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Le Comité pour l’élimination de la discrimination tient une réunion informelle avec les États
07 décembre 2018
GENEVE (7 décembre 2018) - Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a tenu, ce matin, une réunion informelle avec les États, en se penchant essentiellement sur trois questions : l’examen du système des organes de traités, qui doit intervenir en 2020 à la demande de l’Assemblée générale (dans le contexte du processus de renforcement desdits organes engagé depuis plusieurs années) ; les mesures prises par les États parties à la Convention pour donner suite aux recommandations du Comité ; et les nouvelles manifestations de discrimination raciale et la résurgence de l’extrémisme.
Il devient de plus en plus difficile de convaincre les gouvernements de soutenir le combat contre le racisme, a fait observer un membre du Comité au cours du débat – « d’où l’importance de renforcer le système des organes de traités », a-t-il ajouté.
S’agissant de l’examen de 2020 du système des organes de traités, M. Silvio Jose Albuquerque E. Silva, « point focal » du Comité sur cette question, a expliqué que cet examen devait être appréhendé dans le contexte des efforts déployés de longue date pour remédier aux problèmes liés, entre autres, au retard dans la présentation des rapports dus par les États parties ; à l’insuffisance des processus de suivi ; aux représailles exercées contre les personnes qui collaborent avec le Comité ; et aux volumes de travail et au manque de ressources. M. Ibrahim Salama, chef du Service des traités et du Conseil des droits de l'homme au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a jugé urgent d’agir pour redonner vie à un système « qui n’est plus viable ». Il a estimé que le succès était possible car, malgré le contexte politique, « les ingrédients d’une solution technique existent déjà ».
S’agissant des mesures prises par les États pour donner suite aux recommandations du Comité, Mme Rita Izsák-Ndiaye, Rapporteuse du Comité, a rappelé à l’intention des États parties que l’examen de leurs rapports n’était qu’une première étape et qu’il leur appartenait ensuite de donner effet aux observations finales qui leur sont adressées par le Comité. Elle a insisté, dans ce contexte, sur l’importance de faire participer la société civile au processus de suivi et de créer, comme l’ont fait certains États, des structures permanentes chargées dudit suivi.
Évoquant les nouvelles manifestations de discrimination raciale et la résurgence de l’extrémisme, Mme Verene Albertha Shepherd, membre du Comité, a déploré un retour en arrière général vers d’anciennes formes coloniales de discrimination. Elle a plaidé pour l’élimination de la discrimination structurelle et des anciennes formes de discrimination raciale. L’experte a regretté en particulier que les Noirs aient un accès limité au travail et au logement dans les pays de l’Union européenne ; les États doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éliminer cette discrimination, qui ne frappe pas seulement les Noirs, a-t-elle demandé. Elle a ensuite déploré que l’antisémitisme soit de nouveau en progression et que la discrimination contre les Dalits ne cesse pas. Mme Shepherd a enfin mis en garde contre la résurgence des propos extrémistes dans le discours politiques.
De nombreux États ont pris part au débat, insistant notamment sur la nécessité de promouvoir une harmonisation des méthodes de travail des différents organes de traités et d’éviter les chevauchements entre eux. Parmi les membres du Comité qui sont intervenus durant la discussion, M. Pastor Elias Murillo Martinez, Vice-Président du Comité, a suggéré aux États parties de réfléchir à l’organisation d’une nouvelle (quatrième) conférence mondiale contre le racisme et la discrimination, après celle qui s’est tenue à Durban en 2001.
Plusieurs membres du Comité ainsi que les représentants des États suivants ont pris part à la discussion : Qatar, Iraq, Venezuela, Norvège, France, État de Palestine, Hongrie, Thaïlande, Islande, Canada, Japon, Israël, Maurice, Jamaïque, Guatemala, Pakistan, Émirats arabes unis, Costa Rica et Cuba.
À l'issue de cette 97ème session, qui doit clore ses travaux en séance publique dans l’après-midi de vendredi prochain (14 décembre), le Comité rendra publiques ses observations finales sur les six pays dont les rapports ont été examinés durant cette session : Qatar, Honduras, Iraq, République de Corée, Albanie et Norvège.
Aperçu de la discussion
Le Président du Comité, M. NOUREDDINE AMIR, a indiqué que le Comité souhaitait entendre les avis des États sur trois sujets : l’examen du système des organes de traités, qui doit intervenir en 2020 à la demande de l’Assemblée générale (dans le contexte du processus de renforcement desdits organes engagé depuis plusieurs années) ; les mesures prises par les États parties à la Convention pour donner suite aux recommandations du Comité ; et les nouvelles manifestations de discrimination raciale et la résurgence de l’extrémisme.
S’agissant de l’examen de 2020 du système des organes de traités, M. SILVIO JOSE ALBUQUERQUE E. SILVA, « point focal » du Comité sur cette question, a d’abord souligné que le Comité n’était pas un organe judiciaire et qu’il avait seulement pour mandat d’évaluer objectivement la manière dont les États appliquent la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il a ensuite expliqué que l’examen de 2020 devait être appréhendé dans le contexte des efforts déployés de longue date pour remédier aux problèmes liés, entre autres, au retard dans la présentation des rapports dus par les États parties ; à l’insuffisance des processus de suivi ; aux représailles exercées contre les personnes qui collaborent avec le Comité ; et aux volumes de travail et au manque de ressources. Les États devraient donc dégager les moyens financiers nécessaires au bon déroulement des travaux des comités – mais sans toucher à l’indépendance de ces organes, a souligné M. Albuquerque.
S’agissant des mesures prises par les États pour donner suite aux recommandations du Comité, MME RITA IZSÁK-NDIAYE, Rapporteuse du Comité, a rappelé à l’intention des États parties que l’examen de leurs rapports n’était qu’une première étape et qu’il leur appartenait ensuite de donner effet aux observations finales qui leur sont adressées par le Comité. Elle a ensuite décrit la procédure suivie par le Comité pour rappeler aux États leurs obligations s’agissant de l’application des recommandations contenues dans les observations finales, et a insisté ce faisant sur l’importance de faire participer la société civile au processus de suivi et de créer, comme l’ont fait certains États, des structures permanentes chargées dudit suivi. Mme Izsák-Ndiaye a encouragé les États à partager leurs expériences et « bonnes pratiques » dans ce domaine.
Évoquant les nouvelles manifestations de discrimination raciale et la résurgence de l’extrémisme, MME VERENE ALBERTHA SHEPHERD, membre du Comité, a déploré un retour en arrière général vers d’anciennes formes coloniales de discrimination. Elle a plaidé pour l’élimination de la discrimination structurelle et des anciennes formes de discrimination raciale. L’experte a regretté en particulier que les Noirs aient un accès limité au travail et au logement dans les pays de l’Union européenne. Les États doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éliminer cette discrimination, qui ne frappe pas seulement les Noirs, a demandé Mme Shepherd. Elle a ensuite déploré que l’antisémitisme soit de nouveau en progression et que la discrimination contre les Dalits ne cesse pas. Mme Shepherd a enfin mis en garde contre la résurgence des propos extrémistes dans le discours politiques – de l’Australie à l’Autriche.
Plusieurs pays ont ensuite pris part au débat. Le Qatar a dénoncé les pratiques des quatre pays qui lui imposent un blocus – pratiques qu’il a jugées discriminatoires car basées sur la seule nationalité qatarienne des personnes visées. Le Qatar a demandé en particulier aux Émirats arabes unis de cesser de discriminer les étudiants qatariens.
L’Iraq a indiqué avoir créé une commission qui est chargée de préparer les rapports devant être remis aux organes de traités et de veiller ensuite à l’application des recommandations reçues desdits organes.
Le Venezuela a réitéré son plein appui au Comité dans la réalisation de son mandat et s’est dit toujours soucieux de respecter ses obligations au titre de la Convention. Le Venezuela vient ainsi – entre autres mesures – de lancer un plan d’action s’inscrivant dans le cadre de Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Le Venezuela continuera de soulever, lors des sessions du Conseil des droits de l’homme, les questions relatives à la lutte contre la discrimination, a assuré sa délégation.
La Norvège a estimé que certains aspects de la réforme des organes de traités pourraient être entérinés et mis en œuvre sans attendre 2020. La Norvège a par ailleurs souhaité connaître les critères officiels permettant de bénéficier de la procédure simplifiée de présentation des rapports.
La France a dit avoir adopté un nouveau plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2018-2020). Ce plan répond aux recommandations adressées par le Comité à la France en 2015, s’agissant notamment du renforcement de la loi et des moyens d’action visant à rendre plus efficace la lutte contre la haine sur Internet. La France a ensuite insisté sur la nécessité de trouver des solutions concrètes pour réduire la complexité des procédures des organes de traités et améliorer la coordination entre eux, ainsi que la cohérence de leurs jurisprudences respectives.
L’État de Palestine a indiqué avoir déposé une plainte contre Israël pour violations de ses obligations au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Israël a en effet adopté en juillet dernier une loi discriminatoire qui accorde certains droits aux juifs exclusivement, a rappelé la délégation palestinienne, avant de dénoncer le fait que la loi entérine la construction de colonies sur des terres volées aux Palestiniens et limite le droit à l’autodétermination au seul peuple juif – « les chrétiens, musulmans et autres non-juifs étant considérés comme des citoyens de seconde zone », a déploré la délégation.
La Hongrie a indiqué que, parmi les trois thèmes du débat de ce matin, elle se concentrerait, en ce qui la concerne, sur l’application des recommandations du Comité.
La Thaïlande a rappelé avoir créé une commission nationale chargée de l’application de la Convention et a indiqué qu’elle présenterait son prochain rapport au Comité dans les plus brefs délais.
L’Islande a jugé très important que le Comité se soit doté d’un point focal pour suivre de près les travaux menés autour du processus d’examen prévu pour 2020. Elle a recommandé au Comité de collaborer avec les autres organes de traités pour harmoniser leurs méthodes de travail respectives.
Le Canada a, lui aussi, plaidé pour une harmonisation des méthodes de travail des organes de traités. Le pays a souhaité connaître le calendrier des prochaines réunions des différents comités consacrées à la rationalisation de leurs méthodes de travail.
Pour renforcer les organes de traités, le Japon a estimé qu’il était nécessaire de commencer à discuter à Genève en 2019 de la manière d’aborder les questions qui seront traitées en 2020 au moment de l’examen (de l’ensemble du processus de renforcement desdits organes). Le Japon a estimé que les différents comités devraient veiller à adresser aux pays des recommandations qui ne se chevauchent pas.
Israël a déploré la tentative de politisation du débat par la délégation palestinienne. Israël s’est ensuite dit pleinement attaché au respect de ses obligations.
Maurice a fait remarquer que la procédure simplifiée de présentation de rapport était très utile pour les petits États insulaires en développement, en particulier.
La Jamaïque a indiqué être prête à soumettre son prochain rapport au Comité en 2019. Le Gouvernement jamaïcain a pris les mesures recommandées par le Comité pour donner effet à la Convention, s’agissant notamment de la création d’une institution nationale de droits de l’homme indépendante et du renforcement de la loi sur les délits contre la personne, a fait valoir la délégation jamaïcaine.
Le Guatemala a demandé ce que devraient être, selon le Comité, les priorités des États dans le cadre de l’examen prévu en 2020 du processus de renforcement des organes de traités. Le Guatemala a ensuite rappelé avoir créé une commission présidentielle chargée de rédiger les rapports et d’assurer le suivi des observations finales adressées au pays par les organes de traités. Le Guatemala s’est aussi doté d’une commission présidentielle contre le racisme, a fait savoir la délégation guatémaltèque.
Le Pakistan a insisté pour que l’examen de 2020 du processus de renforcement des organes de traités soit « inclusif et piloté par les États ».
Les Émirats arabes unis ont regretté que le Qatar ait demandé au Comité de se pencher sur la communication présentée par le Qatar contre les Émirats arabes unis. Les Émirats arabes unis ont demandé au Qatar de respecter les procédures et de laisser le temps au Comité de se prononcer. Ils se sont en outre interrogés sur la différence que fait le Comité entre « nationalité » et « groupe ethnique ».
Le Costa Rica a jugé important de maintenir la retransmission sur le Web des débats du Comité, et des organes de traités en général, afin de garantir la transparence. Le Costa Rica a recommandé aux organes de traités de formuler des recommandations qui ne se chevauchent pas et de tenir compte des capacités organisationnelles des États, ce qui – de l’avis du Costa Rica – suppose une meilleure coordination entre le Secrétariat et les différents comités.
Cuba a constaté que les organes de traités sont tous différents et qu’il est utile de dialoguer avec chacun d’eux pour comprendre ses difficultés. Cuba a dit avoir besoin d’autres informations et propositions s’agissant de l’examen de 2020 du processus de renforcement des organes de traités. Dans ce contexte, a estimé Cuba, il ne faut pas tout reprendre à zéro, mais tirer parti des nombreux travaux déjà accomplis au sein des Nations Unies.
M. ALEXEI AVTONOMOV, membre du Comité, a évoqué les difficultés pratiques qui entravent les travaux des organes de traités, citant notamment les capacités restreintes dont dispose le secrétariat et les restrictions dans l’utilisation des langues de travail. Il a aussi fait remarquer que certains autres comités avaient des prérogatives dépassant celles du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale : ce dernier, par exemple, n’a pas de pouvoir d’enquête, a-t-il fait observer. M. Avtonomov a ensuite rappelé que les États pouvaient recevoir une aide technique pour rédiger leurs rapports.
MME IZSÁK-NDIAYE a, pour sa part, précisé que la procédure simplifiée de présentation de rapport a été offerte d’abord aux États dont la présentation du rapport accuse un retard : sept pays ont accepté la procédure, un pays l’a refusée, et 27 doivent encore communiquer leur décision. En l’état, au vu des moyens à disposition, il est difficile d’offrir cette possibilité (de procédure simplifiée) à tous les États qui le souhaitent, a indiqué la Rapporteuse du Comité. Les organes de traités se réuniront cependant pendant deux jours prochainement pour examiner comment pourraient être harmonisées leurs pratiques dans ce domaine, a fait savoir Mme Izsák-Ndiaye.
MME SHEPHERD a assuré que le Comité était conscient de la faiblesse des capacités dont disposent les petits États insulaires en développement, ce qui est justement l’une des raisons pour lesquelles la procédure simplifiée de présentation de rapports avait été imaginée. Le Comité n’est pas un tribunal, a ensuite rappelé l’experte : il peut soulever certains problèmes avec les États parties et les encourager à prendre les mesures correctives nécessaires afin de combattre l’émergence du racisme et de l’extrémisme. Le Comité s’appuie sur les travaux des autres experts des Nations Unies dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale, a ajouté Mme Shepherd.
L’experte a ensuite estimé que la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine constituait une très bonne occasion pour amener les États à adopter des plans dans ce domaine. Mme Shepherd a par ailleurs fait part de la préoccupation du Comité face à la montée de la discrimination et de l’extrémisme dans le monde.
Pour M. ALBUQUERQUE, il est impossible de parler de l’examen de 2020 sans tenir compte des débats politiques actuels au sein des Nations Unies relativement aux droits de l’homme, dans un contexte où l’on assiste à une redistribution des cartes au niveau international et au recul de l’« esprit de 1948 » [en référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948]. L’expert a insisté sur la nécessité d’œuvrer pour éliminer la discrimination dont souffrent les populations au quotidien.
M. PASTOR ELIAS MURILLO MARTINEZ, Vice-Président du Comité, a invité les États parties à réfléchir à la décision prise en 2015 par les États d’Amérique latine et des Caraïbes d’appeler l’Assemblée générale des Nations Unies à organiser une nouvelle (quatrième) conférence mondiale contre le racisme et la discrimination, après celle qui s’était tenue à Durban en 2001.
M. GUN KUT, membre du Comité, a fait observer qu’il devenait de plus en plus difficile de convaincre les gouvernements de soutenir le combat contre le racisme – « d’où l’importance de renforcer le système des organes de traités », a-t-il souligné. La réussite du Comité dépend de la régularité avec laquelle les États remettent leurs rapports et appliquent les recommandations du Comité, a ajouté M. Kut ; or, certains États n’ont pas remis de rapport depuis quinze ans, a-t-il regretté. Le Comité pourrait traiter davantage de rapports et de manière plus efficace si les États soutenaient davantage le secrétariat, a par ailleurs fait remarquer l’expert.
M. IBRAHIM SALAMA, chef du Service des traités et du Conseil des droits de l'homme au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a insisté sur le fait que le renforcement du système des organes de traités ne nécessitait pas de « réinventer la roue ». Il a jugé urgent d’agir pour redonner vie à un système « qui n’est plus viable » et a estimé que le succès était possible car, malgré le contexte politique, « les ingrédients d’une solution technique existent déjà ».
M. Salama a ensuite notamment plaidé pour un mécanisme de coordination plus efficace que l’actuelle conférence (Réunion annuelle) des présidents des organes de traités ; et pour une meilleure coordination entre « Genève » [où se réunissent les organes de traités] et « New York » [où l’Assemblée générale prend les décisions].
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