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Déclarations

ALLOCUTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AU DÉBAT DE HAUT NIVEAU DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

30 Juin 2003



30 juin 2003







La déclaration suivante a été faite ce matin par le Secrétaire général des Nations Unies,
M. Kofi Annan, à la séance d’ouverture du débat de haut niveau du Conseil économique et social qui tient ses travaux en salle XIX du Palais des Nations à Genève, jusqu’au 25 juillet :

«Il n’est peut-être pas vrai que "la marée soulève tous les bateaux". Mais ce qui est sûr c’est que, par gros temps, les embarcations les plus frêles sont les plus malmenées.
Contrairement aux attentes, l’économie mondiale ne s’est pas encore redressée après le ralentissement de 2001, le plus important en 10 ans, ce qui est une mauvaise nouvelle pour les pays en développement. Une bonne trentaine d’entre eux ont vu leur revenu par habitant baisser au cours des deux dernières années et rares sont ceux qui peuvent espérer renouer avec la croissance avant la fin de 2004.
De plus, les risques de déflation, la propagation des maladies, la montée du chômage, la surcapacité de certains secteurs et la persistance de tensions géopolitiques se conjuguent pour ébranler la confiance, contrarier les investissements et, comme toujours, rendre la vie des pauvres encore plus dure.
Face à ces menaces, le plus pressant est sans doute de stimuler la croissance économique. Mais à long terme, il faudra bien plus pour lutter contre la pauvreté et atteindre les objectifs de développement énoncés dans la Déclaration du Millénaire. Nous ne pouvons nous permettre de perdre de vue les objectifs fixés à Doha, Monterrey et Johannesburg pour surmonter les problèmes de développement plus fondamentaux.
Ces conférences ont permis de définir un nouveau partenariat mondial en faveur du développement et des stratégies précises de revitalisation du processus de développement qui orientent les ressources – intérieures ou extérieures, humaines ou financières, existantes ou nouvelles – vers les secteurs où elles auront le plus grand impact. Il ne s’agit donc plus de décider ce qu’il faut faire, mais tout simplement de le faire.
Or si le lien entre financement et développement est désormais largement accepté, beaucoup reste à faire pour qu’il soit plus facile aux pays pauvres d’améliorer leur situation à la faveur des échanges.
Le programme convenu à Doha est bien plus qu’une nouvelle série de négociations commerciales. Il a pour objet d’éliminer la concurrence déloyale à laquelle se heurtent les agriculteurs et les producteurs des pays pauvres et d’ouvrir les marchés des pays développés aux produits des pays en développement – en particulier aux produits agricoles. Il vise à améliorer l’accès des pauvres aux médicaments essentiels sans cesser d’encourager la recherche médicale. Dans l’idéal, il pourrait être un puissant moteur de croissance facilitant la réalisation des objectifs de développement énoncés dans la Déclaration du Millénaire.
Les objectifs fixés sont raisonnables et réalisables. Toutefois, le succès n’est nullement garanti. Il reste à peine 10 semaines avant la réunion ministérielle de Cancún. Des échéances importantes n’ont pas été respectées. L’heure est venue de faire preuve d’une plus grande souplesse et de privilégier l’intérêt mondial. Le ralentissement du développement économique n’est pas inévitable.
Bien entendu, même si l’on obtient des résultats satisfaisants dans le domaine du commerce, l’aide au développement et l’allégement de la dette demeureront indispensables, particulièrement pour les pays les moins avancés.
Pour stimuler le développement et tirer parti des nouvelles possibilités commerciales, il faut des technologies, des moyens de transport, des capitaux et beaucoup d’autres choses. Dans ce domaine, les pays développés et les organismes d’aide ont une contribution importante à apporter, non pas en s’occupant des tâches essentielles – qui sont de la responsabilité des pays en développement –, mais en aidant à construire les infrastructures, à mettre en valeur les ressources humaines et à adopter des politiques avisées. Pour que l’économie des pays pauvres puisse « décoller », deux portes doivent s’ouvrir : dans les pays développés, celle qui donne accès aux marchés et, dans le monde en développement, celle qui reste trop souvent fermée parce que l’esprit d’entreprise se heurte à des obstacles internes.
Fort heureusement, il semble que le long déclin de l’aide se soit arrêté ; la récession et les coupes budgétaires dans certains des principaux pays membres de l’OCDE continuent néanmoins de peser sur le volume de l’aide. En outre, même si les engagements pris à Monterrey sont honorés, on sera encore bien loin des 100 milliards de dollars par an jugés nécessaires pour atteindre les objectifs du Millénaire. Des propositions très prometteuses, comme celle du Chancelier britannique Gordon Brown sur la création d'un mécanisme de financement international, sont encourageantes et je pense qu'elles devraient permettre d’accroître le volume de l’aide et d’en améliorer la qualité. J’exhorte les donateurs à faire preuve d’ouverture d’esprit et, là encore, à agir dans l’intérêt collectif.
Et le point de convergence de tous ces problèmes, où les besoins sont les plus aigus et les souffrances les plus grandes et où rien ne semble venir à bout de la pauvreté, ce sont les zones rurales dans le monde entier.
Il est donc juste que ce débat de haut niveau soit consacré au développement des zones rurales où vivent les trois quarts des personnes les plus démunies de la planète – c’est-à-dire celles qui vivent avec à peine 1 dollar par jour. Ils sont 900 millions à tirer leurs maigres revenus de l’agriculture et d’autres activités rurales.
Ce sont les premières victimes de la sécheresse, de la désertification et de la dégradation de l’environnement.
Ce sont les fermiers, et surtout les fermières qui voient leur dur labeur anéanti par le protectionnisme, le manque d’infrastructures et, de plus en plus, la propagation du sida.
Ce sont les peuples autochtones, pasteurs, artisans ou pêcheurs, qui luttent pour survivre dans des régions isolées dans l’indifférence quasi générale.
Ce n’est que si les besoins de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants sont satisfaits que nous pourrons véritablement espérer atteindre les objectifs de développement énoncés dans la Déclaration du Millénaire. Ils ont les capacités et la détermination voulues ; donnons-leur les moyens d’agir et ils nous montreront comment combattre la pauvreté et la faim.
Le développement rural exige de plus gros investissements dans la recherche agronomique et la mise au point de variétés à plus fort rendement adaptées aux conditions locales. Il exige en outre une bonne gestion des ressources en eau, de manière que «chaque goutte compte».
Il exige une augmentation des revenus et de l’emploi non agricoles, pour que les pauvres des zones rurales soient moins à la merci d’une mauvaise récolte et d’autres calamités.
Il exige un régime foncier stable, voire une réforme rurale.
Il exige une nouvelle révolution verte, autrement dit une agriculture plus productive et plus écologique.
Il exige que les efforts portent d’abord sur les pays les moins avancés, conformément au plan d’action de Bruxelles, dont vous allez évaluer les progrès pour la première fois ici même.
Et, comme je vous l’ai déjà dit, il exige que les pays développés ouvrent leurs marchés aux produits agricoles des pays en développement, sans opposer d’obstacles directs ou déguisés tels que les subventions.
Tout cela n’est possible que si le développement rural retrouve sa place au centre des efforts de développement. Le net déclin de l’aide à l’agriculture et au développement rural ces dix dernières années nous amène enfin à mesurer toute l’importance qu'elle a pour le processus de développement dans son ensemble. Et s'il est une région du monde où notre détermination sera mise à l’épreuve c’est en Afrique, où le développement rural est paralysé sous l’effet meurtrier de l’insécurité alimentaire et du sida.
Principal organe de l’ONU responsable des politiques de développement et de la cohérence des politiques, le Conseil économique et social doit faire en sorte que le système des Nations Unies mette tout en œuvre pour relever ces défis de manière intégrée et en coopération avec tous ses partenaires.
Dans cet espoir, je vous souhaite tout le succès possible dans vos délibérations.»

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