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Déclarations Commission des droits de l'homme

ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE LE DOCTEUR ABDELOUAHED BELKEZIZ SECRETAIRE GENERAL DE L’ORGANISATION DE LA CONFERENCE ISLAMIQUE A LA REUNION DE LA COMMISSION DES NATIONS UNIES POUR LES DROITS DE L’HOMME

18 Mars 2003


18 Mars 2003





Madame la Présidente,

J’ai le plaisir de vous adresser mes félicitations pour votre élection à la présidence de cette vingt-septième session de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et je suis convaincu que grâce à la compétence avérée et la vaste expérience qui sont les vôtres, nos délibérations aboutiront aux résultats escomptés s’agissant de la défense des droits de l’homme qui ont connu, ces derniers temps, de multiples excès et violations.

Je voudrais également adresser mes félicitations à M. Sergio Vieira de Mello, Haut Commissaire pour les Droits de l’homme pour sa nomination à cet important poste. J’ai grande confiance que son expérience, sa compétence et ses convictions en feront le meilleur défenseur des droits de l’homme, en particulier, dans la conjoncture actuelle où la question des droits de l’homme fait l’objet d’un intérêt grandissant au plan international du fait qu’elle concerne le devenir de millions d’êtres humains à travers le monde.

C’est le lieu aussi de rendre hommage à Mme Robinson qui, durant son mandat à la tête du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, a déployé d’importants efforts et pris des positions courageuses pour défendre ces droits avec autant de sincérité que de sérieux dans des conditions extrêmement délicates.

Il n’est point de doute que la présente conjoncture internationale marquée par l’instabilité et des turbulences qui ont un impact négatif sur la situation des droits de l’homme, confère une importance particulière à l’action de cette Commission qui constitue le plus grand forum international chargé de suivre la question des droits de l’homme. Aussi, sa responsabilité n’en devient-il que plus grande en ce qui concerne l’investigation et le suivi positif et sincère des questions de droits de l’homme ainsi que la défense des valeurs universelles, avec hardiesse et objectivité.

Il est évident pour tous que les droits de l’homme ont connu ces derniers temps un revers grave tant dans leur application quotidienne qu’en ce qui concerne les législations et mesures administratives nouvelles adoptées dans certains Etats qui, jadis, faisaient partie de ceux qui oeuvraient pour la défense et le respect des droits de l’homme. C’est ainsi que ces droits font l’objet, aujourd’hui, de violations graves commises sous des prétextes et des justifications qui ne résistent pas à l’analyse ou qui défient la logique.

Les campagnes anti-islamiques se sont accrues dernièrement d’une manière inquiétante de la part de certains milieux hostiles à l’Islam et qui, pour des raisons politiques ou des visions idéologiques étriquées, profitent du climat général créé par la campagne de lutte anti-terroriste pour lancer ces campagnes tendancieuses.

Tout en exprimant notre grand regret face à la multiplication d’un tel phénomène qui est injuste à l’égard d’une religion monothéiste fondée sur la paix et la tolérance, je voudrais vous rassurer que dans ce domaine les musulmans ne souffrent d’aucun complexe s’agissant du respect des droits de l’homme, des valeurs de tolérance, de diversité culturelle et de relations humaines. Mieux, l’Islam, religion révélée il y a plus de quatorze siècles, a révolutionné la pensée humaine à propos des relations entre les hommes qui reposent sur une égalité absolue loin de toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou la couleur. Ceci, à un moment où les civilisations contemporaines reposaient toutes sur des relations entre maître et serviteur, homme libre et esclave, élite et bas peuple. Par ailleurs, l’Islam a une conception des droits de l’homme beaucoup plus large et globale que celle consacrée par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. En effet, le but des droits de l’homme du point de vue islamique est de préserver la dignité humaine qui permet à chaque être humain de jouir de ses droits politiques, économiques, sociaux et moraux qui, en plus de la dignité, lui garantissent justice, égalité et droits à la nourriture et au logement.

Certains ennemis de l’Islam tentent de faire l’amalgame entre les principes sublimes de l’Islam et certaines pratiques qui sont de temps à autre imputées à des musulmans et qui procèdent de motivations strictement personnelles qui n’ont rien à voir avec l’Islam mais que l’on cherche, à dessein, à rattacher aux enseignements de la religion islamique. Cet amalgame, fait de manière délibérée, ne peut être que rejeté dans la mesure où l’on ne saurait raisonnablement imputer à une religion ou confession, tout acte ou pratique provenant d’un de ses adeptes même si celui-ci se sert de sa religion comme prétexte.

Les répercussions des évènements du 11 septembre 2001 s’inscrivent dans le cadre de ces fausses accusations qui cherchent à faire porter à tous les musulmans les fautes imputées à quelques personnes. C’est pour cette raison que nous constatons aujourd’hui que dans plusieurs parties du monde, beaucoup de musulmans voient leurs droits humains et politiques gravement violés et souffrent, eux-mêmes, de l’injustice et de la discrimination. Je n’en veux pour preuve que les tragédies, l’oppression et le déni de droits enregistrés en Palestine, au Cachemire, en Tchétchénie, au Sud des Philippines, au Myanmar, en Azerbaïdjan et dans certains Etats de l’Inde comme celui de Gujarat. Il s’agit là, d’exemples éloquents de la situation pénible que vivent beaucoup de musulmans aujourd’hui et qui ne font qu’engendrer la tension et mettre en péril la sécurité et la paix dans le monde


Les événements du 11 septembre 2001 que le monde islamique a fermement condamnés n’ont fait qu’aggraver les souffrances endurées par beaucoup de musulmans, en particulier, dans certaines parties du monde occidental ou ces événements ont déclenché une campagne qui ressemble à ce que l’on appelle « une chasse aux sorcières » contre certaines communautés musulmanes qui ont fait et qui continuent de faire l’objet de mesures collectives sélectives et discriminatoires de représailles, aux antipodes des usages internationaux. De même, des législations et des mesures administratives continuent d’être prises à leur encontre à cause de leur appartenance religieuse ou de leurs origines raciales.

Tout en me félicitant - à ce propos- des positions adoptées face à ces violations par votre Commission et par Madame Mary Robinson, ancien Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, je ne pourrai que soutenir sa proposition concernant la nécessité d’adjoindre à la Commission des Nations Unies chargée de combattre le terrorisme un représentant de la Commission des Droits de l’Homme pour contrebalancer les excès découlant de la mise en application des résolutions adoptées par ladite Commission.

Je fais également mienne sa déclaration selon laquelle les mesures d’ordre militaire, sécuritaire et législatif ne sauraient, à elles seules, venir à bout du terrorisme international et qu’il faudrait s’imprégner suffisamment des valeurs humaines universelles communes qui aident à éliminer et à extirper les causes du terrorisme international.

Il n’est point de doute qu’au regard des conséquences des évènements du 11 septembre 2001, la mise en œuvre du plan d’action adopté par la Conférence mondiale contre le racisme tenue en août 2001 à Durban, est devenue aujourd’hui d’une plus grande actualité. En plus, la conjoncture internationale actuelle met en évidence la nécessité de mettre en œuvre les résolutions de la Conférence internationale sur le Financement du Développement, tenue à Monterrey au Mexique et celles de la Conférence sur le Développement durable, tenue en 2002 à Johannesburg en Afrique du Sud. C’est cela qui nous permettra d’instaurer dans le monde, la justice, l’égalité et la quiétude, seuls éléments à même d’éliminer les causes de l’extrémisme, du fanatisme et de la haine.

Madame la Présidente,

Les pratiques israéliennes dans les territoires palestiniens occupés sont des exemples suffisamment éloquents en matière de violation de droits de l’homme dont la plupart sont considérées comme des crimes de guerre prévus dans les conventions internationales. L’année dernière, votre Commission avait essuyé le refus d’Israël de permettre à une délégation de la Commission de mener des enquêtes sur les massacres perpétrés à Jénine et dans les autres villes palestiniennes occupées, sans parler du rejet israélien des résolutions et appels internationaux qui prônent l’envoi d’observateurs internationaux pour protéger le peuple palestinien sans défense contre les pratiques abusives israéliennes. Les punitions collectives, le couvre-feu qui s’étend sur de longues journées, l’exécution extrajudiciaire de dirigeants de la société civile, la destruction de maisons et l’occupation de terres sont autant de crimes qu’Israël commet chaque jour au su et au vu du monde entier et qui relèvent d’un terrorisme d’Etat avéré. Votre Commission doit continuer à surveiller, davantage, les cas de violation des droits de l’homme en Palestine et à rechercher des moyens efficaces permettant de dissuader Israël de procéder à de telles pratiques qui ne peuvent être que rejetées et condamnées.

Israël doit savoir que ses tentatives visant à imposer le fait accompli aux Palestiniens, au moyen de la répression, de la machine militaire et de la politique d’oppression et de torture ne sauraient prospérer et qu’il doit privilégier un règlement négocié avec les Palestiniens, sur la base de l’égalité, en vue d’arrêter l’effusion de sang et de trouver une solution conforme aux résolutions de la légalité internationale qui consacrent le droit imprescriptible du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’établissement de son Etat indépendant sur son sol avec pour capitale Al-Qods Al-Charif.

Par ailleurs, le déclenchement éventuel d’une guerre injustifiée contre l’Irak, conduite par les Etats-Unis, nous fait craindre une catastrophe humanitaire dans toute la région qui enregistrerait, ainsi, des milliers de blessés et des centaines de milliers de réfugiés, sans parler de l’état de destruction généralisée et des tragédies humanitaires d’une ampleur qu’il serait difficile de prévoir.

Face aux derniers développements de la situation, je voudrais réitérer la position claire adoptée par l’Organisation de la Conférence Islamique pour rejeter toute agression militaire dirigée contre l’Irak, veiller à la sécurité, à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale de ce pays et préconiser le règlement de la question irakienne par les moyens pacifiques, dans le cadre d’Organisation des Nations Unies et du Conseil de sécurité et conformément aux résolutions de la légalité internationale. Nous pensons aussi que l’agression envisagée contre l’Irak est un acte unilatéral pris en dehors du Conseil de sécurité et des Nations Unies et qui est de nature à saper l’autorité du Conseil de sécurité, à violer les règles du droit international et à défier les sentiments de la communauté internationale tels qu’exprimés à travers les centaines de marches contre la guerre organisées dans des centaines de villes dans le monde. Nous pensons que l’élimination des armes de destruction massive est une affaire qui doit concerner tous les Etats du Moyen-Orient et ce, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

D’autre part, nous pensons que le règlement du problème du Cachemire doit nécessairement passer par la mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité qui consacrent le principe de l’autodétermination, et ce, après le d’échec de toutes les tentatives visant à faire perdurer la politique du fait accompli sur le territoire du Jammu et Cachemire et après plus d’un demi siècle de conflits armés qui ont failli précipiter le Pakistan et l’Inde dans une guerre destructrice.

Je me dois aussi d’évoquer les terribles tragédies survenues aux mois de février et mars de l’année dernière dans l’Etat du Gujarat en Inde où des massacres odieux ont fait des centaines de victimes musulmanes, exécutées dans des conditions extrêmes.



Madame la Présidente,

Les droits économiques et sociaux de l’homme ne sont pas moins importants que ses droits politiques. L’on peut même dire que certains de ces droits ont un impact plus grand sur la vie de millions d’êtres humains vivant en dessous du seuil de la pauvreté et dans la privation. Malheureusement, il ne se profile à l’horizon aucun signe augurant de la fin d’une telle situation si l’on en juge par le fait qu’à l’heure actuelle, les orientations économiques qui sont imposées par le phénomène de la mondialisation, ne s’intéressent guère et de manière perceptible, à la situation de ces catégories de personnes. Bien que les droits collectifs de l’homme qui englobent ceux de la femme, de l’enfant, des travailleurs immigrés et autres s’améliorent de plus en plus, il n’en demeure pas moins que la situation économique internationale actuelle continue de peser négativement sur l’efficacité des mesures prises pour assurer les droits sociaux d’une grande partie des populations de la planète.

A ce propos, je voudrais joindre ma voix à celles qui réclament le renforcement de l’Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme afin qu’il puisse s’acquitter de sa mission dans un contexte rendu souvent difficile par la conjoncture trouble que le monde traverse actuellement et qui fait surgir de nouveau défis pour les droits de l’homme.


Wassalamou Aleykoum Wa Rahmat Allah Wa Barakatouhou.

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