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Déclarations

Intervention orale sur la situation des droits de l'homme en Haïti présentée par M. Adama Dieng Expert indépendant

22 Avril 1999


Genève, 22 avril 1999
OHCHR/99/04/29


Commission des droits de l’homme des Nations unies, 55ème session
Genève, 22 mars - 30 avril 1999
Point 19 de l'ordre du jour: Services consultatifs et coopération technique dans le domaine des droits de l'homme


Madame le Président,
Mesdames, Messieurs,

En intervenant ce jour, je ne peux manquer d’avoir une pensée pieuse pour tous ceux et toutes celles qui ont été massacré(e)s à Raboteau le 22 avril 1994. En ce moment même où le peuple haitien commémore le cinquième anniversaire de cette tragédie, permettez-moi de renouveler mon appel pour la restitution, sans délai et dans leur intégralité, des documents FRAPH/FADH qui sont encore entre les mains des autorités américaines. Ces documents avaient été saisis par les troupes américaines peu de temps après leur arrivée à Port-au-Prince, dans le cadre de la Force multinationale. Ils furent transférés aux Etats Unis sans que le Gouvernement d’Haïti ait été informé ou donné son consentement. Aujourd’hui, l’opinion est unanime que ces documents incluant, entre autres, des cassettes audio et video de séances de torture ainsi que des photos, seraient une source d’informations précieuses pour la poursuite des responsables de crimes graves commis pendant le régime du Coup d’Etat. L’argument du Gouvernement américain pour ne pas retourner les documents, fondé sur le respect du Privacy Act, 5 U.S.C. 552a, ne résiste pas à l’analyse. Il en est de même de l’argument fondé sur le Defense Intelligence Agency (DIA) manual Section 58-13 relatif aux documents classés “U.S. military material”.

Malgré mes appels répétés et la demande persistante des autorités haitiennes, soutenus par la MICIVIH, par 69 membres du Congrès américain, trois Prix Nobel de la Paix, des dizaines d’ONG et des milliers d’individus à travers le monde, le Peuple haitien attend toujours ces documents qui constituent un élément essentiel de son Histoire. Votre Commission a le devoir et l’obligation d’inviter les Etats-Unis d’Amérique à restituer, sans délai et dans leur intégralité, lesdits documents. En ce jour anniversaire du massacre de Raboteau, ce ne serait que Justice. Au demeurant Haiti vient de signer le Statut de Rome sur la Cour pénale internationale et le Président Préval nous a affirmé sa volonté de ratifier cet important traité.

Plus que jamais, Haiti souffre énormément de la maladie de son système judiciaire. Le processus de réforme de la Justice se poursuit avec une lenteur qui ne présage pas pour demain, la réconciliation entre le Peuple haitien et sa Justice. Malgré les efforts qui ont été déployés au niveau des infrastructures pénitentiaires, il est regrettable de relever que les conditions de détention ne s’améliorent guère du fait d’un dysfonctionnement de la chaîne pénale. Lors de notre récent séjour en Haiti, du 14 au 20 mars 1999, nous avons recensé de multiples violations de droits de l’homme à travers le système judiciaire qui est sensé être le principal garant des droits de l’homme.

Il n’est que de citer les cas de détention illégale pour dette ou sorcellerie, le non-respect des procédures judiciaires par ignorance ou corruption, le non-respect des ordonnances de libération (habeas corpus) rendues par les juges, notamment à Port-au-Prince, les cas de détention arbitraire et les dénis de justice. Il n’est pas surprenant de noter que sur une population carcérale de 1568 détenus au Pénitentier national, à Port-au-Prince, à la date du 18 mars 1999, seul 210 (13% ) ont été jugés, les 87% soit 1358 étant en détention préventive. La plupart des dossiers sont entâchés de sérieuses irrégularités judiciaires.

D’après les statistiques recueillies par la MICIVIH, la population carcérale en Haiti se chiffrait, au mois de décembre 1998, à 3740 détenus dont 19% seulement avaient été jugés. Un dossier nous a particulièrement préoccupé qui concerne 11 adolescents en détention préventive depuis 1996. Ils étaient accusés d’avoir tué un étranger, bien qu’il n’y ait pas eu de corpus delicti. En mars 1997 ils avaient bénéficié d’une ordonnance de non-lieu, mais le Commissaire du gouvernement s’opposa à leur remise en liberté. En Août 1998, une Cour d’Appel confirma que ces adolescents devaient être libérés mais le greffier ne se déclara prêt à rédiger l’ordonnance que si les accusés acceptaient d’en payer le prix. En novembre 1998, la MICIVIH fut informée que les adolescents ne seraient libérés que si un Centre de réhabilitation pouvait être trouvé pour eux. Ils furent finalement libérés le 18 décembre 1998. Ce déni de justice est aussi choquant que le cas d’un individu détenu à l’Anse-à-Veau depuis 1997, qui ne fut entendu par un juge qu’après 525 jours d’emprisonnement et relâché pour manque de preuves.

Il est néanmoins réconfortant de relever que certains juges font des efforts pour accélérer les procédures dans certaines villes même si cela n’influe pas sur l’accroissement du pourcentage des personnes jugées. Il convient également de signaler que sur 100 mineurs en détention, seul 10 ont été jugés. Au-delà de ces problèmes liés au fonctionnement déficient de la chaîne pénale, il faut souligner le manque de ressources humaines, le délabrement des tribunaux, l’absence de moyens de communication, d’électricité, de véhicules, de fournitures de bureau et dans certains cas de codes de procédure judiciaire.

Que ce soit le Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre de la Justice, les leaders de partis politiques, les ONG de droits humains, tout le monde s’accorde à reconnaître que la maladie du système judiciaire est une des majeures préoccupations auxquelles la société haitienne est présentement confrontée. Cette situation contribue à accentuer le sentiment d’impunité qui prévaut dans le pays. Comme l’a observé le Premier Ministre, lors de notre entretien, le problème de la Justice n’est pas seulement lié à la corruption, mais également au manque de formation appropriée, du fait de la faiblesse des écoles de droit dans les provinces et du nombre insuffisant d’enseignants.

A cet égard, nous avons encouragé le Premier Ministre à poursuivre, avec le concours de la communauté internationale, un projet de création d’écoles de droit dans les provinces du Nord, du Sud et de l’Artibonite qui formeraient également des enseignants dans le domaine de l’administration et de la technologie, et ce en vue de préparer les ressources humaines indispensables pour le développement régional.

Le climat d’insécurité qui prévaut depuis un certain temps en Haiti est un sujet de préoccupation qui a été mis en exergue tant par les ONG, les leaders de l’opposition que les diverses agences des Nations unies. Dans le courant du mois de mars 1999, nous avons déploré la recrudescence de la violence à Port-au-Prince et condamné vigoureusement l’assassinat du sénateur Jean-Yvon Toussaint. Quelques semaines auparavant, c’est la soeur du Président Préval, Madame Marie Claude Calvin qui était grièvement blessée et son chauffeur tué dans un attentat. Il y eut également l’assassinat du Père Jean, un Prêtre réputé pour son engagement dans le domaine des droits humains. En conséquence, nous avons demandé aux autorités haitiennes de tout mettre en oeuvre pour que les auteurs de ces crimes soient rapidement appréhendés, poursuivis et jugés dans le respect des normes pertinentes de droits de l’homme.

Un éminent défenseur des droits de l’homme, Monsieur Pierre Espérance, Directeur du Bureau national de la Coalition Nationale pour les Droits des Haitiens, a échappé à la mort à la suite d’une attaque armée. Il a reçu des balles à l’épaule et au genou. Nous lui avons rendu visite à l’hôpital et avons eu des discussions avec ses collègues qui étaient encore dans un état de choc. Le Ministre de la Justice nous a informé de l’ouverture d’une enquête. Il y a deux jours, Maître Serge Alcindor, avocat au Barreau d’Haiti a été victime d’un grave attentat à son domicile. Il aurait reçu 6 balles dont 4 à la tête et 2 au ventre. Il a été immédiatement transporté à l’Hôpital du Canapé-Vert dans un état très critique. Lors de notre récent séjour, nous avons eu des entretiens avec Maître Alcindor qui se disait menacé dans sa vie.

Loin de s’estomper, la violence semble avoir pris une dimension plus inquiétante. Il y a une semaine, le 15 avril dernier, le porte-parole a.i. de la Police Nationale d’Haiti (PNH) a annoncé que la PNH avait repertorié entre le 1er et le 8 avril 20 cas d’assassinats, 12 cas de meurtres et tentatives de meurtres. Pendant la même période, la Police judiciaire a enregistré 86 cas d’agressions contre 34 la semaine précédente. La Police a également saisi 9 armes à feu. Le porte-parole a également fait savoir que 242 personnes ont été interpellées, dont 127 dans le Département de l’Ouest où 55% des cas de crimes et délits ont été perpétrés.

Cependant, il y a un grave incident lié à l’assassinat d’un policier survenu le 9 avril à Martissant (banlieue sud de Port-au-Prince). Il est allégué que des policiers, membres de la Compagnie d’Intervention et de Maintien d’Ordre (CIMO), auraient en représailles abattu de sang froid 4 jeunes qui se trouvaient sur les lieux du crime. Quoique le porte-parole de la PNH ait rejetté toute implication des policiers dans la mort des quatre jeunes, nous apprécions l’annonce de l’ouverture d’une enquête pour qu’éclate la vérité.

Une question fondamentale se pose: cette vague d’assassinats, de meurtres et d’attentats qui frappe également des figures marquantes de la vie haitienne, relève-t-elle du grand banditisme ou s’agit-il d’une criminalité politique? Il importe que les enquêtes en cours soient menées en toute indépendance, avec impartialité et de manière approfondie pour qu’enfin jaillisse la lumière. Il convient aussi de signaler que le trafic de la drogue prend une certaine ampleur malgré les efforts que déploie la PNH dans la lutte contre les stupéfiants. Le soutien de la communauté internationale est nécessaire si l’on veut éviter un risque de déstabilisation causé par des narco-trafiquants.

Nous tenons à saluer les efforts du Directeur Général de la PNH qui se sont traduits par un comportement globalement positif de la Police en matière de droits de l’homme. Il n’empêche que les statisques compilées par la MICIVIH font apparaître un accroissement inquiétant d’allégations de brutalités policières et d’autres formes de mauvais traitements lors d’arrestations ou d’interrogatoires, passant de 284 en 1997 à 423 en 1998. Toutefois, des enquêtes sont ouvertes dans la plupart des cas d’allégations d’abus, notamment les plus sérieuses. Il faut également signaler que des sanctions sont prises par les autorités de la PNH qui vont jusqu’à la révocation. Entre janvier et décembre 1998, le Directeur Général de la PNH a procédé au licenciement de 220 policiers, dont 35 étaient impliqués dans des violations de droits de l’homme.

Pour sa part, l’Inspecteur Général de la PNH a critiqué les manquements des cadres de la Police à sanctionner des abus ou des infractions disciplinaires commises par leurs subordonnés. Aussi a-il formulé des propositions en faveur de la mise en place d’un système de plaintes plus accessible pour le public. Jusqu’ici et en dehors de Port-au-Prince, les victimes hésitent le plus souvent à dénoncer des agents par crainte de représailles.

A la fin de l‘année 1998, quatre policiers étaient en détention pour des violations de droits de l’homme, trois d’entre eux pour torture et le dernier pour une exécution sommaire. Malheureusement, l’incurie du système judiciaire est telle que beaucoup d’agents échappent aux mailles de la Justice en recourant à la corruption des juges. Cette situation risque à moyen terme de saper le moral des policiers qui s’acquittent de leur mission dans le respect des normes.

Le climat d’insécurité, la corruption dans le judiciaire et dans les rangs de la Police, le mauvais fonctionnement de la Justice et l’insuffisance de moyens à la disposition de la PNH sont autant d’éléments à prendre en compte en examinant la question de l’avenir de la Mission de Police des Nations Unies en haiti (MIPONUH). Il semble que le Conseil de Sécurité ait nullement l’intention de renouveler le mandat de cet organe. Comme vous le savez, la MIPONUH dispose d’un contingent de 140 policiers internationaux armés déployés sur les 9 provinces d’Haiti. Sans l’ombre d’un doute, leur présence a un impact réel sur la situation des droits de l’homme. Non seulement ils visitent des centres de détention, mais ils contribuent à renforcer la professionnalisation de la jeune Police haitienne et également à rassurer la population.

S’il est vrai que la plupart des acteurs politiques, Pouvoir et Opposition réunis, estiment que Haiti ne devrait pas entrer dans le 21e siècle avec une présence armée étrangère, il n’en demeure pas moins qu’ils reconnaissent le rôle extrêmement rassurant joué par la MIPONUH et le danger d’un départ définitif. Nous tenons, pour notre part, à exprimer la crainte que le retrait de la MIPONUH pourrait créer un vide qui pourrait être exploité par les forces anti-démocratiques et autres anciens militaires.

Dans le même ordre d’idées, nous souhaitons revenir sur la question de l’Accord de coopération technique signé entre le Gouvernement d’Haiti et le Bureau du Haut- Commissaire aux droits de l’homme. Comme vous le savez, la première phase a été mise en oeuvre en 1995-1996. La deuxième phase qui devait s’achever en juin 1998 n’a pas abouti du fait d’une décision unilatérale prise, en mars 1998, par le Bureau du Haut-Commissaire, de transférer le projet à la MICIVIH, pour des motifs de rationalisation. Ni l’Expert indépendant, ni le Ministre haitien de la Justice n’avaient été consultés au préalable. Dans la perspective d’un retrait de la MICIVIH, il nous paraît essentiel de réfléchir sur la possibilité d’une présence visible du Bureau du haut-commissaire.

Cette présence est d'autant plus souhaitable du fait de la situation des droits de l’homme en Haiti et de la faiblesse des ressources humaines dans les différents départements ministériels. Un soutien serait très apprécié dans l’assistance à la rédaction des rapports à soumettre aux organes de traités ainsi que dans le processus de révision du Code de procédure pénale et du Code pénal.

Le remarquable travail accompli par les organisations féminines méritent d’être souligné. L’année dernière, je vous avais fait part du Tribunal international contre la violence faite aux femmes tenu à Port-au-Prince les 25, 26 et 27 novembre 1997. Cette action commence à porter des fruits car, de plus en plus, les victimes de violence conjugale rompent le silence. A titre d’exemple, le Mouvement Kay Fanm reçoit chaque mois une moyenne de vingt femmes qui viennent porter plainte pour mauvais traitements et abus. Quant à l’organisation dénommée SOFA, elle constate qu’elle n’a plus besoin d’aller chercher les témoignages. Les victimes viennent à elle pour parler des viols dont elles ont été l’objet. Il est également réconfortant de noter que des ONG qui ne sont pas des groupements de femmes commencent à agir pour combattre la violence faite aux femmes. C’est le cas de “Justice et Paix des Gonaives”. Ce qui est encore plus remarquable, c’est que la PNH est à présent sensibilisée à la question et s’est engagée à contribuer à combattre la violence faite aux femmes.

A présent, il existe un collectif de 32 organisations féminines qui a mené des négociations avec le Parlement (46ème Législature) en vue de modifier certains textes de loi jugés particuliÞrement défavorables aux femmes. Le Collectif a estimé que dans le contexte actuel, il est plus aisé de procéder à des modifications de textes de lois existant que d’élaborer de nouveaux textes. C’est ainsi que les négociations avec les parlementaires - spécifiquement avec la Commission Santé, Population, Affaires sociales familiales et Condition féminine du Sénat - ont abouti à la formulation de trois (3) nouvelles propositions de loi à soumettre au Parlement. Ces lois portent sur: la dépénalisation de l’avortement, le viol crime contre la personne, le respect du travail domestique et la dépénalisation de l’adultère.

La situation des “restaveks” ou enfants vivant en domesticité devient de plus en plus alarmante. L’âge moyen de ces enfants se situe entre 11 et 14 ans. Ils rendent aux familles d’accueil toutes sortes de services et sans être rémunérés. Il y a deux ans, ils étaient estimés à 200,000. Aujourd’hui, il ressort d’une enquête réalisée par l’Institut Psycho-Social de la Famille (IPSOFA) commanditée par l’UNICEF qu’ils seraient environ 300,000. L’enquête souligne que les conditions de vie en domesticité ne sont pas satisfaisantes, quoique un “restavek” sur quatre déclare plus ou moins adéquates les compensations reçues pour les services rendus.

Dans un de nos précédents rapports, nous avions attiré l’attention de la Communauté internationale sur cette douloureuse situation. L’enquête sus-mentionnée révèle que 77% de ces enfants atteignent 15, 16, 17 ans sans avoir jamais fréquenté l’Ecole; 55% fréquentent l’Ecole du soir; 7% vont dans une Ecole de métier et 2% fréquentent une Ecole d’enseignement secondaire. Pour sa part, l’Administration américaine a décidé récemment d’accorder au Gouvernement haitien un montant de 1,2 millions de dollars en vue de l’aider à lutter contre cette pratique qui remonte aux temps de la colonie. Tout au moins ce don permettra de sauver 10,000 enfants de la domesticité et leur donnera l’opportunité de bénéficier de l’éducation et d’une vie libre, pour reprendre les termes du Secrétaire d’Etat américain au Travail, Monsieur Alexis M. Herman.

L’accès à l’éducation demeure un problème majeur auquel Haiti est confronté. Malgré les actions engagées par le Gouvernement Haitien, plus d’un million d’enfants de 6 à 11 ans n’ont pas accès à l’éducation. Un projet d’éducation de base est en cours d’élaboration qui a pour objectif de favoriser l’accès à une éducation de base de qualité à ces enfants des deux sexes, principalement en milieu rural et dans les zones défavorisées de la périphérie urbaine de Port-au-Prince. L’accroissement de l’offre scolaire, bien que relativement modeste au regard des besoins, a permis au cours de l’année dernière les réalisations ci-après: la réhabilitationn de plus de 55 écoles nationales, la construction de 15 lycées, la réhabilitation de 7 lycées et la mise en place d’un programme de rénovation de 42 bâtiments scolaires. Au cours de la même période, 4600 enfants défavorisés ont bénéficié de bourses, 1573000 matériels scolaires ont été diffusés, du matériel didactique et des fournitures scolaires ont été distribués aux élèves des deux premiers cycles du fondamental pour un montant de 44.640.850 gourdes; ainsi des contrats de fabrication de mobilier scolaire ont été passés pour un montant de 32.848.129 gourdes.

S’il est de notoriété que la jeunesse est l’avenir d’un pays, il est à craindre que les générations futures seront handicapées du fait de la non-jouissance du droit à l’éducation. Au-delà, il faut retenir que le renforcement de la démocratie est également tributaire du niveau d’éducation des populations. Aussi, avons-nous assuré les ONG et le Premier Ministre de notre volonté à se faire l’écho de leur préoccupation quant aux faiblesses enregistrées dans le secteur éducationnel. Cela dit, le Gouvernement d’Haiti poursuit la réforme du système éducatif, dans le cadre du Plan National d’Education et de Formation (PNEF), engagée par le Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports. Cette réforme s’articule autour de deux grands axes: l’amélioration de la gouvernance du système éducatif et la rénovation qualitative de l’enseignement. Compte-tenu de l’état des finances, le succès de cette réforme sera à la hauteur de l’appui que la communauté internationale apportera au secteur de l’éducation.

Haiti a traversé une grave crise politique et institutionnelle qui a duré plus de 20 mois et a suscité l’inquiétude de tous ceux qui ont à coeur de voir se consolider la démocratie dans ce pays. Nous avons apporté nos conseils à l’ensemble des acteurs, contribuant ainsi au dénouement de ladite crise. Dans les moments extrêmement difficiles, nous n’avons pas hésité à interpeller chacun face à ses responsabiltés. A présent, un Conseil Electoral Provisoire (CEP) est en place. Un Premier Ministre a été ratifié et son Gouvernement est à pied d’oeuvre. Toutefois, il reste encore à convaincre certains acteurs, notamment l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), le principal parti d’opposition.

Le mardi 13 avril 1999, l’OPL a réitéré son refus de participer aux consultations lancées par le CEP en vue de l’élaboration du décret-loi devant régir l’organisation des prochaines élections. Selon le sénateur Yrvelt Chéry, un des dirigeants de l’OPL, prendre part à ces pourparlers reviendrait à cautionner ce qu’il appelle “le coup d’Etat du 11 janvier contre le Parlement” faisant allusion à la décision du Président Préval qui avait constaté, le 11 janvier 1999,la caducité du mandat des parlementaires élus lors des élections de 1995. Il faut également préciser que l’OPL faisait partie d’une Coalition de partis politiques de l’opposition dénommée “Espace de concertation”. Il s’en est retiré le 6 mars 1999, peu avant la conclusion d’un Accord passé entre la Présidence et “l’Espace de concertation” et qui a permis la mise en place du CEP et du Gouvernement du Premier Ministre Alexis.
Le conflit qui oppose le Parlement Haitien et le Pouvoir Exécutif pose un problème juridique très intéressant sur lequel la Cour de Cassation va se prononcer sur la Requête en inconstitutionnalité de l’Article 158 de la loi électorale du 14 février 1995, introduite par le Parlement. Il est clair que le mandat des élus de juin 1995 est juridiquement arrivé à terme le 2ème lundi du mois de janvier 1999 comme le prévoyait le décret électoral du 14 février 1995. En d’autres termes, il s’est créé un vide institutionnel dès le 11 janvier 1999. Du coup, le Chef de l’Etat devient le seul organe habilité à intervenir au titre de l’Article 136 de la Constitution de 1987. Fallait-il une consultation préalable avec les parlementaires sortants? Fallait-il éviter le vide institutionnel en s’accordant, en violation de la Loi, à ce que lesdits parlementaires continuent à siéger jusqu’à l’installation de la prochaine Législature? La Cour de cassation devant prononcer sa décision, le vendredi 23 avril 1999, il serait inapproprié que l’Expert indépendant donne son opinion sur une Affaire sub judice. Nous espérons tout de même que tous les acteurs vont retrousser les manches pour que des élections libres, démocratiques et transparentes puissent se dérouler avant la fin de l’année.

En conclusion, nous voudrions insister sur le fait qu’Haiti a réalisé des progrès dans la construction d’un Etat démocratique respectueux des libertés individuelles. Il y a des avancées significatives dans le domaine des droits de l’homme depuis le retour à la légalité constitutionnelle. Hélas, il existe encore de sérieux problèmes de gouvernance, de sécurité, de pauvreté qui constituent autant de menaces à l’Etat de droit. Le blocage institutionnel de plus de 20 mois a sérieusement compromis le rôle de l’Etat dans l’amélioration des conditions de vie des populations. La situation d’extrême pauvreté que connaît Haiti est aggravée par les catastrophes naturelles ainsi que la forte prévalence du VIH-SIDA, estimé à 11% en zone urbaine, 5.3% en zone rurale, et 7.3% à l’échelle nationale. C’est dire que la question de la jouissance des droits économiques et sociaux devra retenir toute l’attention de la Communaté internationale.

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