Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Chili : le jugement rendu concernant l’opération Condor est une victoire pour le principe de responsabilité, selon Volker Türk
15 décembre 2023
GENÈVE (le 15 décembre 2023) – Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk a salué aujourd’hui le jugement de la Cour suprême du Chili concernant l’opération Condor, une campagne tristement célèbre coordonnée par les dictatures d’Amérique du Sud dans les années 1970 et 1980 pour persécuter les opposants politiques et les dissidents, comme une étape phare en faveur de l’établissement des responsabilités pour des milliers de victimes.
Les anciennes dictatures d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Chili, du Paraguay et de l’Uruguay ont mis en œuvre l’opération Condor pour rechercher, persécuter, torturer, tuer sommairement et faire disparaître des personnes perçues comme des dissidents dans toute la région. Ils ont utilisé de multiples tactiques pour les éliminer, notamment en jetant des personnes d’avions et d’hélicoptères.
Le 14 décembre, dans un arrêt unanime, la Cour suprême du Chili a confirmé la condamnation de 22 agents de l’ancienne direction du renseignement national (DINA) pour l’enlèvement et l’assassinat de certaines victimes de l’opération Condor, et a ordonné des mesures de réparation.
« La cruauté calculée de ces dictatures a continué à avoir un impact profond sur les familles de celles et ceux qui ont subi ces graves violations des droits humains, sur les sociétés et sur l’histoire de la région », a déclaré M. Türk.
« Je rends hommage aux victimes et aux familles qui, depuis des décennies, recherchent courageusement et sans relâche la vérité, la justice et des réparations pour leurs proches victimes de disparition forcée. J’espère que ce jugement donnera un nouvel élan aux efforts menés pour assurer le respect du principe de responsabilité dans la région. Cela est essentiel pour garantir que des violations aussi flagrantes ne se reproduisent pas à l’avenir. »
Le jugement concernant l’opération Condor est le dernier en date rendu par les tribunaux chiliens au cours des derniers mois dans des affaires de crimes contre l’humanité.
On peut également citer l’opération Colombo, une opération menée par la DINA en collaboration avec ses homologues argentins et brésiliens pour rechercher et faire disparaître des opposants tout en informant publiquement qu’ils étaient morts lors d’affrontements armés avec des forces de sécurité étrangères ou qu’ils avaient été victimes de purges internes ; la Caravane de la mort, impliquant un général et trois officiers de l’armée qui ont parcouru le pays en exécutant systématiquement des prisonniers politiques et des opposants présumés au régime ; ainsi que la Conférence II, Paine, Fuente Ovejuna, Víctor Jara et Littré Quiroga, et Carmelo Soria.
« Les victimes et leurs familles attendent depuis trop longtemps (un demi-siècle) de connaître la vérité et d’obtenir justice et réparation pour les graves violations des droits humains commises pendant la dictature », a déclaré M. Türk.
Selon les données officielles, plus de 3 200 personnes ont été tuées pendant la dictature militaire de 1973 à 1990, et la moitié d’entre elles auraient été victimes de disparitions forcées.
Volker Türk a également reconnu les progrès réalisés par le Chili sur d’autres piliers de la justice transitionnelle, en cette année du cinquantième anniversaire du coup d’État militaire de 1973, notamment l’adoption par l’État du Plan national de recherche. En outre, l’arrêt indique clairement que l’État a l’obligation de rechercher les victimes et que cette obligation ne s’arrête pas avec l’ouverture ou l’achèvement d’une enquête pénale.
« Les dossiers essentiels contenant des témoignages et des déclarations de victimes de la torture et de l’emprisonnement politique qui sont encore sous scellés doivent être accessibles immédiatement, et toutes les institutions de l’État doivent coopérer à cet objectif », a déclaré le Haut-Commissaire.
« Il est temps de connaître le sort de toutes les personnes disparues et de savoir où elles se trouvent, y compris les bébés qui ont été enlevés à leurs parents. »