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Déclarations

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL, M. KOFI ANNAN, AU SIEGE DES NATIONS, LE 14 JANVIER 2003

14 Janvier 2003



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je vous souhaite une bonne année. L’année commence avec un sentiment d’angoisse à la perspective d’une guerre éventuelle en Iraq, d’une prolifération nucléaire dans la péninsule coréenne et de ce qui apparaît comme une suite incessante d’actes de violence au Moyen-Orient. Même la Côte d’Ivoire, l’un des pays naguère les plus stables et prospères de l’Afrique, est entraînée dans cette spirale de la violence. La menace du terrorisme mondial nous touche tous. Nous ne savons pas quand elle se concrétisera et où. Voilà pour les crises qui ont fait les manchettes des journaux.

La crise du VIH/sida, quant à elle, fera plus de victimes cette année qu’une guerre en Iraq et continuera de faire toujours plus de victimes en 2004 et 2005. En Afrique australe, dans la corne de l’Afrique, 30 millions de personnes sont menacées cette année par la famine. Partout, la pauvreté voue des mères et des nourrissons à une mort prématurée; partout, des gens sont obligés de se coucher sans manger, affamés; ils n’ont pas accès à l’eau potable, à l’éducation.

Les changements climatiques sont déjà visibles. C’est l’une des raisons qui expliquent tous les orages, les inondations et les sécheresses auxquelles nous assistons, et qui provoquent de plus en plus de crises et de tragédies humanitaires.

Néanmoins, je reste optimiste. Les menaces que nous connaissons aujourd’hui ne sont pas les premières auxquelles nous avons été confrontés. En outre, au cours des 10 dernières années, nous avons appris à mieux nous en sortir. Cela a mis beaucoup trop de temps, mais la guerre en Bosnie-Herzégovine a finalement pris fin. Le Kosovo est calme. Les actes d’horreur en Sierra Leone ont cessé, ainsi que la guerre opposant l’Erythrée à l’Ethiopie.

En ce qui concerne l’avenir, nous sommes près du but pour ce qui est de la réunion des Chypriotes, de la paix au Soudan, ainsi qu’en République démocratique du Congo, champ de bataille de ce que certains ont appelé la guerre mondiale africaine. Les nations qui travaillent ensemble peuvent faire toute la différence. Les nations respectueuses du droit peuvent faire avancer la cause d’un monde plus juste et c’est là-dessus que repose mon sentiment d’espoir à l’orée de 2003. Je suis convaincu que la paix demeure possible en Iraq, en Corée et même entre Israël et la Palestine, si les Etats travaillent de concert, patiemment et équitablement. Je suis sûr que le terrorisme pourra être mis en échec si les 191 Membres de l’Organisation des Nations Unies font front commun pour refuser tout asile aux terroristes et pour en tarir les sources de financement.

Avant d’entendre vos questions, je voudrais évoquer deux points qui me tiennent tout particulièrement à coeur. J’ai déjà parlé de la menace de la famine en Afrique qui est, comme vous le savez, particulièrement grave en Afrique australe. Au coeur du problème, il y a la crise au Zimbabwe, qui était le grenier de l’Afrique et qui se trouve actuellement aux prises avec le VIH/sida. Cette crise est causée en partie par des causes naturelles et en partie par une mauvaise gestion. On pourrait débattre à l’infini sur les causes les plus importantes, mais ce qu’il s’agit de faire aujourd’hui, c’est d’amener tous les Zimbabwéens à travailler de concert avec la communauté internationale pour trouver une solution avant qu’il ne soit trop tard.

Le deuxième problème est celui du Venezuela. Au cours des 20 dernières années, l’Amérique latine a embrassé la démocratie et a tourné le dos aux régimes autocratiques. J’espère que ceux qui recherchent le changement au Venezuela tiendront compte de ces acquis et opteront pour des moyens démocratiques respectueux de la justice et des normes internationales en matière de droits de l’homme.

Pour terminer, je voudrais dire que nous ne devons pas considérer cette ère naissante comme une ère de menaces mais comme une ère qui nous ouvre de nouvelles occasions, de nouveaux débouchés, de nombreuses chances nouvelles. Nous sommes la première génération à même d’éliminer la pauvreté, pourvu que nous le voulions et que nous fassions en sorte que nos dirigeants respectent les objectifs décidés et les engagements pris à la Conférence du Millénaire.

Le chaos existe bien, mais nous sommes là pour résoudre ces problèmes, à commencer par l’Organisation des Nations Unies.

Question (interprétation de l’anglais) : Au nom de l’Association des journalistes accrédités auprès de l'ONU, je vous souhaite ainsi qu’à votre épouse, Nane, une bonne et pacifique année 2003. Merci de vous adresser ainsi à nous si tôt au début de cette année. J’espère qu’il s’agit d’une de vos résolutions de la Nouvelle Année : passer plus de temps, ainsi, avec la presse de l’ONU. Y-a-t-il quelque chose à faire pour vous aider à tenir cette nouvelle résolution ?

Je voudrais également vous demander si vous pensez que les priorités du Conseil de sécurité sont les bonnes. Vous n’êtes sans doute pas sans avoir remarqué, en effet, combien l’Organisation est en ce moment obnubilée par la question de l’Iraq, lequel pour le moment ne semble pas en mesure de menacer qui que ce soit avec des armes de destruction massive. Pourtant, la campagne de guerre se poursuit. Comme vous l’avez fait vous-même remarquer, on assiste à une évolution dangereuse dans la péninsule de Corée. Au Moyen-Orient, l’effusion de sang se poursuit, avec l’occupation israélienne et les attentats suicide palestiniens. Or nous continuons de mettre essentiellement l’accent sur l’Iraq. Le Conseil de sécurité ne se trompe-t-il pas de priorités ?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais)  : A la lumière de mes propres remarques, je tiens à dire qu’il est évident que le monde est confronté à de nombreux défis. Compte tenu de la nature de son mandat, le Conseil de sécurité se concentre sur les questions de paix et de sécurité. Mais les autres organes de l’ONU et la communauté internationale devraient se concentrer sur les autres problèmes que je viens d’évoquer. Cette question ne relève pas uniquement de l’Organisation des Nations Unies mais de la communauté internationale tout entière. Je pense que le Conseil est saisi de la question iraquienne car celle-ci est inscrite depuis longtemps à son ordre du jour. Les inspecteurs ont à l’évidence repris leurs activités. M. Blix présentera son rapport le 27 janvier.

Cependant, je ne suis pas si sûr que le Conseil soit principalement responsable du sur la question iraquienne et de la priorité donnée à cette question. Il me semble que vous y êtes également pour quelque chose, mesdames
et messieurs, car je viens d’énumérer une série de questions qui sont – ou devraient être – des priorités à l’ordre du jour international. Pourquoi donc nous concentrer seulement sur une seule question ?

Question  (interprétation de l’anglais) : Permettez-moi d’aborder une question rarement évoquée s’agissant de l’Iraq. Par le passé, vous avez dit que l’Iraq devait faire face à ses responsabilités. Vous vous êtes également opposé à la guerre ou à toute sorte d’intervention militaire. Mais, à l’heure actuelle, quelle est votre opinion ? Devrait-il y avoir une intervention militaire en Iraq – si un pays comme les Etats-Unis va de l’avant – tout particulièrement si on ne trouve pas d’armes de destruction massive ?

Le Secrétaire général (parle en anglais)  : Il me semble que nous n’en sommes pas encore là. Les inspecteurs ont une responsabilité en Iraq. Le Conseil les a priés de poursuivre le programme de désarmement et de faire rapport. Le Conseil déterminera ensuite si l’Iraq a respecté ses obligations. S’il y a une violation, il lui appartiendra alors de prendre une décision. Il me semble que les inspecteurs procèdent très rapidement. Ils sont actuellement totalement opérationnels, en mesure de se déplacer à l’intérieur du pays et d’accomplir leur travail. Je pense donc qu’il convient d’attendre la mise à jour qui sera présentée au Conseil le vingt-sept pour connaître les instructions supplémentaires qui leur seront données par le Conseil. Mais les inspecteurs poursuivent leur travail et il me semble que les termes de la résolution sont parfaitement clairs : lorsque les inspecteurs feront rapport, soit à des étapes cruciales de leurs travaux ou dans le cas de développements imprévus, le Conseil devra alors déterminer si une violation a été commise. Les conséquences seront alors graves. Mais je ne pense pas que nous en soyons là. Je ne veux donc pas évoquer la possibilité d’une guerre. Le Conseil ne le fait pas non plus d’ailleurs.

Question  (interprétation de l’anglais) : Vous avez dit que vous préfériez que la guerre n’éclate pas mais si elle devait avoir lieu, quelles seraient, selon vous, les conséquences humanitaires pour le peuple iraquien ? L’Organisation des Nations Unies est-elle prête à réagir ?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais)  : Nous avons mis au point des plans d’urgence à cet égard et nous sommes extrêmement préoccupés par les répercussions et conséquences humanitaires d’une intervention militaire. Il est évident que nous ne voulons pas être pris au dépourvu. Nous avons donc commencé à nous préparer à une situation d’urgence. Nous sommes en outre en contact avec des gouvernements désireux de nous offrir une assistance financière pour passer à l’étape suivante en matière de préparatifs. Mais nous sommes inquiets. Les conséquences pourraient être très graves et négatives pour la population et les réfugiés.

Question  (interprétation de l’anglais) : On a quelque peu discuté des obligations qui incombent au gouvernement iraquien envers les inspecteurs de l’ONU. Pensez-vous que les Iraquiens coopèrent pleinement comme le prévoit la résolution 1441 (2002) ? Ou est-il nécessaire de passer à ce qu’il est désormais convenu d’appeler une coopération « dynamique » ?

Le Secrétaire général (parle en anglais)  : Il me semble que les inspecteurs qui travaillent avec les Iraquiens se sont exprimés très clairement à ce sujet. Ils ont déclaré que la déclaration iraquienne comportait des lacunes importantes qu’il importait de combler. Ils ont indiqué qu’ils préfèreraient – et s’attendaient, en fait – à ce que l’Iraq coopère de manière plus dynamique. Je suppose que cela sera l’un des sujets de conversation principaux lorsque M. El Baradei et M. Blix iront en Iraq la semaine prochaine. Ils demanderont que ces lacunes soient comblées, que l’Iraq coopère de manière plus dynamique et ils feront le nécessaire pour permettre aux inspecteurs de remplir leur mandat. La situation n’est donc pas parfaite. Elle est moins grave que par le passé mais je crois que les inspecteurs insistent pour que ces lacunes soient comblées.

Question  (interprétation de l’anglais) : Dans une interview à la BBC hier, M. Hans Blix a déclaré qu’il ignorait combien de temps le Gouvernement américain était prêt à attendre pour que les travaux d’inspection soient menés à bien. Il a également déclaré qu’il n’était pas impossible qu’un jour, le Gouvernement américain dise, « Retirez-vous ; nous arrivons ». Pouvez-vous nous parler de la procédure à suivre en matière de retrait des inspecteurs du pays ? M. Blix peut-il obéir aux instructions d’un Etat membre ou doit-il attendre les instructions du Conseil de sécurité ? Par le passé, M. Butler a pris une décision qui a été très controversée. Cela se répètera-t-il ?

Ma seconde question concerne le conflit israélo-palestinien où il y a une perpétuelle effusion de sang. Le moment n’est-il pas venu pour l’Organisation des Nations Unies de  prendre le taureau par les cornes ? Ne pouvez-vous pas vous rendre dans la région et organiser une rencontre ? Il semble que la conférence de Londres ne mènera nulle part. N’est-il pas temps pour vous de jouer un rôle de chef de file et de mettre fin à cette effusion de sang ?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais)  : Je vais répondre à la première question. Il me semble que la résolution 1441 (2002) est très claire : le Conseil devra se réunir sur la base des rapports des inspecteurs pour déterminer les mesures à adopter. Si les inspecteurs trouvent quelque chose, je suis sûr qu’ils en rendront compte au Conseil qui prendra alors une décision. Il conviendra alors de déterminer la voie à suivre sur la base de cette décision.

S’agissant de votre deuxième question, je pense qu’il est tragique que l’on ne soit pas parvenu à mettre un terme à cette effusion de sang. Voilà pourquoi le Quartet a été très impliqué dans la rédaction d’une feuille de route qui concrétisera l’objectif des deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte. Cette feuille de route a été acceptée par tous. Mais pour y parvenir, il convient de prendre des mesures concrètes et de déterminer ce qui est demandé à chacune des parties. Cette feuille de route est prête et j’espère que nous serons capables de la mettre sur la table en face des deux parties, de manière formelle, aussi rapidement que possible – peut-être même le mois prochain – et d’insister pour faire avancer les efforts de paix.

Question (interprétation de l’anglais) : Considérez-vous que le retrait du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires par la Corée du Nord comme une menace sérieuse pour la paix et la sécurité internationales et comptez-vous saisir le Conseil de sécurité à ce sujet ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais)  : C’est effectivement une menace sérieuse. J’ai d’ailleurs publié une déclaration à ce sujet. La Corée du Nord est le premier pays à se retirer du Traité et j’espère qu’elle reviendra sur sa décision et s’acquittera de ses obligations. La commission de l’Agence internationale de l’énergie atomique en a discuté et lui a accordé un peu plus de temps avant de décider de l’étape suivante, y compris la possibilité d’en saisir le Conseil. Mais cela n’aura pas lieu immédiatement. On a accordé un certain délai à la Corée pour qu’elle respecte ses obligations et, comme la plupart d’entre vous le savent, j’ai moi-même dépêché un envoyé pour discuter de la situation humanitaire en Corée du Nord étant donné la situation récente et les conséquences négatives sur la population. Il sera en effet très difficile de mobiliser les fonds et les fournitures nécessaires pour poursuivre nos programmes humanitaires en Corée du Nord. M. Maurice Strong se trouve actuellement en Corée du Nord. Il y restera encore quelques jours pour mener des discussions avec les dirigeants. Il se concentrera avant tout sur les questions humanitaires mais sera disposé à écouter toutes autres questions dont les dirigeants seraient désireux de discuter avec lui.

Question (interprétation de l’anglais) : Ne pensez-vous pas que les crises en Iraq et en Corée du Nord ont sapé toutes les initiatives de paix s’agissant de la Palestine ?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais)  : Je ne dirais pas cela. Je préfère dire que cela met en exergue l’urgence d’une action s’agissant de la question du Moyen-Orient. Je pense qu’il est plus important que jamais que la communauté internationale aborde la question du conflit israélo-palestinien avec dynamisme. J’espère que le Quartet le fera dans les mois à venir.

Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur le Secrétaire général, vous avez soulevé deux nouvelles questions à la fin de vos remarques liminaires, la première sur le Zimbabwe, la seconde sur le Venezuela. Certains ont parlé d’une initiative susceptible d’inciter le Président Mugabe à prendre sa retraite. Vous-même ou l’ONU avez-vous travaillé avec les deux parties en vue de promouvoir une sorte de nouvelle initiative au Zimbabwe?

Deuxièmement, M. Chavez sera demain à l’ONU. Quel sera votre message à son égard?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : En ce qui concerne la première question, j’ai lu moi aussi les rapports dans la presse. L'ONU et moi-même n’avons pas été impliqués directement dans la question relative au Zimbabwe. J’ignore si ces articles sont justes ou non, mais nous n’avons pas été impliqués.

En ce qui concerne le Venezuela, je rencontrerai en effet le Président Hugo Chavez ici, jeudi, au moment où la présidence du Groupe des 77 passera à un autre pays, et je compte m’entretenir avec lui de l’évolution de la situation au Venezuela et de la manière d’intensifier les efforts de médiation en vue d’atténuer les tensions et de faire en sorte que la situation se normalise à nouveau. J’ai eu l’occasion de m’entretenir plusieurs fois avec
lui au téléphone et il sait qu’il doit recourir à des moyens constitutionnels et démocratiques pour régler la question. C'est le message que je lui adresse, ainsi qu’à l’opposition.

(inaudible)

Question (interprétation de l’anglais) : Aujourd'hui, à Nicosie, 70 000 Chypriotes turcs ont manifesté en faveur de votre plan de paix et à l’appui de leur dirigeant, M. Rauf Denktash, refusant qu’il démissionne. Pensez-vous que nous assistons à l’effondrement du Mur à Chypre, comme cela a été le cas à Berlin ? Deuxièmement, serait-il possible de parvenir à une solution si Rauf Dentkash continue d’être le dirigeant de la communauté chypriote turque ?

Le Secrétaire général  (interprétation de l’anglais) : Avant tout, je suis heureux que des gens soient descendus dans la rue pour manifester en faveur de la paix et de l’unification. Je pense que nous avons déployé de gros efforts à cette fin, pour répondre aux espoirs d’un grand nombre de personnes de la région. Nous allons poursuivre les négociations. Le 28 février est une échéance ferme. Il est évident que c'est au peuple de décider de son dirigeant et que c'est à ce dernier de prendre la décision de démissionner ou pas. Mais même si le dirigeant démissionne ou se maintient dans ses fonctions, je pense que le peuple a fait entendre sa voix et, quand le nombre de manifestants est si grand, il est très difficile pour un dirigeant de ne pas écouter son peuple. J’exhorterais par conséquent les dirigeants à écouter la voix des personnes ordinaires qui manifestent leur désir de paix. Quant aux projets politiques futurs, c'est aux dirigeants d’en décider.

Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur le Secrétaire général, vous avez mentionné que la question iraquienne n'est pas l’une des seules questions figurant à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, mais le monde entier la suit de près. Envisagez-vous de recourir à votre autorité morale dans une initiative finale destinée à aider la région - du moins concernant cette question – et allez-vous dépêcher un conseiller politique pour souligner l’urgence de la situation aux Iraquiens?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : J’ai pris contact avec bon nombre de dirigeants de la région à propos de la question et ils continuent de s’impliquer dans le processus consistant à convaincre le président Saddam Hussein et les dirigeants iraquiens de désarmer et de coopérer pleinement avec les inspecteurs. S’ils désarment et répondent aux exigences du Conseil de sécurité, la région pourrait échapper à une nouvelle confrontation militaire. C'est le message que je leur ai envoyé et que je ne cesse de renouveler, et j’espère que les dirigeants israéliens écouteront également. Tous les dirigeants des pays de la région, y compris ceux de la Turquie, transmettent le même message à l’Iraq. J’espère qu’il sera entendu.

Question  : Monsieur le Secrétaire général, j’aimerais m’exprimer en français. Il y a débat sur la question de savoir si les États-Unis devraient ou non demander une deuxième résolution au Conseil de sécurité avant d’entrer en guerre contre l’Iraq, si c'est ce qui se passe. Quel est votre sentiment là-dessus ? Est-ce que vous pensez qu’effectivement, ils devraient demander une deuxième résolution?

Le Secrétaire général  : Je crois que c'est envisagé dans la résolution 1441 (2002) que le Conseil sera saisi une deuxième fois pour discuter de la question de l’Iraq si les inspecteurs avertissent le Conseil que soit les Iraquiens ne coopèrent pas, soit ils ont trouvé des armements. Si c'est le cas, je crois que le Conseil est obligé de débattre de la situation et de prendre la décision qui s’impose.

Question : Est-ce qu’il y aura effectivement une deuxième réunion du Conseil de sécurité? Est-ce que ça veut dire qu’il doit y avoir une deuxième résolution?

Le Secrétaire général  : Moi je crois qu’on peut avoir une deuxième résolution normalement quand le Conseil débat d’une question aussi pressante. Ils sont censés prendre une décision.

Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur le Secrétaire général, votre nom est associé à l’idée d’intervention humanitaire : le monde ne peut pas baisser les bras alors qu’il y a un génocide dans un pays. Certains prétendent que le nouveau concept américain d’action préventive est une évolution de la doctrine de « Kofi Annan » d’intervention humanitaire. Pensez-vous qu’une action préventive humanitaire est utile surtout pour lutter contre le terrorisme?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : C'est une question intéressante, mais je voudrais établir une distinction. La raison pour laquelle j’ai défendu le principe d’intervention, ce qui a donné lieu à la création d’une commission par le Gouvernement canadien, commission qui a publié un excellent rapport que je vous recommande à tous.  Donc, la responsabilité de protéger la souveraineté n'est pas seulement un privilège mais s’accompagne de responsabilités. Les gouvernements doivent assumer leurs responsabilités qui consistent à protéger leurs citoyens. S’ils ne le font pas, si les droits de l'homme sont systématiquement et constamment bafoués, alors la communauté internationale doit intervenir car le gouvernement n’aura pas protégé le peuple. La souveraineté ne saurait être un écran derrière lequel se cacher pour commettre ces violations.

Si j’ai bien compris la doctrine américaine visant des groupes de terroristes ou des pays qui planifieraient des attaques contre les Etats-Unis, l’action préventive serait une sorte de doctrine élargie de légitime défense. Mais c'est une question fort difficile à aborder car on peut parler de guerre ou de prévention lorsqu'il y a une force qui se constitue contre vous avec une menace visible, prête à attaquer, et que vous frappez de manière préventive pour empêcher une telle attaque. Mais lorsque la menace n'est pas imminente et que les éléments de preuve ne sont pas évidents, à ce moment là, on se trouve dans une situation opaque. Il faut être très prudent avant de passer à une frappe préventive et les éléments de preuve, bien sûr, sont toujours détenus par celui qui souhaite frapper. D’autres prétendront que ces éléments de preuve ne peuvent pas être vérifiés et ne sont pas convaincants.

Donc, à moins d’avoir une situation avec des éléments de preuves évidents et une menace imminente, ceci pourrait donner lieu à une grande confusion et créer un précédent susceptible d’être utilisé par d’autres.

Question (interprétation de l’anglais) : Avez-vous reçu des informations sur l’intention de la Chine de rejoindre le Quatuor ? Qu’attendez-vous de la Chine pour qu'elle puisse jouer un rôle accru au sein des Nations Unies ? Je crois savoir que vous avez rencontré hier l'Ambassadeur de Chine auprès de l'Organisation des Nations Unies.

Ma deuxième question est : Etes-vous inquiet sur la possibilité de mettre en oeuvre le plan de campagne du Quatuor dans la réalité vu qu’il y a encore beaucoup de violence au Moyen-Orient?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : La Chine est devenue assez active dans la recherche d'un règlement au Moyen-Orient et je pense qu'elle a nommé ou envisage de nommer un envoyé pour suivre l'évolution de la situation. Je ne sais pas s’il y a eu une requête officielle pour adhérer au Quatuor mais je suis sûr qu'elle travaillera de très près avec le Quatuor. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir un problème.

Question (interprétation de l’anglais) : Une autre question sur l’Iraq; vous êtes en contact avec le Secrétaire d'Etat Powell et avec les responsables iraquiens. Y a-t-il un message sur la crise qui se profile que vous leur transmettez et que vous pouvez partager avec nous ?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense que nous sommes tous conscients du travail qui se fait au Conseil. Nous connaissons tous la résolution 1441 (2002) du Conseil et le climat législatif qui entoure le passage de cette résolution. Nous devrons supposer et je devrais supposer que les membres du Conseil ont agi de bonne foi; que la question est le désarmement et qu’ils feront tout pour désarmer; et que si le désarmement devait réussir et que nous devions nous mettre d'accord sur le fait que l'Iraq n’a plus d’armes de destruction massive, ce serait la fin de l'histoire. Mais s’il s’avère que l’Iraq continue de défier et que le désarmement n’a pas eu lieu, le Conseil devra assumer ses responsabilités et prendre les mesures nécessaires. Mais naturellement, ce sont là l’interprétation et l'esprit de la résolution que, j’espère, nous respecterons tous.

Question (interprétation de l’anglais) : Au sujet de la question israélo-palestinienne. Cette semaine. Tony Blair a appelé à une conférence à Londres dont l'objectif est d’inciter l'Autorité palestinienne à se réformer, et bien que le Gouvernement israélien affirme que l'Autorité palestinienne doit se réformer avant qu'elle puisse parler, il a refusé à ses représentants de se rendre à Londres pour les pourparlers. Premièrement, pouvez-vous faire un commentaire sur la décision du Gouvernement israélien à cet effet et pourriez-vous nous donner un pronostic sur le fait de savoir s’il s’agit d’un effort authentique de faire avancer le processus de paix au Moyen-Orient ou s’agit-il simplement d’une couverture pour l’apparent manque d'attention de Washington face à ce problème?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense que la décision israélienne est regrettable et je pense que les délégués palestiniens doivent pouvoir assister à la conférence pour entendre des autres ce qui est attendu d’eux et avoir un appui à la réforme de l'Autorité que la communauté internationale s'efforce de réaliser avec eux. Je souhaite personnellement qu’ils aient pu y aller et j’estime que chaque fois que des parties se réunissent pour discuter d'une éventuelle solution, y compris la réforme,  il s’agit d'une mesure positive. Il est bon de se rencontrer à Londres. Mon Représentant Terje Roed-Larsen est avec les autres. En tant que personne qui encourage au dialogue en vue du règlement de ces conflits, je pense que toute mesure qui encourage le dialogue et les discussions est utile et je suis reconnaissant aux Britanniques de rassembler tout le monde.

Question (interprétation de l’anglais) : Sur la Corée du Nord, je me demande, après les réunions du week-end et d'autres informations, ce que vous entendez au sujet de cette crise dans la péninsule. La situation est-elle  meilleure ou pire ? Pourriez-vous nous donner votre propre prescription diplomatique face à la crise dans la péninsule coréenne?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense qu'il y a des efforts très intenses dans les capitales et entre les capitales pour essayer de régler pacifiquement et diplomatiquement ce problème et je pense que c'est la voie à suivre. Ces activités se font à Washington, Moscou, Beijing, Séoul et Tokyo, et je pense qu'elles coopèrent également entre elles. Je ne serai pas surpris que l'on puisse trouver une solution, et je pense que les signaux qui viennent des États-Unis et de la Corée me donnent des encouragements et l’espoir qu’il sera possible, avec des efforts déterminés, de trouver une solution diplomatique

Question (interprétation de l’anglais) : Pourquoi dites-vous cela?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense d'abord que les États-Unis ont indiqué qu’ils sont prêts à parler et les Nord-Coréens semblent indiquer qu'ils reviennent sur leur affirmation qu'ils ont des armes de destruction massive. Je pense que ce que nous espérons faire avec les efforts de l’AIEA est que nous pourrons faire réadmettre les inspecteurs et j’espère également qu'ils annuleront leur décision de se retirer du TNP.

Question (interprétation de l’anglais) : En guise de  suivi aux questions sur les positions israéliennes. Pensez-vous que ce qu'ils ont fait vis-à-vis de M. Blair est un affront pour la diplomatie britannique ? Pensez-vous personnellement que le fait que les Israéliens ignorent vos appels continus à arrêter la démolition des maisons et le recours à une force disproportionnée est un affront pour vous?

Ma question concerne l’Iraq. Avez-vous participé aux soi-disant pourparlers pour essayer de convaincre le Président Sadam Hussein de se retirer? Soutenez-vous cet appel et avez-vous, vous-mêmes, ou bien une composante des Nations Unies, participé à ce que nous entendons sur un rôle pour les Nations Unies en Iraq après Saddam?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Pour la première question, je ne peux pas dire comment le Premier Ministre Blair a pu réagir, mais pour moi - j'ai parfois des questions de ce genre - ma réponse a toujours été qu'il vaut mieux faire une tentative pour agir dans le bon sens, essayer de corriger une situation et échouer, plutôt que de ne rien faire. Donc la question de l’«affront» lorsque les gens n’écoutent pas ou ne font pas ce qui est bon ne me gêne pas du tout et je ne le prends pas comme un affront. Je continuerai d’agir pour ce qui me paraît utile.

S’agissant de la question du Président Saddam Hussein, je n'ai pris part à aucune discussion ou pourparler sur son départ d’Iraq ou exil.

Au sujet de la planification par les Nations Unies, nous sommes très actifs au niveau humanitaire. Naturellement, nous vivons dans la réalité et nous avons une grande expérience de la gestion des situations d'après conflit ou ce que certains appellent la mise en place de capacités nationales, du Kosovo, à l'Afghanistan et à la Bosnie. Nous avons beaucoup d'expérience et avons des idées sur la manière de mettre en place des structures après un conflit; donc, naturellement nous réfléchissons sans présumer quoi que ce soit. Mais il est prudent pour nous d’y penser. 

Question (interprétation de l’anglais) : Parlez-vous de quelque chose comme l’action de M. Brahimi en Afghanistan?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Pas du tout. Ce serait prématuré.

Question (interprétation de l’anglais) : Pensez-vous que ce serait une erreur pour les États-Unis de prendre les failles de la déclaration du 7 décembre de l'Iraq et y ajouter un manque de coopération active – en d’autres termes, si les inspecteurs ne trouvent rien, c'est un signe que l'Iraq ne coopère pas – et mettre ces deux choses ensemble et utiliser cela comme excuse pour faire la guerre sans l'autorisation du Conseil de sécurité?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je ne peux pas parler pour Washington et je ne sais pas comment ces décisions seraient prises. Mais je pense, d'après la discussion du Conseil de la semaine dernière, que les membres du Conseil ne semblent pas aller dans cette direction dans la phase actuelle.

Question (interprétation de l’anglais) : S’il y a une discussion au Conseil de sécurité sur une violation patente, devrait-il y avoir une deuxième résolution – même si mon pays probablement ne sera pas heureux de voter. Et une petite question personnelle : rappelant votre propre description des sentiments du Secrétaire général, vous avez dit « Je ne suis pas nécessairement un optimiste mais j'ai toujours de l'espoir ». Quelles sont vos impressions sur l’Iraq? Est-ce juste de l'espoir ou est-ce de l'optimisme?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense avoir répondu à la première question lorsque votre collègue a posé la question en français.

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense avoir répondu à la première question lorsque votre collègue a posé sa question en français : de toute évidence, la résolution impose que la question soit à nouveau débattue au Conseil. C’est une question importante et cruciale. J’espère qu’au moment où le Conseil abordera cette question, qui capte l’attention du monde et de l’opinion publique, il prendra une décision quant aux conséquences graves, puisqu’il a lui-même indiqué qu’en cas de violation flagrante, les conséquences seront graves. Et j’espère qu’il tiendra bon.

En ce qui concerne la deuxième question, je voudrais dire que je suis à la fois optimiste et rempli d’espoir : si nous agissons comme il faut, si la pression sur les dirigeants iraquiens est maintenue et si les inspecteurs continuent de travailler aussi énergiquement que maintenant, il est possible que nous parvenions à désarmer l’Iraq par des voies pacifiques sans avoir à recourir à la guerre.

Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais revenir sur votre réponse concernant les cas où la prévention est nécessaire, à savoir quand des forces vous menacent et qu’une menace visible est prête à vous attaquer. Le déploiement des forces américaines dans le Golfe peut-il aider à trouver une solution pacifique, par la voie diplomatique, au problème iraquien?

S’agissant du rôle éventuel de l’ONU, à supposer que tous les moyens pacifiques seront déployés, quels scénarios envisagez-vous quant au rôle de l’ONU en Iraq après ce conflit éventuel?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : En ce qui concerne votre première question – est-ce que la présence des troupes américaines est propice à la recherche d’une solution pacifique ? -, je crois qu’il faut faire une distinction entre pression et menace de l’emploi de la force. En fait, le recours à la force, c’est quand vous franchissez ce seuil. Il ne fait aucun doute pour personne que la pression a porté ses fruits. Sans cette pression, je ne pense pas que les inspecteurs seraient à nouveau en Iraq aujourd’hui. Il nous a fallu quatre ans pour y arriver. Quatre jours après l’allocution du Président Bush devant l’ONU, l’Iraq a accepté le retour des inspecteurs. Il ne fait donc aucun doute que la pression a eu un effet.

En ce qui concerne votre deuxième question sur les scénarios envisagés par l’ONU pour l’après-conflit, au stade actuel, nous nous concentrons principalement sur l’aspect humanitaire. Nous conduisons une réflexion préliminaire sur les aspects politique et administratif, mais nous n’avons aucun scénario définitif. Et, pour l’heure, je ne veux faire aucune spéculation.

Question (interprétation de l’anglais) : S’agissant de la Corée, vous avez dit que M. Morris Strong, qui se trouve actuellement dans le pays, était prêt à être à l’écoute. Est-ce qu’il a reçu des instructions ou des encouragements pour soulever d’autres questions ? A travers lui, pensez-vous que vous pourrez jouer un rôle de liaison s’agissant des questions générales de surveillance, puisqu’il faut dissiper l’impression selon laquelle l’AIEA serait un instrument des Etats-Unis?

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Cette crise n’en est qu’à son début. Il y a beaucoup de messages, de déclarations sur l’AIEA et autres. Mais M. Morris a une grande expérience; il a assumé de nombreuses responsabilités dans le secteur privé, à la tête de grandes conférences sur l’environnement ou l’énergie. En d’autres termes, c’est quelqu’un qui a une riche expérience et qui est très connu dans la région. Peut-être les Coréens du Nord seront-ils prêts à discuter d’autres questions avec lui. Je ne l’ai pas découragé. Attendons ce que nous dira M. Strong.

Question : A propos de la République démocratique du Congo, vous avez un envoyé spécial dans la région de l’Ituri où il y a de graves violations des droits de l’homme. Pouvez-vous le confirmer et confirmer aussi des cas de cannibalisme forcé ?

Le Secrétaire général : S’agissant des cas de cannibalisme, je ne peux rien confirmer. Moi-même j’ai lu dans des journaux ces accusations. Effectivement, il y a une guerre dans l’Est du pays, et nous faisons tout notre possible pour calmer la situation. Mais mes envoyés et les experts des droits de l’homme ont confirmé que, effectivement, il y a eu violation. Nous sommes en train d’établir un rapport sur ce qu’il faut faire.

Question (interprétation de l’anglais) : Que pensez-vous de l’annonce de M. Straw, Ministre britannique des affaires étrangères, qui a déclaré qu’il se réservait le droit de lancer une attaque contre l’Iraq même si aucune autre résolution de l’ONU ne l’autorise? Par ailleurs, la présidence de l’Union européenne a décidé de dépêcher une équipe de paix dans la région pour aborder le problème de l’Iraq.

Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Comme je l’ai dit, de nombreux efforts sont déployés dans le monde par les dirigeants arabes et européens pour que les instances iraquiennes comprennent qu’elles doivent s’acquitter de leurs obligations envers le Conseil afin d’éviter la guerre. J’espère que ce sera entendu.

En ce qui concerne la déclaration du Ministre britannique des affaires étrangères, c’est peut-être la politique de son gouvernement qu’il a exprimée. Mais je me fonde sur les discussions et les résolutions du Conseil, qui indiquent clairement que le Conseil devra poursuivre les discussions et que c’est au Conseil qu’il appartient de déterminer les conséquences.

Je vous remercie.

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