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Déclarations Procédures spéciales

Déclaration du Rapporteur Spécial sur le droit à l’éducation à la fin de sa visite en Algérie (27 janvier- 3 février 2015)

03 Février 2015

Alger, le 3 février 2015

Mesdames et Messieurs de la presse nationale et internationale,

J’aimerais tout d’abord vous remercier pour votre présence à cette conférence de presse dont l’objectif est de partager les observations préliminaires de la visite officielle que j’ai entreprise en Algérie du 27 janvier à ce jour. Je soumettrai un rapport sur ma visite au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies au mois de juin 2015 à Genève.

Je vous remercie de vous être déplacés.

Je tiens à remercier le gouvernement de l’Algérie de m’avoir invité à conduire cette visite. L’invitation qui m’a été adressée par le gouvernement témoigne de l’importance qu’il accorde au droit à l’éducation. Pendant chacune des phases de ma mission, que ce soit lors de la préparation de la visite et de sa conduite, le gouvernement a fait preuve d’une coopération soutenue et d’une grande volonté de dialoguer. Je saisis cette occasion publique pour lui marquer toute mon appréciation.

Durant ma visite j’ai rencontré des autorités nationales au plus haut niveau, notamment : la Ministre de l’éducation nationale, le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le Ministre de la formation et de l’enseignement professionnels, le Ministre de la Jeunesse et le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères.
J’ai également rencontré de hauts fonctionnaires du Ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, du Ministère de la Justice, du Ministère de la Solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme, du Ministère des Finances, et du Ministère du Travail, de l’emploi et de la sécurité sociale.

J’ai aussi eu l’honneur de discuter avec les Commissions de l’Education, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des Affaires religieuses respectives de l’Assemblée populaire nationale et du Conseil de la Nation, le Président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme et l’ensemble de ses membres, le Haut-Commissariat à l’Amazighité, et l’Office national d’alphabétisation et d’enseignement pour adultes.
J’ai rencontré les autorités locales de la wilaya de Tipaza. Je remercie le Wali de cette province et son équipe pour leur accueil chaleureux.

Par ailleurs, je me suis rendu dans des établissements relevant de l’enseignement de base, secondaire, supérieur, technique et professionnel. J’ai rencontré à cette occasion les enseignants et les élèves.

Ainsi, à Alger, j’ai rencontré les enseignants à l’Ecole supérieure des enseignants de Kouba. J’ai visité l’école primaire et le lycée Cheikh Bouamama, l’école coranique Cheikh Sahnouni, et l’Institut national spécialisé de formation professionnelle (INSFP) de Beaulieu. J’ai également rencontré le Recteur de l’Université d’Alger 1. A Tipaza, j’ai visité le centre psychopédagogique pour enfants handicapés mentaux de la commune de Bou Ismail ainsi qu’une école primaire à Menaceur en zone rurale.

Naturellement, je me suis entretenu avec des organisations de la société civile et de nombreux autres acteurs. Certaines se sont spécialement déplacées de leurs régions pour pouvoir s’entretenir avec moi à Alger.

C’est le lieu de remercier, une fois de plus, l’ensemble des interlocuteurs qui ont accepté de me rencontrer, pour leur ouverture d’esprit et la qualité de nos échanges.

Mes remerciements vont tout particulièrement au Ministère des affaires étrangères pour son accueil chaleureux et son appui tout au long de la mission. Je remercie également Monsieur Abderrazak Bara, Conseiller aux affaires sécuritaires et aux droits de l’homme du Président de la République d’Algérie.

Merci aux organisations de la société civile. J’adresse également mes remerciements au Coordonnateur Résident et à toute l’équipe pays des Nations Unies à Alger pour leur grande aide et appui avant et pendant la mission. Je leur en suis particulièrement reconnaissant.

Mesdames et Messieurs,

Dès l’indépendance, une grande priorité a été accordée à l’éducation en Algérie et un processus général de démocratisation de l’éducation a été engagé afin de garantir l’accès à l’éducation comme un droit fondamental.

ujourd’hui l’éducation demeure toujours une priorité de la politique gouvernementale algérienne.

Je voudrais saluer les efforts accomplis par le gouvernement de l’Algérie dans la réalisation du droit à l’éducation tant au niveau des infrastructures scolaires et universitaires, que des moyens alloués, y compris des bourses pour les élèves et les étudiants, les manuels scolaires gratuits, le service des transports, etc.

De même, l’Algérie figure parmi les pays qui accordent une part importante à l’éducation dans le budget national. Selon les données fournies par le gouvernement l’éducation absorbe plus de 20% du budget national, ce qui place ce secteur en deuxième position des priorités budgétaires après la défense nationale. Pour l’année 2013 le budget de l’éducation nationale représentait 7 % du PIB.

De plus, le taux de scolarisation au niveau primaire est excellent, dépassant les 97%. La parité garçons filles est largement atteinte à tous les niveaux. Au niveau universitaire, les filles sont même majoritaires et elles réussissent mieux que les garçons. Les femmes sont aussi majoritaires parmi les enseignants au niveau primaire.

Je me réjouis de la Stratégie nationale d’alphabétisation (2007-2016) et de sa mise en œuvre. Tout en liant l’alphabétisation à la formation professionnelle, cette Stratégie a conduit à un abaissement louable du taux de l’analphabétisme. En 2014, ce taux avoisinait 15%. Les associations de la société civile ont également joué un rôle très important dans cette avancée. Je les encourage à poursuivre leurs efforts en ce sens, et j’en appelle aux autorités pour les soutenir.

Tous ces efforts se fondent sur un cadre juridique national important en matière d’éducation. L’Algérie a ratifié les conventions internationales concernant le droit à l’éducation. Ce droit est inscrit dans la Constitution et élaboré par des lois et décrets qui concernent notamment l’éducation de base obligatoire et gratuite, l’enseignement professionnel et technique, ainsi que l’enseignement supérieur. Il est remarquable qu’en conformité avec ses obligations internationales et constitutionnelles, le gouvernement algérien assure la gratuité de l’éducation à tous les niveaux, y compris au niveau de l’enseignement supérieur.

Je félicite l’Algérie pour toutes ces réalisations. Il s’agit maintenant pour le gouvernement, de préserver les acquis fondés sur le concept de l’éducation comme bien public, tout en s’armant pour faire face aux défis actuels et à venir.
C’est la qualité de l’éducation qui est le plus grand défi de l’Algérie en matière d’éducation. Le gouvernement doit en effet de toute urgence répondre à l’impératif de la qualité de l’éducation. Cela nécessite une refonte de la pertinence et de la qualité de l’enseignement. Il convient de rehausser le niveau d’acquisition scolaire.

Le recrutement d’enseignants qualifiés et leur formation continue étant un vecteur fondamental de la qualité de l’éducation, il importe également que le gouvernement améliore en particulier la formation des enseignants. Ces derniers doivent aussi être mieux formés pour transmettre les valeurs de droits de l’homme, de citoyenneté démocratique ainsi que les valeurs humanistes que l’on retrouve notamment dans la loi d’orientation sur l’éducation nationale de 2008. Ces valeurs doivent être davantage ancrées dans le système éducatif afin de renforcer la mission humaniste de l’éducation.

Concernant la qualité de l’éducation, toujours est-il que l’une des faiblesses du système éducatif est celui de l’insuffisance d’indicateurs. Ces indicateurs sont indispensables pour le suivi et l’évaluation des progrès accomplis dans la réalisation du droit à l’éducation pour tous. Dans cette perspective, le développement d’un système de suivi et d’évaluation, si possible informatisé, pourrait être considéré par le gouvernement. Cela contribuerait à améliorer la qualité de l’éducation.

Mesdames et Messieurs,

Bien que la portion du budget national consacrée à l’éducation dépasse les 20%, l’Algérie ne dispose pas d’un cadre juridique sur l’investissement national dans le domaine de l’éducation. Il conviendrait d’élaborer ce cadre afin de déterminer un niveau minimum du budget national à allouer à l'éducation. Un tel cadre juridique devrait également en plus du budget de fonctionnement prévoir un budget d’investissement consacré à la qualité de l’éducation.

Le gouvernement doit également apporter des solutions aux problèmes de l’abandon scolaire en particulier des garçons, du redoublement et de la surcharge dans les écoles. Face à la recrudescence de la violence parmi la jeunesse, je voudrais encourager le gouvernement à promouvoir davantage un esprit de dialogue autour des valeurs de tolérance, compréhension et respect mutuel à travers tout le pays.

Par ailleurs, des réformes doivent être engagées pour que l’accès à l’éducation pour les enfants les plus vulnérables soit amélioré. Cela est urgent notamment pour les enfants porteurs de handicap. Le gouvernement doit s’assurer que le droit à l’éducation de tous les enfants ayant un handicap soit une réalité, en particulier en assurant une prise en charge adaptée, intégrale et effective de ces enfants dans le système de l’éducation ordinaire en leur garantissant un enseignement adapté, dispensé par du personnel formé.

En outre, je me félicite du travail accompli par le Haut-Commissariat à l’amazighité depuis sa création pour assurer une place à la langue tamazigh dans le système éducatif. J’encourage le gouvernement à accorder davantage de moyens humains et financiers afin que l’enseignement du tamazigh qui est une langue nationale cesse de reculer et aille en progression à tous les niveaux du système éducatif et reçoive un traitement plus équitable au niveau national.

Mesdames et Messieurs,

L’Algérie doit faire davantage d’efforts dans le domaine de l’enseignement technique et professionnel. Ce segment de l’éducation exige en effet une attention plus particulière du gouvernement afin de répondre aux aspirations de la jeunesse. Il conviendrait de le consolider et de le valoriser socialement et culturellement. L’Etat devrait engager des campagnes visant à améliorer le prestige social et la valorisation de l’enseignement technique et professionnel. Cet enseignement devrait être intégré à l’enseignement général, y compris au niveau supérieur.

Par ailleurs, les apprenants doivent avoir l’opportunité d’être confrontés au cours de leur formation aux réalités de la vie professionnelle à travers une expérience dans les entreprises. La collaboration avec les entreprises doit dès lors être renforcée et institutionnalisée, ceci permettrait de répondre aux besoins de l’économie et aux objectifs de développement de l’Algérie. Partant du concept de la responsabilité sociale des entreprises, il conviendrait de mieux développer les modalités du partenariat public- privé, tout en développant un cadre juridique plus adéquat de la formation technique et professionnelle.

Mesdames et Messieurs,

Dans la continuité des réformes entamées par le gouvernement, je voudrais souligner l’importance de l’adoption en mai 2014 du « Plan d’action du gouvernement pour la mise en œuvre du programme du Président de la République ». A travers ce Plan d’action, le gouvernement s’engage à poursuivre des actions pour améliorer la qualité du système national d’éducation afin de répondre aux besoins du pays, notamment en matière de formation d’excellence dans les domaines techniques et professionnels.

Dans le cadre de la mise en œuvre de ce Plan d’action, l’Algérie pourrait moderniser la législation nationale, par exemple, dans le domaine de l’enseignement technique et professionnel. Elle pourrait également élaborer un cadre juridique portant sur l’investissement dans le domaine de l’éducation ainsi qu’une nouvelle loi sur la qualité de l’éducation en fonction de l’expérience acquise et ceci dans une vision tournée vers l’avenir. En particulier, il serait important d’élaborer une loi qui remplacerait le décret exécutif du 24 mars 2004 fixant les conditions de création, d’ouverture et de contrôle des établissements privés d’éducation et d’enseignement, l’objectif primordial étant de réglementer l’éducation privée et de sauvegarder l’éducation comme un bien public.

Enfin, j’encourage vivement le gouvernement algérien à garder à l’esprit la place centrale du droit à l’éducation dans les discussions portant sur le programme de développement pour l’après-2015, en particulier le rôle qui revient à l’éducation dans la lutte contre la pauvreté qui est l’objectif prioritaire de cet agenda. Dans ce contexte, l’Algérie pourrait mobiliser tous les acteurs afin que les priorités du continent africain aient une grande résonnance au sein de la communauté internationale. Elle pourrait jouer un rôle essentiel au sein de l’Union Africaine et des Nations-Unies.

Je vous remercie de votre attention.

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