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Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne la société civile s’agissant de la Finlande, de l’Arménie, de Saint-Kitts-et-Nevis et de la Belgique
10 octobre 2022
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a auditionné, cet après-midi, les représentants de la société civile s’agissant de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports doivent être examinés cette semaine, à savoir la Finlande, l’Arménie, Saint-Kitts-et-Nevis et la Belgique.
En ce qui concerne la Finlande, a particulièrement été dénoncée la prévalence de la violence sexuelle contre les femmes, en particulier les femmes et les filles handicapées. Des préoccupations ont également été exprimées concernant la discrimination contre les femmes racialisées dans le monde du travail, ou encore la non-incrimination du mariage forcé.
Pour ce qui est de l’Arménie, il a été regretté que les sanctions contre les violences familiales prévues par le Code pénal ne soient pas assez sévères et il a été recommandé que l’Arménie renforce la loi contre la violence domestique, vu l’ampleur du problème dans le pays, et se dote d’un organe sur l’égalité chargé de lutter contre la discrimination. Des préoccupations ont également été exprimées s’agissant de la législation visant à lutter contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
S’agissant de Saint-Kitts-et-Nevis, une organisation non gouvernementale a attiré l’attention du Comité sur le risque que cinq femmes condamnées à mort à Saint-Kitts-et-Nevis ne soient exécutées par pendaison. L’ONG a aussi déploré les conditions de détention dans les prisons du pays.
Pour ce qui est de la Belgique, des préoccupations ont été exprimées s’agissant de la violence conjugale – qu’une ONG a jugée très présente et peu condamnée –, du sort des femmes et filles prostituées suite à la dépénalisation de la prostitution, des lacunes dans la protection des minorités nationales en Belgique, de la détention systématique des réfugiés et demandeurs d’asile à la frontière, du sort difficile des femmes migrantes privées de papiers et sans recours face à la violence qu’elles subissent, ou encore des traitements imposés à des personnes handicapées.
Plusieurs membres du Comité ont ensuite posé des questions aux représentants de la société civile.
Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Finlande.
Auditions des représentants de la société civile
S’agissant de la Finlande
Coalition of Finnish Women a d’abord fait état d’une tendance inquiétante au harcèlement sexuel et aux violences sexuelles contre les femmes et les filles handicapées en Finlande. L’organisation non gouvernementale (ONG) a également déploré que le Gouvernement finlandais ait retiré, pour des raisons politiques, une proposition de créer un observatoire de l’égalité salariale entre les sexes. L’organisation a par ailleurs recommandé au Gouvernement de sanctionner les discours de haine contre les femmes – des discours qui les dissuadent de participer à la vie publique.
La Ligue finlandaise des droits humains a pour sa part regretté que le mariage forcé ne soit toujours pas criminalisé en Finlande et que l’obligation faite aux travailleurs sociaux de dénoncer les mutilations génitales féminines ne soit pas respectée.
Amnesty International a constaté que la prévalence de la violence sexuelle contre les femmes en Finlande était élevée, en particulier à l’encontre des femmes et des filles handicapées. L’ONG s’est félicitée que le Parlement finlandais ait adopté une nouvelle loi sur les délits sexuels et que l'élément central de la définition légale du viol soit le manque de consentement évalué dans le contexte des circonstances environnantes. Cependant, a-t-elle ajouté, lorsque l'auteur abuse de sa position d'autorité – pour agresser une personne hospitalisée, par exemple – le crime est toujours défini comme un abus sexuel, et non comme un viol. L’organisation a en outre recommandé de modifier la loi relative à la médiation, afin que cette démarche ne puisse plus entraîner l'abandon des enquêtes et des poursuites pénales dans les affaires de violence contre les femmes.
Enfin, Fem-R a attiré l’attention du Conseil sur la discrimination contre les femmes racialisées dans le monde du travail, en particulier, avec des répercussions négatives sur leur capacité à gagner leur vie et à s’intégrer dans la société. Cette situation a été aggravée par la pandémie de COVID-19, a fait observer l’ONG.
MME MARJO RANTALA, du bureau de l’Ombudsman finlandais pour la non-discrimination, après avoir fait état d’une progression de la violence sexiste à l’égard des femmes en Finlande, a regretté que le Gouvernement ne tienne pas de statistiques sur ce problème. Elle a plaidé pour la création d’un mécanisme chargé de coordonner la lutte contre les violences familiales. Mme Rantala a aussi fait état d’un harcèlement sexuel très répandu dans le pays.
MME LEENA LEIKAS, Experte principale au Centre finlandais des droits de l'homme, a regretté que les structures des droits de l'homme en Finlande soient fragmentées, et que les ressources et l'expertise soient dispersées entre plusieurs acteurs, ce qui risque d'affaiblir l'efficacité des structures. Elle a recommandé que les autorités réfléchissent davantage aux conséquences de leurs programmes et mesures sur l’exercice des droits des femmes et des filles. D’autres préoccupations du Centre concernent la situation des individus intersexes, en particulier les enfants, dont certains sont encore contraints de subir des opérations chirurgicales superflues.
Une experte du Comité a demandé aux organisations non gouvernementales s’il était prévu de modifier le Code pénal s’agissant de la poursuite du viol imputable à une personne ayant autorité sur la victime.
S’agissant de l’Arménie
Women's Resource Centera fait observer que le changement de gouvernement en Arménie en 2018 avait d’abord entraîné une certaine amélioration dans la représentation des femmes, mais que la guerre avait modifié les priorités. L’ONG a constaté que le projet de loi sur l’égalité entre les sexes qui est en discussion ne créait pas de mécanisme de protection contre la discrimination envers les femmes dans l’emploi, tandis que la loi ne contient aucune disposition contre le harcèlement sexuel au travail. Le Gouvernement arménien devrait faire en sorte que les victimes aient accès à des recours effectifs à cet égard.
L’ONG a par ailleurs regretté que les sanctions contre les violences familiales prévues par le Code pénal ne soient pas assez sévères. La loi pose aussi des obstacles pratiques et juridiques qui empêchent les victimes de violences sexuelles d’obtenir justice et réparation, a-t-elle observé. D’autres préoccupations de l’ONG ont porté sur la couverture des besoins sociaux et sanitaires des femmes vivant dans les zones proches de la ligne de conflit avec l’Azerbaïdjan.
New Generation Humanitarian NGO and Eurasian Coalition on Health, Rights, Gender and Sexual Diversity a fait observer que la loi actuelle contre la discrimination envers les femmes lesbiennes et les transgenres n’avait toujours pas été adoptée. Le projet omet, quoi qu’il en soit, les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, a regretté l’ONG : les femmes lesbiennes ne disposent ainsi d’aucun recours juridique contre la discrimination. Des lois devraient être adoptées pour protéger la santé des femmes trans, a demandé l’ONG. Le transsexualisme ne devrait plus être un motif de placement à l’hôpital psychiatrique, a-t-elle aussi plaidé.
MME KRISTINNE GRIGORYAN, Défenseuse des droits de l'Arménie, a recommandé que le pays se dote d’un organe sur l’égalité chargé de lutter contre la discrimination. Elle a également recommandé que l’Arménie renforce la loi contre la violence domestique, vu l’ampleur du problème dans le pays, et qu’il ouvre de nouveaux centres d’accueil pour victimes à travers tout le pays. L’accès à ces centres devrait être garanti aux personnes handicapées victimes de violence familiale, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement devrait aussi sensibiliser la population au rôle que les femmes peuvent jouer dans la société.
Une experte du Comité s’est enquise de la situation juridique des personnes déplacées à l’intérieur du pays en raison de la guerre aux frontières.
S’agissant de Saint-Kitts-et-Nevis
Greater Caribbean For Life & Advocates for Human Rightsa attiré l’attention du Comité sur le risque que cinq femmes condamnées à mort à Saint-Kitts-et-Nevis ne soient exécutées par pendaison. L’ONG a aussi déploré les conditions de détention dans les prisons du pays.
Une experte du Comité a demandé s’il était prévu d’assouplir les règles régissant l’avortement à Saint-Kitts-et-Nevis.
S’agissant de la Belgique
Le Réseau FACES a recommandé que la Belgique mette en place une politique de détection à l’école des violences faites aux enfants (excision, cyberviolence, mariage forcé et inceste, notamment). L’ONG a aussi recommandé que l’État prenne en charge intégralement les victimes et survivantes de la violence et de l’exploitation sexuelles, et qu’il mène des campagnes de sensibilisation dans ce domaine. Des formations devraient aussi être organisées sur la prévention des violences au travail, a-t-elle plaidé. La violence conjugale est très présente et peu condamnée en Belgique, a d’autre part regretté l’ONG.
L’organisation isala asbl a fait part de préoccupations face au sort des femmes et filles prostituées suite à la dépénalisation de la prostitution – une démarche qui, entre autres problèmes, rend impossible de condamner une personne qui incite autrui à se prostituer et, ce faisant, l’exploite.
L’Association pour la promotion de la francophonie en Flandre (APFF) et l'Association pour la promotion des droits de l'homme et des minorités (ADHUM) ont fait état de lacunes dans la protection des minorités nationales en Belgique, en particulier le fait que 21 ans après avoir signé la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, la Belgique ne l'a toujours pas ratifiée.
Feminist for a People’s Vaccinea recommandé que la Belgique applique à sa gestion des vaccins une approche de bien public, afin que les vaccins puissent être produits plus facilement et favoriser ainsi la santé des femmes, en Belgique et à l’étranger.
Nansen Belgique – Conseil belge des réfugiés a regretté que la Belgique détienne systématiquement tous les réfugiés et demandeurs d’asile à la frontière : le Comité devrait demander au pays combien de femmes migrantes sont concernées et quels moyens sont engagés pour déterminer les besoins des femmes qui demandent l’asile.
Migrant Women’s Group/Coalición Nacional de Mujeres del Ecuador a attiré l’attention du Comité sur le sort difficile des femmes migrantes en Belgique privées de papiers et sans recours face à la violence qu’elles subissent.
MME JOZEFIEN VAN CAENEGHEM, juriste à l’Institut fédéral belge pour la protection et la promotion des droits humains, a salué la volonté affichée par les autorités belges de lever la prescription sur certain crimes commis contre les femmes et les enfants. Elle a par ailleurs insisté sur l’importance de mieux tenir compte, dans les politiques publiques sur le climat, des besoins des familles dirigées par les femmes. Elle a également déploré les attaques subies par les femmes journalistes en Belgique et la pauvreté dont les femmes souffrent davantage que les hommes.
M. PATRICK CHARLIER, Directeur du Centre interfédéral belge pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et la discrimination, a d’abord regretté que les statistiques publiques, très éparpillées, ne puissent fonder les politiques publiques. Il a ensuite fait état de traitements imposés à des personnes handicapées, y compris des stérilisations forcées exigées par certaines institutions de prise en charge comme condition d’accueil. Les femmes ayant un handicap sont souvent doublement discriminées, un problème qui n’est pas encore pris en compte par la loi fédérale, a d’autre part relevé M. Charlier. Par ailleurs, a-t-il ajouté, les femmes se trouvant en situation irrégulière de séjour en Belgique sont, en pratique, confrontées à des obstacles dans l’accès à l’interruption volontaire de grossesse dans le délai de douze semaines.
Un expert du Comité s’est interrogé sur la place des femmes dans le secteur bancaire et dans la création d’entreprises en Belgique. Une experte a demandé comment le Gouvernement fédéral tenait compte des contributions des organisations de femmes. Une autre a voulu savoir si le nombre de femmes se rendant aux Pays-Bas pour y subir des avortements avait baissé ou augmenté.
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