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Examen du rapport du Sénégal devant le CEDAW : la loi sur la parité dans les institutions électives a permis des progrès, mais son impact au niveau local reste insuffisant
10 février 2022
Lors de l’examen, aujourd’hui, du rapport présenté par le Sénégal au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes , une experte du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a salué les progrès du pays pour ce qui est de l’amélioration de la représentation des femmes en politique. En effet, a-t-elle fait observer, la « Loi sur la parité absolue homme-femme » (2010) dans toutes les institutions électives a permis au Sénégal de se hisser au septième rang mondial pour la représentation des femmes au Parlement. Malgré cela, a toutefois relevé l’experte, on perçoit un manque de femmes en politique aux niveaux provincial et local et, plus largement, une sous-représentation des femmes travaillant dans le secteur public.
Un autre membre du Comité a lui aussi relevé que l'application de la Loi sur la parité avait permis de « corriger sensiblement mais pas complètement » les déséquilibres concernant la représentation des femmes dans les instances décisionnelles nationales et locales. Incontestablement, cette loi sur la parité suscite des résistances, a-t-il insisté, donnant pour exemple le fait que sur les 559 collectivités locales que compte le Sénégal, seules quinze sont dirigées par des femmes.
Une experte du Comité a salué les très nombreuses avancées sur l’égalité réalisées par le pays concernant les domaines clefs que sont notamment le travail, la lutte contre la violence et la parité – des avancées qui ont souvent eu valeur d’exemple. Mais, de manière paradoxale, a ajouté cette experte, l’examen du rapport montre « la persistance de dispositions discriminatoires dans des secteurs structurels, notamment le Code de la famille et l’accès des femmes et des filles à leurs droits sexuels et procréatifs ».
Au cours du dialogue qui s’est noué entre les membres du Comité et la délégation sénégalaise venue présenter le rapport du pays, une experte du Comité attiré l’attention sur le fait que le taux de prévalence des mutilations génitales féminines dans la tranche d'âge des 0-14 ans n’a que faiblement baissé ces dernières années. Il a été recommandé au Sénégal d’adopter une loi générale contre toutes les violences faites aux femmes, y compris les pratiques néfastes.
Au sein du couple, l’autorité parentale est toujours détenue par le mari et en outre, le fait que la polygamie ne soit possible que pour les hommes est discriminatoire envers les femmes, a-t-il par ailleurs été observé.
Une experte a en outre fait part de sa vive préoccupation devant « la prolifération des discours de haine et d'incitation à la violence contre la communauté LGBTI dans les médias » au Sénégal, en particulier depuis le 23 mai 2021, date à laquelle ont eu lieu des manifestations de masse appelant à la criminalisation de l'homosexualité.
Présentant le rapport de son pays, la Ministre de la femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants du Sénégal, Mme Ndèye Saly Diop Dieng, a déclaré que l’élimination des discriminations à l’égard des femmes est reconnue comme un enjeu structurant des politiques nationales de développement du Sénégal. Elle a ensuite présenté plusieurs « actions transversales » ayant comme finalité le renforcement de la protection sociale et l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base pour les femmes. Elle a par ailleurs souligné que le Sénégal s’est doté d’une stratégie nationale pour l’autonomisation économique des femmes. Le Sénégal s’attelle à accompagner l’application de la Loi sur la parité homme-femme dans les institutions totalement ou partiellement électives à travers des programmes de renforcement des capacités des femmes en politique, a d’autre part fait savoir la Ministre.
Concernant la protection juridique et la lutte contre les violences basées sur le genre, a indiqué Mme Diop Dieng, les dernières avancées sont l’adoption de la loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie (2020) ainsi que l’expérimentation, dans la dynamique de la lutte contre la COVID-19, d’une plate-forme électronique de signalement anonyme des cas de violences basées sur le genre (depuis novembre 2021).
Pour l’avenir, le Gouvernement sénégalais, en collaboration avec le mouvement associatif féminin, a identifié des perspectives de nouvelles avancées, notamment un programme national de création d’industries de transformation des produits agricoles pour élargir les opportunités d’emplois et de production de richesse pour les femmes et les filles ; ou encore l’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes, a indiqué la Ministre.
Pendant le débat avec les experts du Comité, la délégation sénégalaise a par ailleurs indiqué que le Sénégal n’avait pas d’agenda pour réformer le Code de la famille, qui est le fruit d’un consensus national ayant bénéficié de l’expertise de juristes et de leaders religieux et coutumiers, toutes obédiences confondues.
Outre Mme Diop Dieng, la délégation sénégalaise était aussi composée de M. Coly Seck, Représentant permanent du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants des Ministères de la femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants ; des affaires étrangères ; de la justice ; de l’intérieur ; de l’éducation ; du travail ; de l’environnement et du développement durable ; de l’agriculture et de l’équipement rural ; ainsi que de la santé et de l’action sociale.
Demain matin, à partir de 11 heures, le Comité examinera le rapport de l’Ouganda ( CEDAW/C/UGA/8-9 ).
Examen du rapport
Le Comité était saisi du huitième rapport périodique du Sénégal ( CEDAW/C/SEN/8 ), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation
Le rapport a été présenté par MME NDÈYE SALY DIOP DIENG, Ministre de la femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants du Sénégal, cheffe de la délégation. La Ministre a d’abord fait état d’une volonté politique de son pays « d’inscrire la composante féminine dans une courbe de progrès constant à travers la correction des inégalités de genre et la réduction progressive des obstacles qui pèsent sur la vie et l’avenir des femmes et des filles ». C’est pourquoi l’élimination des discriminations à l’égard des femmes est reconnue comme un enjeu structurant des politiques nationales de développement économique et social du Sénégal, a ajouté la Ministre.
Ainsi, a expliqué Mme Diop Dieng, « partant du principe, consacré par la Constitution, de l’égalité en droit entre les hommes et les femmes, le Plan Sénégal émergent vise l’avènement d’une société solidaire […] assise sur le respect différencié des besoins et aspirations des femmes à travers des actions transversales et des actions sectorielles ». La Ministre a ensuite présenté plusieurs de ces « actions transversales » ayant comme finalité le renforcement de la protection sociale et l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base, telles que la création de la Délégation à l’entreprenariat rapide des femmes et jeunes (DER/FJ), visant à élargir l’accès au financement de leurs activités génératrices de revenus et de leurs projets.
Face à la pandémie de COVID-19, le Sénégal a adopté un « Programme de résilience économique et sociale » qui s’est traduit, notamment, par l’appui à la résilience de plus de dix mille femmes et jeunes vulnérables et par la subvention de mille unités économiques de femmes entrepreneures du secteur informel impactées par la COVID-19.
Mme Diop Deng a aussi mis en avant les progrès réalisés en matière de droits sociaux, grâce notamment à l’adoption du Plan stratégique global pour la santé en matière de santé de la reproduction, de santé maternelle, néonatale, des enfants et des adolescents (2016-2020) ; ou encore la prise en compte du genre dans le Plan National du développement sanitaire et social (2019-2024).
En matière d’éducation, le Gouvernement a renforcé la présence des filles dans les filières scientifiques et technologiques, avec notamment les programmes de bourses d’excellence destinées aux filles dans ces filières qui sont issues de familles défavorisées. Compte tenu du fait que les filles et les femmes sont peu nombreuses dans les filières techniques et industrielles, avec un taux [de représentation] de 38%, « une discrimination positive » est pratiquée pour promouvoir leur accès, leur maintien et leur réussite dans ces filières, a ajouté la Ministre.
S’agissant des droits économiques, le Sénégal s’est doté d’une stratégie nationale pour l’autonomisation économique des femmes (SNAEF), qui doit permettre aux femmes et aux filles de se hisser au niveau des entreprises de taille intermédiaire afin de contribuer à la création de richesses et d’emplois.
En ce qui concerne les droits civils et politiques, le Sénégal s’attelle à accompagner l’application de la Loi sur la parité homme-femme dans les institutions totalement ou partiellement électives à travers des programmes de renforcement des capacités des femmes en politique, a notamment fait savoir la Ministre.
Concernant la protection juridique et la lutte contre les violences basées sur le genre, les dernières avancées sont l’adoption de la loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie (2020) ainsi que l’expérimentation, dans la dynamique de la lutte contre la COVID-19, d’une plate-forme électronique de signalement anonyme des cas de violences basées sur le genre (depuis novembre 2021).
Sur le plan sécuritaire, un autre progrès a été la nomination de la première femme commandante de contingent dans les opérations de maintien de la paix en République démocratique du Congo, en 2021, a aussi fait savoir la Ministre.
Pour l’avenir, le Gouvernement sénégalais, en collaboration avec le mouvement associatif féminin, a identifié des perspectives de nouvelles avancées, notamment un programme national de création d’industries de transformation des produits agricoles pour élargir les opportunités d’emplois et de production de richesse pour les femmes et les filles ; ou encore l’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes, a conclu Mme Diop Dieng.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte du Comité a salué les très nombreuses avancées sur l’égalité réalisées par le Sénégal, qui ont souvent eu valeur d’exemple, concernant les domaines clefs que sont notamment le travail, la lutte contre la violence et la parité. Mais, de manière paradoxale, a fait remarquer l’experte, l’examen du rapport montre « la persistance de dispositions discriminatoires dans des secteurs structurels, notamment le Code de la famille et l’accès des femmes et des filles à leurs droits sexuels et procréatifs ».
L’experte a demandé quelles suites seraient données, au point de vue législatif, à la formulation des observations finales du Comité, et quelles initiatives seraient lancées pour donner effet aux recommandations de cet organe. Elle a aussi demandé des informations sur la participation de la société civile à l’application des recommandations [du Comité] et au mécanisme de coordination qui sera mis en place.
D’autre part, a ajouté l’experte, si la Constitution du Sénégal pose (en son article 7) le principe d’égalité, le Comité restera très attentif à l’adoption d’une définition de la discrimination directe et indirecte conforme à la Convention, afin de viser tous les chefs de discrimination qui peuvent affecter particulièrement les femmes.
La même experte a demandé si le mandat de la commission nationale des droits de l’homme serait consolidé de telle sorte qu’elle réponde aux critères d’attribution du statut « A » au titre des Principes de Paris.
La Convention est rarement invoquée devant les tribunaux sénégalais, a en outre fait observer l’experte. Elle a par ailleurs demandé comment serait financée « l’excellente réforme de l’aide juridictionnelle » et si cette réforme toucherait aussi les populations rurales.
Une autre experte du Comité a demandé comment l’État sénégalais veillait à la coordination des multiples mécanismes existants en matière d’égalité entre les sexes, et a souhaité savoir ce qu’il en était de la coordination et du suivi de la Stratégie nationale de l’équité et de l’égalité de genre (SNEEG). L’experte a elle aussi fait remarquer que s’il y avait eu des progrès au Sénégal s’agissant des droits de la femme – comme l’adoption de décrets relatifs au travail ou encore la loi sur la parité absolue homme-femme –, des problèmes demeuraient néanmoins. Elle s’est par ailleurs interrogée sur le rôle du Mécanisme national de promotion des droits de la femme.
Une experte a constaté que, selon le Code du travail, les femmes ne peuvent occuper que des « emplois appropriés », à savoir ceux qui ne sont pas au-dessus de leurs forces, ce qui restreint l'accès des femmes à l'emploi.
Une autre experte a félicité le Sénégal pour la validation récente de la troisième stratégie nationale de lutte contre les mutilations génitales féminines, assortie de son plan d’action 2022-2026. Toutefois, a regretté l’experte, le taux de prévalence des mutilations génitales féminines dans la tranche d'âge des 0-14 ans n’a que faiblement baissé ces dernières années ; une aggravation est évidente pendant la pandémie, en raison de l’isolement et de la non-fréquentation des écoles.
Pour les autres formes de violences – la violence conjugale sous toutes ses formes, par exemple –, demeurent des lacunes législatives, ainsi que des insuffisances dans l’application des lois et dans le domaine statistique. Il faut garantir la sécurité des femmes dans les espaces publics contre les violences et abus sexuels, a ajouté la même experte.
Quel a été l’effet du plan d'action national en matière de prévention de la traite des êtres humains et de protection des victimes, a demandé une experte? Elle a fait observer que la traite des êtres humains à l’intérieur du Sénégal était souvent liée à l’exploitation sexuelle et que la mendicité forcée était la forme de traite la plus répandue au Sénégal. Une campagne de retrait des enfants de la rue, y compris pour ce qui est des victimes de la mendicité forcée, a permis d'identifier et de faire prendre en charge quelque 6000 enfants vulnérables, dont des victimes potentielles de la traite : cependant, aucune enquête criminelle n'a suivi cette campagne, a regretté l’experte.
La même experte a recommandé que le Sénégal adopte une loi générale contre toutes les violences faites aux femmes, y compris les pratiques néfastes, et que le pays introduise des mesures urgentes de protection des femmes confrontées au risque de violences.
Une experte a salué les progrès du Sénégal pour ce qui est de l’amélioration de la représentation des femmes en politique, notamment au niveau fédéral. En effet, la « Loi sur la parité absolue homme-femme » (2010) dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives a permis au Sénégal de se hisser au septième rang mondial pour la représentation des femmes au Parlement, a fait remarquer cette experte. Elle a ajouté que d’autres initiatives visant à former les femmes parlementaires et les candidates aux élections témoignaient, elles aussi, de l'engagement des pouvoirs publics à soutenir les femmes dans l'arène politique. Malgré cela, a relevé l’experte, on perçoit un manque de femmes en politique aux niveaux provincial et local et, plus largement, une sous-représentation des femmes travaillant dans le secteur public – par exemple, seuls 23% des postes d'ambassadeurs du Sénégal sont occupés par des femmes.
Un expert membre du Comité a lui aussi relevé que l'application de la Loi sur la parité avait permis de « corriger sensiblement mais pas complètement » les déséquilibres concernant la représentation des femmes dans les instances décisionnelles nationales et locales. Incontestablement, cette loi sur la parité suscite des résistances, a souligné l’expert, qui en a donné pour exemple le fait que sur les 559 collectivités locales que compte le Sénégal, seules quinze sont dirigées par des femmes, soit un taux de 2,68% seulement.
Une experte a félicité le Sénégal pour ses progrès en matière d’éducation, d’octroi de bourses scolaires aux filles et d’accès de ces dernières aux filières scientifiques. L’experte a cependant constaté que de nombreuses femmes adultes ou âgées étaient toujours analphabètes faute d’avoir pu accéder à l’éducation. Elle a aussi demandé ce qui était fait pour soutenir la scolarité des adolescentes enceintes.
Les taux de mortalité maternelle et de malnutrition restent élevés au Sénégal, a fait remarquer une experte. Elle a en outre demandé ce qui en était de la possibilité d’avortement pour les femmes en cas d’inceste, de viol ou de malformation du fœtus.
Une experte a remarqué que peu de femmes avaient accès à la propriété foncière, ce qui pose la question de l’efficacité de la loi et de l’évolution des mentalités à cet égard.
Une autre experte a demandé comment l’État entendait favoriser la participation des femmes rurales dans la gestion des investissements publics, notamment pour ce qui a trait aux énergies renouvelables, à l'eau potable et aux infrastructures d'irrigation.
La même experte a voulu savoir comment les besoins des femmes privées de liberté étaient pris en compte, alors qu’elles souffrent de mauvaises conditions d'hygiène et d’un manque d’accès aux formations et aux emplois. L’experte a aussi demandé ce que faisait le Sénégal pour éradiquer la croyance selon laquelle les hommes atteints du VIH/sida peuvent être guéris s'ils ont des relations sexuelles avec des femmes et des filles handicapées.
L’experte a enfin fait part de sa vive préoccupation devant « la prolifération des discours de haine et d'incitation à la violence contre la communauté LGBTI dans les médias », en particulier depuis le 23 mai 2021, date à laquelle ont eu lieu des manifestations de masse appelant à la criminalisation de l'homosexualité.
Au sein du couple, l’autorité parentale est toujours détenue par le mari, a constaté une experte du Comité, avant de regretter certains retards pris dans les modifications à apporter au Code de la famille. Le fait que la polygamie ne soit possible que pour les hommes est discriminatoire envers les femmes, a souligné l’experte. Elle a plaidé pour une modification du cadre juridique sénégalais sur ces questions.
Réponses de la délégation
La délégation a fait part de l’existence d’un Conseil consultatif national des droits de l’homme, composé de représentants du Gouvernement, du Parlement et de la société civile, chargé de formuler des recommandations à l’État et d’organiser des formations aux droits humains des femmes et des jeunes filles dans les régions les plus reculées du pays.
La délégation a aussi indiqué qu’un comité avait été chargé de préparer un projet de loi sur le comité sénégalais des droits de l’homme dont l’objectif est que cette institution puisse retrouver son « statut A » au titre des Principes de Paris.
Concernant l’aide juridictionnelle, il a été précisé que le budget y afférent était passé de 450 millions à 800 millions de francs CFA en 2022. Des maisons de justice, ainsi que des centres complémentaires d’écoute et d’accompagnement juridiques, existent au niveau des régions, a en outre indiqué la délégation.
La délégation a aussi évoqué une « dynamique de vulgarisation et de portage des droits des femmes au niveau national ». Le Ministère de la famille déploie un programme de création de centres d’assistance et de formation pour les femmes, appelés à se transformer en centres d’autonomisation de la femme, pour offrir aux femmes et aux filles des paquets de services. Le Sénégal ouvrira aussi des centres départementaux de prise en charge des victimes de violence, a indiqué la délégation.
La loi récente criminalisant le viol et la pédophilie a été traduite en 14 langues locales, a par la suite fait valoir la délégation, avant d’ajouter que cette loi fait partie des lois essentielles pour lutter contre les violences fondées sur le genre.
Le Sénégal a élaboré, dans le cadre de la riposte à la pandémie, un plan d’action contre les violences et le harcèlement visant les femmes, a fait savoir la délégation.
Le Sénégal a aussi lancé un programme ambitieux d’insertion socioéconomique de la jeunesse, a poursuivi la délégation. Le « Plan Sénégal émergent » met en effet la jeunesse et les femmes au premier plan des initiatives de développement et d’autonomisation économique, a-t-elle souligné.
Une volonté politique forte existe de coordonner les mécanismes destinés à faire appliquer les droits des femmes, a assuré la délégation. Le Ministère de la femme assume ce rôle de coordination intersectorielle, a-t-elle précisé. La délégation a aussi mentionné la création de « cellules genre et équité » au sein de chaque ministère pour intégrer la dimension de genre dans toutes les politiques publiques.
L’Observatoire national de la parité exerce un mandat de veille et d’alerte concernant l’exécution des stratégies nationales de promotion des droits des femmes et de la stratégie de genre ; cet Observatoire réfère au chef de l’État, a indiqué la délégation.
Concernant la lutte contre les mutilations génitales féminines, la délégation a souligné que le Sénégal agissait d’abord au niveau législatif, puisque, depuis 1999, la loi sanctionne toute personne convaincue de tels actes. En outre, deux plans d’action ont été menés de 2005 à 2015 ; un troisième plan d’action, mené actuellement, est adossé à une nouvelle stratégie. Les communautés sont sensibilisées et soutenues dans leurs efforts pour renoncer à ces pratiques, a ajouté la délégation. Depuis 2020, neuf cas ont été dénoncés et les personnes coupables ont été sanctionnées, a par ailleurs indiqué la délégation.
Le Gouvernement mise sur des campagnes de sensibilisation contre les stéréotypes traditionnels – des stéréotypes qui expliquent la persistance des mutilations génitales féminines et des mariages précoces, a poursuivi la délégation.
Une experte du Comité s’étant inquiétée de pratiques de harcèlement sexuel de la part de policiers chargés du contrôle des activités des travailleurs et travailleuses du sexe, la délégation a indiqué que toute plainte à cet égard contre un policier était dûment instruite et, si nécessaire, donnait lieu à des poursuites et, le cas échéant, à des sanctions.
Le Gouvernement mène des campagnes de formation et de sensibilisation du personnel judiciaire au problème de la traite des personnes. L’un des problèmes s’agissant de cette question réside dans la qualité des statistiques disponibles : par exemple, nombre de cas de traite sont, dans les faits, qualifiés de proxénétisme, a expliqué la délégation.
La délégation a par ailleurs fait valoir que le Sénégal avait appliqué un cadre de protection des enfants mis en danger par la mendicité. L’action des services de l’État a permis de retirer quelque 5000 enfants des rues où ils vivaient, a-t-elle indiqué.
Concernant la place des femmes dans la diplomatie sénégalaise, la délégation a fait état d’une grande évolution, avec la nomination récente d’une femme comme Ministre des affaires étrangères, ainsi que d’un effort pour améliorer la présence des femmes dans le réseau diplomatique et consulaire. Il existe également une volonté de renforcer la présence des femmes au plus haut niveau de l’État, a ajouté la délégation.
Concernant l’application de la Loi sur la parité absolue homme-femme, la délégation a d’abord précisé que les femmes représentaient 43,3% des parlementaires. Une femme a aussi été nommée à la tête du Conseil économique, social et environnemental. Le Sénégal est conscient des limites dans l’application de ladite loi, laquelle fait l’objet d’une analyse annuelle par l’Observatoire national de la parité déjà mentionné. Des stratégies seront mises en place pour améliorer la place des femmes à la tête des partis politiques, a fait savoir la délégation.
Le Gouvernement procède en ce moment même à une évaluation du nombre des femmes en poste dans l’administration publique, y compris aux échelons de direction. On constate une évolution progressive dans ce domaine, de plus en plus de femmes occupant désormais des postes autrefois monopolisés par des hommes, a assuré la délégation.
Répondant aux questions sur l’éducation, la délégation a indiqué que le Ministère concerné avait créé une Direction de l’alphabétisation et des langues nationales, qui gère actuellement un programme de lutte contre l’analphabétisme parmi les femmes. En outre, a ajouté la délégation, le Ministère de la femme déploie un programme régional de formation professionnelle avec la Banque islamique de développement.
Des initiatives ont été lancées pour favoriser la scolarisation des filles et leur maintien à l’école ; parallèlement, des mesures sont prises pour augmenter le nombre d’enseignantes, a poursuivi la délégation.
S’agissant des grossesses précoces, une circulaire autorise les jeunes filles à suspendre les cours pour des raisons médicales et à reprendre leur parcours scolaire après l’accouchement. Grâce à ces mesures, parmi d’autres, le Sénégal est parvenu à augmenter le taux de scolarisation des filles, a souligné la délégation.
Les femmes ayant abandonné l’école peuvent suivre des formations professionnelles, a d’autre part indiqué la délégation. Les filles sont majoritaires dans l’enseignement professionnel – mais dans les filières traditionnellement « féminines », comme la coiffure, a expliqué la délégation. Moins de 5% des filles étant orientées vers les filières techniques, des mesures de sensibilisation sont prises en direction des familles pour les informer de l’importance de ce type d’enseignement, a-t-elle ajouté.
La délégation a par ailleurs donné des informations sur l’initiative «Écoles des maris» visant à obtenir une plus grande participation des hommes, au niveau communautaire, aux initiatives contre les inégalités de genre et pour la santé procréative. Vu les bons résultats obtenus, ce programme – axé notamment sur la «masculinité positive» – sera étendu à plusieurs régions du pays.
S’agissant des questions de santé, la délégation a notamment expliqué que des mesures avaient été prises pour améliorer l’accès des femmes, des adolescentes et des enfants à une offre de soins de qualité. Les indicateurs montrent un recul régulier du taux de mortalité, par exemple, même si des écarts demeurent, dans ce domaine, au détriment des régions reculées, a précisé la délégation, avant d’ajouter que le programme de «sages-femmes itinérantes» a été lancé pour améliorer la couverture de santé procréative des femmes et jeunes filles vivant dans ces régions, l’accent portant par exemple sur la prévention des grossesses précoces. Le Gouvernement a aussi adopté des mesures pour améliorer la qualité des soins prodigués aux femmes et aux filles pendant la COVID-19, a souligné la délégation.
L’avortement est interdit au Sénégal, sauf si la santé de la mère ou du fœtus est menacée « dans des conditions bien déterminées », a-t-il été précisé.
L’accès à la terre dans des conditions d’égalité, pour les hommes comme pour les femmes, est garanti par la Constitution de 2016, a fait observer la délégation. Pour donner effet à cette disposition, a-t-elle fait valoir, des mesures ont été prises, parmi lesquelles l’adoption de quotas visant à favoriser l’accès des femmes aux terres arables. La délégation a aussi indiqué que le Gouvernement sénégalais menait des initiatives pour augmenter la résilience des femmes rurales face au changement climatique.
Tout est fait pour que les droits des femmes détenues soient conformes aux normes internationales, a par ailleurs assuré la délégation, indiquant que le Sénégal avait ouvert des maisons d’arrêt réservées aux femmes. Ces établissements permettent notamment les visites familiales et la surveillance y est exercée par des femmes, a-t-elle précisé.
La délégation a d’autre part mentionné plusieurs mesures prises en faveur des femmes atteintes d’albinisme, notamment l’octroi de subventions.
Le Gouvernement mène des sensibilisations et des campagnes de communication pour « déconstruire les mentalités » et pour mettre en garde les auteurs de viols de femmes handicapées contre la gravité de ce crime, a par ailleurs souligné la délégation.
Répondant à des observations sur la situation des lesbiennes, la délégation a assuré qu’au Sénégal, toutes les femmes jouissent des mêmes droits d’accéder aux services d’éducation, de santé, de travail et de protection contre toute forme de discrimination et de violence. En vertu du principe de non-discrimination, « le Sénégal n’entretient pas de politique publique de catégorisation de ses cibles ; de plus, aucun besoin dans ce sens n’a été porté à la connaissance des pouvoirs publics pour justifier une protection spécifique » de cette catégorie, a assuré la délégation. Sur les questions de société, a-t-elle ajouté, « le Sénégal est attaché aux principes des droits humains mais aussi et surtout aux valeurs socioculturelles et religieuses qui cimentent la société ».
Des associations religieuses ont manifesté pour réclamer la criminalisation de l’homosexualité au Sénégal, exprimant ainsi leur opinion. Une proposition de loi a été refusée par l’Assemblée nationale, qui est souveraine, a indiqué la délégation.
Répondant à des remarques sur la polygamie, la délégation a fait remarquer qu’avant le mariage, les deux conjoints étaient dûment informés des conséquences juridiques des deux options possibles, conformément aux dispositions du Code de la famille. Le choix du régime matrimonial monogamique constitue un choix irrévocable pour l’homme, a-t-elle expliqué.
Le Code de la famille est le fruit d’un consensus national, ayant bénéficié de l’expertise de juristes et de leaders religieux et coutumiers, toutes obédiences confondues, a souligné la délégation ; le Sénégal n’a pas d’agenda pour le réformer, a-t-elle ajouté.
« Lévirat et sororat sont des pratiques coutumières admises par la religion musulmane » pour protéger les veuves et préserver la famille ainsi que les intérêts des enfants, a expliqué la délégation en réponse aux commentaires de certaines expertes du Comité. Ces pratiques bien encadrées ne peuvent être assimilées à une forme de mariage forcé ou qui irait dans un sens contraire aux intérêts de la femme ou de l’homme qui se remarie sous ce régime, a assuré la délégation.
Remarques de conclusion
MME DIOP DENG a conclu la présentation du rapport de son pays en insistant sur l’importance que le Sénégal attache au mandat du Comité. Le dialogue fructueux qui s’est ici noué autour des droits de la femme a été l’occasion pour l’État de connaître les préoccupations des acteurs. Le Gouvernement est conscient des défis qui l’attendent, mais son attachement aux idéaux d’une société égalitaire (…) le conduit à espérer que tous ces défis seront relevés, a déclaré la Ministre.
MME GLADYS ACOSTA VARGAS, Présidente du Comité, a félicité le Sénégal pour ses progrès et l’a encouragé à tout mettre en œuvre pour donner effet aux recommandations du Comité afin d’assurer une application plus générale de la Convention sur l’ensemble de son territoire, dans l’intérêt de toutes les femmes et de toutes les filles.
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