leurs enfants. Des études ont montré que la polygamie engendre souvent plus de pauvreté dans la famille, en particulier en milieu rural. Le Protocole de Maputo encourage également à la monogamie. Le Groupe de Travail recommande une modification du Code de la Famille en ce sens.

De nombreux acteurs ont souligné les difficultés liées à la production d’actes d’état civil, notamment les certificats de mariage, de naissance ou de décès. Les demandes de divorce posent souvent problème en raison de l’absence de certificat de mariage suite à un mariage coutumier qui n’a pas été constaté . Les pièces requises (comme la pièce d’identité du mari) peuvent être difficiles à obtenir pour la femme, en particulier si elle a été répudiée. Bien que la répudiation soit qualifiée par la jurisprudence sénégalaise comme une injure grave pouvant servir de cause au divorce, elle n’est cependant pas une infraction pénale.

Le Groupe de Travail a regretté de constater que le Code de la Famille établit l’âge légal du mariage pour la fille à 16 ans et 18 ans pour l’homme. Aucune sanction pénale n’est prévue pour les responsables permettant le mariage précoce. Le Groupe recommande d’élever l’âge légal du mariage pour la femme à 18 ans et de prévoir une nouvelle disposition dans le Code Pénal qui réprime le mariage précoce.

La question de l’héritage pose de nombreux problèmes à la femme sénégalaise. En droit commun, une part égale de l’héritage est accordée à la femme et à l’homme alors que la définition des successions de droit musulman stipulée à l’article 571 du Code de la Famille accorde le double à l’homme, ce qui est incompatible avec le principe d’égalité prôné par la Constitution.

Malgré les efforts déployés pour sensibiliser à l’importance de l’enregistrement des enfants à la naissance et la tenue d’audiences foraines visant à favoriser le nombre de jugements supplétifs, le taux d’enfants sans acte de naissance au Sénégal reste très élevé, ce qui peut poser de sérieuses difficultés tout au long de la vie, en particulier dans la scolarité de la fille qui ne pourra passer ses examens scolaires dès l’école primaire sans un extrait de naissance.

Droit à la santé

La santé des femmes au Sénégal est gravement affectée par : (i) les mauvaises conditions d’hygiène, les contraintes d’accès à l’eau et surtout à l’eau potable qui entretiennent les maladies infectieuses et parasitaires ; (iii) le manque d’information et de maîtrise de leurs droits et santé sexuels et reproductifs entraînant la première grossesse à un âge précoce (avant 19 ans) et une fécondité élevée (presque 5 enfants par femme en moyenne) ; (iv) un taux de prévalence du VIH/Sida beaucoup plus élevé chez les femmes (61% des adultes infectés. La moyenne nationale est de  0,5% mais s’élève à 18,5% chez les travailleuses du sexe) (v) et des pratiques et coutumes préjudiciables telles que les mutilations génitales.

La mortalité maternelle, qui est un indicateur particulièrement révélateur de la condition féminine, de l’accès des femmes aux soins de santé et de la façon dont le système de santé répond à leurs besoins, reste encore très élevée. Chaque jour au Sénégal cinq femmes meurent en donnant la vie. Le taux de mortalité maternelle est de 392/100.000.
Le Sénégal a lancé en 2013 la Couverture Maladie Universelle qui aspire à une meilleure prise en charge de la santé des femmes, des enfants et des personnes vulnérables. En outre, le Sénégal a mis en place la généralisation de la gratuité des accouchements et de la césarienne.

Les femmes peuvent cependant rencontrer des obstacles dans l’accès aux soins lors de leur grossesse, principalement en raison de contraintes financières ou des difficultés d’accès aux structures sanitaires. Malgré les efforts en vue d’instituer des postes de santé dans les zones rurales, ceux-ci restent parfois trop éloignés pour certaines communautés et ne sont souvent pas correctement équipés ni adaptées aux besoins des femmes (en terme d’accouchement traditionnel par exemple). Le Groupe de Travail se félicite des nombreux programmes de prévention et de sensibilisation développés au niveau communautaire comme les Badianou Gokh (marraine de la communauté/sage-femme itinérante) servant de lien entre la communauté et le centre/poste de santé.

Au cours des dernières années, les autorités sénégalaises ont enregistré des progrès au niveau de la prévalence contraceptive à travers le programme de planification. Ce taux était de 12% en 2011. En 2014, 16% des jeunes femmes célibataires et sexuellement actives et 6% des femmes mariées utilisaient une méthode contraceptive. La loi 2005-15 consacrant le droit pour la femme de décider de sa santé de la reproduction n’a cependant pas encore permis un changement radical des mentalités. Tous les acteurs rencontrés travaillant dans le domaine de la santé et de nombreuses femmes ont avoué ne pouvoir utiliser de contraceptif en raison du refus de leur mari. Le Groupe regrette que cette loi n’ait pas marqué de progrès en termes d’interruption volontaire de grossesse à des fins thérapeutiques.

Le Groupe de Travail a pu constater que le Sénégal a une des lois sur l’avortement les plus restrictives d’Afrique. L’interruption volontaire de grossesse est interdite aussi bien par le Code Pénal (art.305 et 305 bis hérités de l’époque coloniale) que par l’article 15 de la Loi sur la Santé de la Reproduction. Une femme peut solliciter un avortement médicalisé seulement si sa vie est en danger et les conditions posées dans le code de déontologie exigeant l’avis de trois médecins, sont impossibles à réaliser pour la plupart des femmes, notamment les femmes en milieu rural.

L’article 14 du Protocole de Maputo ratifié par le Sénégal en 2004 oblige les Etats parties de donner accès à l’avortement médicalisé aux femmes et aux filles enceintes suite à un inceste, un viol ou toute autre forme d’agression sexuelle ou lorsque la santé mentale ou physique de la femme ou de la fille enceinte est en danger ou lorsqu’il y a un risque pour la vie de la femme, de la fille enceinte ou du fœtus. Plus de dix ans après la ratification du Protocole, le Sénégal n’a toujours pas harmonisé son Code Pénal avec les dispositions dudit Protocole. Les avortements clandestins au Sénégal représenteraient la cinquième cause de mortalité maternelle. Le droit international en matière de droit de l’homme reconnaît que la jouissance d’un état de santé optimale, y compris la santé liée à la reproduction est un des droits fondamentaux. La CEDEF consacre le droit pour la femme d’avoir une maîtrise de sa fécondité. Le Comité pour l’Elimination de la discrimination à l’égard des femmes a fortement désapprouvé les lois qui restreignent l’IVG, en particulier celles qui interdisent et incriminent l’IVG dans toutes les circonstances. Il a confirmé que ces législations n’empêchent pas les femmes de recourir à des IVG illégales et risquées et a qualifié les lois restrictives sur l’IVG de violation des droits à la vie, à la santé et l’information. Différents Comités et Procédures Spéciales ont exprimé des préoccupations similaires.

Certains acteurs rencontrés ont souligné que cette loi extrêmement restrictive pénalise tout particulièrement les femmes en situation de précarité socio-économique (une grande majorité des femmes) ne pouvant payer un avortement médicalisé dans une clinique privé comme peut le faire une élite très minoritaire. Le Groupe de Travail soutient fortement la réforme du Code Pénal en cours visant à élargir l’avortement médicalisé aux cas de viols et d’inceste. Cependant, même cette proposition de réforme présente des limites car il ne prend pas en compte les risques pour la santé mentale de la mère et les cas de malformation grave du fœtus ou fœtus non viable.

Participation à la vie politique

Le Sénégal a enregistré des progrès considérables en termes de participation des femmes à la vie politique. Pour la première fois dans une élection présidentielle, deux femmes s’étaient portées candidates en 2012. La Loi de 2010 instaurant la parité absolue dans les instances électives et semi électives a marqué un tournant historique dans la promotion de la participation politique des femmes au Sénégal. Le pays se place aujourd’hui au 7ème rang mondial quant au nombre de femmes parlementaires qui constituent 42,7% de l’Assemblée Nationale avec 64 femmes sur 150 députés (contre 19,2% en 2001). Le taux national d’élection des femmes dans les instances locales a triplé de l’ancienne à l’actuelle mandature, passant de 15,9% à 47,2%.

Pourtant, les élections locales de 2014 ont montré que la marginalisation politique des femmes au Sénégal n’est toujours pas résolue. Les candidates ont fait face à une obstruction importante de la part de plusieurs groupements religieux influents, de personnalités politiques mais aussi du grand public, y compris des femmes elles-mêmes.

Après les élections, il est apparu que la loi n’avait pas été complètement respectée par toutes les instances au niveau local. Cette résistance qui défie la Loi sur la Parité démontre que celle-ci n’a pas été totalement acceptée et que des efforts considérables doivent encore être déployés afin d’éliminer toute forme de discrimination et de stéréotypes négatifs profondément ancrés dans la culture sénégalaise qui freinent l’égal accès des femmes aux instances de décision.

De nombreux interlocuteurs ont souligné certaines difficultés à faire scrupuleusement respecter la parité dans le mode de scrutin majoritaire départemental, à imposer la parité pour le Bureau de l’Assemblée nationale (seulement 6 femmes sur 16) et pour l’élection de bureaux exécutifs locaux (communes et départements). Malheureusement aujourd’hui sur 557 communes, il y a seulement 13 femmes maires. Sur 42 Conseils Départementaux, seules deux femmes en ont la Présidence. Par ailleurs, même au niveau de l’exécutif, cette réticence à placer des femmes à des postes de décision se fait ressentir : sur 34 ministres et ministres délégués, 7 sont des femmes, avec des charges qui leur sont traditionnellement attribuées (le social, la famille, les femmes, etc.). Si on y ajoute les secrétaires d’Etat, les femmes se retrouvent avec moins de 18% de présence dans le Gouvernement actuel.

Le Groupe salue les décisions de la Cour d’Appel de Dakar et de la Cour Suprême d’annuler l’élection du Maire et des adjoints des communes de Keur Massar et de Kaolack pour violation de la loi sur la Parité. Le Groupe encourage les autorités compétentes à appliquer ces décisions au plus vite. Le Groupe regrette par ailleurs qu’une liste non paritaire ait été validée lors des élections locales de Touba et qu’aucun recours n’ait été présenté.

Participation à la vie économique

Le taux de participation des femmes à la population active était de 66% en 2013. Bien que dans la législation aucune barrière formelle n’existe pour leur pleine participation à la vie économique du pays, dans la pratique, de nombreux obstacles se posent.  
En effet, le taux de chômage est presque le double chez les femmes (13,3% contre 7,7% chez les hommes). 83% des femmes actives travaillent dans le secteur informel et ne bénéficient ainsi pas de services sociaux de base, comme la sécurité sociale et l’assurance maladie, travaillant de longues heures dans des conditions insalubres et manquant souvent de sécurité.

Par ailleurs, seul 34% des micro-crédits accordés par l’Etat sont attribués aux femmes et les montants sont jusqu’à 20% moins élevés que ceux des hommes, bien que les femmes remboursent mieux que les hommes (15% contre 24% de défauts de paiement pour les hommes). Le Groupe de Travail a pu constater que ces micro-crédits n’assurent cependant pas la pérennisation des activités économiques des femmes et il est fondamental de trouver des solutions pour une meilleure orientation des femmes et augmenter leur capacité financière sur le long terme. Le Groupe a également noté le manque criant de suivi permettant d’évaluer l’impact réel des programmes d’autonomisation qui semblent, à première vue, peu coordonnés et surtout ne paraissent pas apporter une solution satisfaisante pour sortir définitivement les femmes de la pauvreté. Le Groupe regrette que seul un 7% des entreprises enregistrées à la Chambre de Commerce de Dakar soient dirigées par des femmes.

Le Groupe de Travail s’inquiète tout particulièrement de l’accès à la terre très limité et inégalitaire pour les femmes. Bien que dans son article 15 la Constitution du Sénégal prévoit un égal accès à la terre, moins de 2% des femmes y accèdent par voie d’achat, moins de 15% par affectation et seulement 25% par héritage. Les femmes entreprennent cependant 70% des travaux agricoles et assurent un peu plus de 80% de la production agricole notamment dans les cultures vivrières. Elles supportent par ailleurs 90% des charges domestiques. Elles restent également confrontées à un accès limité aux moyens de production. Les normes sociales qui favorisent la reconnaissance du statut de chef d’exploitation à l’homme, la faible mobilité des femmes et leur niveau de revenu relativement bas, entraîne une discrimination de fait dans l’accès mais aussi, le contrôle et l’utilisation des produits de l’exploitation des terres. Le Groupe de Travail se réjouit d’apprendre qu’une réforme du foncier est en cours  et espère que des quotas seront instaurés pour assurer un accès égalitaire à la terre. Le Groupe se félicite de l’existence de fédérations de femmes rurales mais encourage aussi le développement de coopératives. Le Groupe encourage également la poursuite de mécanismes d’allègement des tâches domestiques pour les femmes rurales, mais surtout une sensibilisation accrue des hommes pour une coresponsabilité dans la prise en charge des enfants et parents dépendants et un partage plus équitable des tâches domestiques.

Le Groupe de Travail a pu constater que les femmes travaillant en tant qu’employée domestique sont souvent victimes d’exploitation, de violences sexuelles, souvent non alphabétisées et marginalisées. Elles n’ont pas accès aux services sociaux de base, travaillent dans de mauvaises conditions et sont rémunérés à un niveau très inférieur au salaire minimum. Le Groupe recommande à cet égard la ratification de la Convention 189 sur les travailleurs domestiques et d’adopter des mesures urgentes pour assurer un travail décent pour toutes les travailleuses.

Le Groupe se félicite des initiatives entreprises en vue de développer des écoles maternelles et crèches communautaires (« cases des tout-petits ») et faciliter ainsi l’insertion des femmes à la vie active. Cependant, il a été reconnu que ces institutions préscolaires sont insuffisantes : près de 223.000 enfants sont pris en charges alors que la demande s’élève à plus de 1,6 millions d’enfants.

Le Groupe de travail encourage la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales comme les quotas afin faire face au problème de la discrimination à l’encontre des femmes dans l’emploi, notamment dans la haute administration de l’Etat comme la préfecture ou la gouvernance.

Education

Le Groupe de Travail se félicite de constater que le Sénégal a atteint la parité de genre dans l’accès à l’éducation primaire. Le taux brut de scolarisation des filles est passé de 62,3% en 2000 à 98,6 % en 2011, contre 71,9% en 2000 et 89,5% en 2011 pour les garçons . Cependant, une forte disparité géographique persiste. En milieu rural, les filles ont moins de chances d'accéder au système éducatif et d'y réussir qu’en milieu urbain.  Les abandons scolaires sont plus élevés chez les filles. Les travaux domestiques, les abus sexuels en milieu scolaire,  les mariages et les grossesses précoces sont autant de facteurs d’échec scolaire. Les mariages et grossesses précoces privent 9% des enfants âgés de 7 à 14 ans d’opportunités de poursuivre leurs études. Ce taux atteint 13% en milieu rural, plus attaché aux valeurs d’une société conservatrice favorisant le mariage précoce. Les filles sont également exposées à des violences sur le chemin de l’école, en particulier en zone rurale. Le Groupe recommande que des mécanismes de signalement soient systématiquement mis en place dans les structures scolaires afin de détecter toute violence ou tout abus.  Malgré une circulaire qui permet aux jeunes filles de ne plus être exclues de l’école en état de grossesse, celles-ci voient tout de même leur scolarité suspendue et certaines ne la reprennent pas. Non seulement la fille est stigmatisée, mais en plus elle voit ses opportunités futures réduites.

Bien que la législation sénégalaise n’autorise le mariage des filles qu’à partir de 16 ans, le taux de mariages précoces reste très élevé. 24,3 % des jeunes filles âgées de 15 à 19 ans ont déjà été mariées. Ce taux est de 36 % en milieu rural et de 52 % dans les milieux les plus pauvres. Une étude démontre que dans les mariages polygames, les deuxième, troisième et quatrième femmes sont de plus en plus jeunes. Ces mariages précoces donnent généralement lieu à des grossesses précoces, auxquelles les jeunes filles peuvent désirer ou devoir mettre fin, notamment pour préserver leur santé, ce qui leur est actuellement interdit. 16 % des femmes âgées de 15 à 19 ans ont déjà un enfant. Ce taux est de 20 % en milieu rural contre 11 % en milieu urbain. Il est de 31 % dans les régions les plus pauvres.

Les filles ne progressent donc pas comme les garçons vers les niveaux supérieurs.

Seules 33% de femmes parmi les bacheliers accèdent à l’enseignement supérieur.

Violence contre les femmes

Tous nos interlocuteurs se sont alarmés quant à la forte prévalence de toute forme de violences contre les femmes, perpétuées par des attitudes et valeurs patriarcales conservatrices. Le Groupe de Travail n’a pas reçu de statistiques du gouvernement à cet égard, mais tous ont souligné le nombre effarant de viols, incestes, harcèlement sexuel, violence domestique (verbale, psychologique, physique et sexuelle), reconnaissant de manière unanime que la violence contre les femmes est un problème grave et généralisé qui requiert des mesures urgentes à tous les niveaux. Tous les acteurs œuvrant dans la lutte contre cette violence ont dénoncé le manque criant de structures d’accueil pour les femmes victimes de violence domestique. L’ampleur réelle de ces phénomènes reste toutefois difficile à déterminer du fait de la faiblesse des signalements et du recours au règlement à l’amiable. Le maintien de l’unité familiale prévaut souvent au détriment du respect des droits des femmes.

Le Groupe a manifesté sa grande préoccupation et indignation quant aux violences sexuelles subies par les filles au sein des écoles et au nombre croissant de grossesses précoces. Elle considère inacceptable que, dans l’école, censée être un environnement éducatif et protecteur, des filles soient abusées sexuellement, et ce, souvent par leur enseignant.

De nombreuses actions ont été entreprises, en particulier par le milieu associatif et les partenaires techniques et financiers, impliquant les communautés de base, les leaders religieux et d’opinion, afin de combattre ces violences. Le Groupe regrette toutefois l’absence d’une politique transversale et de ligne budgétaire précise pour lutter contre les violences basées sur le genre. Les mesures légales et programmes adoptés par le Gouvernement pour combattre ce fléau ont été jusqu’à présent des réponses fragmentées.

Le Groupe de Travail s’est horrifié de constater qu’en 2015 25% des femmes de 15 à 49 ans avaient déclaré avoir été victimes d’excision 13% pour les 0-15 ans et allant même jusqu’à 92% dans certaines localités. Malgré l’adoption de  la loi interdisant les excisions en 1999, malgré de nombreuses actions de prévention menées par divers acteurs, tous les acteurs rencontrés ont affirmé que cette pratique persistait, notamment dans les zones les plus reculées. Certains leaders d’opinion et marabouts sembleraient pousser pour le maintien de l’excision. Il est impératif de prendre des mesures radicales et de déployer tous les moyens possibles pour éradiquer cette forme ignominieuse de violence ayant des conséquences psychiques et physiques graves et irréversibles pour les filles et les femmes, pouvant même entraîner la mort, suite à l’acte même ou lors de l’accouchement. Il est primordial d’encourager les dénonciations et de pénaliser sévèrement les responsables, même si la mutilation a été réalisée à l’étranger. Depuis que la loi a été adoptée il y a plus de 15 ans, seulement 9 cas de dénonciation ont été enregistrés. La sanction est dissuasive et représente un des meilleurs outils de prévention. Aucune croyance ou coutume ne doit être utilisée ou déviée afin de violer le droit des femmes et des filles, de les torturer et les opprimer.

Le Groupe a également été informé que les femmes lesbiennes souffrent d’une violence considérable, stigmatisation et exclusion, même au sein des organisations de la société civile œuvrant dans la promotion de l’égalité de genre et ne se sentent pas du tout soutenues dans leur lutte. Les femmes en situation de handicap se trouvent également en situation d’extrême vulnérabilité et sont victimes de multiples formes de discrimination en raison des difficultés d’accès à l’éducation, à l’emploi et l’insertion sociale, aux services de santé, aux lieux publics (tels que les marchés) ainsi que les infrastructures et édifices publics.

La situation des femmes en situation de privation de liberté préoccupe également le Groupe. En 2013, 1754 femmes se trouvaient en détention. Un 16% de la population carcérale féminine a été condamné pour infanticide et un 3% pour avortement. L’infanticide représente 64% des motifs d’incarcération des filles âgées de 13 à 18 ans.

Le Groupe de Travail a été informé que les conditions de détention des femmes enceintes et des femmes avec enfants en bas âges ne respectent pas les standards internationaux en la matière . Le Groupe encourage les peines alternatives pour ces femmes, en particulier pour les femmes enceintes et/ou mères d’enfants de moins de 2 ans. Les longues détentions préventives doivent également être évitées.

Accès à la justice

Une grande majorité des acteurs rencontrés ont insisté sur les difficultés considérables auxquelles les femmes doivent faire face pour accéder à la justice. Certains hauts fonctionnaires se sont même référés à « un parcours du combattant ». D’après la plupart des acteurs rencontrés, il y a une grande méfiance envers la justice, mais aussi envers la police et la gendarmerie, malgré certains progrès constatés. Des officiers de police ont également reconnu qu’il était nécessaire d’améliorer l’accueil des femmes victimes de violence dans les commissariats et gendarmeries et de changer le visage de la police en plaçant plus de femmes (seulement 10% de femmes dans le corps policier).

Le Groupe a noté que la formation en droits humains et plus particulièrement en droits de la femme n’était pas uniformisée pour les acteurs de justice. Le Groupe insiste sur la nécessité de former dûment tous les acteurs concernés dès la formation initiale et d’approfondir par des formations continues au courant de la carrière professionnelle.

L’accès à la justice pour les femmes victimes de violence est tout particulièrement difficile. La peur de la stigmatisation, des représailles, le coût des procédures, l'éloignement dans les zones rurales, la difficulté à réunir les preuves nécessaires, le manque de femmes dans la police et les lacunes dans la formation du personnel, sont autant de facteurs qui empêchent les femmes de déposer plainte. Lorsqu'elles le font, les plaintes ne sont pas toujours diligentées. Il est par ailleurs inadmissible que les femmes doivent payer 5 000 à 10 000 CFA pour obtenir un certificat médical dans des cas de violences sexuelles. Enfin, lorsque les auteurs sont arrêtés et condamnés, les dysfonctionnements de la justice permettent aux coupables de ne pas purger intégralement leur peine. A cet égard, une mobilisation de tout l’appareil judiciaire pour lutter contre l’impunité est nécessaire. Le Groupe se félicite de la création de points d’écoute communautaire, initiative positive qui implique les communautés de base dans la prévention de la violence, mais s’inquiète de la tendance à effectuer des médiations dans des cas qui devraient être référés au pénal. Les femmes sont également confrontées à des actes discriminatoires à tous les niveaux de l’administration, même pour obtenir un extrait de naissance de leur enfant, certains agents exigent la présence du père, et ce sans aucun fondement juridique. L’obtention de certificat de mariage peut être extrêmement complexe, notamment pour des mariages coutumiers qui n’ont pas été constatés. Sans un certificat de mariage, le divorce ne peut avoir lieu.


En raison des sérieuses défaillances du système judiciaire, et ce, malgré certains efforts déployés pour proposer une justice de proximité à travers les Maisons de Justice, certaines associations prennent le relais et offrent une assistance légale gratuite appuyant les femmes dans leurs diverses démarches. Le Groupe de Travail regrette cependant que les associations ne puissent se porter partie civile et encourage l’adoption de cette proposition dans la réforme du code de procédure pénal en cours.

La méconnaissance de leurs droits représente également un grand handicap pour les femmes. Le Groupe note qu’il existe un besoin patent de vulgarisation et dissémination des lois, y compris dans les langues locales.

Femmes et médias

De nombreux acteurs rencontrés ont dénoncé le rôle négatif de certains médias qui reproduisent et perpétuent des stéréotypes dégradants à l’encontre des femmes les confinant à leur rôle d’épouse soumise, de mère, gardienne de la maison et des tâches domestiques. Bien que la présence des femmes dans les médias ait augmenté, l’image des femmes s’est détériorée. Par ailleurs, la parole n’est donnée qu’à une élite minoritaire qui n’est pas représentative de la réalité des femmes sénégalaises. Certains médias sont à l’origine d’une propagande qui fait reculer les droits des femmes. Des médias ont même été récemment complices d’une campagne opposée à l’avortement médicalisé dans des cas de viols et d’incestes ou de danger pour la vie de la mère.

Conclusions

Malgré des progrès notoires dans sa législation et de nombreuses politiques et activités programmatiques visant la promotion et la protection des droits des femmes et l’égalité des genres, le Sénégal doit redoubler d’efforts afin d’assurer l’application effective des droits de la femme sénégalaise.

Le pays doit pour cela harmoniser sa législation avec les instruments juridiques internationaux en matière de droits humains des femmes et combattre farouchement les résistances culturelles à la pleine réalisation des droits des femmes. La Constitution du Sénégal définit une République laïque qui ne peut permettre que les considérations culturelles néfastes aient la primauté sur le doit international des droits humains des femmes et pèse si lourdement sur l’application effective des lois et la définition de politiques. Tels que l’ont indiqué des Procédures Spéciales du Conseil des droits de l’homme ainsi que des organes de Traité, la liberté de religion ne peut être utilisée afin de justifier des discriminations à l’égard des femmes. L’Etat de droit doit être consolidé par la promotion d’une culture de respect des droits des femmes et des filles.

Pour cela, une volonté politique est nécessaire. Le leadership du Ministère de la Femme doit être réaffirmé et l’élaboration de budgets sensibles au genre doit être systématisée.

L’Observatoire Nationale de la Parité nécessite également d’être renforcé. Les droits des femmes et des filles doivent être disséminés auprès de toutes les couches de la population en impliquant les médias, les hommes et les garçons ainsi que les leaders communautaires et religieux. Les droits humains des femmes doivent être inscris dans les curricula scolaires dès l’école primaire et la promotion de normes sociales protectrices doit être affirmée, surtout au niveau communautaire. Il est par ailleurs nécessaire de renforcer le mouvement social féminin qui fait face à des forces conservatrices très organisées.

L’autonomisation effective des femmes occupe une place centrale dans l’affranchissement de la femme. Pour briser les chaînes du silence et de l’inégalité, les femmes sénégalaises doivent pouvoir accéder à l’éducation de qualité et s’y maintenir, être dûment formées et informées, accéder à des activités économiques assurant un développement économique durable et pouvoir compter sur une justice accessible à toutes, sans discrimination. La lutte contre la corruption et l’impunité est un élément clef de cet accès à une justice effective.

Des mesures spéciales temporaires telles que les quotas doivent être instaurées, non seulement dans les postes électifs, mais également dans la fonction publique et les entreprises privées pour assurer que la femme sénégalaise ait des opportunités égales à celles des hommes.

Le cadre de coordination  de tous les acteurs impliqués dans la promotion des droits de la femme doit être consolidé et doit permettre une mise en œuvre efficace de toutes les politiques, stratégies plans et programmes. Il est impératif de se détacher d’actions fragmentées et d’une logique projet.

Il est inadmissible que sous le prétexte de la tradition, des coutumes ou encore de la pauvreté, des filles et des femmes voient leurs droits fondamentaux bafoués, soient violentées, abusées et vivent dans des conditions indignes.

Nos conclusions et recommandations seront développées de manière plus complètes dans un rapport qui sera présenté au Conseil des droits de l’homme en juin 2016”.

FIN

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la question de la discrimination contre les femmes en droit et dans la pratique a été créé par le Conseil de droits de l’homme en 2011 pour identifier, de promouvoir et d’échanger des vues, en consultation avec les États et les autres acteurs, sur les bonnes pratiques liées à l’élimination des lois que la discrimination contre les femmes. Le Groupe est également chargé de développer un dialogue avec les États et les autres acteurs sur les lois qui ont un effet discriminatoire en ce qui concerne les femmes.

Le Groupe de Travail est composé de cinq expertes indépendantes. La Présidente-Rapporteur est Emna Aouij (Tunisie), la Vice-Présidente est Eleonora Zielinska (Pologne) et les autres membres sont Mme Kamala Chandrakirana (Indonésie), Mme Alda Facio (Costa Rica) et Mme Frances Raday (Israël/Royaume-Uni). Pour plus d’information, connectez-vous sur : http://www.ohchr.org/EN/Issues/Women/WGWomen/Pages/WGWomenIndex.aspx 


Loi 97-17 portant code du travail, établissant l’égal traitement salarial entre homme et femme, le paiement des congés de maternité (1997), la loi 99-05 modifiant certaines dispositions du Code Pénal, réprimant les mutilations génitales féminines, le harcèlement sexuel, les violences conjugales, la pédophilie, la corruption de mineurs et précisant la définition du viol faisant des coups et blessures sur une personne de sexe féminin des circonstances aggravantes ; La Loi 2005-06 relative à la Traite de personnes, la Loi 2008-01 sur l’égalité de traitement fiscal entre les hommes et les femmes, la Loi 2010-11 qui institue la Parité absolue homme-femme dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives, la Loi 03-2013 permettant à la femme de transmettre son enfant et à son époux étranger.

Article 152 : « Le mari est le chef de la famille, il exerce ce pouvoir dans l’intérêt commun du ménage et des enfants »

Décrets No 2006-1309 et 1310 (2006) offrant à la femme salariée la possibilité de prendre en charge son époux et ses enfants et Loi d’égalité fiscale de 2008

Recommandation générale/observation générale conjointe no 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et no 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, novembre 2014

Un mariage coutumier peut être constaté a posteriori en présence de deux témoins.

Protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, dit Protocole de Maputo adopté par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine en 2003 à Maputo (Mozambique).

Loi 91-22 prévoyant la scolarité obligatoire et gratuite pour l’élémentaire Assurer respect du droit à l’éducation de tous les enfants par l’application effective de la loi 2004-37 fixant l’âge de la scolarisation obligatoire (6-16 ans)

Lettre circulaire n°004379 du 11/10/2007 relative à la gestion des mariages et grossesses précoces en milieu scolaire

Le crime d’infanticide est souvent la conséquence de situations de discrimination ou de violence préexistantes, notamment de grossesses issues d’actes de violences sexuelles

A/65/229 Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)

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